Chapitre 25




25.








— Nous sommes les Ashes & Crystals ! Et nous espérons que vous apprécierez cette soirée !

Nils tape dans ses mains, grand sourire aux lèvres. Willow l'imite avec plus de retenue, le corps orienté vers l'estrade où les lumières ciblent les artistes. Alors, dans la salle, il fait peu à peu plus sombre. Willow devine qu'ils comptent commencer avec un morceau assez lent, histoire de doucement mettre l'ambiance.

Le guitariste joue les premières notes et directement, des sifflements admiratifs retentissent. Les rires fusent. Le genre de réaction de quelqu'un qui reconnaît un morceau de son enfance. Nils voit Willow sourire plus sincèrement sous les faibles lueurs de la scène. Ce dernier, par contre, ne semble pas reconnaître la chanson.

— C'est quoi ?

Hotel California, fait Willow en se tournant dans sa direction.

La chanteuse, qui se sera présentée sous le simple nom de Livie, se place devant le micro. Aussitôt, son regard change, devient plus sérieux, plus porté par la musique qui résonne contre les murs. Différent de la jeune fille qui se sera montrée à eux le matin même, à cet instant, alors que la batterie se mêle doucement au début d'harmonie, son charme naturel vient capturer une bonne partie de l'attention.

Et elle chante, les paroles viennent et emplissent la totalité du bar. L'histoire de cette Mercedes Benz qui file dans le vent, de cet hôtel perdu au travers des routes californiennes des années soixante-dix. Elle récite la vie d'un homme qu'elle n'est pas, mais à qui le monde entier s'identifie sur ces quelques minutes. Sur les routes froides qui se réchauffent, Nils visualise chaque intonation, chaque parallèle. Il se tourne vers Willow avec un air assez étrange, lequel ne peut s'empêcher de rire. Cette chanson, elle leur ressemble un peu. Vite fait, très vite fait, parce qu'à part ça elle s'apparente aussi beaucoup à un film d'horreur. Mais c'est drôle.

And I was thinking to myself

This could be Heaven or this could be Hell.

Willow prend une autre gorgée de sa bière, se balançant dans le rythme, il articule ces paroles en plantant son regard dans celui de Nils, une sorte de taquinerie qui pourtant, semble lui faire un drôle d'effet. Willow, il paraît toujours bien plus serein entouré de musique, comme si elle faisait taire ce qu'il y a autour, comme si elle faisait taire ce qui gronde parfois dans sa propre tête.

Quelques autres morceaux sont joués, puis au bout d'une trentaine de minutes, le groupe passe à ses propres compositions. Nils, il aime aussi la musique, mais différemment. Il y trouve un défouloir, quelque chose sur quoi mettre ses angoisses et sa fatigue. Alors, quand il se met à crier des paroles sans sens au-dessus d'un monde à moitié ivre, Willow éclate de rire car comme toujours, celui qui aime le moins la foule est paradoxalement le plus enclin à se donner en spectacle. Nils tape dans ses mains en encourageant la bande, et c'est marrant, parce qu'en le regardant, difficile de savoir s'il assiste à un concert ou un combat de boxe.

Willow a terminé sa bière. Pour ne pas risquer d'écarts, il prend cette fois une limonade. Quand la serveuse s'éclipse après avoir pris sa nouvelle commande, il la voit croiser la route d'une de ses collègues de travail, cette dernière semble sur le point d'aller faire une petite pause cigarette, vu le paquet qu'elle tente de camoufler dans sa poche trop étroite.

Il ne peut que penser à son ancien travail à mi-temps, au Baker's. Il faisait la même chose dès qu'il en avait l'occasion.

Pourtant, quand elle ouvre les portes qui mènent à l'extérieur, Willow hoquète de surprise. Dehors, il commence à pleuvoir, du moins, il espère que ça vient de commencer. Le ciel est sombre mais il perçoit la bruine grâce à la lueur d'un lampadaire jaune planté dans la rue d'en face. Nils tourne la tête en le voyant faucher ses clés à la hâte, le visage presque en panique. Quand il se lève, Nils n'a même pas le temps de le retenir, juste de lui crier :

— Hé ! Tu vas où ?

Sans réfléchir, Willow lui répond sur le même ton :

— Remettre la capote !

Si la musique est trop forte pour avoir alerté la totalité du bar, Nils peut néanmoins voir les têtes de la table d'à côté tour à tour pivoter dans sa direction. Il pique un fard et se ratatine contre son siège.

— Le toit ! reformule-t-il alors que Willow est déjà parti. C'est un putain de toit, bordel !

