Chapitre 3 -partie 1-
Dès que la décision fut prise, il ne fallut pas plus de quelques jours avant que les mesures et les bagages ne furent prêts. La famille d'accueil de Marveen avait été prévenue de son arrivée et avait d'ores et déjà préparé sa chambre... enfin aux dire de Grim.
Quant au jeune garçon et bien... il avait vécu cette semaine dans un état de semi conscience, oubliant parfois que rien de tout ce qui lui était advenu n'était pas qu'un rêve, un songe enfiévré.
L'absence de son père lui pesait. Nul ne lui avait dit où il était mais il était persuadé qu'il s'était rendu à Coquillette, sa terre natale, afin de se rétablir. Il avait eu beau interroger sa mère sur la cause de sa maladie, elle était restée muette et il n'avait pas cherché longtemps avant d'abandonner. Il faut dire que chaque fois qu'il évoquait son père, Aerie se liquéfiait sur place et semblait lutter contre les larmes de colère qu'elle retenait.
Courage, force et résilience étaient ses maîtres mots. Pourtant, sans son meilleur ami, sa carapace avait commencé à se fissurer.
Marveen savait qu'une chose la contrariait. Bien qu'elle tentât de se comporter comme si tout allait bien dans le meilleur des mondes, il n'en était pas moins dupe.
Il avait noté les cernes sous ses yeux, ses ongles écaillés et sa peau moirée qui paraissait chiffonnée. Sans compter que chaque soir, il l'a voyait sur son balcon. Le nez levé vers les Lunes, elle ne se couchait que lorsqu'elles se teintaient du lilas de l'aube. Enveloppée dans une couverture,elle étudiait une pile de dossiers et de livres.
Ses derniers jours ne furent alors pas les plus heureux. Dans les bras de sa mère, il se retenait de penser qu'il s'agirait de la dernière fois qu'elle l'étreignait. Tout avait le goût des dernières fois.
Comme Merlyn, il allait tout quitter. Tout quitter pour ne revenir qu'à la mort de sa famille.
Tout quitter alors qu'il devait avoir encore quatre années voire plus pour se faire à cette idée.
Mais ce temps ne lui avait pas été accordé. Non, cette faveur lui avait été retirée et il devait s'empêcher d'hurler à l'injustice.
Il n'avait plus la force d'être en colère. Il ne voulait pas qu'elle entache la couleur des adieux, des "je t'aime" par milliers que lui murmurait sa mère lorsque le soir, entre deux textes, elle se rendait dans sa chambre et se glissait à ses côtés dans son lit. Lorsque tendrement, elle le serrait dans ses bras de plus en plus menus et lui caressait doucement les cheveux.
Là, dans la noirceur de la nuit, il lui fit promettre de ne pas l'accompagner jusqu'au ponton d'où il larguerait les amarres. Il ne pouvait se résoudre à la laisser derrière lui, à garder comme dernière image son visage défait.
Mais les jours passaient et bientôt, il fallut se quitter.
Alors que les Danjines attendaient sagement amarrés au ponton, une petite dizaine de personnes se pressait autour du jeune garçon, lui prodiguant conseils inutiles et vœux de réussite.
Les soleils brillaient dans le ciel, l'air était moite. L'eau de la rivière scintillait paisiblement et le vent faisait onduler sa surface. Cette journée s'annonçait parfaite... en tout cas pas pour Marveen.
Le garçon, l'air renfrogné, contemplait pour la dernière fois les membres de sa famille ainsi qu'Aenjord. Ce palais qui l'avait vu grandir, qui avait accueilli ses pitreries et bêtises, qui l'avait émerveillé, chaque jour davantage.
