Chapitre 13.1_ Entités
Après m'être calmée au sujet de mon nombril disparu, je m'enveloppe dans ma cape en attendant que la domestique revienne. Quelques minutes plus tard, j'entends la porte des bains grincer. Je me retourne et découvre non pas la femme censée s'occuper de moi, mais Monsieur Psychopathe. Je me raidis, et, instinctivement, ma main se pose sur la poignée de mon épée. Je ne sais pas m'en servir, mais son contact m'apaise tandis que l'homme s'approche de moi.
-Que me voulez-vous? demandé-je.
-Pourquoi tant de méfiance, Iason? répond-il d'un ton badin. Je ne vous ai rien fait de mal.
Je me pince les lèvres. J'insiste:
-Ca ne m'indique toujours pas ce que vous faites ici.
Il continue de s'approcher, tenant sous son bras un paquet uniforme. Ma main serre de plus en plus fort mon épée.
-Je viens éclaircir un point avec vous, Iason.
Il s'assied sur le rebord du bassin et m'invite à le rejoindre. Je contourne le bain afin de prendre place juste en face de lui. Monsieur Psychopathe soupire. Il désigne ce qu'il a apporté.
-Voyez-vous, Iason, je m'interroge. Pourquoi une jeune et mystérieuse Démunie accompagne-t-elle la Prêtresse de Tellus? Pourquoi se recouvre-t-elle le visage? Puis, pourquoi prétend-elle être Munie?
Je manque de jurer entre mes dents. Les domestiques ne savent décidément pas tenir leur langue. L'eau reflète sa médaille rouge. Je frissonne.
-Je ne pense pas que ceci vous regarde, je fais en haussant les épaules.
Je ne sais pas d'où me viens cette volonté de lui tenir tête. Je pourrais tout aussi bien m'écraser, mais je songe à la peur sur le visage de mon père lorsqu'il m'a donné mon pendentif, celle d'Huji, l'expression d'Eleusis. Je me lève, et lui dis d'un ton sec:
-Notre discussion s'arrête là.
Elle n'a même pas commencé, d'ailleurs, mais sa présence me gêne. Il n'esquisse aucun geste pour partir. A la place, il me montre son insigne en forme de flamme.
-Savez-vous ce que cette médaille veut dire?
Je l'ignore superbement.
-Merci de m'avoir apporté ce que j'ai demandé. Au revoir.
-Je suis un représentant de La Cendrée. J'ai un devoir envers sa Famille Dirigeante.
Tandis que je pense sérieusement: OK, c'est cool pour toi, moi je suis morte. T'as rien de plus sensas?!, une voix s'élève, impérieuse:
-Eh bien, vous direz à Eris Grenat que notre Prêtresse a trouvé une Envoyée. La vérité, en somme.
Je sursaute. Amalthée, la plus jeune des Reuil, vient juste d'apparaître dans la pièce. Monsieur Psychopathe et moi nous inclinons.
-Dame, en tant que représentant, je souhaite pouvoir interroger cette jeune fille.
-En tant que membre de la Famille Dirigeante de La Boisée, j'exige que vous ne vous approchiez plus de notre Envoyée.
Je m'efforce de ne pas montrer que je me réjouis de cette intervention pendant que l'expression de Monsieur Psychopathe se fige entre la haine et le respect. Toutefois, j'ai l'impression que ce respect est feint, et que sa haine est bien plus importante qu'il ne le laisse paraître. Il proteste, mais Amalthée lui demande s'il ne peut pas plutôt aller rédiger son rapport immédiatement. Monsieur Psychopathe est obligé de s'incliner de nouveau. Il s'en va, une lueur mauvaise dans le regard.
-Merci, je souffle à ma nouvelle alliée.
Lorsque la jeune femme sourit, je remarque chez elle une certaine raideur. Ses yeux bleus semblent fatigués.
-Les Grenat, soupire-t-elle. La mauvaise graine de l'Aedenia. Ne me remercie pas, ce soldat est une véritable enflure qui a eu son poste de la pire manière qui soit. Nos Démunis sont terrifiés en le voyant, et nous ne pouvons rien faire contre ça... Bref, tu n'es pas là pour entendre mes plaintes. Que puis-je faire pour toi?
Je me retiens de me balancer sur mes pieds, mal à l'aise.
-Je vous en prie... Non, il n'y a rien de spécial. Merci.
-D'accord. N'hésite pas. Je te laisse. A ce soir.
