Chapitre 5 - Liam
J'assiste à une conversation irréelle de deux sœurs qui se retrouvent alors qu'elles ne se sont jamais connues.
A peine arrivée, elles se sont prises dans les bras, avant que la rouquine ne prenne la parole.
— Tu t'es rappelée qui j'étais...
— Tu es Jessica, n'est-ce pas ? tremble Leëla, à côté de moi.
— Oui, c'est ça... Je suis désolée de ne pas avoir pu te donner d'autres indices, mais j'avais trop peur de te perturber, tu étais si jeune... Je ne savais pas ce qu'on avait pu te raconter à propos de ton, notre, passé.
— Grâce à ma mémoire, je savais tout, lui apprend-t-elle en souriant malgré elle.
— Ta mémoire ?
— Hé bien, j'ai une mémoire exceptionnellement développée, c'est comme ça que je me souvenais dans mon enfance. Mais ces souvenirs ont tendance à disparaitre ou être plus longs à rappeler ces derniers temps...
Je reste mutique près d'elle, surveillant que tout se passe bien, tandis que Jessica s'étonne des capacités de sa sœur. Bientôt, c'est elle qui explique qu'elle a aussi une aptitude particulière, mais différente de celle de sa petite sœur.
— J'ai des intuitions. Sans savoir vraiment d'où ça vient, ma conscience me dicte parfois des choses sur lesquelles j'ai souvent les pensées tournées. Par exemple, ma fille qui va bientôt se mettre à pleurer... Ou ma sœur qui me cherche.
— Tu savais où on était comme ça ? demandé-je, interrogatif.
— Oui, exactement. Et comme on s'était vues pour la première fois ici, mon intuition m'a dit de revenir à cet endroit.
Je ne dis rien, mais je n'y crois pas trop. Leëla semble tout accepter, mais ce n'est pas mon cas. Je fais attention à ce qu'il se passe autour de nous au cas où ce serait une diversion pour approcher la brunette, mais personne ne semble faire attention à nous, sauf le personnel. Il serait peut-être temps de se dépêcher d'en venir aux faits, avant de devoir repartir par le train qui passe dans une bonne heure et surtout de se faire virer d'ici.
Leëla finit par en venir aux questions, et Jessica affirme n'avoir jamais rien reçu de son père. Dépitée, Leëla semble prête à repartir aussi vite, déçue, mais sa sœur l'interrompt.
— Notre autre soeur... Florida. hésite-t-elle. Elle était dans la même famille d'accueil que moi au début. Après on s'est perdues de vue car on a toutes les deux changé de famille, mais on continuait parfois de s'envoyer des messages... C'était plus régulier il y a un temps, mais je sais qu'il l'a contactée. Elle ne m'en parlait pas trop et nos messages se sont un peu espacés voire sont devenus inexistants pour elle, mais oui, il lui a envoyé des messages. Il disait qu'ils allaient redevenir une famille, et elle le croyait, elle en était heureuse. Elle m'a demandé si je voulais revenir vivre avec eux aussi, mais je suis en couple et j'ai un enfant, je ne veux plus entendre parler de lui. J'ai des souvenirs de lui, et je n'ai pas envie de rentrer à la maison maintenant, c'est trop tard. Mais toi qui ne l'as pas connu, tu dois en être heureuse de recevoir ce message, non ?
— Je ne sais pas... Mitigée, avoue Leëla. J'ai toujours connu la même famille d'accueil, alors... C'est un peu eux, ma famille... Je ne veux pas être arrachée de mon quotidien comme ça et devoir tout refaire...
— Je te comprends. Ça va aller tu verras.
Après encore quelques minutes à parler, nous comprenons aux regards des serveurs qu'il est temps de décamper. Jessica donne son numéro à sa sœur pour que chacune puisse joindre l'autre en cas de problème, et nous finissons par retourner à la gare pour rentrer. Heureusement, nous arrivons bien à l'heure, et bientôt, nous sommes rentrés chez nous. Je propose à Leëla de venir chez moi pour passer par la fenêtre et n'avoir pas de problème à rentrer chez elle après avoir dit qu'elle dormait chez moi. Je la raccompagnerai demain matin à la première heure.
***
Le lendemain matin, nous arrivons rapidement chez Leëla. Clément était déjà debout malgré son jour de repos, sur son ordinateur et assis à la table de la cuisine, où s'empilait déjà deux ou trois tasses de café. Son regard fatigué en disait long sur la soirée qu'il avait passé.
— Tu as dormi ? lui demande mon amie en arrivant et allant lui faire un bisou pour lui souhaiter le bonjour.
