PARTIE III - Milo
Recover - Ruelle
Can you see me?
I can barely see myself
Are we only empty frames upon the shelf
It's like we're dreaming wide awake
Everything bends until it breaks
Can we recover?
Can we get over this?
Are we too deep in the night to see the day?
Can we recover?
Can we get over this?
Are we too frozen inside to feel the flame?
***
LUCIEN
— J'ai rencontré quelqu'un. Il s'appelle Milo.
Les yeux de ma petite-fille pétillent et je comprends que c'est sérieux entre eux. Prudence ressent plus qu'une simple attirance pour lui.
— Et tu l'as rencontré quand ?
— Il y a cinq mois.
Ah oui, cinq mois déjà. Je ne pensais pas que ça ferait autant.
— C'est beaucoup pour moi, n'est-ce pas ?
Je fronce les sourcils en entendant le ton un peu nerveux de ma petite-fille. Elle ne semble plus aussi confiante. Si elle m'en parle, c'est que leur relation est sérieuse et qu'elle n'a pas envie qu'elle se finisse. Alors pourquoi est-elle soucieuse ? Elle esquisse un vague sourire triste et détourne le regard.
— Crapule...
— J'ai peur. Putain Papi, j'ai tellement peur.
Je ne relève pas la vulgarité. Je ne comprends plus rien. Je me contente de la fixer.
— Je crois que je me sens bien avec lui. Je suis en train de tomber amoureuse et ça me terrifie. Je me pose tellement de questions. Est-ce que je vais être fidèle ? Est-ce que j'aurais envie d'être fidèle ? Est-ce que je vais finir par avoir le cœur brisé en lui faisant aussi du mal.
Elle relève enfin le regard. Je pose mes mains sur ses doigts qu'elle triture nerveusement.
— J'ai tellement peur de tout foirer.
MILO
J'entends la porte d'entrée s'ouvrir et je comprends que Prudence est rentrée. Elle pose ses clés et son sac sur notre commode, puis enlève ses chaussures et sa veste.
— C'était bien ton déjeuner avec ta mère ?
Elle acquiesce en souriant et je me demande si c'est la première fois qu'elle utilise ce genre de mensonge. Sûrement pas.
— Oui, comme d'habitude. On a parlé boulot et elle m'a dit que le patron de mon père comptait agrandir la boutique.
À quel point se fout-elle de ma gueule ? Jusqu'où est-elle déjà allée en me mentant ? Comment de fois a-t-elle utilisé sa famille et ses amis pour se couvrir ?
— Ton portable était éteint ?
Ma question la surprend.
— Non pourquoi ?
Pourquoi ? Non, mais tu te fous de moi. On sait tous les deux qu'elle n'a pas déjeuné avec sa mère. On sait tous les deux que son portable était éteint ou en mode silencieux. Parce que si ça n'avait pas été le cas, elle n'aurait pas loupé les appels de sa mère avec qui elle était censée être.
— Parce que si ça avait été le cas, tu aurais raté les appels de ta mère. Ça aurait été dommage n'est-ce pas ?
— Merde.
— Oui, merde, Prudence ! Devine mon étonnement quand ta mère m'a appelée en me disant qu'elle n'arrivait pas à te joindre, alors qu'elle devait se trouver avec toi !
Elle reste silencieuse, mais continue de me regarder dans les yeux. On dirait qu'elle ne se sent même pas coupable. Comment peut-elle rester si impassible. Ma colère ne semble même pas l'atteindre. Est-ce seulement en façade ? Ou est-ce que ça ne lui fait vraiment rien ? Je me retiens de me lever et de péter un câble. Un an qu'on est ensemble et je me demande si elle a été sincère un jour. Certains diraient que je suis paranoïaque. Mais ce n'est pas la première fois qu'elle me ment. Parfois, elle rentre tard en me disant qu'elle a dîné avec son grand-père. Oui et c'est pour cela que tu sens le gel douche comme si tu venais d'en prendre une ?
