Chapitre 3_ Euphorie

Je jetai un coup d'œil à mon portable pour vérifier l'heure. C'était la même qu'il y avait quelques secondes. Je soupirai en laissant mon téléphone sur ma table de chevet. Le temps me semblait tellement long...

Hier, après le patinage, mes parents avaient exigé que je me repose. Ce qu'ils n'avaient pas précisé, c'est que c'était aussi valable pour toute la journée du dimanche. Que m'était-il arrivé, donc? Un truc de dingue. J'étais entrain de patiner -oui, parce que je patine. Et là... J'avais eu un rêve. D'accord, on ne peut plus vraiment parler de rêve puisque j'étais consciente l'instant auparavant. C'est d'ailleurs pour ça que je ne comprends absolument pas ce qui m'est arrivé. Je patinais et... Tout s'était assombri autour de moi.

Le petit homme chauve était apparu, et avait déclaré à Cruella:

-Ma dame... J'ai décidé de modifier le Passage.

Cruella s'était levée et avait dévisagé son... esclave? sous-fifre? collègue? compagnon malsain? sans cacher son mépris. L'ombre de la colère était passée sur son visage tel un orage de mauvais augure dans le ciel.

-Sans m'en parler, avait-elle dit sur le ton de la constatation.

La constatation, chez elle, m'avait paru très dangereuse.

-Je suis navré, ma dame, avait répondu simplement le petit homme en s'inclinant profondément.

Cruella avait contemplé sa courbette. Elle avait eu un mouvement bizarre de la main: elle avait pointé son interlocuteur de son index et de son auriculaire en repliant tous les autres doigts. Sa main avait fait un geste plongeant vers le sol. Elle m'avait semblée concentrée et savait apparemment ce qu'elle faisait. Il y avait eu comme un coup de vent alors que la pièce était close -la scène s'était déroulée au même endroit sombre que lors de mon dernier rêve. Le visage du petit homme s'était crispé: je ne savais comment, mais la femme l'avait empêché de se redresser. Au contraire de se relever, sa révérence s'était approfondie. Il avait poussé un grognement sourd. Un voile s'était déposé devant son regard. Ses genoux s'étaient dérobés sous lui, et il s'était retrouvé face contre terre, crachant ses poumons. Il avait rampé douloureusement contre le sol en bredouillant des excuses.

La satisfaction s'était peinte sur le visage de la femme. Dans un mouvement qui avait paru herculéen pour lui, le petit homme s'était redressé, s'agenouillant.

-Qu'as-tu modifié, donc? avait-elle demandé comme si rien ne s'était passé.

-La date, l'heure et le nombre de personne pouvant Passer.

Cruella avait croisé les jambes, visiblement très intéressée.

-Alors? J'espère que c'est pour une bonne raison.

-Eh bien... J'ai repoussé l'heure car ainsi nous pouvons considérablement élargir le Passage. J'ai pensé qu'avoir un escadron entier serait beaucoup plus intéressant que vos deux meilleurs soldats, vous et moi. Nous serons plus puissants et votre vengeance sera d'autant plus terrible.

-Quand?

-Le 8 novembre à 4h pile.

Cruella était restée pensive un long moment. Puis elle avait eut un sourire qui ne m'avait pas rassurée du tout.

-Tu penses bien, mon cher. Tu penses très b...

Elle avait été interrompue par la même voix étrange qui m'avait réveillée la dernière fois. Elle avait tout d'abord murmuré mon nom. La femme s'était redressée, et dans le même mouvement ses ailes avaient eu un battement fébrile.

-Qu'est ce que c'est que ça?

Sa main droite avait produit un succession de gestes incluant à chaque fois l'auriculaire. La vision était devenue plus nette et j'avais eu l'impression qu'un encrage m'emprisonnait. Je m'étais sentie envahie par la panique. L'ombre d'un sourire acéré avait traversé le visage de Cruella.

-Tiens, un esprit égaré... Quel est ton nom?

La sensation s'était accentuée. J'avais eu le besoin impérieux de me réveiller... Tout de suite.

-M'espionnes-tu? Répond!

Une pensée m'avait échappé: Je ne vous espionne pas! J'ignore comment, mais la femme m'avait entendue.

-Pourquoi es-tu là dans ce cas?

Je ne sais pas...

-Quel est ton nom?

Je...

Puis, la voix était revenue, tonitruante:

-LYS ! REVIENS, MAINTENANT !

