Chapitre 1-partie 2-

Son corps était parcouru de spasmes. 

Sa respiration tremblante.

Des torrents s'échappaient en flots continus et ce pour la deuxième fois de la journée. Il se savait ridicule. Mais ce constat ne l'aidait pas à s'arrêter, ni à alléger sa peine. Loin de là. Si Merlyn avait été là, elle l'aurait rassuré, l'aurait fait rire et aurait soufflé sur ses larmes pour les faire sécher. Elle aurait planifié leur coup du soir, une petite bêtise pouvant aisément passer pour un accident dans la confusion de la fête et qui les aurait divertis au plus haut point. 
Mais elle n'était pas là. Le vide et l'absence la remplaçaient désormais et le jeune garçon se sentait démuni. Il voulait honorer leur tradition, organiser quelque chose, trois fois rien, afin de modifier légèrement le cours du bal.

Cependant, dans son esprit tourmenté par la tristesse , bouillonnant de pleurs encore contenus, seules ses pensées apathiques se faisaient entendre. La solitude le plongeait dans un désert sans fin où l'imagination jamais ne fleurit. Désemparé, il décida de quitter sa chambre et de se rendre à l'unique endroit où il se sentait à sa place: les appartements de sa cousine.

Si vous lui aviez demandé à un autre moment quels étaient ses lieux favoris, il vous aurait probablement parlé du Jardin d'Eau aussi connu sous le nom de Jyïll Sollea ou encore de la Fontaine Écarlate. Sans oublier enfin,, les écuries où séjournaient les Zalliphins.
Mais la tristesse assombrit tout, cela est bien connu. Elle dénature et repeint la réalité à sa guise.

Il sortit sur son balcon, ce dernier donnant sur la cascade qui ruisselait en paillettes argentées. Des xiepfies, sortes de fées miniatures dont les ailes semblaient à s'y méprendre aux nageoires des raies la peuplaient et dévalaient ses quelque quatre mètres de hauteur. Si l'on dressait l'oreille, l'on pouvait entendre leurs gloussements joyeux au travers du susurrement de la chute d'eau.
Marveen enjamba la rambarde qui le séparait de la paroi corallienne dont était faite cette aile du palais et de la cascade. Avec une certaine dextérité, il se saisit d'une branche d'espalette avant de commencer sa descente. Cette espèce de plante grimpante dont la couleur rosée et parme se mêlait au corail assurait la sécurité des habitants du palais. En effet, bien que se rendre d'un étage à l'autre en suivant un escalier caché derrière une cascade possédait un certain charme, cela n'en était pas moins dangereux. La présence des xiepfies permettait, par ailleurs, d'éviter certains accidents. Bien que minuscules, leur force n'en demeurait pas moins spectaculaire. A vrai dire, nul ne pouvait rivaliser contre elles.
Leur nage indolente, leurs membres graciles dénotaient avec leurs dents effilées et leur chevelure essentiellement composée de coraux blanchis. Leur ressemblance avec le Grand Chambellan était frappante, bien que ce dernier fut plus grand qu'elles (bien que plus petit que la moyenne) et ne possédait pas d'ailes. Marveen oubliait souvent que son ami, s'il pouvait le nommer ainsi, avait du sang xiepfie mais à chaque conversation avec les petites créatures, ce constat le frappait de plein fouet. En effet, ils possédaient le même sens de l'humour décalé et assez noir qui, pour la plupart des personnes, était incompréhensible.

Une fois arrivée au troisième étage, il lâcha l'espalette, quitta le renfoncement après avoir salué ses compagnes de voyage et atterrit après un léger vol plané sur le rebord de la fenêtre. Il la fit coulisser doucement et s'engouffra à l'intérieur de la chambre de Merlyn. A bien y penser, la pièce n'avait de chambre que le nom.

