Piste 3

10/04/2021: chapitre corrigé 

3) Cold fame 6:11

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Quelques heures plus tard, une douce voix résonna dans les couloirs.

- TOUT LE MONDE SE RÉVEILLE! METTEZ-VOUS EN TENUE DE SPORT IMMÉDIATEMENT CAR VOUS AVEZ RENDEZ-VOUS DEVANT LE GYMNASE DANS CINQ MINUTES CHRONO! TOUS LES RETARDATAIRES AURONT UN BLÂME.

Cailean gémit depuis son lit, jeta un regard rapide à la fenêtre et en déduisit au soleil encore endormi qu'il était aux alentours de cinq heures du matin. Sans trop tergiverser, il se dépêcha de se préparer, enfila rapidement un jogging et essaya de chercher un tee-shirt quelconque à mettre. Plus le temps s'écoulait et plus l'appréhension s'emparait de lui, lorsque enfin il se souvint d'avoir effectué une machine avec quasiment la totalité de ses affaires la veille au soir. C'était d'ailleurs pour cette raison qu'il s'était endormi seulement vêtu d'un caleçon.Il ne prit même pas le temps de passer par la case de la salle de bain qu'il courait en direction du bâtiment sportif. Tant pis, entre le choix d'avoir un blâme et être convenablement vêtu, sa décision fut vite prise. Essoufflé ainsi que frigorifié, il arriva au lieu du rendez-vous. Cailean avait momentanément oublié que la période d'hiver était encore présente et que malgré l'augmentation des températures lors des journées, la nuit, c'était tout le contraire.

- Bah alors mon garçon ? Tu essayes d'inventer un nouveau style vestimentaire ?

S'exclama Gus, d'une voix bourrue, mais son micro-sourire révélait un amusement à peine contenu.Le concerné prit alors conscience de l'attention portée sur sa personne et dans un geste défensif pour se protéger, mit ses bras autour de son corps. Alors que Cailean essayait de se frayer un chemin entre les jeunes présents, il entendit une voix méprisante s'exprimer assez bas pour que l'éducateur ne puisse pas l'entendre. Mais assez fort pour qu'il n'ait pas d'autre choix que de l'écouter.

- Oh oui, cache-nous cette immondice Cailean Iguel ! Déjà que tu nous imposes la vision famélique de ton corps, ne nous oblige pas à en supporter plus, je t'en prie !

Suite à cette déclaration Giacomo Natoli se gaussa avec ses camarades.Giacomo devait régulièrement asseoir son autorité sur le reste du groupe. C'était une nécessité afin de conserver une position de dominance. Celle du chef, craint et respecté. Personne n'osait s'élever contre lui. Il dirigeait tout depuis son petit piédestal, alors Cailean ne prit même pas la peine de répondre à cette énième provocation.Alors que Cailean passait à côté de la cour du blond, il bouscula accidentellement une immense masse. Il releva des yeux effrayés vers la personne qu'il avait percutée et tressaillit quand il se rendit compte que c'était Eros Ivaldi.Tout simplement tétanisé, le métis resta bêtement sur place à attendre une réponse plus ou moins virulente de sa part. C'est pourquoi, il ne comprit pas quand le regard d'Eros Ivaldi devint totalement indescriptible, son corps était figé dans une immobilité quasi parfaite. Pourtant, Cailean s'était aperçu que son interlocuteur fixait avec une émotion son torse maigrelet qu'il avait du mal à définir, dont on pouvait apercevoir quelques côtes apparentes.Cailean ressentit une honte si grande qu'il était certain qu'on pouvait apercevoir ses joues rougies malgré sa peau noire. Meurtri, il détourna ses yeux d'Eros, se décidant par la même occasion à quitter cette atmosphère si particulière, il fit quelques pas afin de contourner le jeune homme. Ainsi, il parvint à se détourner du mastodonte et relâchant sa garde, il s'avança plus franchement vers un coin plus reculé.C'est pour cette raison qu'il sursauta fortement quand une poigne se referma sur son poignet. 


Ne pouvant que se retourner, il se rendit compte que la brute lui tendait un sweat-shirt de couleur grise unie. Trop estomaqué pour émettre le moindre son, ni même aucun geste, il se statufia. Il ne put qu'observer avec stupéfaction qu'Eros ne paraissait plus aussi sûr de lui. Ses yeux ne cherchant aucunement à établir un contact visuel, Eros se contenta de tendre son sweat en sa direction. Cailean ne bougeait toujours pas d'un geste alors Eros perdit patience et le jeta avec brusquerie sur lui puis s'en alla.