Cependant, après réflexion, j'interpelle Amalthée avant qu'elle ne disparaisse de ma vue.
-En fait, il y a quelque chose...
Elle se tourne vers moi en fermant la porte. Je reste silencieuse un moment, avant de lui confier:
-Vous savez, j'ai rencontré Orfé alors que je prévoyais de partir à la recherche de mes amis... Mais maintenant, j'ai un certain engagement avec elle, alors... J'aimerais savoir si... Hum, s'il était possible de lancer un avis de recherche.
-Un avis de recherche? répète-t-elle, un peu incrédule.
Je hoche la tête. Peut-être que ça ne se fait pas ici, mais j'ai vraiment besoin d'aide.
-Oui. Pour une personne qui a disparu. On dit à la population comment elle ressemble, et comme ça on la retrouve...
Amalthée fronce les sourcils face à cette explication quelque peu embrouillée.
-Mais si une personne disparaît, c'est parce qu'elle a une raison de disparaître, non?
-Oui... Si elle le souhaite, évidemment...
Je soupire de frustration. Impossible de lui expliquer quoique ce soit correctement. A chaque fois que j'avance quelque chose, elle me contredit. Le tout se transforme rapidement en débat sur la liberté qu'a chacun de disposer de sa vie comme il l'entend. Après quelques minutes, Amalthée finit par sourire -un sourire franc, cette fois-ci.
-Ne t'en fais pas, j'ai compris ce que tu veux dire. Je souhaitais juste vérifier quelque chose.
-Et donc? je fais, lui en voulant un peu de s'être amusée de moi.
-Ce que je vois me plait. Tu as été à la bonne école. Tu aurais pu être une espionne à la solde des Grenat. Nous avons des soldats Cendrés, mais une Envoyée Cendrée aurait été un coup de génie de la part d'Eris.
Je hausse un sourcil.
-Qui vous dit que vous ne vous trompez pas? Si ça se trouve, je suis ce que vous redoutez.
-Tu respectes autrui, et tu te fais passer pour une Démunie. Les Cendrés ne s'abaissent pas à de telles extrémités. Ils disent que les Munis sont supérieurs aux Démunis, et n'hésitent pas à les maltraiter et à les humilier. Tes idées et ton comportement sont dignes de Tellus.
J'en reste bouche bée. Et je lâche, la surprise passée:
-Et... rendre un Muni Démuni signifie quoi?
Son regard s'assombrit. Je crois en premier temps qu'elle ne me répondra pas, puis elle chuchote:
-C'est le châtiment ultime. Perdre ses ailes revient, pour les plus superstitieux, à perdre son âme. La Boisée toute entière est contre cette horreur, mais... Il y a cette rumeur qui a traversé l'Aedenia. On murmure qu'un soldat de La Vertigineuse aurait été rendu Démuni en public. Cet homme aurait été longuement torturé par Eris en personne. Les Cendrés l'auraient ensuite abandonné dans le Désert de Cendres. C'est un escadron de La Vertigineuse qui l'aurait retrouvé, le dos tout ensanglanté, rampant presque dans la poussière.
Je la vois frissonner.
-Je te passe les détails, tous plus horribles les uns que les autres selon la personne qui te les raconte. En tout cas, nous avons envoyé un messager vérifier si la rumeur est fondée, et dans ce cas, s'enquérir de l'état de ce pauvre homme. Nous devrions recevoir son rapport dans la soirée. Normalement, des mesures ont été prises, et un médecin s'est chargé de lui.
J'ignore quoi dire d'autre. Je sais qu'elle vient de me parler de l'Ange Déchu. J'ai hâte d'avoir de ses nouvelles. Amalthée secoue la tête en soupirant afin de décontracter ses épaules raidies.
-Ce ne sont certainement que des rumeurs hasardeuses... Changeons de sujet, tu veux... J'accepte de mettre en place ton avis de recherche. Suis-moi.
Elle m'attend dehors tandis que j'enfile le vêtement que m'a apporté Monsieur Psychopathe. L'habit est marron et un peu grand, mais il fera l'affaire. Remarquant un large trou à l'endroit où sera mon dos, je décide d'enfiler tout d'abord le bas, comme si je mettais un pantalon. Ensuite, après avoir remonté le vêtement jusqu'à ma poitrine, je passe le haut. Ainsi, seule une partie de mon dos -celle qui entoure la naissance de mes ailes- est découverte. Je retrousse mes manches afin de libérer mes poignets. Le tissu est étonnamment souple et doux. Il est assez simple, mais au moins il ne ressemble pas à un haillon et je me sens relativement bien dedans. Je reprends mes bottes et ma cape.