Sans savoir comment je m'étais alors sentie libre. Ensuite, mes paupières s'étaient soulevées et j'avais signé mon retour dans la réalité.

Mon père pénétra dans ma chambre, le visage livide, rompant le fil de mes pensées. Il prit une profonde inspiration comme si le fait même de respirer lui était difficile, tout à coup.

-Lys, ta mère est très malade. Je l'emmène à l'hôpital.

Soucieuse, je plissai le font.

-Que se passe-t-il? Qu'a-t-elle?

Mon père se mordit la lèvre inférieure, un tic dont j'avais hérité.

-Elle s'est évanouie deux fois de suite et a vomi le contenu du déjeuner.

-J'espère que ce n'est pas grave, murmurai-je.

Cette nouvelle me fit frissonner. Dans la famille, nous n'étions que très rarement malades, quasiment jamais en fait. Les seules fois où l'on avait emmené mon père ou mon frère à l'hôpital, c'était parce qu'ils avaient des os cassés. Mon père s'était brisé les phalanges au cours d'une bagarre où il avait voulu séparer deux belligérants. Il avait d'ailleurs détesté le fait de ne plus avoir pu utliser sa main droite pendant des semaines -une éternité, selon lui. Mon frère, quand à lui, s'était retrouvé le poignet en écharpe plusieurs fois de suite à cause de ses chutes en patinage.

-Bonne chance! souhaitai-je à mon père qui sortit de ma chambre.

Quelques minutes plus tard, j'entendis le crissement des roues de la voiture sur le gravier. Je me levai en m'étirant. Enfin, la liberté! Je savais que ce n'était pas très moral de profiter de l'absence urgente de mes parents, mais je ne pouvais pas m'en empêcher: j'en avais assez de ce repos forcé où je n'avais même pas le droit de lire. Non mais!

Je rejoignis le salon et me vautrai sur le canapé aux côtés de Loki qui jouait à un jeu sur son téléphone.

-T'es pas sensée te reposer, toi? me fit-il remarquer l'air de rien.

-J'en ai marre de me reposer, rétorquai-je. Il faut que je fasse un truc, n'importe quoi.

J'avais soudain un besoin énorme de me défouler. Je voulais oublier mes rêves ou mes visions (peu importe) à tout prix, et éviter de penser que la date dont Cruella et le petit homme parlait était dans une semaine, lorsque je sortirais avec des amis, notamment. En plus, ils avaient parlé de moi et de mon frère comme si nous n'étions que les sujets d'une opération orchestrée minutieusement. Ils avaient discuté d'un plan, d'un vengeance. Cela me concernait, puisque Cruella avait sous-entendu qu'elle m'avait choisie. Ou plutôt, choisi mon enveloppe charnelle. Je frissonnai à l'idée de ce que tout ceci voulait dire. Et le Passage? Qu'est-ce que c'était que ce truc?

Tout à coup, tel un signe du ciel ou d'une quelconque divinité ou bien peut-être des illuminatis (ben quoi, c'était un grand hasard, quand même!), la sonnette fit ce pourquoi elle existait: elle... sonna.

Nous échangeâmes un regard étonné: personne n'était censé venir nous rendre visite aujourd'hui. Loki poussa un soupir et se leva pour ouvrir. Je fus surprise en voyant Emilien et Stéphane -un autre ami de mon frère- entrer en trombe. Ils étaient joyeux et paraissaient surexcités. Emilien et Stéphane étaient deux frères, tous les deux blonds aux yeux bruns, presque noirs, et tous les deux fans de football. Ils étaient tous les deux petits, tant et si bien qu'au lycée nous les surnommions les Hobbits.

-Tu viens? demanda Emilien à Loki.

Mon frère fronça les sourcils:

-Où ça?

Les deux garçons échangèrent un regard et, synchronisés, ouvrir leur veste sur un t-shirt vert. Loki écarquilla les yeux, tellement surpris que ses amis eurent un petit rire.

-Vous plaisantez? Hors de question que j'aille au match, mes parents sont partis à l'hôpital et je dois surveiller ma sœur.

-Eh! protestai-je.

Je n'avais pas deux ans, je pouvais très bien me garder toute seule. Les trois gars ignorèrent superbement mon intervention.

-Allez, Loki, s'teu plait, fit Stéphane d'un ton suppliant. On a qu'à dire que... C'est pour mon anniversaire?

-Ton anniversaire est dans six mois, abruti, rétorqua froidement Loki. Non, franchement les mecs, je peux pas.