D'ailleurs la brute vérifia rapidement que Giacomo Natoli n'avait rien remarqué et se permit d'émettre un sourire satisfait. Pour une fois qu'il faisait une bonne action, Eros peinait à réfréner sa joie. Il ressentait un tel contentement que rien ne pourrait gâcher sa journée.Cailean s'avança doucement, baissant les yeux au fur et à mesure de sa progression les mains serrées autour du vêtement chaud. Il trouva finalement un petit coin reculé où il pouvait observer le reste de son groupe, il attendait patiemment la fin du chronomètre. En patientant, il ne put s'empêcher de vérifier si les jumeaux n'étaient pas présents. Même si Cailean était à l'origine de cette séparation, un sentiment de solitude s'abattit sur lui. Il eut également une petite pincée au cœur, lors-qu'après avoir fait le tour des personnes présentes ne reconnut que les personnes de son unité trois. Ou plus communément appelée "Chuck Berry".L'unité "Chuck Berry" rassemblait ceux qui avaient eu un déboire avec la justice plus ou moins importante et avait eu la chance d'aller dans une maison de correction au lieu de la prison au vu de leur jeune âge. Pour avoir la possibilité d'avoir une sorte de rédemption. La maison de redressement était divisée en trois unités : la première portait le surnom de "Jimi Hendrix" et était réservée aux adolescents ayant des troubles de comportement suite à de la maltraitance durant l'enfance. La seconde unité possédait le surnom de "Janis Joplin" et regroupait les personnes possédant des problèmes avec les drogues. Cailean s'était toujours demandé comment ces surnoms étaient apparus.Fait particulier également, les autorités écossaises avaient établi la limite d'âge à vingt-et-un ans dans ce genre d'institut après ce palier, c'était direction la prison.Soudainement ses mains se contractèrent, se souvenant à cet instant précis de la présence du cadeau. Ce geste venant d'Ivaldi, qu'il n'arrivait pas à déchiffrer. Il se demandait ce qui avait pu déclencher un tournant dans son comportement. Pourtant, jamais il n'avait témoigné le moindre signe d'amitié envers lui et tout à coup il se permettait de le prendre en pitié afin de lui donner son sweat ? Cailean comprenait surtout qu'il devait lui faire peur avec son corps trop mince, Eros ne voulait certainement pas supporter cette vue.Durant un instant, il eut un sursaut de rébellion contre sa condition et la manière dont les autres le traitaient. Il voulut retourner devant Ivaldi pour balancer son vêtement à ses pieds.Brusquement, il s'appuya de fatigue contre le mur derrière lui, il avait tout de même perdu des heures non négligeables de sommeil. Cailean essayait tant bien que mal de grappiller quelques bribes de repos. Peut-être était-ce la fatigue ou le froid, mais il se disait que ce geste généreux même s'il provenait d'un ennemi, était le premier depuis un long moment. Il émit un petit rire sarcastique, peut-être ce geste marquerait le début d'une longue série ? Son rire s'amplifia faisant se retourner les jeunes devant lui de toute manière, il ne dura pas bien longtemps, car il s'estompa avec une quinte de toux.

- Allons plus loin, je ne veux pas qu'on prenne le risque avec lui, qui sait ce qu'il a réussi à attraper comme maladie ? Oh et puis tu ne sais pas ce que Caitlin m'a dit sur lui...

Cailean ne put entendre la fin de la phrase du garçon qu'il ne connaissait ni d'Ève ni d'Adam, mais qu'il semblait connaître une multitude de choses à son sujet.Une bourrasque plus froide que les précédentes, lui fit rapidement penser à autre chose. Il hésita un moment, par fierté il était tenté de le laisser tomber, mais il avait d'autant plus conscience de sa condition plus que fragile en ce moment. Il enfila donc le vêtement et ne put refréner une bouffée de gratitude envers Eros, le temps était réellement glacial.Perdu dans ses pensées, la forte voix de Gus le ramena à la réalité. - Bon les gars, suite à une réunion avec les éducateurs et le directeur on a décidé d'instaurer un nouveau programme pour vous apprendre à respecter la discipline. La majorité d'entre vous a 85 % de chances de récidiver une fois sorti de cette maison. Cette nouvelle activité est pour votre bien, même si je connais certains d'entre vous qui vont râler d'avance.À ce moment précis de son discours, il éclata de rire comme s'il savait à l'avance la chute d'une blague particulièrement cocasse.Gus, par ses paroles un peu bourrues et ses manières parfois rustres faisait partie des éducateurs les plus appréciés du centre. Certainement grâce à sa franchise à toute épreuve et à sa simplicité parfois déconcertante.Dans un geste purement sadique, il se frotta les mains devant son visage et esquissa un sourire de pure félicité. C'est à cet instant que les membres du groupe commencèrent à réaliser que ce qui allait suivre n'allait vraiment pas leur plaire, en aucun cas. Même si Gus était l'un des membres du personnel les plus aimés, il avait une passion connue de tous : le sport intensif. C'était devenue une drogue pour lui, ce qu'il lui avait valu une tonne de muscle et qu'il pouvait facilement être comparé à un demi-géant.

