Chapitre 9 - Liam
Je ne peux pas éviter plus Leëla. Il faut que je lui dise, ça ne peut pas durer. Après des semaines à avoir l'esprit chiffonné sans comprendre pourquoi, c'est la prof d'espagnol qui a résolu mon souci. Elle a écorché le nom d'Auwane sur sa liste de présence comme si un autre nom était précédemment le sien, avant de dire celui que nous lui connaissions. Mais ce « Auwane Duf » au lieu de « Dubuis », m'a conforté dans mon hypothèse. J'ai passé tout mon temps sur internet pour essayer de trouver une trace de cette fille, mais elle n'a jamais eu de compte sur les réseaux sociaux, ce que je trouve étrange. De plus, son comportement, le mystère planant autour de sa situation familiale dont on savait seulement ce qu'elle vouait bien nous dire... Son amitié avec Leëla et uniquement elle, m'a beaucoup perturbé.
Alors j'ai cherché le nom de famille de Leëla à l'origine, avec ce nom. J'ai cherché ses frères et sœurs de sang sur internet, tout retourné, il n'y avait quasi rien. Jusqu'à ce que je pousse la recherche aux actes de naissance. Et qu'apparaisse le prénom d'Auwane sur l'un d'eux. Tout s'est assemblé, et je n'ai pas été capable de le dire à Leëla. Je ne sais pas comment faire, mais je ne peux plus tarder.
En arrivant au lycée le lundi en voiture, conduit par mon futur beau-père qui veut se faire bien voir sur le chemin du travail, je cherche ma meilleure amie des yeux sans la trouver. Je compte aller la chercher directement dans sa chambre d'internat, mais il est trop tard et on ne me laisse pas monter. Déçu, je prends la direction de ma classe, fébrile. Je ne sais pas quels mots j'utiliserai pour ça, mais je ne dois pas bégayer. Je dois rester fort, pour Leëla.
— Liam, je ramasse les DMs ! tonne la prof que j'ai en deuxième heure, en tendant sa main pour que j'y dépose ma copie.
Copie que j'ai à moitié rédigé seulement, car perturbé, j'ai été incapable de me concentrer sur mon travail. Et puis, j'ai peur que ma meilleure amie me fasse la gueule, après mon comportement la semaine passée. Je n'ai reçu aucun message pendant le week—end.
— Tu as pas l'air bien mec, ça va ? me demande mon voisin de classe, avec qui je m'entends drôlement bien et qui a passé la semaine passée avec moi sans rien dire. Tu m'as l'air bien préoccupé... C'est ta nana qui te perturbe ?
— C'est ma meilleure amie, sa situation est compliquée et j'ai découvert des choses qui pourrait l'affecter, alors je n'ose rien dire... dis-je sans réfléchir.
— Bah, un petit bisou et c'est réglé !
Je lève les yeux au ciel, pas d'humeur, et me sauve dès que la sonnerie retentit dans les bâtiments. Je suis prêt à dévaler tous les escaliers présents pour la retrouver plus vite, mais la voix de ma prof me retient dans la classe. Je grommelle et fais demi-tour en l'insultant intérieurement.
— Liam, je suis inquiète pour vos résultats, me dit-elle, en m'observant par-dessus ses lunettes strictes et en remettant en place son col. Les premières semaines, vous nous avez habitués à de meilleures notes que celles qui arrivent actuellement. Je constate un relâchement, et j'ai peur pour la suite s'il existe déjà si tôt dans l'année.
— La période est compliquée... marmonné-je.
— Je sais bien, mais un début de seconde est important aussi. Si jamais vous avez besoin d'adaptations, ou de parler de votre situation familiale, j'ai un très bon numéro pour une excellente ps...
— Pas besoin, ça va aller. Juste un peu d'adaptation à la maison face à l'arrivée de quelqu'un, il faut juste que je me dégage du temps pour les devoirs. Je privilégie ma sœur, dis-je, le plus naturellement du monde.
— Bien, bien. Mais sachez qu'à la moindre difficulté, vous pouvez venir nous en faire part...
— Oui, oui... Bien sur...
Je n'ai qu'une hâte, qu'elle me lâche. Mais visiblement, elle n'en a pas l'air décidé, à me servir son baratin.
— J'espère que ce DM sera satisfaisant quand même...
— Ouais, c'est ça. Je peux y aller ?
— Allez-y, mais je vous préviens. Je n'hésiterai pas à prendre des mesures pour rehausser ces notes. Nous sommes dans un établissement pour ceux qui veulent vraiment travailler, et nous ne voulons que les notes les meilleures. Les vôtres sont très moyennes, et pourtant, vous ne semblez pas utiliser vos capacités pleinement.
Je la laisse baratiner et sors en trombe de la classe, alors que les couloirs sont maintenant déserts. Tout ça m'a fait perdre bien trop de temps ! Je n'ai pas le temps de la trouver qu'il est l'heure de remonter, et je laisse échapper quelques jurons qui me valent des remontrances par un prof qui passait par là. Je n'en ai rien à faire, et ne l'écoute même pas.
