Chapitre 12.1_ La Boisée

Salut tout le monde! Après un certain temps d'absence, voici le chapitre 12! Je le coupe en deux, parce qu'il est hyper long (pour votre plus grand plaisir... Ou pas?!). Quasiment mille lectures et 130 votes! Ouah, merci beaucoup beaucoup!!! *^* *^* *^*

 Bref, je vous laisse avec Lys!

Ce qui m'est arrivé durant la nuit? Je me suis endormie. Sur le dos de Lyte.

Malgré toute ma bonne volonté, je n'ai pas su résister au sommeil. Sentant que je ne parvenais pas à me détendre, Orfé m'a chanté une berceuse, à une centaine de mètres du sol. Sa voix est si magique que j'ai dormi comme un bébé dans le plus grand des calmes. Je n'ai même pas eu le temps d'admirer les étoiles. Je suis persuadée que la voix de ma compagne de voyage pourrait les endormir, elles aussi.

Cette fois-ci, j'ai de nouveau rêvé. Mais pas comme je le faisais autrefois. Dans ce sommeil profond bercé par les battements d'aile de Lyte, j'ai eu des sortes de flashs. Comme des souvenirs. Cependant, ces images restent floues, et elles s'estompent de plus en plus.

Tout ce dont je me souviens de ce sommeil, ce sont deux yeux étranges, dont les iris n'ont pas de couleur définie, mais plutôt tout le spectre lumineux. Seuls ces yeux, à l'expression bienveillante.

***

Je me réveille à l'aube. Le soleil se lève lentement derrière nous, si bien que je peux voir nos ombres volantes se dessiner sur la forêt, qui ressemble à une tapisserie, vue du ciel. Je plisse les yeux en direction de l'horizon, cherchant à savoir si nous atteignons La Boisée. Pour l'instant, je n'aperçois que des arbres à perte de vue. Cette forêt est immense.

-Tu as passé une bonne nuit, Lysianassa?

Je tourne la tête. Orfé plane paresseusement à mes côtés, profitant des différents vents. Elle m'adresse un sourire.

-Ca va. Nous sommes bientôt arrivées? demandé-je, perturbée par ce tapis forestier sans fin.

-Plus qu'une heure de vol. Nous avons dû nous poser cette nuit, j'ai préféré éviter de surmener Lyte. En même temps, j'en ai profité pour faire une petite cueillette pour le petit-déjeuner.

Sur ce, elle fouille dans son sac et me tend un fruit plus gros que sa main. Il ressemble à une grosse poire, mais possède une peau bleu pâle, qui a une texture semblable à celle de la cerise. Je vois Orfé sortir le même fruit pour elle, et le croquer à pleine dent. Elle pousse un soupir de bien-être. Voyant que je ne l'imite pas, elle m'exhorte avec enthousiasme, la bouche pleine:

-Goûte. C'est une lénise. Elle pousse sur un arbre du même nom. On dit qu'elle a le goût du bonheur de l'enfance. Je ne pensais pas en trouver aussi facilement, nous avons de la chance. Profite-en, elle est rare, car on dit qu'elle pousse uniquement dans des endroits où ont eu lieu de terribles tragédies.

Je grimace. Tout cela ne me parait pas si joyeux...

-Des tragédies?

-Oui, soupire tristement Orfé en hochant la tête. Un jour, une femme de grande sagesse, Nuwa, a dit que la lénise était une sorte d'hommage aux défunts et de réconfort pour les vivants de la part de Tellus.

Un peu sceptique -et mal-à-l'aise, pour dire vrai-, je mords la peau bleue, puis mâche la chair tendre d'un blanc étonnamment pur et nacré. Je me sens fondre. Mon cœur a un sursaut.

La lénise a le goût du chocolat fondu, du soleil, des bois... Du passé. Je me laisse aller contre le cou de Lyte, en loque. Je ne me souviens même pas de la dernière fois où j'ai mangé du chocolat. Sans doute un jour avant cet accident. Après les cours, sous forme de chocapics, comme j'en ai... avais l'habitude. Mais j'assure que si Nestlé produisait des céréales avec de la lénise, il dominerait le monde entier.

Je retiens difficilement mes larmes. Il y a longtemps que je n'ai pas mangé de vrai chocolat. Celui dont l'odeur flotte dans la maison lorsqu'on le fait fondre dans une casserole, avec un peu de beurre et beaucoup d'amour. Celui avec lequel mes parents faisaient du gâteau. Celui que Loki et moi nous nous disputions.

Je vais faire tout mon possible pour retrouver ces chamailleries. Je me le promets.