- Je disais donc qu'on a instauré un programme de sport intensif afin que vous puissiez calmer votre agressivité et vos tendances violentes. Je pense que c'est une très bonne initiative et en plus parce que c'est moi qui vais présider toutes les séances. Séances dont je déciderais l'heure à laquelle vous les effectuerez ainsi que le temps que celles-ci dureront !

Il s'arrêta volontairement afin que tout le monde puisse intégrer les nouvelles informations. Si possible, son sourire s'élargit encore plus.

- N'est-ce pas une idée grandiose ? Donc j'ai décidé pour inaugurer cette formidable initiative que vous courrez donc dix fois autour du terrain de football, ensuite vous enchaînerez avec cinquante pompes, soixante-dix abdos et trente jumpings-jack !

Le sportif souffla dans son sifflet marquant ainsi le départ de ces épreuves. Cailean, avec une grande peine et une motivation quasiment inexistante s'élança, suivant ainsi ses camarades. Ce qu'il avait surtout entendu, c'est que malgré l'horaire de ces séances de sports improvisés, ils n'auraient pas de dérogation pour se reposer lors d'un temps de pause aménagé. Et surtout qu'il y aurait cours le lendemain. Enfin, en début de matinée.

°°°

Après, sa quarante-neuvième pompe Cailean sentit que son corps n'allait pas tarder à lâcher. Le manque de sommeil de ces derniers jours lui était fatal en ce moment. Puis la bande de Giacomo Natoli était juste devant lui, ne se gênant pas pour dénigrer sa piètre condition physique. Il essaya pourtant d'ignorer les vertiges qui s'intensifiaient au fur et à mesure de l'effort physique. Cailean se força donc à se concentrer sur autre chose. Il ne put donc ignorer les commentaires négatifs sur son compte, c'était sa seule distraction. Étonnamment, il avait pris conscience qu'Ivaldi ne prenait pas part aux médisances verbales. Ce garçon l'intriguait de plus en plus. Il allait certainement devenir son cas d'étude dans les prochains jours.Dans le but de vaincre la solitude qui s'alourdissait autour de lui, il avait décidé de retranscrire les émotions apparentes de personnes qui avaient selon lui, un comportement inattendu. Cela l'aidait par la suite pour déchiffrer son comportement. Eros Ivaldi avait ainsi mérité de figurer dans ce petit carnet.Sans signe annonciateur, son corps s'écroula à même le sol.

Ivaldi ne parvint pas à arrêter de fixer le corps de Cailean tombant à la renverse. Depuis quelques minutes, il avait pressenti à la vue des cernes et à l'air de fatigue présente sur son visage qu'il serait incapable de tenir toute l'épreuve. C'est pour cette raison qu'il avait ralenti ses pompes afin de se caler sur le rythme du jeune métisse, pour intervenir au cas où. Tommaso Sachello avait d'ailleurs remarqué sa manœuvre, un rictus indéchiffrable était d'ailleurs peint sur son visage. Malgré leurs divergences d'opinions à propos de Cailean, Eros savait qu'il pouvait compter sur Tommaso. Au moins pour qu'il ne dise rien à Giacomo.

De ce fait, les deux derniers qui n'avaient pas terminé leurs exercices, étaient sans surprise Cailean et Ivaldi.Le bruit de la chute, avait rapidement alerté Gus qui surveillait l'ensemble des adolescents afin qu'ils réalisent correctement leurs exercices. Le professeur retourna sans attendre l'évanoui sur le dos, vérifia que son pouls n'était pas faible et s'il n'avait pas de fièvre. Après une méticuleuse observation, il en déduisit que ce n'était qu'un simple étourdissement. Il prit donc sa bouteille d'eau et arrosa gracieusement le visage de Cailean, ce dernier se réveilla en sursaut et paniqua en voyant un visage aussi près du sien.