La tablée part dans un fou rire quand il fourre son visage dans ses mains, plus rouge qu'une pivoine.

Donc, Nils attend. À travers son embarras, il continue d'écouter distraitement la prestation des Ashes & Crystals. Quelques maigres minutes passent et il consent à relever la tête. Il a la bouche pincée, car quand Willow n'est pas là, il a l'impression d'être bien trop conscient du monde qui l'entoure et du bruit de la foule, plus que celui du groupe. Il prend une grande inspiration.

— Tenez.

Nils a un soubresaut quand la même serveuse dépose la limonade de Willow devant son siège, en plus d'un cocktail face à lui.

— Hum ? C'est quoi ça ?

Nils se penche au-dessus du verre, comme s'il tentait de voir au travers.

— C'est de la part de l'homme à la table dix-huit, apparemment vous apportez beaucoup de bonne humeur et vos gesticulations l'ont fait bien rire.

Elle hausse les épaules, comme si des cas de figures comme ceux-là, elle en voyait tous les soirs. Quand elle repart, Nils tourne la tête plusieurs fois, cherchant cette table dix-huit par curiosité.

— Y'a des gentils idiots dans le coin ? se dit-il à lui-même.

J'pourrais peut-être me faire payer des verres si je continue de faire l'imbécile heureux, pense-t-il.

Mais quand il tombe sur ladite table, et que tout ce qu'il y voit est un homme d'âge mûr totalement bourré, ça le refroidit. Nils bat des cils sous la confusion, alors, le monsieur passe la langue sur sa lèvre, puis lui sourit avec un air tout sauf innocent. Il a le pire frisson du monde avant de se retourner. Du bout des doigts, il pousse sa boisson dans un coin, très loin de lui. Pas question qu'il y touche.










— Voilà, désolé si ça a pris du temps je... wow c'est quoi tout ça ?

Willow revient, il a les cheveux légèrement mouillés, même si pour l'instant l'averse est timide. Il les secoue en revenant prendre place à leur table, faisant face à un Nils aux sourcils froncés et aux bras croisés, il a l'impression qu'il va exploser.

— T'as commandé de l'alcool ? fait Willow en s'apprêtant à le réprimander.

— J'aurais préféré, tiens ! C'est le type louche là-bas, il essaye de m'acheter !

Sans vergogne, il pointe l'individu du doigt et Willow se redresse pour lui baisser le bras.

— Oh ça va ! se défend-t-il. Il est clairement déchiré, j'ai même essayé de lui lancer un glaçon à la tronche et il a cru que je lui faisais coucou.

Willow baisse le regard sur les quatre verres jonchant maintenant leur table, tous intacts, et l'individu qui leur fait de l'œil ne semble pas avoir dit son dernier mot, puisqu'il se réaccapare l'attention d'un serveur, pour les désigner ensuite. Il est clair que celui-ci risque plus de se réveiller le lendemain avec une mauvaise surprise dans son portefeuille qu'une plaisante compagnie dans son lit.

— Ce porc sérieux, grimace Nils. J'ai envie d'aller lui mettre mon poing dans la... hé !

Willow présente un sourire gêné aux gens autour d'eux, qui semblent bien attentifs à la querelle bien que pas mal alcoolisés aussi. Il attrape Nils par la main et le fait se lever de table sous sa plainte indignée.

— Qu'est-ce que tu fais ?

— Viens, on va danser, lui dit Willow de but en blanc.

— Quoi ?

C'est plutôt une excuse pour se camoufler parmi le mouvement de masse, car à ce train-là, il n'aurait été plus que question de minutes avant que le nouvel admirateur de Nils ne se lève et vienne l'aborder en tête à tête. Et connaissant un peu plus le caractère très impulsif de ce dernier, Willow n'a pas envie de gérer une scène alors qu'ils doivent au contraire se montrer discrets.

Ils se frayent un chemin jusqu'à se rapprocher de l'estrade. Livie semble les voir, elle leur sourit et leur fait un rapide signe de main. Nils se défroisse et réciproque, car durant ces deux heures de show, il peut dorénavant se considérer comme nouveau fan de leur musique. Willow suppose qu'elle les a vite reconnus.

C'est bien plus agité sur la piste de fortune, il n'y a que peu d'espace de libre et les fêtards bougent à un rythme presque déchaîné. Le groupe se lâche aussi sur scène, et donc tout ce que voit Nils, ce sont des mouvements désordonnés et beaucoup de lumière. À ses côtés, Willow se laisse porter par les basses, mais de manière bien moins brouillonne que les autres, avec une gestuelle plus posée malgré l'ambiance. Alors, Nils prend une grande inspiration, et décide d'oublier ses dernières contrariétés.