Il se força à regarder une à une les différentes tours du palais pour les ancrer dans sa mémoire. Celle de l'Est, avec ses plantes marines qui fleurissaient de sa coupole dorée jusqu'au sol. Celle de l'Ouest, avec ses perles rondes, cachées dans les replis du corail et miroitant au soleil. Il ne voulait pas les oublier. Il ne voulait pas oublier non plus les Ailes du Nord et du Sud, ailes centrales reliées par un pont, fait de rondins et de poussière d'étoiles.
Aenjord. Un patchwork de cultures, de couleurs et de vies. Une unité parfaite dont le rendu illuminait tout le Royaume.
Soudain, il fut pris dans une étreinte puissante. Dilea le serra avec force. Leur relation avait toujours été complice et avec sa mère, ils passaient de nombreuses heures ensemble; à discuter, à rire ou juste à profiter de la chance qu'ils avaient d'être ensemble. La mère de Merlyn le couvrait de baisers tout en lui faisant promettre de ne pas la jeter aux oubliettes et de lui écrire souvent. Il ne put prononcer un mot, tant sa gorge était serrée mais il l'enlaça et enfouit sa tête dans ses cheveux, respirant le parfum de rose des eaux qui la caractérisait.
Lorsqu'enfin, elle mit fin à leurs embrassades, il dut se rendre à l'évidence: il se devait de dire adieu à sa mère.
Il murmura quelques mots à l'oreille de Grim et tous deux se dirigèrent vers l'intérieur du palais. Ils se rendirent au bureau d'Aerie, endroit où elle passait la plus grande partie de ce temps en trottinant. Le grand chambellan n'avait en effet, pas suffisamment de souffle pour s'y rendre en courant. Ainsi, lorsque les deux compères arrivèrent, nul n'était essoufflé ce qui permis au jeune garçon de se jeter avec force dans les bras de sa mère.
Ne prêtant pas attention au décor familier du bureau, ni aux étranges mots et annotations,inscrits sur les murs habituellement immaculés, il ne put se rendre compte de l'état déplorable dans lequel sa mère travaillait.
Aerie,reçut son fils contre elle et chercha à contenir ses larmes. En vain. Ensemble, ils formaient un tout. Ils formaient un univers qui, malgré les embûches, malgré les deuils, devait perpétuer.
Mais comment faire lorsque l'on ne se reverra jamais ? Le fils dans les bras de sa mère, deux coeurs accordés sur la même mélodie.
Le temps suspendit sa course quelques instants , leur laissant un sursis, un présent. Quelques minutes qui pour eux durèrent des heures.
Son visage enfouit dans son cou. Leurs doigts entremêlés. Les larmes mêlées . Et leurs âmes meurtries.
Pourquoi les adieux sont-ils toujours larmoyants ? Pourquoi devons-nous, un jour où l'autre, abandonner les gens qui nous sont chers ?
Même moi, en ma qualité de Gardienne, je ne saurais vous répondre. Car à ces questions, l'on peut donner une réponse. Mais ces dernières ne sont jamais crues.
La veste de la Reine se teinta de pleurs.
Mais lorsque Grim entra pour venir chercher Marveen, il la trouva forte, résignée et majestueuse. Aucune trace de tristesse ne subsistait sur son visage aux traits fins. Seule une froide détermination brillait dans ses yeux et dans ceux de son fils.
Le Peallag sourit intérieurement: tous deux étaient faits de l'écume où naissent les souverains.
*****
Je m'excuse pour le retard, je n'avais pas accès à mon texte pendant ces 10 derniers jours.
Cette partie est un peu courte mais je ne pouvais pas la couper ailleurs.
D'ailleurs, est-ce que vous préférez que je publie chapitre par chapitre ou que je les divise en 2 à chaque fois pour que votre lecture soit plus rapide (soit ce que je fais maintenant) ? Cela voudrait dire passer de 1500 mots en moyenne à 4000 mots par publication.
Sinon, je vous souhaite de bonnes vacances ou une bonne reprise des cours (la rentrée demain, on aime)
N'hésitez pas à voter ou commenter !
A plus,
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