A peine fut-il sorti de l'ombre humide qu'il émergea dans une jungle florissante où seules des dalles noircies par la terre indiquait le chemin. Tout autour de lui, des plantes turquoises, azur, vertes et or se côtoyaient, prenaient le soleil ou au contraire, s'abritaient sous une espèce plus grande. Une symbiose teintée de respect y régnait. Un pied après l'autre, il avança sur le sentier de pierres. A sa gauche, un immense Berlossier déployait ses palmes violettes qui retombaient en cascade jusqu'au sol, s'enroulant parfois autour de son tronc gigantesque où des petites arabesques argentées prenaient place. Marveen savait que s'il s'approchait de plus près, il pourrait distinguer les dizaines d'autres micro-organismes qui l'habitaient. Au pied de l'arbre, des buissons de Julizae couraient gaiement, parsemant la terre de pétales écarlates et de paillettes moirées. A sa droite, une plante chétive tentait tant bien que mal de se frayer un chemin à travers la beauté luxuriante de cette jungle peu habituelle. Ses membres graciles semblaient se perdre au milieu des autres, dont les troncs et racines étaient plus épais et puissants. Ses couleurs passaient inaperçues, au milieu du tumulte ambiant et du déploiement d'artifices dont faisaient preuve ses voisines. Avec ses pales branches bleutées, ses feuilles d'un bleu nuit commun et ses quelques fruits poussant ici et là, le Masle ne payait pas de mine aux premiers abords. Pourtant, il avait survécu à de nombreux drames et alors que d'autres avaient dépéri, il était resté. Stoïque, pliant sous le poids des contraintes que pouvaient lui imposer le climat, la température ou le manque d'eau. Il en était sorti plus fort, plus résistant. Ce témoignage de résilience rendait Merlyn admirative. Peu pouvait se targuer d'avoir survécu et de s'être battu avec la fougue et le courage de cette plante. Ainsi, le jour où elle avait dû forger sa première lame, elle avait gravé une de ses branches sur le manche pour ne pas oublier, disait-elle, que résilience et fougue se trouvaient souvent là où l'on s'y attendait le moins.

Marveen se fraya un chemin jusqu'à elle. Ce chemin qu'il avait parcouru maintes fois, il aurait pu le parcourir les yeux fermés. Il ne piétina aucune plante, n'écrasa aucun pétale. Certes, il n'avait pas la grâce et la délicatesse de sa cousine mais ces années passées à se réfugier ici lui avaient au moins appris quelque chose.

Il ne mit que quelques minutes avant de l'atteindre

Puis, il s'écroula.

Tout bonnement.

Il s'adossa au tronc marbré et laissa sa tête partir en arrière, relâchant les tensions. Lentement. Au-dessus de lui, se formait un plafond végétal, fait de branchages, de feuilles multicolores et d'une sorte de féerie. La lumière dansait au travers des feuillages, les bruits de la nature peuplaient le lieu. Une odeur de terre feutrée, mêlée à celle de l'humidité y régnait.

On était loin du sel et de l'iode, loin du varec et du souffle.

Et un calme soudain envahit le garçon.

Loin de l'eau, loin de la tentation, loin de cet abyme fatal, il se sentait enfin en paix.

La seule chose qui lui manquait, c'était elle.

****************

Un bruissement léger le fit sursauter. Se frottant les yeux, il se souvint lentement de l'endroit où il se trouvait. il émergea peu à peu, se remémorant progressivement de ce qui l'avait amené là.

Le bruissement se fit entendre de nouveau et Grim émergea des bosquets en pestant. Ses habits parmes et élégants étaient parsemés de sève et de terre qui chatoyaient gaiement sur leur toile de tissu. Ses fines mèches grisées s'étaient échappées de son chignon serré qu'il arborait il y avait de ça quelques heures. Ainsi, il ressemblait à ceux de son peuple. En effet, les Peallag possédaient une notion très... particulière de l'apparence. Des habits effilochés ou des cheveux en bataille depuis des semaines n'étaient en aucun cas source de malaise. Ils s'en moquaient, tout simplement. Cela n'avait jamais été le cas de Grim qui semblait prendre un plaisir certain à faire mentir l'histoire et à redéfinir les caractéristiques de sa famille.