Je suis convaincue que ma nostalgie n'a pas échappé à Orfé, car elle s'est tue après avoir annoncé que nous allons nous poser afin de laisser Lyte se reposer et que nous continuerons le voyage en volant jusqu'aux limites de la Cité.

***

Ma cape alourdie par le poids de mes armes serrée contre moi, je transpire. Si pour Orfé, voler est comme marcher, moi j'ai l'impression de courir. Cela fait bientôt trois quarts d'heure que je vole, et je m'épuise. Mon souffle est si haletant que je pense faire une crise cardiaque prochainement. Orfé, juste au-dessus de moi, tente de m'apprendre à utiliser les vents afin de planer. Cependant, je n'y parviens pas: j'ai peur de tomber si je cesse de battre des ailes. De plus, l'espèce de robe que je porte me gène terriblement car elle se retrousse régulièrement.

Afin de me donner du courage, je fixe désespérément l'horizon. Orfé me lance:

-Ne t'inquiète pas, nous arrivons aux abords de La Boisée.

Je hausse un sourcil. Nous sommes à environ cinquante mètres du sol, mais je ne vois rien de plus notable que des arbres par millier. Lorsque je dis ce que je pense à la Prêtresse, celle-ci esquisse un sourire:

-Es-tu sûre de regarder l'horizon? Attend un peu, mon amie.

Je prends mon mal en patience. J'inspecte soigneusement le paysage. Puis, je remarque avec surprise qu'un brouillard commence à se former autour d'Orfé et moi. Au bout de quelques secondes, le voile est si épais que je ne distingue plus la Prêtresse: seul son souffle m'indique sa présence. Je resserre ma cape contre moi, frissonnante.

-On atterrit, Lys, m'indique Orfé.

Sa voix déchire le brouillard, et soudain j'aperçois à nouveau les alentours. Je sursaute et demande:

-Que s'est-il passé?!

-Tellus t'a testée.

Je me suis figée en plein ciel, stupéfaite, dévisageant ma compagne.

-Tellus? Testée?

-On dit que ce brouillard est dû à l'Entité qui veille sur La Boisée, Tellus. Elle choisit si on entre dans sa Cité ou non. C'est pour ça que La Boisée est un véritable havre de paix. Depuis que ce brouillard est apparu, il y a vingt ans, il n'y a plus eu aucun conflit grâce à la bénédiction de l'Entité. Regarde l'horizon, maintenant.

Je m'exécute. Je retiens de peu une exclamation stupéfaite et émerveillée. Nous survolons la dernière ligne d'arbre avant une falaise faisant une vingtaine de mètres. J'imite Orfé et plonge pour me poser au bord. Au pied de la falaise, il y a encore quelques arbres avant une plaine magnifique. Verdoyante et infinie, elle entoure La Boisée.

La Cité en elle-même est extraordinaire. A l'image du village où habitent Ido et Eleusis, elle est composée d'arbres géants qui sont reliés les uns aux autres par des passerelles. La seule différence est qu'ici, il y a beaucoup plus d'arbres -au moins une dizaine. Tous semblent former un cercle autour du véritable joyau de la ville.

-On l'appelle le Titan, me murmure Orfé.

Et il porte bien son nom. Le Titan est arbre -encore un. Mais il est gigantesque, encore plus que les arbres que je qualifiais de géants précédemment. Cet arbre-ci est immense, il monte haut dans le ciel, si haut qu'on n'en distingue pas le sommet. Je me sens minuscule. Son feuillage d'un vert éclatant est magnifique. De loin, j'aperçois que l'arbre semble habité -de minuscules plateformes font le tour du tronc du Titan.

-Met ta cape, nous descendons. Ce sera plus discret.

Orfé m'indique un petit chemin extrêmement étroit qui serpente le long de la falaise où nous sommes perchées. Entre la roche et le vide, il doit y avoir moins d'un mètre. Une alarme s'allume dans ma tête. Hors de question de passer par là. Je vais trébucher, me tordre le cou et mourir tragiquement. Je n'ai pas envie de renouveler l'expérience de la mort soudaine.

-Euh... Au final, nous pouvons aussi continuer en volant, je fais dans un petit rire nerveux. Ca ne me dérange absolument pas, je t'assure.

-Tu verras pire à La Vertigineuse, tu sais, rétorque-t-elle.

Orfé m'observe un long moment, puis elle soupire avant de sortir son espèce de lyre. Elle joue quelques notes et, une nouvelle fois, j'ai l'impression qu'elle parle à la nature et que cette dernière lui répond. Une petite minute s'écoule, puis un cri semblable à celui d'un aigle retentit. Lyte se pose agilement.