***
Amalthée pose sa plume pour observer son chef d'oeuvre. Je me penche au-dessus de son épaule.
Sur six feuilles du Titan sont dessinés les visages de mes amis et de mon frère. Odèle et sa chevelure roux foncé. Clara et son air malicieux. Samia et son doux regard sombre. Emilien et Stéphane, blonds et complètement fous. Loki, les cheveux bruns en bataille et son sourire tordu. Les voir ainsi figés me réconforte et me brise le coeur.
-Est-ce ressemblant?
Malgré sa question, son ton est satisfait. Je dis tout de même:
-Oui. Très.
Elle s'étire:
-Parfait, Lysianassa. Je vais demander à un de mes artistes de les reproduire, et nous ferons en sorte de faire courir la rumeur que les Reuil recherchent six adolescents, et offrent une récompense pour toute information les concernant. Ces portaits seront également transmit à La Scintillante et à La Vertigineuse.
-Merci infiniment, Dame Amalthée.
-Je t'en prie. C'est un plaisir. Pour une fois que mes talents de dessinatrice servent à quelque chose.
Elle se lève en empilant les esquisses tout en m'assurant d'une voix confiante:
-Dès que nous retrouverons l'un d'eux, nous te le signalerons.
Je m'incline en bredouillant de nouveaux remerciements. Elle me renvoie sur ces mots:
-On se revoit au dîner!
***
Je me mets donc à errer dans le Titan, à la recherche d'une occupation. Après avoir admiré une bonne centaine de fois le paysage splendide qu'offrent La Boisée et ses environs, je décide de retrouver Orfé. Je demande donc à toutes les personnes que je croise où elle est, et on finit par m'indiquer la bibliothèque. Je traverse le Titan, en profitant pour m'émerveiller sur chaque chose que je rencontre: un orchestre manipulant des étranges instruments aux mélodies cristallines, des enfants s'amusant avec une balle (le jeu ressemble étrangement à du football... en version aérienne), deux vieils hommes face à eux fumant une sorte de pipe dont la fumée est d'un bleu électrique, un jeune couple s'enlaçant au bord du vide. La vie est si paisible, ici. Je suis contente d'y rester pour profiter de cette sérénité.
Je marche pendant une bonne demi-heure, je ne fais que monter des escaliers qui semblent sempiternels.
Je croise Monsieur Psychopathe alors que j'arrive enfin vers la bibliothèque. Il me jette un regard mauvais mais ne me dit rien et continue son chemin. Je pousse une énième immense porte, puis reste figée sur le seuil.
Ce que je vois représente le fantasme de tout lecteur.
Des étagères gigantesques soutiennent des milliers et des milliers de livres. Il y en a partout, même dans des endroits improbables: certains ouvrages sont suspendus dans le vide à l'aide de cordages. Il n'y a pas de plafond -nous sommes au point le plus haut du Titan. Le feuillage fourni de l'arbre s'écarte pour nous offrir une vue imprenable sur le ciel pur, qui commence à s'assombrir. Il est déjà le soir? Les feuilles jouent avec la lumière dorée du soleil couchant, projetant un filtre verdoyant sur les lieux. Je marche lentement dans cet endroit sacré. Quelques personnes se faufilent entre les rayonnages. Je remarque que des escaliers permettent aux Démunis d'accéder même aux étagères les plus hautes.
Voilà, ça c'est le paradis. Je pense que je vais rester ici jusqu'à ma prochaine mort.
Je découvre Orfé allongée sur le côté sur une branche, plongée dans sa lecture. Sa posture est sereine, cependant je remarque que ses sourcils sont froncés. Je m'assoie près d'elle en essayant d'être la plus discrète possible -pourtant la Prêtresse soupire en se redressant.
-Je ne trouve pas ce que je cherche. C'est frustrant.
-Qu'est-ce que c'est?
-Un herbier incomplet. Je pense sérieusement qu'il a été écrit par un incapable.
Je souris.
-Un incapable certainement mort sans avoir achevé son bouquin.
-Certainement, répète-t-elle, sans conviction. As-tu passé une bonne journée?