Je suis en transe pour le restant de la matinée. Incapable de pouvoir parler à ma meilleure amie, car elle ne répondra pas à son téléphone en classe et que la présence d'Auwane à ses côtés m'en empêche, je n'ai plus qu'à patienter et espérer pouvoir manger avec elle ce midi. Cela commence à m'énerver et les minutes passent doucement comme pour faire durer le supplice, mais lorsqu'il est midi et demi et que la sonnerie sonne, je n'attends pas. Je sors alors que le prof hurle de rester encore car le cours n'est pas terminé, mais il y a bien longtemps que mon cahier était fermé.
Je dévale les escaliers à toute vitesse pour aller chercher Leëla dans la cour mais me fige net en voyant qu'elle n'est pas là, et que c'est Auwane qui m'y attend, les bras croisés et les yeux déjà fixés sur moi. Aucun doute, elle m'a vu arriver et ne va pas me laisser partir comme ça. Surtout que son regard semble prêt à me réduire en bouillie sur place.
Comme une furie, elle me fonce dessus et s'arrête à seulement quelques centimètres de moi. Avant de me foutre la gifle de ma vie. Ahuri, je ne réagis même pas, me contentant de la fixer avec hargne.
— Ça va, t'as fini ?
— Et toi, t'as fini d'éviter Leëla alors qu'elle a autre chose à foutre que s'inquiéter pour votre amitié ? crache-t-elle.
— Auwane... marmonné-je.
— Mais elle t'aime bordel, tu veux qu'elle te le dise comment ? Tu crois quand même pas que je n'ai pas vu comment vous vous regardez, vous vous rassurez ? Franchement, il va falloir que tu arrêtes de faire n'importe quoi parce que tu vas la perdre, et nous tous avec !
— J'ai de bonnes raisons de me tenir éloigné d'elle... et de toi. Réponds-je.
Elle recule, comme si c'était moi qui l'avais giflé en retour. Je ne sais pas si quelqu'un a vu ce qu'il se passait, mais comme personne ne nous interrompt, je croise les doigts pour que non.
— Tu es vraiment en train de nous insulter là ? Tu crois quoi ? Que notre situation familiale va te déteindre dessus ?!
Cette fille a besoin qu'on lui remette les idées en place, et sérieusement. Alors je ne mâche pas mes mots, quand je m'avance vers elle jusqu'à la dominer et que ce soit à son tour de reculer. De comprendre qu'elle n'aurait peut-être pas dû m'approcher.
— A ton tour, maintenant, la provoqué-je. T'as fini ta petite rébellion, ça y est ? D'ailleurs, tu fais quoi le week-end en rentrant ?
— Quoi ? Mais je...
— Tu racontes le lycée à ton papa chéri ? Ta nouvelle meilleure copine, Leëla, trop géniale ! « Tu vois papa, je me suis fait une amie et en plus c'est ta fille chérie à toi aussi ! » C'est ça que tu dis ? Ou bien tu lui fais un compte-rendu de ce qu'elle fait, d'où elle va, de tout ce qu'elle confie à sa soi-disant nouvelle meilleure amie ?
Elle ouvre la bouche, ne répond rien. Je l'ai soufflé, mais je veux lui donner le coup de grâce. Qu'elle comprenne que je l'ai démasquée, et qu'à partir de maintenant, je ne lui ferais plus confiance. Je ne sais pas ce qu'elle fiche là, mais je compte bien le découvrir également.
— Est-ce que j'ai raison Florida ? Que rien n'était dû au hasard, depuis le début ? Que tu avais tout provoqué ? Les lettres, les rapprochements, les confidences...
— De quoi tu par...
— Ne fais pas semblant de ne pas comprendre. Tu sais très bien de quoi je parle. Ne cherche pas à m'entourlouper ou je te dénonce direct à tout un bataillon de gens qui seront contents d'avoir de tes nouvelles. Pourquoi personne ne sait rien de toi depuis que tu es revenue chez ton père ?
— Je... Je voulais oublier, c'est tout... marmonne-t-elle en baissant la tête, toute blanche. Je ne voulais pas que ça me suive tout le temps, ces conneries. Tu ne crois pas que ta Leëla, elle a aussi envie d'oublier et d'avancer ?
— Elle n'est pas toi.
— Elle a le même sang que moi, en tout cas.
Je lève les yeux au ciel, et heureusement, elle ne rigole pas. En attendant qu'elle réagisse à nouveau, je balaie la cour du regard, mais elle est quasiment vide, tout le monde est parti manger pour ne pas passer dernier.
— Où est Leëla ? lui demandé-je alors, en me demandant où elle peut être si son amie, enfin sœur, est ici.
— Elle... Elle était partie aux toilettes. Elle devait me rejoindre pour aller manger... bredouille-t-elle, en regardant autour d'elle pour la chercher.
Je fais de même, soudain inquiet. J'ordonne à Auwane, Florida, enfin cette fille d'aller la chercher là-bas pendant que je fais un tour des couloirs au cas où elle patienterait en attendant de tomber sur l'un de nous deux. Mais il n'y a pas trace d'elle, nulle part. Alors je ne peux qu'espérer qu'elle est toujours là quelque part. Mais mon instinct me souffle de la trouver pour lui parler de tout ça en urgence.
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