Chapitre 27 - Florida

Je suis la femme qui me menace jusqu'à une pièce qui fait office de salle de bains, où on me fait asseoir sur une chaise. Le cirque recommence quand elle m'attache à la chaise, et fait de même avec mes pieds, comme si je ne pouvais pas m'enfuir.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? murmuré-je.

— On va juste avoir besoin de changer quelques petites choses chez toi... me répond-elle simplement.

Et avant que je ne puisse faire quoi que ce soit, elle sort une paire de ciseaux et attrape mes cheveux. Je veux bouger la tête, l'empêcher de m'atteindre, mais je ne peux pas aller bien loin et j'arrête car j'ai peur qu'elle s'énerve et me donne des coups de ciseaux dans le vide sans faire attention à mes oreilles. Ça ne loupe pas et je crie, mais elle ne dit rien et se contente de continuer. Je serre les poings pour ne pas pleurer en voyant de longues mèches châtain tomber au sol, sans même un coup d'essai pour voir à quoi je ressemble. Elle me coupe les cheveux au-dessus des épaules, et bientôt, me force à me lever pour aller les laver dans la douche. Nue comme un vers devant elle car elle l'a ordonné, elle me vide une bouteille colorée sur la tête sans me laisser le faire au moins toute seule, et j'en déduis que c'est une teinture vue ce qui coule sur mon corps également. Une teinture verte ? En ressortant de là, j'ai les larmes aux yeux. Mes cheveux presque tailladés sont plaqués à mon visage alors que j'essaie de couvrir mes zones intimes de mes mains pour une fois déliées.

— Approche.

Elle me tend une serviette avec quoi essuyer mon corps, et s'occupe de mes cheveux rapidement. Je suis surprise quand je la vois me les brosser et s'assurer que la teinte a bien prise. Dans le petit miroir au-dessus du lavabo, je ne me reconnais pas. Ce n'est pas non plus affreux, même si jamais de la vie je ne voulais perdre mes longueurs et changer de couleur, mais au moins, elle ne m'a pas tant enlaidi que ça.

— Pourquoi vous faites tout ça ?

— Crois-moi, il vaut mieux que tu changes de tête avant que des gens viennent nous faire chier et que tu deviennes embarrassante.

— Vous m'avez trouvé une autre utilité... murmuré-je.

— On ne sait pas encore si tu sers vraiment à quelque chose tant que le bébé n'est pas en capacité d'utilisé ses... capacités justement.

Je frissonne, elle me désigne un sac posé sur le sol.

— Change-toi.

Je me rapproche du sac, y découvre des sous-vêtements, que j'enfile rapidement pour me sentir moins humiliée par le regard de cette femme qui juge chaque centimètre de ma peau. Je découvre ensuite une robe sexy et courte qui me fait grimacer car je vais avoir froid avec ça, une paire de lunettes sans correction, et des talons qui me font bégayer. Pourquoi changer autant mon apparence ? Catherine n'est plus disposée à répondre à mes questions, et j'enfile le fin gilet que j'ai trouvé au fond du sac avant qu'elle ne me repasse les chaines aux poignets. J'aurais dû savourer plus longtemps la douche où j'étais libre de mes mouvements...

— Suis-moi, grimace-t-elle en partant à pas rapide dans le couloir.

Encore sous le choc, j'obéis, alors que nous sortons dans la cour où une petite voiture nous attend. Je remarque la présence de Mickaël à l'intérieur, côté chauffeur. La porte côté passager est ouverte, on me fait y monter.

— Qu'est-ce...

— Tu la fermes, me dit-il d'emblée en démarrant et effectuant un brusque demi-tour qui me secoue alors que je tente de m'attacher avec les deux mains liées. Si tu parles, que tu pleures, ou juste m'ennuie, tu te débrouilleras pour pisser et avoir à manger.

— Et mes mains, si nous croisons la police ?

— On verra ça plus tard, je te fais pas confiance.

Nous sortons de la propriété alors que Catherine ferme les grilles derrière nous, et que je remarque que le van, au début rangé dans une grange, est lui aussi de sortie. Que se passe-t-il ?

C'est vraiment la question que j'aimerai poser, mais vus les menaces qu'il a proféré à mon encontre, je préfère ne rien dire et imaginer seule. Voire ne pas imaginer tout court. J'observe la route défiler à toute vitesse alors qu'il roule beaucoup trop vite, et je me dandine, mal à l'aise.

— Elle est jolie cette robe n'est-ce pas ? N'importe qui rêverait de te l'arrache... grogne-t-il en me dévisageant et me mettant mal à l'aise. Sauf qu'avec un gosse là-dedans, c'est tout de suite moins attirant !

Il ricane tout seul, met la radio si fort que je sais que je ne pourrais pas m'endormir pour passer le temps. Je ne sais pas où ils m'emmènent, mais comme j'ai été séparée de Leëla, quelque chose me dit que je ne la reverrais pas de si tôt. Ce qui me fait un peu paniquer, et je m'agite sans même me rendre compte.

— N'essaie pas de me rendre fou, ou tu finis dans le coffre ! Déjà que je comprends pas bien pourquoi ils ont tenu à te mettre devant, habillée comme ça... Les flics vont croire que je transporte une pute, et en soi, ils n'auront pas totalement tort ! Je te préviens, si tu t'attires des emmerdes, tu te débrouilleras avec la balle que je te collerai dans le cerveau !