— Pas vraiment... Autant me lever et essayer de créer un dossier contre James. Enfin, si tu veux rester ici. En tout cas, on cherche des arguments dans ce sens-là, au cas où tu déciderais que tu ne souhaites pas retourner vivre avec lui, mais tu fais comme tu veux évidemment. C'est ton choix.
— Je ne sais pas encore... J'aimerais pouvoir le rencontrer avant de décider... hésite-t-elle.
— Mais pour l'instant, je te rappelle que tu n'as pas le choix Lélé... murmure-t-il, avant de se reprendre. Alors j'ai fait un récapitulatif de tout ce que je sais depuis qu'on t'a accueillie ici, et ce qui pourrait faire pencher un peu la balance dans notre faveur.
Ma meilleure amie acquiesce et monte à l'étage pour trouver Mina qui d'après Clément, fait du rangement dans les habits de bébé d'Ariana pour trouver ce qui pourrait aller pour la petite fille qui arrivera dans quelques semaines. Moi, je repense à la conversation que nous avons eu hier, quand Clément m'a expliqué pourquoi la situation ne pouvait pas être renversée rapidement en leur faveur.
En effet, Leëla n'étant pas adoptée, ils ne sont ses tuteurs légaux que pour le temps qu'elle reste chez eux, mais comme James est apte à la rappeler chez lui, cela signifie qu'elle n'est pas adoptable. Elle aurait pû l'être avant par Mina et Clément si ceux-ci avaient faits les démarches, mais malheureusement, ils n'ont pas pensé que son père pourrait un jour vouloir la retrouver. S'ils perdent devant la justice, alors ils n'auront plus rien à dire sur elle et les décisions qui accompagnent sa vie. Ils ne seront plus rien juridiquement parlant.
— C'est nul... marmonné-je. Elle a vécu plus avec vous qu'avec lui, et ce serait logique qu'elle puisse choisir où rester au lieu de vouloir chambouler sa vie !
— Je suis bien d'accord... Mais ils estiment que c'est toujours mieux de rendre un enfant à son parent.
— Même après treize ans ?
Clément acquiesce, soucieux. Je comprends que les chances de gagner sont extrêmement minces, mais qu'il choisit de se battre parce qu'il n'a pas le choix intérieurement, et qu'il veut tout faire pour ne pas perdre celle qui considère comme sa fille.
— Vous savez s'il est remarié ? James ?
— Pas encore. Mais je pense qu'il a dû trouver une situation familiale assez stable pour prétendre à ça, alors sûrement oui. Ne t'en fais pas Liam, tu seras autant mis au courant que nous dans tout ce qui arrive pour les prochains jours et semaines.
Je les en remercie, soulagé de savoir que je ne serai pas écarté de tout ce qu'il se passe, Je décide ensuite de rentrer pour pouvoir profiter un peu de ma famille pendant le week-end, et salue tout le monde en serrant fort ma meilleure amie dans mes bras.
Ce moment seul avec mes pensées me fait revenir un peu plus tôt dans le temps, à l'instant où Leëla m'a embrassé, dans le McDo la veille. Je ne sais qu'en penser, et c'est pour ça que j'ai préféré ne pas en parler pour l'instant. Elle ne doit plus trop savoir où elle en est, c'est sûrement pour ça... Elle avait besoin de réconfort.
D'un côté, ça me brise un peu le cœur car j'aurais aimé qu'elle soit vraiment consciente de ses actes et pas perturbée par autre chose, mais c'est mieux que rien... Si jamais ce baiser ne brise rien dans notre amitié.
Je pense chacun des mots que j'ai dis à Leëla là-bas. Elle ne sait peut-être pas à quel point ils sont vrais ni dans quelle mesure, mais je sais qu'elle ne s'est jamais vu en couple avec quelqu'un. Et moi, dans la plus grande friendzone implicite de toute ma vie. Alors oui, ce baiser m'a chamboulé, un minimum. Parce qu'il représente un idéal dont je rêve depuis maintenant plus d'un an mais que je n'ose plus espérer atteindre. Je m'y suis fait, de l'appeler « meilleure amie », même quand mon cœur criait qu'elle était bien plus que ça. Tant pis.
Je rentre chez moi en faisant comme si j'avais véritablement dormi chez Leëla, et je me rappelle ensuite que ma mère travaille aujourd'hui. Je me retrouve donc avec mes deux sœurs, qui jouent à un jeu dans le salon. La grande laisse la petite gagner, mais je rejoins la partie et finis par remporter le trésor du gagnant, alors que les deux se mettent à râler. Je ne les écoute pas, et finis par remonter dans ma chambre pour faire des devoirs, toujours plongé dans mes pensées.
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