« Je me doutais bien que tu serais là. A vrai dire, je ne pouvais t'imaginer ailleurs.

L'air rêveur , il contempla la forêt luxuriante dans laquelle il se trouvait. Puis son regard se posa sur le Masle

« Tu sais, Merlyn a toujours eu une affection particulière pour cet arbre. Elle l'a choyé comme nul autre et m'a demandé de m'en occuper, une fois partie. Je crois qu'il lui manquera bien même plus que certains de ses amis.

Devant le silence de Marveen, il continua, s'adressant plus à l'arbre qu'à l'enfant

- Je me souviendrais toujours du jour où elle l'a planté. Toute gamine déjà elle aimait la terre plus que n'importe qui. Elle était fascinée par les vertus de ce monde qui n'était pas véritablement le sien. Elle a toujours su qu'elle appartenait à la mer mais tout ceci,

il écarta les bras,

- montre bien qu'elle est autant une fille de l'océan qu'une fille de la boue.

- Merlyn est unique, enchérit le garçon avant de se renfrogner.

- Elle n'appartient à personne, elle me l'a toujours répété. Elle est fille d'elle-même et de personne d'autre. Elle est libre. Sans attaches.

Il lui lança un regard empli de larmes

- Mais quand on est libre, on peut faire le choix de ne jamais revenir. »

Ce jeune garçon, seul, perdu, ne sachant plus sur qui compter, ne sachant plus qui allait rester près de lui. Ce jeune garçon courageux à sa façon, cet enfant aimé sans s'en rendre compte osa enfin se laisser aller devant témoin. Il baissa la garde, juste un peu. Cette garde qu'il s'était façonnée au fil du temps pour rester digne, pour rester fort, pour ne pas briser. Cette rambarde qui le protégeait et dont seule Merlyn avait la clé.

Le Grand Chambellan, peu habitué aux effusions, le prit maladroitement dans ses petits bras. Bien que Marveen fasse presque sa taille, il posa sa tête sur sa poitrine et ne dit plus un mot.

Grim aurait aimé pouvoir le réconforter, diminuer sa peine. Il aurait aimé faire tant de choses pour l'aider... mais il ne savait que faire. Son rôle à lui était de s'assurer de la bonne marche du château, pas des sentiments et peines de cœur de ses occupants.

Ils restèrent ainsi, dans le silence feutré de la nature terrestre, presque au bout du monde. Puis, avec une douceur inhabituelle, le chambellan mit fin à cette étreinte.

« Mon jeune ami, il est temps de se préparer pour le bal ou votre père risque de me passer un savon si vous n'êtes pas prêt à l'heure .

Tous deux savaient que jamais Peter ne ferait une chose de cet acabit mais cela eut l'effet de déposer un sourire sur le visage fermé de Marveen. Ce dernier se retourna et posa sa petite main sur le petit tronc de ce petit arbre. Lui adressant un salut muet, il allait s'en aller lorsque son attention fut retenue par un petit sachet bleu accroché à l'une de ses branches. Il se dressa sur la pointe des pieds et l'attrapa d'un geste vif et précis.

Étrangement, il ne ressentait pas le besoin de l'ouvrir immédiatement. Certes sa curiosité avait été touchée mais il avait envie de prolonger ce sentiment. Cette certitude que quelqu'un avait pensé à lui et lui avait laissé un présent. 


*****
Salutations ! 

Bon... alors ce chapitre était prêt depuis un bon bout de temps mais j'ai ,comme qui dirait, oublié de le publier. 
N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ! Comme vous le savez c'est la première fois que je me lance dans du fantasy pur alors j'ai quelques appréhensions. 
Sinon, comment allez-vous ? 

(j'ai l'impression de parler toute seule parfois -puisque je ne sais qui va me répondre haha-). 

J'espère que ce passage vous a plu et à la prochaine pour la suite des aventures d'Aenjord ! 


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