Il ne m'en faut pas plus pour lui raconter mon idée concernant mes amis. Orfé est un excellent auditoire, elle pose les bonnes questions au bon moment et reste attentive. A la fin, elle paraît contente.
-Je t'en suis reconnaissante pour Amalthée. Cette petite doit être très heureuse de rompre la monotonie des tâches que lui confie Vacuna. J'ai toujours cru que ce serait elle ma successeur, or elle est trop âgée, à présent. (Orfé me fait un clin d'oeil.) Elle s'acquittera de cette mission avec coeur.
-Je lui fais confiance.
La Prêtresse acquiesce en me disant de la suivre. Tout en allant de rayonnages en rayonnages, elle marmonne entre ses dents des paroles inintelligibles. Au bout de dizaines d'ouvrages effleurés, entre-ouverts et finalement reposés, ma compagne semble trouver son bonheur.
-Voilà, parfait...
Sans un mot de plus, elle se dirige vers une table aux confins de la bibliothèque. Là, elle tire deux tabourets en me priant de prendre place. Je m'exécute. Elle déroule un long parchemin sur la table en bois. Je me retrouve face à une carte. Dessinée délicatement avec d'infimes détails, elle doit faire un mètre de large sur deux de longueur. Je me penche, piquée de curiosité. Les quatre Cités sont représentées: La Boisée entre les Frons-vidiae et les plaines Viridis; La Scintillante à l'embouchure d'un fleuve nommé Léthé, près des Plages Dorées et de l'Océan Infini; La Vertigineuse au bord des Falaises du Vertige; et La Cendrée au milieu du Désert de Cendres. Une fine étoile représente les points cardinaux, nous avons donc au nord-ouest les Ingenix, qui cernent un Vallon de Glace, ainsi que la forêt au nord-est. Au dessous sont situées les plaines, et à l'est se déroulent les plages. Au sud, il y a les falaises qui surplombent l'Océan. Au sud-est, je peux voir le désert qui s'étend des pieds des Ingenix au bord de la carte. A l'ouest de La Cendrée, il y a un volcan -le Phlégéthon- qui donne naissance à un lac de lave. L'unique fleuve du continent, quant à lui, coule des montagnes et se jette dans l'Océan.
Orfé me sort de ma contemplation en me demandant:
-Sais-tu pourquoi il y a Quatre Cités? Pas une de plus ni de moins?
Je ne réponds pas. J'ai ma petite idée, sans pour autant être certaine de ce que j'avance.
-C'est parce qu'il y a Quatre Entités, dit ma compagne, faisant écho à mes pensées.
Elle ouvre le livre et ses petits doigts feuillètent délicatement de lourdes pages manuscrites. Elle tombe rapidement sur ce qui l'intéresse. Un dessin est représenté sur le papier. Les traits fins et ouvragés d'une plume forment quatre personnages.
La Prêtresse m'indique Tellus, à gauche. Je la reconnais car elle est identique au tableau.
-Voici Tellus, l'Entité de la Terre, fait Orfé. La Mère. La réconfortante, la nourrice. Mais aussi la pureté, l'innocence, l'enfance. La plus douce.
Puis, son doigt glisse sur la droite et indique maintenant une autre femme. Son visage a une face sombre et une claire. Elle est belle, mais paraît aussi redoutable avec son fouet et son armure faite d'écailles. Elle a un regard étrange: à la fois empreint de gentillesse, et à la fois sauvage. Elle est ailée un comme un papillon.
-Unda, m'explique Orfé. Elle est l'Entité de l'Eau. La bienveillante. Mais aussi la colérique. Prend garde à sa fureur. Elle est belle de loin, mais ne t'approche pas trop, les Aedeniens ont du mal à nager. Nous sommes des créatures aériennes.
La fillette me montre ensuite un adolescent. Svelte, l'air enjoué, le jeune garçon possède l'ombre d'une barbe qui le rend bizarrement attachant. Ses ailes sont étonnamment petites et triangulaires, comme si elles étaient faites pour la vitesse. Il est vêtu d'une tenue légère en cuir et tient une flèche d'une main et un arc de l'autre.
-Caelus, l'Entité de l'Air. Le plus apprécié. Le vif. L'idôle des enfants qui adorent écouter ses aventures contre Unda. Le courageux. Il est à l'origine des Ecoles. Le protecteur. Son arc ne rate jamais sa cible.