-Allez! On a l'abonnement de Yannis, il a vraiment pas pu venir, lui. Comme ça, t'as même pas à payer la place. Viens!

Loki soupira.

-C'est pas la question, mon père en a déjà un, d'abonnement. L'argent n'est pas le problème. Comme Yannis, je ne peux pas venir, ok?

-C'est bon, tu peux bien laisser Lys ici!

-Merci de parler de moi comme d'un animal de compagnie, Steph, répliquai-je, sarcastique. Merci beaucoup. Si Yannis est pas là, c'est qui conduit?

-Moi, fit Stéphane.

Le Hobbit agita les clés de la voiture de ses parents sous mon nez. Je le dévisageai.

-Je suis censée te faire confiance pour nous emmener tous là-bas? A toi?

La bouche de Stéphane s'ouvrit mais avait qu'il eut le temps de protester, mon frère intervint:

-Nous? souligna Loki en haussant un sourcil.

-Ben oui. Vous avez bien un abonnement en trop et vous voulez aller au stade. Donc je viens.

-Lys, je ne suis pas sûr que...

-C'est bon, tout va bien. De toute façon, je veux me défouler.

Si mon frère paraissait embarrassé, l'idée plaisait aux Hobbits, qui hochèrent la tête avec un air sérieux. Emilien observa:

-Ca, pour te défouler, ça va te défouler. Il te faudrait juste une écharpe.

-Une... écharpe? Pour quoi faire? Et puis quoi encore?

-Tu verras, mais si tu comptes nous accompagner, il t'en faut à tout prix une.

J'éclatai de rire.

-Parce que vous croyiez que Loki en a une de l'ASSE, vous?!

-Ben oui.

Je secouai la tête. J'avais déjà mal aux zygomatiques.

-Bref, je vais fouiller dans les affaires de mon père, je devrais la trouver rapidement. Tu vas chercher ton collector, Loki?

Mon frère me fusilla du regard. Moi aussi, je t'aime...

Une quarantaine de minutes plus tard, nous étions tous quatre dans la voiture, cherchant une place de parking du regard. Stéphane pianotait le volant en jurant dans sa barbe tandis que nous autres, Loki, Emilien et moi, nous amusions à nous écrier à chaque fois que la voiture faisait cinq mètres: "LA! Là, Stéphane, tu vois pas?" Cela ne faisait que renfrogner davantage notre victime dont la phobie semblait être le retard. Puis, au bout de quelques minutes, il trouva son bonheur et se gara aussi vite qu'il le put afin d'empêcher, selon lui, qu'un autre lui pique sa place.

Pour ma part, je me demandai si je n'avais pas fait une erreur en m'embarquant avec eux pour le premier match de football de ma vie. Je n'aimais pas le foot, et pourtant j'avais sauté sur cette occasion: qu'est ce qui n'allait pas, chez moi?

Pendant ce temps, les trois garçons entreprirent de combler mes lacunes non seulement au sujet du football, mais aussi, et surtout, au sujet des supporters.

Il y avait le Kop nord, d'où les membres de l'équipe de supporters les Magics Fans chantaient. Leur slogan était En vert et contre tous. Et nous occuperons le Kop Sud, avec les Green Angels. Partout toujours, leur slogan, était écrit sur tous les accessoires provenant du club.

-Bien sur, il y a d'autres équipes de supporters, mais je pense que ça te suffit pour l'instant, expliqua Emilien en hochant sa tête blonde. Mais sache qu'il y a plein d'organismes afin de permettre aux supporters de se déplacer dans toute la France et à l'étranger pour accompagner l'équipe, et d'avoir des maillots, des écharpes...

-C'est hyper organisé, observai-je.

-Oui, renchérit Loki. Tu verras, assister à un match au Chaudron, c'est pas rester assis et regarder des mecs courir après une balle. Ca n'a rien avoir.

Stéphane interrompit notre discussion avec une exclamation ravie. Il se gara rapidement qu'il le put afin d'empêcher, selon lui, qu'un autre lui pique sa place tout en détachant sa ceinture. Loki et Emilien sortirent avant même que la voiture ne se soit tout à fait immobilisée.

Les garçons se dirigèrent vers le Chaudron comme des tornades. Je les suivis en trottinant, impressionnée. Une armée de personnes portant toutes au moins un vêtement vert -écharpes vertes pour la plupart, tee-shirts verts comme Steph et Emilien, sacs à dos verts, casquettes vertes alors que le soleil se cachait derrière les nuages, ...- prit d'assaut le stade Geoffroy Guichard en cet après-midi. J'entendis des chants. Déjà... Dans quoi m'étais-je embarquée?