— Tu vas te foutre de moi encore longtemps ?
— Milo...
Son regard clair est rempli de culpabilité et même si ça ne devrait pas, ça me touche. J'ai envie de lui hurler dessus. J'ai envie de lui dire qu'elle est juste une garce qui a bien profité de moi. Pourtant, je n'y arrive pas. Je suis sûrement un abruti, mais je ne veux pas la perdre.
— Je suis désolée.
— Alors pourquoi ?
Je m'approche d'elle et elle ne recule pas. Ma compagne me fait face et ne baisse pas la tête. Elle a eu beau me mentir pendant des mois, elle assume. Elle assume qu'elle me trompe et ça ne semble pas la déranger plus que ça. Et je sais que je devrais trouver ça dégueulasse, mais je ne peux pas partir.
— Je ne sais pas, ok ?!
C'est la pire défense que je n'ai jamais entendue. Mais ça n'a pas réellement d'importance parce que j'ai déjà pris ma décision. Une décision que je regretterai sûrement plus tard. Sauf que pour l'instant, je suis incapable d'en prendre une autre. Je l'aime. Et je vais l'accepter, peu importe ses défauts.
— Et si tu veux me quitter, je...
— Non !
Ma voix forte résonne dans l'appartement et ses yeux s'arrondissent d'étonnement. Je fais encore un pas vers elle et attrape ses doigts.
— Non, je ne veux pas te quitter. Je t'aime.
Elle me sourit. Elle est tellement belle. Je ne sais pas si je lui accorde réellement mon pardon. Je ne sais pas si j'ai encore confiance en elle. Tout ce que je sais, c'est que je ne veux pas que notre histoire se termine.
YANIS
Elle se cambre de plaisir sous ma bouche joueuse. Mes lèvres laissent des traces humides entre ses seins rebondis. Mes mains remontent dans son dos et des frissons parcourent la peau de Prudence. Mes doigts accrochent sa chevelure rousse et elle se redresse. Mon regard brûlant de désir la dévore. J'ai envie de la toucher. J'ai envie de rapprocher nos deux corps et de la faire succomber. Je commence à connaître son corps et son regard. Il est impatient. Elle est impatiente. Elle approche sa bouche de la mienne, ses yeux rivés dans les miens. Nos bouches se trouvent et ne se lâchent plus. Nos corps sont comme deux aimants. Aimants. Amants. Prudence et moi, on sait tous les deux ce que l'on veut. Nos langues sont endiablées, tout comme nos corps. Elle rapproche son bassin du mien et mon érection palpite entre ses cuisses. Mes doigts descendent plus bas, toujours plus bas. Et ils ne tardent pas à trouver ce qu'ils cherchent pour le plus grand plaisir de Prudence. Elle gémit contre mes lèvres.
Nous sursautons brusquement quand un portable sonne. Notre bulle éclate. Pendant quelques secondes, nous nous regardons, perdus. Prudence se relève, tout désir envolé. C'est son portable qui sonne, le mien étant toujours en mode vibreur. Je grogne, mécontent d'être interrompu.
— Fait chier.
Mon amante ne se préoccupe pas plus de moi. Elle descend du lit et je m'écroule sur le dos. Elle sait pourtant que je déteste quand nous sommes interrompus. Elle me lance une grimace d'excuse. Je sais qu'elle aussi déteste quand nous devons nous stopper. Frustration bonjour... Je me tourne sur le côté, le coude enfoncé dans le matelas. J'observe Prudence déambuler dans la chambre. Ses cheveux soyeux sont emmêlés, mais j'adore y passer mes doigts. Sa peau est dorée, encore plus lors des journées ensoleillées et j'adore l'embrasser. Parfois, j'aimerais y laisser des marques. Mais Prudence déteste quand je la mords ou que je lui fais des suçons. Elle est chiante parfois. Mon regard s'attarde sur sa chute de reins et ses fesses. Elle se baisse pour ramasser son jean qui est par terre. Comme d'habitude, nous ne sommes pas très soigneux. Il y a encore quelques minutes, nous ne pensions qu'à nous déshabiller. Nous ne faisons jamais attention dans ces moments-là. Tout ce qui nous importe, c'est de sentir le corps de l'autre le plus vite possible, nos bouches impatientes et nos mains inquisitrices.
