Chapitre 7 - Leëla

Je retrouve Liam dans le train le lendemain matin, pour aller au lycée. Je n'ai pas vraiment réussi à fermer l'œil, mais je ne me sens même pas fatiguée. Mon corps reste en état d'alerte comme si n'importe qui pouvait me tomber dessus à tout moment. Mais en compagnie de Liam et au lycée, rien ne peut m'arriver. Je n'ai rien osé dire à Mina et Clément, j'ai trop peur de les affoler pour rien, et surtout, ils doivent déjà être suffisamment inquiets sans en rajouter une couche.

— Tu as vraiment eu peur ? me demande mon ami, ses yeux marrons plantés dans les miens et cherchant à m'extorquer des réponses.

— Oui... Mais je n'ai pas vraiment vu à quoi il ressemblait, pour pouvoir le savoir et faire attention à ne pas le recroiser... Il avait un bonnet sur la tête pour se donner un style, j'ai cru, et une veste noire, classique. Je ne saurais rien dire de plus.

— Fais attention à toi je t'en prie...

J'hoche la tête alors que nous trainons nos valises dans les rues pour s'approcher du lycée, et soupire. Je suis contente de ne pas être seule, la présence de mon meilleur ami me rassure.

Je me dépêche d'aller poser ma valise en haut pendant que Liam m'affirme aller réviser un peu de mathématiques, et je rejoins donc Auwane, et grimace en croisant Elyn. Je pose rapidement mes affaires pour aller saluer mon amie, qui dort quelques chambres plus loin.

— Salut !

— Salut Leëla... marmonne-t-elle, semblant aussi fatiguée que moi pour ce retour en cours. Ton week-end, ça a été ?

— Bof... Sans plus...

Je lui raconte l'histoire du livreur alors qu'elle ne réagit quasi pas. La connaissant un peu maintenant, je trouve cela étrange, mais quand je lui demande ce qui ne va pas, elle élude le sujet en prétextant une mauvaise nuit et une dispute dans sa famille. Elle sourit en rajoutant que c'est normal d'avoir des désaccords, et je l'arrête en comprenant ce qu'elle fait. Elle n'a pas à se justifier, si sa famille est reconnue apte comme la mienne, c'est que c'est vérifié à maintes reprises.

Cela me fait penser que je ne lui ai pas annoncé la nouvelle. Je n'ose pas le faire tout de suite, comme si j'avais besoin d'un peu d'élan pour me lancer, et finis par le faire. Celle-ci ouvre de grands yeux et appuie ses mains l'une contre l'autre avec un petit sourire, en me demandant des détails.

Je me lance alors dans ce récit, en parlant également de la lettre de James, mon père, que j'ai reçue dans la foulée. En le racontant, je campe un peu moins sur mes positions. Je suis la première à accorder des secondes chances à tout le monde dans la vie, je prône ça, alors pourquoi ne lui en donnerai-je pas une ? Grâce à ça, peut-être que tout pourrait devenir comme ça aurait toujours dû l'être ! En tout cas, je découvrirai également mes sœurs et mon frère, après avoir fait la rencontre de Jessica.

— En tout cas, moi j'irai le voir, au moins une fois. Evidemment que c'est ta décision d'y aller avant de vraiment devoir emménager là-bas, mais ça sert à se découvrir, à ce que le feeling passe mieux après ! songe Auwane. Imagine si tu peux créer déjà des liens avec lui, le changement ne pourra que mieux se faire !

— De toute façon, je n'aurai pas tellement le choix car on me l'impose...

— Raison de plus pour que tu fasses en sorte que ça se passe du mieux que possible !

Elle semble un peu enthousiaste, semble sur le point de me convaincre. Peut-être qu'elle a raison après tout, cela atténuerait la douleur de la séparation et de l'arrivée chez un inconnu. Si j'arrive et remarque que nous partageons une passion pour les mêmes séries, les pizzas hawaïennes et que lui aussi, il a une super mémoire, alors je me sentirais comprise et à ma place !

Je suis sur le point de parler de tout ça à Auwane, mais Elyn débarque sur le seuil de la porte pour me fusiller du regard.

— Leëla ? Viens ranger tes affaires, elles vont trainer partout ce soir quand tu rangeras alors que je serai là !

— Ça peut attendre ce soir, je le ferais quand tu seras dans la douche... soupiré-je en levant les yeux au ciel en même temps que mon amie.

— Non, tout de suite s'il te plait ! Je ne supporte pas ton bazar dès le lundi soir !