Ils bougent en rythme et tapent dans leurs mains, laissant filer des sifflements sous les solos de guitare et les impros de batterie. Malgré les quelques imprévus de cette soirée, en réalité, ils s'amusent plutôt bien, beaucoup même. La foule rit parfois, sans véritable raison, alors ils la suivent dans sa débauche, partageant leur hilarité, comme si eux aussi, se faisaient envahir par une ivresse qui n'était pas la leur.

Livie annonce le dernier morceau, Nils n'a pas vu le temps passer, il a l'impression d'avoir mis les pieds ici il y a deux minutes à peine. Alors tout le monde hue, pas méchamment, mais en feignant une tristesse rigolote. Livie laisse son rire résonner dans le micro, secouant ses cheveux trempés par la sueur, son maquillage a un peu coulé, mais bizarrement, ça lui donne un air encore plus charismatique, plus déjanté.

— C'est la dernière chanson, alors je demande à tout le monde de se lever !

Il n'en faut pas plus, les garçons se sentent bousculés, en effet domino quand les tablées se vident. Nils vacille, une jeune fille titube et son épaule lui pousse le dos. Willow, qui est évidemment le plus proche, se retrouve à le rattraper en posant ses mains sur sa taille, ses doigts sur le tissu humide de son t-shirt. C'est ça, de danser et sautiller un peu partout, ça fait pas mal transpirer. Ils s'immobilisent, bien plus proches qu'ils ne l'auront été ces derniers jours.

Surpris par son propre geste, Willow tente de se reculer. Pourtant, sans le lâcher des yeux, Nils rattrape ses poignets, les maintenant à leur place contre lui, en profitant lui-même pour davantage se rapprocher. Willow se mord la lèvre et jette quelques coups d'œil autour de lui.

— Nils, les gens nous regardent.

— Ils regardent rien, le contredit-il. Ils s'en foutent, t'as vu dans quel état ils sont ?

La dernière chanson est plus douce, plus lente. Elle laisse filer dans l'air l'idée de la fin de soirée, c'est leur au revoir au peuple, ces rois oubliés qui chantent leurs histoires sur un plateau en bois. Au milieu de cette foule, perdus dans le brouillard, ils sont là, ces deux-là, dans cette étreinte étrange, un pas après l'autre. Ils ne se lâchent pas des yeux, les effluves d'alcool flottent et ont réchauffé l'atmosphère depuis longtemps. Et quand ils ont l'impression d'être les seuls lucides parmi une masse dépravée, peut-être qu'il s'agit d'un autre type d'ivresse, quelque chose de plus grisant, qui n'entache pas les sens mais qui donne un courage que le jour a tendance à éteindre.

Nils passe ses bras autour du cou de Willow, ce dernier sent son cœur battre dans ses tempes. Ses mains, délicatement, glissent sur ses hanches, pour mieux percevoir les mouvements de son corps sous la musique. Et Nils a raison, personne ici n'a les idées assez claires pour remarquer que deux hommes sont là, enlacés, et qu'il y a dans leur toucher ces étincelles qu'il ne faut pas laisser voir.

Mais soudainement, Nils se crispe et ses pupilles se dilatent. Willow semble alors revenir à lui quand il a un mouvement de recul, tournant la tête dans tous les sens. Il le voit se figer dans une direction, et ses épaules se voûtent.

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Il vient de me toucher les fesses !

Alors, Willow la voit, la silhouette de l'homme qui chancèle sur la piste, ne se privant pas de provoquer d'autres personnes. Il a une grimace de dégoût, surprenant ses mains baladeuses tenter de satisfaire leur curiosité sur tous les bouts de chair qu'elles peuvent atteindre.

Le contact de Nils se rompt totalement quand Livie salue le public, et les acclamations explosent si fort que plus personne ne s'y retrouve. Juste que Nils, il n'est plus là. Willow tourne sur lui-même, quelques discours se partagent, des contes, des histoires. Willow ne les écoute pas, mais entend les voix pleines d'émotions qui bataillent dans l'air. Il cherche Nils, car il a un pressentiment étrange. Le bruit, les cris, personne ne veut que la soirée se termine mais au milieu de tout ça, Willow sent que c'était la goutte de trop pour son camarade, et peut-être pour lui aussi.

Une main calleuse se pose sur son épaule, le faisant tressaillir.

— Hé p'tit, il est passé où ton blondinet ?