Nous nous mêlâmes à la foule. J'imitai les garçons et, après avoir passé les portiques et m'être fait fouillée par une femme qui me fit étrangement penser à un furet, nous montâmes des escaliers en béton. Puis, lorsque nous arrivâmes au sommet, le terrain se dévoila sous mon yeux.

Je suivis les garçons sans détacher mon regard de la pelouse qui luisait, flamboyante. De la musique résonnait. Une voix commença à énoncer les joueurs adverses. Puis, vint le nom du premier footballer de l'ASSE. Et là, ce fut l'apothéose: le stade explosa. J'écarquillais les yeux. Les supporters hurlaient le nom de chaque joueur de leur équipe comme des guerriers prêts à partir massacrer leurs ennemis. Chacun levait les bras au bout desquels il tenait son écharpe, comme on pourrait brandir fièrement une banderole au slogan choc.

Loki et les Hobbits s'installèrent le plus proche possible du milieu en criant comme les autres. Je découvris que dans cette tribune, personne ne s'asseyait. Tout le monde montait sur les sièges. Il eut une véritable ovation lorsque la voix énonça le nom de l'entraineur. Puis, ensembles, toutes les écharpes tournoyèrent et les chants et le match débutèrent.

Il y avait tellement de chose à voir, à entendre, à sentir que j'avais l'impression que mon crâne était en surchauffe. Des drapeaux s'agitaient aux couleurs de l'équipe: en vert, en noir, en blanc. Un tambour rythmait les chants afin que vingt mille personnes -sans compter ceux qui étaient dans les tribunes sur les côtés- puissent chanter en chœur.

La foule toute entière semblait ne former qu'une seule personne. Quand un joueur adverse tombait, des jérémiades se faisaient entendre:

-Il n'a rien!

Quand un footballer de l'ASSE se rapprochait des buts pour marquer, il y avait des cris d'encouragement:

-Allez!

Au bout d'un moment, le gardien des cages parvint à arrêter in extremis le ballon qui faillit donner un point en faveur de nos adversaires. Je vis que certaines personnes avaient enfoui leur visage dans leurs mains en voyant arriver la catastrophe. Le foule soupira de soulagement. En chœur, nous hurlâmes le nom du gardien, comme en remerciement.

Il y eut des gestes, des tas de gestes. Nous sautillâmes de face comme de dos. Loki et Emilien, chacun de leur côté, me prirent par les épaules pour sauter tout en chantonnant d'une voix grave: Stéphanois, stéphanois, eh, eh! Puis ils me relâchèrent.

Puis, vint un truc qui me sidéra.

Le Kop Sud commença, levant un bras comme pour saluer la tribune d'en face:

-Nous nous sommes des Stéphanois!

Puis elle se tut. A mon grand étonnement, le Kop Nord répéta:

-Nous nous sommes des Stéphanois!

Le mouvement de bras des supporters donnait l'impression d'une vague humaine verte, noire et blanche envahissant la tribune. Le Kop Sud se redressa:

-Oh Lyonnais bande pédés!

J'écarquillai les yeux. Ils avaient le droit de faire chanter des insultes à tout un stade?! Je n'étais pas sûre que les Lyonnais apprécient ce qu'on disait sur eux. Le père d'Odèle était Lyonnais. Bon sang, si elle savait... Le Kop Nord répondit. Loki, les Hobbits et tous les autres reprirent:

-Pour voir notre équiper gagner! (Le Kop Nord fit écho. Le Kop Sud asséna:) On va tous vous enc...!

Je donnai un coup de coude à Loki pendant que la Kop Nord répondait et que le stade tout entier explosait en Oh oh oh oh...

-Tu chantes des insultes avec papa lorsque tu vas à tous les matchs, et ce depuis tes sept ans. C'est une blague?!

Mon frère éclata de rire.

-Tu préférais une autre rime? Du genre, on va vous le mettre dans le fessier?!

Je dus me retenir de rire comme lui, c'est à dire, comme une idiote fière d'elle. Loki, hilare, reprit devant mon air sérieux:

-Ne t'inquiète pas, il y a une autre rime qu'on apprend aux enfants. C'est: Tous ensemble on va chanter!

-Tu me rassures, dis-je en levant les yeux au ciel.