Je souffle bruyamment, et lui ferme la porte au nez. Auwane éclate de rire alors que l'autre s'énerve de l'autre côté de la porte, avant de tourner les talons. Je ne vais quand même pas lui laisser me dicter ma conduite, j'ai déjà bien assez de personnes sur mon dos !

De toute façon, la maitre d'internat hurle quelques secondes plus tard que c'est l'heure de descendre pour aller en cours, et j'emporte mon sac à dos et mon manteau, mon amie sur les talons. Je ne trouve pas Liam dans la cour, mais avec le froid qui commence à s'installer, il a dû aller rejoindre sa classe tout de suite, alors c'est ce que nous faisons dès à présent. Je lève les yeux au ciel en voyant Marine se recoiffer dans la salle alors que les cours n'ont pas encore commencé. Vraiment, je ne sais pas ce qu'elle fiche ici, celle-là.

Mais comme le cours de SVT est sur le point de commencer, je ne fais plus attention à elle et sors mon cahier et ma trousse. Auwane fait de même, alors que j'admire la calligraphie qui orne son cahier. Sans écrire mal, je n'écris pas spécialement bien, je me contente de me fondre dans la masse. Au contraire, elle écrit tout en attaché d'une jolie façon, ses cours doivent être les plus lisibles de la classe, je n'avais jamais vu ça avant !

— Bon, aujourd'hui, nous allons parler de...

Mon attention décroche déjà quand une odeur que je reconnais brutalement emplit mes narines. J'ai beau en chercher la source, je ne la devine pas sans pouvoir bouger. Quand le prof remarque que je ne suis pas le moins du monde attentive, il me reprend et je me dépêche de me remettre au travail. La matinée passe lentement, car l'odeur ne disparaît que lorsque je pars manger avec Liam. Il me raconte des bêtises et ce qu'il s'est passé dans sa classe, m'apprend qu'il a eu la meilleure note de sport, et je repense au baiser que nous avons échangé sans rien expliquer après. Je ne sais pas quoi en penser, de toute façon. J'ai peur de ruiner notre amitié, mais en même temps, je suis bien consciente qu'il ne faut pas rester dans cette ambiguïté sournoise qui va finir par nous mettre mal à l'aise.

— Ça va Leëla ? Tu as l'air un peu palote... m'avoue mon ami, en voyant que je ne réponds pas beaucoup.

— Juste trop de choses à penser...

— Tu sais, si tu veux te prendre une journée ou même une semaine off pour te remettre et pouvoir prendre le temps d'assimiler tout ça, je crois que Mina et Clément comprendraient, me propose-t-il, alors qu'il attrape une assiette que lui tend le cuisinier. Et je peux toujours t'apporter tes devoirs !

J'hoche la tête en lui souriant, mais affirme que ce ne sera pas nécessaire. Je n'ai pas la moindre envie de passer du temps seule avec mes pensées, ça sera plus le bazar qu'autre chose dans mon esprit !

— Cet aprèm, on a tous les deux espagnol ! Tu t'assois à côté de moi ?

— Je verrais si Auwane est près de nous... Elle n'est vraiment pas sociable et je ne veux pas la mettre de côté, tu comprends...

— Bien sûr, me dit-il, en posant enfin son plateau après la file d'attente pour se mettre à manger.

Nous nous dépêchons malgré le temps accordé à la pause du midi car nous voulons réviser un peu notre cours commun. Le prof, pas commode, fait des interrogations quand il en a envie sur tout ce qu'on a pu noter dans notre cahier. Et comme ça devient lassant, nous ne révisons plus jusqu'à la pause du midi avant son cours. C'est dommage mais tant pis.

L'heure passe super vite, et quand nous sommes tous installés dans la salle d'espagnol, où il fait d'ailleurs très froid, je me tords les doigts dans tous les sens en priant pour que tout se passe bien. J'ai un mauvais pressentiment quant à cette heure.

Auwane est finalement installée derrière nous, avec une autre fille que je n'avais jamais vraiment remarquée du nom de Gaëlle. Elles ont parlé un peu, l'autre semble ne pas avoir sa langue dans sa poche, mais Auwane ne développe pas trop ses réponses et la conversation se tarit rapidement, alors que l'appel est seulement en cours.

— Auwane Duf... Dubuis ?

— Oui.

— Célian Enkar ?

J'allais attendre patiemment mon prénom quand mon voisin se retourne brutalement vers l'arrière. Quelle mouche l'a piqué ? Il vrille du regard Auwane sans que j'en comprenne la cause, ses sourcils se froncent, puis s'écarquille alors qu'il fait volte-face. Je voudrais lu demander ce qu'il se passe, mais il me répond un « oui » rapide en prétextant ne pas avoir reconnu sa voix quand elle a affirmé sa présence. Moi, je n'ai rien remarqué.