Elle attrape son portable et se relève, se tournant légèrement vers moi. Je la vois fermer les yeux pendant quelques secondes. Essaie-t-elle d'oublier où elle est et avec qui ? Je me demande qui a bien pu l'appeler pour qu'elle ait cette réaction. Et soudain, j'ai une illumination. Milo. Ça ne peut être que son fiancé. Je l'entends souffler et je décide de me lever. Pas question de gâcher de ce moment. Nous avons encore une heure devant nous, alors autant en profiter. Je m'approche de Prudence et colle mon torse contre son dos. J'embrasse son épaule nue alors qu'elle continue de fixer son écran noir. Mes deux mains entourent sa taille, caressant la peau tendre de son ventre et de ses hanches. Mes lèvres désireuses d'explorer sa peau offerte, dérivent dans son cou et remontent à son oreille.
— Qui c'était ?
Je me doute déjà de l'identité de cette personne. Je sens que Prudence n'a pas franchement envie de répondre. Mais elle le fait quand même, alors que je reprends mes baisers sur sa peau douce.
— Milo.
Je décolle ma bouche de son épiderme et mes bras raffermissent leur prise autour de sa taille. Elle se laisse aller contre moi et cela réveille mon érection. Elle va céder. Je le sais et elle le sait. Elle ne peut pas résister à la tentation. Et elle n'en a pas envie sinon ça fait longtemps qu'elle m'aurait repoussé.
Elle se retourne dans mes bras et nous nous faisons face. La flamme dans son regard n'est pas éteinte et elle ne doit même plus penser à son fiancé. Je passe mes bras sous ses fesses et la soulève. Elle laisse tomber son portable au sol. Elle passe ses bras autour de mon cou et m'embrasse.
LUCIEN
Ma crapule est fiancée. Je crois que je n'en reviens toujours pas. Jamais, je n'aurais cru qu'elle se marierait un jour.
— Tu es heureuse ?
Elle acquiesce en me soufflant un oui enjoué. Je suis tellement content de voir sa joie. Elle semble si épanouie au bras de Milo et je ne doute absolument pas de l'amour qu'il y a entre eux. Ce soir, ils sont tout simplement rayonnants. Pourtant, quand ma petite-fille fait tourner sa bague de cette façon, c'est comme lorsqu'elle joue avec des stylos, elle est nerveuse. Elle a peur que Milo en ait marre de ses infidélités et la quitte parce qu'elle l'aime à la folie.
— Et vous avez déjà une date en tête ?
Elle hausse des épaules, un peu amusée. Pourtant, elle n'arrête pas de torturer sa bague.
— Papi, je...
— C'est une grande étape, n'est-ce pas ?
Ma crapule baisse les yeux sur sa bague de fiançailles. Elle a tellement peur. Mon bras entoure ses épaules et elle se laisse aller contre moi. Je sais qu'elle est terrifiée qu'il découvre tout. Parce qu'elle n'a pas respecté sa promesse. Elle trompe Milo avec des femmes et des hommes alors qu'elle a juré de ne le faire qu'avec des femmes. J'ai toujours trouvé cette promesse triste. Oui, c'est juste triste pour eux deux. Mais je n'ai rien dit. Si Milo estime qu'il l'aime assez pour fermer les yeux sur les infidélités de Prudence, et bien, je n'ai rien à y redire. C'est entre eux. Pourtant, je savais qu'elle ne tiendrait pas sa promesse.
— Tu l'aimes Prudence, arrête de te torturer.
MILO
— Comment ça "non" ?
Je dévisage Prudence avec surprise. Elle croise ses bras sur sa poitrine. Son visage est aussi déterminé que fermé et je ne comprends pas son refus. Elle semble si catégorique.