Le dernier personnage est aussi masculin. Il a l'apparence d'un homme viril, musclé et trapu. Son crâne chauve et sa barbe fournie noire lui donnent l'allure d'un motard. Et avec son regard sombre, il a l'air d'être prêt à en découdre. Seul son sourire éclaircit le tableau. J'ai du mal à interpréter ce que je vois. Il possède un vrai sourire, comme celui qu'a votre grand-père en vous voyant. Doux, confiant, chaleureux. On pourrait croire qu'un gros dur souriant est un psychopathe, mais non. Ce personnage-ci est un peu comme un de ces motards des films qui protègent un être plus faible qu'eux. Le genre à menacer son ennemi d'une réplique mémorable, du genre: "si tu la touches, je te roule dessus avec ma Harley jusqu'à user les pneus".
Cependant, l'impression d'avoir face à moi l'image d'un colosse au coeur de guimauve d'évanouit lorsque je remarque son arsenal. L'homme porte une armure complète qui le rend impressionnant. Même ses ailes de chauve-souris semblent recouvertes de métal. Il tient aussi une épée énorme de sa main droite tandis que la gauche soutient dans sa paume une petite flamme crépitant joyeusement et presque innocemment.
-Ignis, me murmure Orfé. L'Entité du Feu. Le cruel. L'incontrôlable. Pourtant, il a de bon côté. C'est grâce à lui que nous avons de la chaleur, un foyer. Il est très puissant.
Elle me laisse quelques secondes assimiler ces nouvelles informations avant de continuer:
-Ainsi, chaque Cité a été construite en l'honneur de chaque Entité. Tellus veille sur La Boisée, Unda sur La Scintillante, Caelus sur La Vertigineuse, et Ignis sur La Cendrée.
Tout en parlant, la Prêtresse indique le personnage sur le dessin, puis la Cité correspondante. Elle ferme le livre et le pose sur le bord de la table. Elle ne me laisse pas le temps d'assimiler ces informations, car elle enchaîne:
-Maintenant, je vais te montrer quelque chose que tu approfondiras à La Vertigineuse. Ce sont les Gestes.
Elle pose à plat sa main sur la couverture du livre.
-Un Geste est une succession de mouvement avec ta main gauche grâce auxquels tu pourras attaquer ou te défendre. Selon ton niveau et ton affinité avec les Entités, tu seras plus ou moins puissante. Certaines personnes sont si sensibles aux Eléments qu'elles n'ont même pas besoin de Geste, mais cela reste très rare. Dans un premier temps, tu apprendras à contrôler un Element, avant de savoir le faire apparaître. Toutefois, l'apparition n'est possible qu'avec le pouce et le majeur, et est extrêmement compliquée, pas tout le monde y parvient. Bref! A chacun de tes doigts correspond une Entité. Ton pouce est le plus puissant, donc représente le pouvoir d'Ignis. C'est pareil pour les autres. Caelus: l'index, car il est le plus agile. Le majeur pour Unda, en référence à son territoire immense. Et à Tellus l'annulaire, parce qu'il est le plus stable. Et ce choix est tout sauf hasardeux.
Orfé marque une pause pour me regarder dans les yeux et m'ordonner:
-Mets ta main gauche contre la carte. Le bas de ta paume contre le Phlégéton et les doigts écartés.
Je m'exécute. Et la magie opère: chacun de mes doigts indique la Cité correspondante. Le pouce est tourné vers La Cendrée, l'index vers La Vertigineuse, le majeur vers La Scintillante et l'annulaire vers La Boisée. J'en reste bouche bée. La Prêtresse sourit face à mon ébahissement.
-Tu vois? Les Entités ont bien fait.
Pourtant, je fronce les sourcils:
-Et l'auriculaire?
-Quoi, l'auriculaire?
-Il ne représente rien?
Orfé secoue la tête.
-Non. Rien du tout.
Je me mords les lèvres et me retiens de toucher le pendentif de mon père. Parce que mon auriculaire indique très clairement les Ingenix. Une terre censée être invivable car il y fait trop froid.
Si elle remarque mon trouble, Orfé n'en dit rien puisqu'elle se contente de badiner, l'air innocent:
-Veux-tu que je te fasse une démonstration de Gestes?
Je hoche la tête.
Et, tandis que la Prêtresse exécute plusieurs signes avec son annulaire, demandant ainsi au Titan d'écarter ses branches afin de nous montrer le soleil couchant, je ne peux m'empêcher de penser:
Quatre Cités.
Quatre Entités.
Mais cinq doigts de la main.
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