Willow aperçoit à peine le visage brouillon de ce même homme. Sous les lumières diffuses et cette standing ovation continue, Nils apparaît à leurs côtés, deux des verres qui lui ont été offerts dans les mains. Et ce n'est certainement pas pour porter un toast, ou si, mais quelque peu différemment. Willow ne réfléchit même pas quand il en prend un, car là, sur le moment, sans même prévenir, une fureur sourde vient de souffler dans son corps.

— Bientôt très loin de vous.

Il ne faut qu'une seconde avant que l'homme se reçoive le contenu de ses boissons en plein visage, remis à sa place par les deux garçons d'un même geste. Il recule, se mettant à tousser bruyamment, l'alcool n'ayant pas la texture la plus agréable. Willow attrape Nils par le bras et le tire brusquement en arrière.

— On se casse !

— Vous ! Bande de petits cons ! rugit l'homme en les coursant maladroitement.

Quand ils attrapent leurs maigres affaires pour s'élancer en panique vers la sortie, Willow tire une chaise abandonnée sur le chemin, bloquant l'accès. L'homme s'y emmêle les jambes et s'écroule, vociférant comme un dégénéré pendant que le reste du bar est divisé entre ceux qui encouragent la bagarre, et les videurs qui se mettent à pourchasser les garçons. Comme si c'était leur faute.

Lorsqu'ils poussent les portes menant à l'extérieur, Willow est abasourdi par la pluie devenue alors torrentielle. Mais n'ayant pas le temps de s'y accommoder, Nils et lui se remettent à courir, leurs pieds frappant les flaques d'eau. Dans leur dos, les cris du personnel sont accrochés à leurs pas.

Tout ça, mêlé au rire de Nils. Willow le suit des yeux, avant de rire lui aussi.

Ils n'arrivent qu'à penser à quel point ils sont devenus insortables. Personne ne peut plus rien pour eux.

— Dépêche-toi !

Déjà trempé jusqu'aux os, Willow est fébrile quand il sort sa clé de sa poche. Nils s'effondre sur son siège lorsque le moteur vrombit. Comme lors de leur première escapade, le premier jour, en quittant un motel miteux comme des voleurs. C'est la même chose.

Les phares s'allument et aveuglent ceux qui les coursent, Willow démarre en trombe. Le bruit si soudain de l'engin fait que tout le monde se décale de peur. Et avant de dire « ouf », les voilà sur la route, les idées en vrac et des injures sidérées plein la gorge. Les jointures de Willow blanchissent sur le volant, c'est exactement comme la première fois, sauf que maintenant, il ne sent pas qu'il a fauté. Pas assez du moins.

Et ça l'inquiète. Il secoue la tête, ses cheveux mouillés s'agitant autour de son visage, il a les joues roses et le cœur en pagaille. Nils doit être dans le même état, il déblatère des choses incompréhensibles, son rire est aussi nerveux que libéré. Car il est un mystère, mais un mystère qui, comme Willow, commence à se dévoiler.

Ils atteignent le parking d'un parc désert au bout de quelques minutes, Willow ne pourra pas conduire plus longtemps, il a trop la tremblote. Nils se tourne vers lui quand il pousse une gueulante, avec les yeux ronds. Plus contre lui-même, parce que cette fois, il n'a pas juste été entraîné de force dans les débordements de Nils, mais en a totalement pris part, sans même que ce dernier ne l'incite à le faire.

— Non mais t'as vu ? T'as vu ! s'exaspère Willow. Ça n'en finit pas ! Un jour l'un de nous deux va crever je te dis !

Mais rien, rien en cet instant ne peut défaire Nils de son sourire. Et alors, la voix de Willow se fait plus mesurée, jusqu'à même s'éteindre. Nils, il est encore essoufflé, les lèvres entrouvertes et les yeux qui brillent trop fort. Il a de l'éther sur les cils, les couleurs de l'aube sur les joues. Et il sourit, et c'est sûrement trop.

À cet instant, Willow le trouve si beau.

Il jure une dernière fois, et sans crier gare, il ouvre la porte pour sortir en trombe. Le rideau d'eau tombe sur lui et le fait frissonner.

Il passe ses mains dans ses cheveux et c'est à croire que tout se bouscule. Ce n'est pas nouveau, tout se bouscule depuis trop longtemps. Entre ces doutes, ces espoirs, ces chutes. Quand ils ont l'impression de finalement avoir la réponse, elle finit toujours par leur glisser entre les doigts.