Je me fige, n'ose plus décoller mes yeux de la route. Je sens mon cœur battre à tout rompre dans ma poitrine, je serre mes deux mains l'une dans l'autre pour combattre le froid qui me glace plus encore que ses paroles. La pluie se met finalement à tomber en plus de ça, et au bout de quelques heures, je me mets à somnoler contre la portière. Ce n'est pas confortable et ma tête rebondit à chaque cahot de la route, mais c'est déjà mieux que rien.

— Va me chercher à bouffer !

Je me réveille en sursaut, me redresse alors que ma nuque me fait souffrir. Je remarque immédiatement que nous sommes arrêtés, et devant un grand supermarché. Il désigne le compteur d'essence, vide, puis la porte.

— On doit se grouille, alors je te détache, tu vas chercher à bouffer comme une grande, et tu reviens. Sans parler à personne, tu m'entends ? Si tu n'es pas là dans cinq minutes, je commets un meurtre.

J'hoche la tête vigoureusement pour faire signe que j'ai compris. Quitte à être prise pour une folle en courant comme une dératée dans les rayons, je préfère ne aps avoir la mort de quelqu'un sur la conscience.

— Tu parles, je te dézingue, grogne-t-il, en faisant cliqueter la clé dans la serrure, alors que je lui tends docilement les poignets.

Je finis par sortir de la voiture, et me mets automatiquement à courir vers les portes. Mais comme j'y pense, j'ai peur qu'il interprète ça comme une tentative de fuite... J'attrape un sac en plastique près d'une caisse, j'y glisse du pain attrapé au vol et des sandwichs, en grosses quantités. Je viens de me réveiller, et il s'avère que j'ai extrêmement faim aussi. Je rajoute trois bouteilles d'eau à mon butin, deux plats tout faits, type salades, et file vers les caisses automatiques, dont il en reste une de libre. Je passe mes articles à toute vitesse, le souffle court, et quelqu'un du magasin s'approche de moi, méfiant.

— Tout va bien mademoiselle

— Oui oui... Je dois faire vite...

— Je vais vous contrôler avant ça, grogne la dame, qui ne m'est pas très sympathique, alors que les cinq malheureuses minutes doivent s'écouler.

— Non... Je n'ai pas de carte d'identité sur moi...

J'hyperventile, laisse tomber mes affaires, la regarde en la suppliant de me laisser y aller, en laissant tomber le billet de cinquante euros que je tiens dans ma main.

— Vous êtes certaine que ça va ?

Non. Non non non non non non non. Mais elle n'entend pas mon appel silencieux, désespéré, alors que moi, je vois Mickaël s'approcher de moi, visiblement très mécontent.

— Tu fais quoi chéri ? me lance-t-il d'un air mielleux quand il arrive à mes côtés.

— Je veux vos papiers d'identité, dit la surveillante des caisses en se tournant vers lui.

Tout naturellement, il les lui montre en haussant les sourcils.

— Nous devons reprendre la route rapidement pour que je conduise ma fille au mariage de sa mère, vous n'allez quand même pas nous mettre en retard ?

Elle me jauge du regard. Ce n'est pas vraiment une tenue pour aller à un mariage, mais elle observe également mes cheveux verts horrible et décide que je dois faire partie d'une certaine famille de cas socialement bas. Elle lui rend la carte, me désigne mes courses que je remballe rapidement dans mon sac, et je le porte en suivant Mickaël jusqu'à la voiture.

Il retire le masque qu'il s'était créé, et démarre en trombe pour quitter le parking le plus vite possible.

— Qu'est-ce que tu as encore foutu ?

— Rien, rien, je... J'allais vite mais elle a cru que je voulais voler quelque chose, je ne sais pas...

— Le but était de ne pas se faire remarquer !

— Mais je voulais aller vite...

— Hé bien tu es molle alors !

Je n'ajoute rien, je ne veux pas me prendre ses remontrances encore dans la tête. J'ai fait ce qu'il me demandait, point final.

Je me tourne dans la voiture, et attrape un sandwich emballé, que j'avale goulument pour faire taire mon estomac qui commençait à crier famine.

— Donne un bout.

J'en ouvre un pour lui, le lui tends, et il le mange tout en conduisant, la radio toujours à fond dans l'habitacle. Je ne dis rien, et me frotte les poignets. Il ne m'a pas remis la chaine en repartant, j'en suis soulagée. Qui sait combien de temps avant qu'il ne le fasse.

Un deuxième sandwich pour chacun, nous buvons au goulot de la même bouteille alors que je suis au bord de l'arrêt cardiaque en le voyant faire tout en conduisant, et la route continue. Défile. J'ai beau regarder les panneaux, je ne sais pas où nous partons. Il prend les grands axes, mais à part savoir que nous partons vers le sud en longeant la côte, je n'ai pas d'autres indices. Et je commence à me demander où nous nous arrêterons, pour combien de temps, et surtout, est-ce que les autres nous rejoindront ? Ou est-ce que je vais devoir rester tout seul avec cet homme qui me fait peur pendant des jours entiers, à obéir à ses ordres et me taire ?

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