Chapitre 16 ~ Mort

Aerys ne se sentait pas bien. Son corps entier était entrecoupé de soubresauts violents. Il s'enfonçait les ongles dans la peau jusqu'à ce que la douleur le réveille. Il n'allait pas mourir. Oh que non. Il avait prévu depuis longtemps une manière de s'en sortir, si jamais cela tournait mal. Cependant, il aurait pensé utiliser cette voie de sortie plutôt dans le cas où les troupes de la rébellion entreraient dans sa ville. Pas en cas de trahison de Tywin.

Il se détestait d'avoir été trahi. De lui avoir fait confiance. Comment avait-il pu croire qu'il tiendrait sa parole ? Qu'il était là pour l'aider ? Cela faisait sûrement des années qu'il préparait sa chute, qu'il complotait contre lui. Ils complotaient tous contre lui, tous ! Il avait été faible, et maintenant le lion était entré dans les rues et il comptait bien tout détruire sur son passage. 

Aerys serra les dents. Il ne devait pas se laisser faire. Il était un dragon, lui. Du lion, il n'en ferait qu'une bouchée. Il soufflerait, soufflerait, jusqu'à ce que le lion s'embrase. D'un feu d'une couleur si particulière. Où étaient ses conseillers ? Ils semblaient avoir tous disparus. Il était seul dans la salle du trône. Désespérément seul. Devant ce trône imposant constitué d'épées. Le trône de Fer. Le roi n'avait jamais aimé ce trône. Il l'avait toujours trouvé un peu apeurant. Les lueurs des combats de la ville le rendait presque terrifiant.

Aerys avait peur. Il avait terriblement peur. Il avait envie de vomir, jusqu'à ne plus en pouvoir. Il se réfugia sur lui-même, les bras autour de ses jambes. Il semblait se bercer, comme un petit enfant. Ses dents claquaient, donnant des bruits à donner la chair de poule à n'importe qui. Il n'avait plus personne à ses côtés. Son fils aîné était mort. Sa femme et son autre fils étaient loin de là, à Peyredragon. Ils seraient sûrement bientôt tués également. Les autres Targaryen étaient morts. Ses conseillers et soldats l'avaient laissé seul. Son meilleur ami, l'une des seules personnes qu'il ait jamais aimé, s'était retourné contre lui, l'avait trahi, et avait une haine fervente contre lui. Son royaume entier le haïssait, le traitait de "roi fou" et s'était rebellé contre lui, tout cela à cause de cette maudite histoire d'amour entre Rhaegar et Lyanna Stark. Il n'aimait pas être seul. Il n'avait jamais aimé être seul.

Mais, depuis son emprisonnement à Sombreval, depuis ces mois de torture sans fin, physique et morale, même au milieu d'une foule, il se sentait toujours seul. Même auprès du feu, il avait encore froid. Même en sécurité, il avait peur. Oui. Aerys était bien un dragon. Mais un dragon blessé qui souffrait terriblement et qui n'arrivait pas à se remettre de sa blessure. Des longues larmes coulèrent sur sa peau abîmée, se mélangeant avec sa barbe émaciée. D'abord doucement. Puis de plus en plus rapidement. 

Aerys pleurait comme le ferait un enfant. Seul, dans cette pièce, il pleurait tout ce qu'il avait perdu. Il pleurait tout ce qu'il était devenu. Il pleurait tout ce qu'il avait vécu. Il pleurait pour tous ces Targaryen, tous ces dragons. Détruits. 

Un jeune homme sortit de l'ombre. Il observait le roi fou depuis un certain temps, déjà. Il était d'une beauté saisissante. Ses traits étaient très fins, si fins qu'on aurait pu dire ceux d'une fille. Il ressemblait, d'une certaine manière, à Rhaegar. Il arborait fièrement l'armure de la Garde Royale. Son épée était couverte de sang. Jaime Lannister.

Aerys se releva brusquement et s'essuya rapidement les yeux. Il avait honte que Jaime l'ait surpris dans cette situation, mais il avait plus important à faire. Il saisit le bras de Jaime très fort. Il y enfonça ses ongles. Il demanda, en haletant :

"Il faut que tu ailles me chercher lord Rossart. C'est mon alchimiste. Dis-lui que c'est le moment de mettre notre plan à exécution !"

Jaime fronça ses doux sourcils. 

"Quel plan ? Je ne comprends pas.

-Nous avons caché du feu grégeois un peu partout dans Port-Réal dans le cas où nous nous retrouvions dans cette situation. Il suffit d'allumer une mèche, et nous pourrions faire brûler la cité entière !"

Aerys avait un sourire fou. Il considérait que c'était sa plus belle invention. Jaime, lui, ne semblait pas comprendre le génie de ce plan.

"Mais, si vous mettez le feu à Port-Réal... Vous aussi vous mourrez brûlé.

-Non, pas moi ! Moi je suis un dragon ! Le feu ne peut me tuer ! Au contraire, il me renforce, il me rend plus fort !"

Ce ne fut qu'à cet instant là qu'Aerys sembla remarquer le sang sur l'épée de Jaime. Il demanda :

"Est-ce le sang de Tywin ?

-Non. 

-Je veux que tu me rapportes la tête de Tywin sur une pique ! Je ne veux pas qu'il brûle comme tous les autres ! Je veux que son propre fils le tue !"

Jaime cligna doucement des yeux. Il prit son temps pour répondre.

"Ce n'est pas le sang de mon père, non. C'est celui de lord Rossart.

-Mais que...

-Désormais, il sera incapable d'exécuter votre plan, j'en ai bien peur."

Jaime s'approcha son épée à la main. Aerys recula brusquement, apeuré. Il y avait une lueur métallique, dure, dans le regard du jeune homme. Il dit, doucement :

"Je ne vous laisserais pas détruire cette ville. Et je vous laisserais encore moins faire du mal à un membre de ma famille !"

Il fit quelques pas de plus. Les deux hommes n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Aerys était à la merci de Jaime. Celui-ci murmura :

"C'est fini pour vous. Vous ne régnerez jamais plus."

D'un geste, il égorgea Aerys. Celui-ci se sentit tomber, lentement. Il entendit sa couronne tomber au sol, faisant un bruit métallique. Il vit son sang lentement se répandre autour de lui, d'un magnifique rouge sombre. 

Il ne parvenait pas à croire qu'il s'était encore fait trahir par un Lannister. D'abord le père, puis le fils. Il se sentait mourir et la seule chose sur laquelle il arrivait à se focaliser, c'était sa colère. La colère d'un dragon. 

Il murmura, chaque mot faisant couler un peu plus le sang hors de sa gorge :

"Les... Targaryen... détruiront... votre... famille... c'est... une... promesse..."

Jaime n'écoutait déjà plus. Aerys poussa un dernier râle et retomba face contre terre. Ses derniers mots furent :

"Je... te... faisais... confiance..."

Il ne bougeait plus. C'était terminé. Aerys II Targaryen, le roi fou, était mort. 

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