Pourtant, ce soir, leur énième dérapage fait encore battre son cœur dans sa poitrine, ça fait presque mal. Il se retrouve sous la morsure de la pluie, le cerveau en ébullition, les sens en feu. L'averse est forte, parasite un instant ses pensées, mais l'adrénaline, elle continue de cheminer dans ses veines. Nils ouvre la portière, et Willow l'entend râler. Il aurait pu rester bien à l'abri, juste à le laisser reprendre ses esprits tout seul. Mais Nils a surpassé un de ses caprices, et il y a ses pas dans les flaques d'eau, quand il contourne la voiture. Son nom. Willow entend son nom sur ses lèvres, entre la plainte et peut-être de l'inquiétude non assumée.

— Ah ! On y voit rien !

Willow fait volteface, apercevant à peine la silhouette plantée dos à la voiture. Nils le voit revenir vers lui, presque en courant, presque comme s'il avait quelque chose d'effrayant à ses trousses.

Ou comme s'il ne voulait pas laisser encore le temps balayer ce qu'il commence enfin à assumer. Il laisse enfin les choses prendre leur place, Willow arrête de se battre contre elles.

Il prend le visage de Nils entre ses mains, et plonge sur ses lèvres.

Les doigts de Willow finissent ensuite leur course dans ses cheveux blonds, s'y agrippant alors que leur baiser se fait fiévreux et bancal. Ils entendent leur souffle, une fine buée file entre leurs lèvres lorsqu'ils se cherchent un peu d'oxygène. Ils ne croisent leur regard qu'un instant avant de repartir dans leur échange, se raccrochant à leur corps quand à nouveau, ils s'emparent de la bouche de l'autre, à la limite de se malmener. Ça a un côté viscéral, plus sauvage que les autres fois. Ça ne s'embarrasse plus des limites et de la morale, ce n'est plus qu'eux au milieu d'une nuit orageuse.

Le tonnerre gronde, ils n'en ont que faire. Nils glisse une main dans sa nuque, il a une emprise particulière sur lui, quelque chose de plus profond qu'un simple contact. C'est magnétique, c'est ce qui a éclos de nulle part et qui est resté. Peut-être que Nils n'en est pas pleinement conscient, de l'effet foudroyant qu'il lui fait. Willow n'a pas demandé ça, de perdre à ce point ses moyens. Mais c'est si bon, c'est si vif sous leur toucher, mêlé à l'adrénaline qui les fait encore et toujours frémir ensemble.

Ils ne savent pas vraiment comment, mais bientôt la pluie ne les atteint plus. S'embrassant toujours aussi fort, les voilà pressés à l'autre sur la banquette arrière du véhicule, leur corps et leurs vêtements trempés frottant leur peau à chacun de leurs mouvements, Willow le surplombe dans l'espace clos. Ils entendent leur respiration erratique, mais n'arrivent pas à se lâcher assez longtemps pour convenablement reprendre leur souffle. C'est presque un combat, leur survie dans la violence des nuages. Dehors, ça gronde, et là, ils s'élèvent.

Et Nils tend les bras, il n'y a pas beaucoup de lumière qui traverse les vitres. Ses doigts agrippent le blouson de Willow, le faisant gauchement glisser le long de ses bras, frôlant sa peau brûlante et humide.

Ils finissent par s'observer, quand, face à l'autre, leurs gestes ralentissent, jusqu'à s'arrêter.

Une main sur sa joue, Willow parcourt son visage des yeux. Il parvient à discerner ses lèvres entrouvertes, le souffle court qui rebondit sur sa peau à lui, ses yeux un peu torves, un peu vitreux. Puis il s'égare sur sa peau rosée, son corps fébrile, et ses cheveux blonds éparpillés sur son front et ses tempes. C'est merveilleux.

— Nils Miller...

Il revient, avec plus de douceur, effleurer ses lèvres des siennes. Nils se tortille sous lui, cherchant à avoir un véritable baiser.

— ...tu te rends vraiment pas compte de ce que tu me fais.

— Je crois que je commence à capter, lui souffle ce dernier.

Willow plonge dans son cou, passe sous son t-shirt, effleurant son ventre et ses côtes de ses phalanges. Nils soupire et renverse la tête, il n'en peut plus, son cœur s'acharne contre lui.

De fil en aiguille, les gestes se coordonnent dans l'étreinte, trouvent leur marque et leur place. Ils ne sont pas là pour faire demi-tour, pour se laisser dicter leur vie. Ils se déshabillent ensemble, il y a encore de la douceur, malgré la fièvre qui continue de les consumer. La nuit progresse et leur contact s'embrase sous leurs doigts, leurs baisers les emportent.

Peut-être qu'ils ne se connaissent pas depuis très longtemps, il n'empêche que du temps, ils ont n'en auront pas indéfiniment. Alors, ils espèrent ne pas regretter, et juste se perdre dans l'instant.

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