— Je ne veux pas d'un enfant. Ni maintenant, ni dans quelques années. Jamais.
Le choc me laisse sans voix. Elle refuse en bloc. Elle ne voudra jamais un bébé. Je crois que je ne m'attendais pas à ça. Moi non plus, je ne veux pas un enfant pour l'instant. Mais je me suis toujours imaginé que j'en aurais un, avec la femme que j'aime. Je reste silencieux et continue de la fixer. Ma fiancée, la femme que j'aime. Elle qui ne fléchit même pas sous mon regard abasourdi. Comme d'habitude, Prudence a un avis bien arrêté et elle a l'air de se foutre du mien.
— T'es sérieuse ?!
La colère fait son apparition parce qu'elle a changé d'avis. Nous avons déjà eu cette conversation. Nous pensons tous les deux qu'un couple ne peut pas se marier sans avoir discuté auparavant des sujets importants comme un enfant. Et elle n'avait pas été si catégorique. Elle m'avait seulement dit : pas maintenant. Mais "pas maintenant" ne signifie pas "jamais" ! Elle ne me répond pas et je sais tout de suite que sa décision est prise. Je ne pourrai pas la faire changer d'avis. Depuis quand te connais-je si peu Prudence ? Et ça fait mal. Des années de bonheur, des années d'une relation difficile avec ses hauts et ses bas, des années d'amour balayées par un simple refus. Nous n'avons pas les mêmes attentes. Nous ne voulons pas la même chose dans le futur.
— Prudence, s'il te plaît. Nous pouvons attendre des années encore. On est jeune et...
— Non Milo ! Je n'en voudrai jamais, c'est si difficile à comprendre ?
— Mais oui putain !
La colère se mêle à la tristesse. J'ai l'impression que je vais exploser. Et elle reste de marbre. J'ai l'impression que ça ne l'atteint pas. J'ai l'impression que ma douleur ne l'ébranle même pas. Tous les jours, je fais des concessions pour elle. Je veux juste qu'elle soit heureuse. J'accepte ses infidélités avec des femmes. Je ferme les yeux quand elle oublie nos rendez-vous, quand elle ne me répond pas au téléphone ou quand elle rentre tard le soir alors qu'elle ne travaillait pas. Je souffre en silence et elle s'en fout. Notre relation s'effondre comme un château de cartes. Ce n'est pas possible.
— Milo...
— Ferme là Prudence !
Dans un élan de colère, mon bras heurte la bibliothèque et les livres finissent par terre. Je les regarde s'écraser au sol et ça fait du bien.
— Après tout ce que je fais pour toi. Merde Prudence, je supporte tes infidélités. C'est moi qui fais tous les efforts dans notre relation. Et j'ai l'impression que tu t'en fous. Tu es là, sans être là. Tu ne t'investis même pas.
— Et tu me soûles ! Ouvre les yeux, ça fait des mois que ça ne va pas. Je me fais chier Prudence.
— Si je te fais tant chier que ça, t'as qu'à aller te consoler ailleurs... Ah mais suis-je bête, tu le fais déjà !
— Et pas qu'avec des filles !
Pardon ?!J'ai juré de ne rien dire sur ses infidélités si elles restaient féminines. Mais j'aurais dû m'en douter. Comment ai-je pu être si aveugle ? Il paraît que l'amour rend aveugle. Ça c'est clair. Je fixe Prudence. Je l'aime. Je la déteste. Et elle me regarde enfin avec des yeux brillants de tristesse. Mais c'est trop tard. Je peux accepter beaucoup de choses venant d'elle, mais pas ça. Je voulais juste rester le seul dans sa vie.
— Je croyais avoir trouvé la femme de ma vie. T'es pas parfaite, ça c'est clair. Mais je pensais pas que t'étais une vraie garce Prudence !
Les larmes coulent sur ses joues et pour une fois, c'est moi qui reste impassible.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top