-Voici ce que nous allons faire, déclare Orfé. Nous allons directement nous poser sur l'une des plateformes du Titan, puis nous monterons nous présenter aux Reuil.

Les Reuil... La Famille Dirigeante dont m'a parlé Ido! J'ouvre la bouche, indignée qu'elle ne respecte pas notre marché. Je ne voulais pas que l'on me présente aux Familles, du moins, pas avant le Conseil. Toutefois, elle me coupe dans mon élan:

-Les Reuil ne verront en toi que mon Envoyée. Ta véritable identité leur sera révélée uniquement si tu le souhaites. D'accord?

Je hoche la tête.

-Avant... Il faudrait que tu enfiles ta capuche. Si on voit ton visage, on devinera sans peine qui tu es.

Je hausse un sourcil.

-Pourquoi?

-Eleusis m'a dit que tu ressemblais trop à ta mère.

Je me mords la lèvre inférieure. Ce monde semble connaître mieux mes parents que moi. Mon cœur se serre. Je me dis que je profiterai de mon apprentissage à La Vertigineuse pour savoir pourquoi les Faveyrial sont si connus, ici. Je crains que ce ne soit difficile, car à chaque fois que mon nom de famille apparaît, les visages s'assombrissent et les regards fuient.

***

Lyte me dépose avec douceur, mais repart précipitamment, comme s'il voulait fuir toute sorte de civilisation. Immédiatement, deux soldats se dirigent vers nous sur la plateforme déserte.

-Joyeuse Eos! s'exclame le premier, un blond. Êtes-vous attendus par la Famille Dirigeante?

-Je suis Orfé Auxi Magus.

Aussitôt, les deux hommes s'inclinent respectueusement.

-Nous sommes ravi de vous rencontrer, honorable Prêtresse, reprend le blond. Qui est votre compagnon?

J'observe les deux soldats. Celui avec lequel Orfé discute possède un visage sympathique et des yeux dont les iris sont d'un mauve étonnant. Le second, quant à lui, a une face plus sévère mais arbore un sourire confiant. Je plisse les yeux, je crois l'avoir déjà vu quelque part. Il me paraît se donner un air supérieur. En effet, une sorte de médaille brille à l'emplacement de son cœur, elle a la forme d'une flamme. Une pierre d'un rouge éclatant flamboie au centre de la décoration.

-Elle se nomme Iason Aspasie.

Je hausse un sourcil, détournée de mon examen par l'entente de ce nom ridicule. Orfé n'aurait pas pu choisir mieux? Du genre, Marya?

Les deux hommes se consultent du regard.

-D'où vient-elle? interroge celui qui porte la médaille.

Orfé croise les bras et prend un air sévère qui me semble totalement étranger. Sa frimousse de gamine boudeuse me donne plus envie de rire qu'autre chose, cependant le soldat blond accuse le coup en esquissant une grimace. Il ne souhaite apparemment pas se mettre la Prêtresse à dos, bien que cela ne paraît pas affecter son collègue.

-D'un petit village des Plaines Viridis, répond Orfé vaguement, avant de s'impatienter: Je viens apporter une nouvelle aux Reuil. Cet interrogatoire est inutile, cette femme vient de passer la Protection de Tellus. Sous-entendez-vous que l'Entité n'a pas su faire un bon choix?

Le blond prend un regard effrayé. Il jette un coup d'œil aigu à son supérieur.

-Non, bien sûr que non.

Je réfléchis à toute vitesse, je suis désormais certaine d'avoir déjà rencontré ce... Monsieur Médaille. Ce dernier finit d'ailleurs par capituler:

-C'est bon, allons-y.

Ses ailes marrons, comme celles d'une chauve-souris, s'étirent. Il s'apprête à prendre son essor quand Orfé le coupe dans son élan en lui rappelant:

-Iason est une Démunie, elle a besoin d'une monture.

L'effet est immédiat, les deux hommes s'écartent soudainement de moi comme si j'avais la peste. Je serre les poings face à l'expression dégoutée de Monsieur Médaille.

-De naissance? s'enquiert le blond.

-Oui.

Soudain, je me raidis. Je crois reconnaître...

-Bien, nous allons demander un hippogriffe. Ce sera plus rapide que de passer par les rues.

Plusieurs questions effleurent alors mon esprit. Pourquoi parle-t-il de rues? Nous sommes dans un arbre géant, à vingt mètres du sol.

Puis: pourquoi cet homme est ici? Comment a-t-il fait pour passer la Protection de Tellus, si elle est censée protéger La Boisée?

Parce que Monsieur Médaille est l'homme qui a aidé Cruella à amputer l'Ange Déchu.

Un psychopathe, quoi.

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