- Si tu comptais échapper à ta série d'enchaînements, tu t'es lourdement trompé mon p'tit gars !

Alors qu'il parlait, Gus remit en même temps le jeune dans une position assise afin qu'il puisse récupérer une respiration normale.

- Bon, tous les autres vous pouvez regagner vos dortoirs, j'ai contrôlé, vous avez tous fini. Il guida la bouteille d'eau à Cailean pour qu'il puisse se désaltérer.

- HALTE!

L'ensemble du groupe frissonna en se demandant si Gus n'allait pas leur ordonner une autre séance de sport. Ils restèrent tétanisés, n'osant plus effectuer un seul geste. Le géant s'amusait intérieurement de cette situation et reprit :

- Ivaldi, tu pensais peut-être que je n'avais pas remarqué qu'il te restait tes trente jumpings-jack à faire ! Tu restes ici, les autres je ne vous retiens pas.

Après le dispersement de la foule, les deux garçons se retrouvèrent seuls avec l'éducateur.Celui-ci, leur adressait un faux sourire mielleux avant de poursuivre :

- Vous devez terminer votre série les gars ! Je ne dois pas faire un traitement de faveur entre vous. Par contre, au vu de la température qui baisse de plus en plus, je vais aller m'abriter sous le hall. N'oubliez pas, j'aurais toujours un œil sur vous. Plus vite vous ferez vos exos, plus vite vous pourrez regagner vos lits !

Il s'en alla, laissant Cailean Iguel et Eros Ivaldi gênés dans une atmosphère plus que pesante, car ni l'un, ni l'autre n'osait se regarder.

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Afin que vous ne soyez pas perdu vis-à-vis des surnoms de l'unité voici les références :- Jimi Hendrix:"James est profondément affecté par les conditions de pauvreté et la négligence dans lesquelles il a grandi, mais aussi par les troubles familiaux qu'il a vécus dans son enfance, le divorce de ses parents lorsqu'il a neuf ans, et surtout le décès de sa mère, alcoolique, en février 1958. Hendrix est battu à maintes reprises par son père, Al Hendrix, qui souffrait lui aussi de graves problèmes d'alcool."- Janis Joplin:"En 1963, Peter Albin et Sam Andrew, deux de ses futurs musiciens ont l'occasion de l'entendre pour la première fois. "Ils remarquent certes ses qualités vocales... mais dans un premier temps ils la voient surtout comme une paumée autodestructrice. Pour eux et d'autres habitués du quartier, elle est une sorte de speed freak, essentiellement préoccupée de tester des produits comme les amphétamines et la méthédrine, sans négliger tout un assortiment d'alcool. Cet abus de boisson et de drogues va détériorer sa santé..."."Pour la première fois, Janis est attirée par l'héroïne, le smack, qu'elle voit naïvement comme un antidouleur et un catalyseur d'énergie. Aux abois, elle vit dans un sous-sol sordide sur Sacramento Street...""Mal en point et presque déchue, Janis s'approprie l'esprit du blues, musique du vécu qui, bizarrement, lui vaudra d'être comparée à Edith Piaf... " Elle fait sienne cette citation de Frank Sinatra : "En fait, je suis pour tout ce qui peut aider à survivre un jour de plus, que ce soit une prière, des tranquilisants ou une bouteille de Jack Daniel's".-Chuck Berry :"Véritable légende du blues et du rock, Chuck Berry peut poser un regard empli de fierté sur sa longue carrière qui l'a vu offrir au monde entier des chansons mythiques telles que 'Maybellene' et 'Johnny B. Goode' mais on ne peut pas pour autant qualifier l'homme d'honnête citoyen. Il a volé des voitures, a été soupçonné de vol à main armée et a été arrêté avec une fille d'à peine 14 ans dans sa voiture à la limite d'un état américain. En 1990, il a été poursuivi en justice par plusieurs femmes qui affirmaient qu'il les avaient filmées dans les toilettes d'un restaurant de Saint-Louis dont il était le propriétaire. Cela lui a coûté une fortune mais ses avocats ont par la suite affirmé que ces dames avaient voulu abuser de la réputation de Chuck Berry. Il a été condamné avec sursis. " °°°

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