— Leëla Lilhi ?

— Oui.

— Miana Martner ?

L'appel finit par se terminer, et l'interro est bel et bien distribuée, malheureusement pour moi qui ai l'impression de ne rien me souvenir. J'ose espérer avoir mieux que la moyenne, mais ça me semble un peu compliqué. En sortant de là, alors que nous avons une heure d'avance sur nombre de classe, mon meilleur ami file au CDI sans se retourner. J'ai beau lui demander ce qu'il a, il dit avoir besoin d'un ordinateur pour faire des recherches, mais que je peux aller en permanence, il préfère être seul. J'hausse les épaules et rejoins donc le reste de la classe, sans savoir ce qu'il a. Depuis ce midi, son attitude est vraiment étrange.

Je ne le recroise pas avant de remonter à l'internat après manger. J'espère qu'il a quand même avalé quelque chose, mais je ne l'ai pas aperçu. Pas très emballée à la perspective de remonter et croiser Elyn dans notre chambre, je me plains à mon amie qui en rit et me propose d'aller dormir dans sa chambre, directement par terre. Mais je ne suis pas encore assez désespérée pour ça !

Néanmoins, en entrant dans ma chambre, je n'en suis plus si sûre, tellement l'atmosphère semble glaciale. Je déplace ma valise pour l'ouvrir sur le sol, remarquant alors une lettre déposée à mon intention. Une nouvelle fois, il n'y a que mon prénom, et elle semble avoir passé un mauvais quart d'heure, vu son état. Elle est froissée et un peu sale, comme si elle avait trainé n'importe où avant qu'on se décide à me la donner.

Je ne sais pas pourquoi, mais d'instinct, je comprends que c'est mon père qui me l'envoie. Comment et par l'intermédiaire de qui, je ne sais pas, mais ça ne peut pas en être autrement. On a le droit de nous faire passer des lettres à l'internat, mais alors que j'en ai déjà eu une ce week-end, je ne vois pas l'intérêt d'en recevoir une autre si vite après.

Elyn, alors allongée en travers de son lit et pianotant sur le téléphone, finit par me dire de me dépêcher de ranger avant d'en mettre partout, mais je ne l'écoute pas. Je suis concentrée sur cette lettre que j'ouvre en décollant la colle de la lettre qui n'avait pas l'air de si bien faire son travail. Je découvre alors, comme la première fois, une lettre écrite à l'ordinateur puis imprimée, sans aucune fioriture.

« Leëla,

J'aimerais pouvoir te parler de la famille qui t'attend. Elle s'est déjà bien agrandie tu sais ! J'ai hâte que tu puisses tous les rencontrer, eux qui te tiennent dans leurs cœurs sans jamais t'avoir vu depuis si longtemps ! Il y a ta grande sœur Florida, déjà revenue à la maison et qui a hâte de pouvoir faire ta connaissance à l'heure actuelle ! Et puis il y a tes nouveaux frères et sœurs maintenant ! J'espère pouvoir aussi être autorisé à la garde d'Erwan et Théana, mais rien ne me ferait plus plaisir que voir ma famille se réunir à nouveau petit à petit !

Je voudrais te présenter ceux dont tu n'as certainement jamais entendu parler : Raphaëlle, Elias et Léna. Ils ont respectivement 7 et 4 ans, et 3 mois. Ce ne sont encore que des bébés par rapport à toi ! Evidemment, j'ai beaucoup de monde qui m'entoure aujourd'hui, et j'aimerai tous te les présenter car tu comptes énormément à mes yeux et j'aimerai que tous le sache !

Raphaëlle est d'une amabilité sans faille, une jolie petite fille qui ne cherche qu'à rendre service aux autres. Elias est un petit garçon doté d'énormément de charme, tu ne sauras pas résister à ses yeux doux, crois-moi ! Et la petite dernière, encore qu'un bébé, fera des merveilles, j'en suis convaincue, et pas uniquement car c'est ma fille !

Mais je ne t'en dis pas plus, tu auras tout le loisir de les rencontrer et de pouvoir en découvrir plus sur chacun d'entre eux !

Bisous

Ton Papa »

— Bon, tu as fini de lire ta petite lettre dégoulinante d'amour ? se moque finalement ma coloc, que j'avais presque oubliée.

— Ne parle pas de ce que tu ne sais pas.

— N'oublie pas de faire des bisous à ton papa et ta maman avant la fin du week-end ! continue-t-elle en riant.

Je l'observe, soufflée. Que vient-elle de dire ? Faire un bisou à mon père ? Elle avait lu ma lettre ?!

C'est personnel, elle va me le payer !

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