-Allez, profite un peu de ces paroles pleines de sagesse! plaisanta mon frère.

-Tu viens d'insulter le père de ma meilleure amie en public! m'écriai-je sans m'empêcher de sourire. Et je dois te laisser faire, espèce d'hurluberlu?

Je compris pourquoi le stade Geoffroy Guichard de Saint Etienne se nommait le Chaudron: la foule se muait en une mer verte indomptable et les cris résonnaient comme les bulles d'une potion plus ou moins miraculeuse dans le chaudron d'une sorcière. Et surtout, il faisait chaud. A force de gesticuler, de bouger, de crier, on avait mal aux jambes, aux bras, à la gorge. Comme si le chaudron était au dessus d'un brasier.

Au bout d'un moment, un joueur vert fit une faute. L'arbitre lui asséna un carton jaune. Il y eut de longs sifflements venimeux dans tout le stade. Lors de la mi-temps, mon frère me montra comment on pouvait produire un son aigu en mettant deux doigts dans la bouche. Il me fit plusieurs démonstrations tandis que trois candidats tentaient de gagner un chèque en marquant un but. Ils perdirent tous les trois et cédèrent la place à de jeunes footballers qui firent une démonstration de leur talent. Un commentateur à la voix enjouée citait les noms de chaque jeune joueur qui étaient tous moins âgés que moi. Cela devait être impressionnant de marquer devant tant de monde. Des écrans géants affichaient des pubs. Les publicitaires ne laissaient rien au hasard et ne perdaient pas leur temps. Le nombre de spectateurs présents fut annoncé: nous étions trente mille cinq cent quarante neuf à avoir fait le déplacement.

Puis, la mi-temps prit fin. Les véritables joueurs retournèrent sur le terrain. Tout le monde se leva pour continuer à les acclamer comme des cinglés.

A nouveau, un échange entre les tribunes eut lieu. Les supporters m'impressionnèrent par leur vivacité. Ce fut cette fois-ci la Kop Nord qui commença. Loki s'accroupit, ainsi que tout le Kop Sud.

-Po po po lo po po!

En face, ils se baissèrent. A notre tour, nous nous levâmes, le bras droit levé. Et nous répondîmes par la même chose.

Trois fois de suite, nos voix résonnaient dans tout le Chaudron. Trois fois de suite, les deux tribunes se répondirent. Trois fois de suite, chacun à leur tour, les supporters se levaient, et se baissaient. L'écho de nos voix devait s'entendre à des kilomètres aux alentours du stade.

Nous nous levâmes tous ensemble. Deux mille personnes se mirent à hurler:

-Saint Etienne, allez, allez, allez! Saint Etienne, allez, allez, allez! Saint Etienne, allez, allez, allez!

Nous recommençâmes le chant quatre fois. Je ne pouvais m'empêcher de sourire tout le long. Après tout, je m'éclatais. J'oubliai tout pour me concentrer sur ma voix, sur mes sifflements nouvellement acquis, sur mes gestes. Je me défoulais, et ça me faisait un bien fou.

Pour finir, le stade entonna un chant mythique que j'avais déjà entendu deux ou trois fois même en me tenant éloignée de tout ce qui avait un rapport avec ce sport que je trouvais stupide.

"Dans les vestiaires avant de rentrer

Pour commencer à nous échauffer

Tous en chœur nous chantons

On est les rois du ballon !

Quand on arrive sur le terrain,

On les entend frapper dans leurs mains.

Avec eux nous chantons,

Saint-Etienne sera champion.

Allez!

Qui c'est les plus forts?

Évidemment c'est les Verts!

On a un bon public,

Et les meilleurs supporters!

On va gagner,

Ça c'est juré,

Allez!

Allez!

Qui c'est les plus forts?

Évidemment c'est les Verts!

Nous on joue au football,

Et on n'a pas de frontière.

Main dans la main,

On va plus loin, plus loin!

Allez,

Alleeeeeeez les Verts!

Les supporters sont venus de loin,

Ils sont fidèles, ils nous aiment bien!

Ils font sauter les bouchons,

Quand Saint-Etienne est champion!"

J'entamais une dernière fois le refrain en souriant. Maintenant, je me fichais totalement du match. D'ailleurs j'oubliai déjà contre qui l'ASSE jouait. J'oubliai le score Tout ceci rien que pour garder en mémoire le souvenir du bras de Loki qui entourait mes épaules.

Ce fut l'un des plus beaux moments de ma vie.

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