Chapitre 23 - Liam
Jessica a contacté la police. Elle avait peur qu'on ne la prenne pas au sérieux, mais l'appui du lycée, des parents d'accueil de Florida et Leëla, les gens qui se sont occupés de leur placement et nous, ça commençait à faire du monde dans le hall de l'accueil.
— Elles doivent être chez elle, répond tranquillement un des policiers, en haussant les épaules. Ça arrive, que les enfants retournent chez eux et décide d'effacer tout le passé pour se concentrer sur la nouveauté. C'est compréhensible.
— Elles n'auraient pas fait ça ! m'énervé-je, en scrutant toujours mon téléphone. D'accord, nous avions des différends, mais elle me tenait toujours au courant ! Et Auw... Enfin, Florida avait l'air tellement mal quand nous la voyions...
Heureusement, on finit par nous prendre au sérieux et nous interroger. Je décide de raconter ce que j'avais découvert sur Florida et sa tentative de laisser son identité secrète, les lettres qu'avait reçues Leëla, et son angoisse au début d'y retourner, puis sa curiosité.
— Je suis certaine qu'elle n'aurait pas coupé les ponts ainsi... murmure Mina, quand c'est à son tour.
Elle a les larmes aux yeux, et ses cernes violacés sont bel et bien la preuve qu'elle s'inquiète de ne pas avoir de nouvelles de celle qu'elle considérait comme sa fille. Heureusement, Ariana, leur fille adoptive, n'est pas là pour la journée, ma mère a accepté de la garder.
— Bon, maintenant que nous avons pris les renseignements dont vous disposez, nous allons pouvoir constituer un signalement.
— Et vous allez aller les chercher ? demande Clément, en glissant sa main dans celle de sa femme pour la réconforter.
— Avec la représentante des services de l'enfance. Ce n'est pas une attaque, mais une recherche. Si personne n'ouvre, alors nous obligerons l'ouverture et nous mettrons à les chercher.
Tout le monde hoche la tête, assommé. On nous dit de rentrer chez nous car on ne peut pas rester ici à attendre des nouvelles, alors nous sortons à l'extérieur. Le temps est mauvais, la pluie s'est mise à tomber, et Mina me propose de rentrer chez eux, en effectuant la même demande aux parents d'accueil de Florida, qui déclinent en prétextant devoir rechercher les autres enfants qu'ils ont à charge.
Heureusement, nous avons la chance de recevoir des nouvelles à intervalles réguliers. Mais c'est le ciel qui nous tombe sur la tête quand on nous apprend que la maison appartenant à James Dufond a été entièrement vidé. La police a juste eu le temps d'intercepter des camions de déménagement à quelques rues de là, mais ceux-ci n'avait rien à voir avec ce nom de famille et sont partis livrer leurs chargements là où il le fallait.
— J'espère qu'ils les trouveront... marmonné-je à Jessica, qui se tord les mains à côté de moi, sous l'emprise du stress.
— Ce départ précipité semble correspondre, ils ne seraient pas partis si vite comme ça, sans donner de nouvelles... Au moins, la police nous croit et va vraiment approfondir les recherches...
J'hoche la tête, en soupirant. Nous sommes tous les deux assis sur une chaise dans la salle à manger de Mina et Clément, qui ont disparu à l'étage sans rien dire. Je les soupçonne fortement de s'être éclipsés pour ne pas pleurer devant nous. Non pas que ça m'aurait dérangé, nous sommes dans le même état.
Je décide de sortir l'ordinateur que je balade dans mon sac de cours sur le dos depuis ce matin, et me mets à faire des recherches, alors que Jessica décide de faire la même chose sur son téléphone. Nous voulons nous sentir utile, peu importe comment. Nous cherchons n'importe quoi. Sur la famille Dufond, des réseaux sociaux, des actes de naissance, tout ce qui pourrait me donner un minimum d'informations... Je tombe sur un article de journal qui ne va pas m'intéresser et ferme la page pour continuer, mais Jessica relève la tête vers moi en désignant le téléphone.
— Tu fais quoi ?
— C'était juste un article de journal qui ne nous concerne pas...
— Lis-le, s'il te plait.
Evidemment, comme c'est elle qui peut avoir des intuitions et pas moi, je m'attelle à sa lecture alors qu'elle aussi, par dessus mon épaule. Ce qui semblait d'abord n'avoir rien à voir avec les filles se révèle finalement prometteur.
« Une française disparue : elle se marie moins d'un an plus tard à l'opposé de sa région d'origine.
>> Marielle Karkoff, une française originaire de Pologne, disparue depuis le 17 décembre 2007, alors qu'elle avait 22 ans vient de se marier. Personne n'a jamais retrouvé sa trace, et des soupçons ont toujours été nourris à l'égard de son petit-ami « assez récent » d'après ses parents. Jusqu'à ce qu'elle soit repérée par des vacanciers de sa région qui se souvenaient de sa photo dans les journaux. Ils ont immédiatement appelé la police. La jeune mariée vêtue d'une simple robe blanche, sortait de la mairie collée à son mari avec un petit comité d'amis, lorsque les policiers sont arrivés. Ils ont immédiatement voulu procéder à une arrestation, mais la jeune femme a affirmé ne plus être en contact avec sa famille, « n'ayant plus les mêmes valeurs qu'eux ». Elle dit être partie de son plein gré, même si l'état de son appartement laissait penser le contraire à l'époque. Suite à cette affirmation, elle a d'ailleurs ajouté : « Je suis partie précipitamment car j'en avais l'occasion. Je ne pensais pas qu'ils s'inquiéteraient autant. Mon téléphone portable s'est cassé, et je n'ai pas pu les informer après mon départ. Maintenant, ils savent que je suis heureuse et mariée. Nous allons bientôt former une famille, notre famille » a-t-elle commenté en désignant aux journalistes son ventre rond qui ne passait pas inaperçu à leurs yeux. Elle est partie en refusant d'ajouter quoi que ce soit, après que son mari ait demandé aux policiers de leur ficher la paix et de les laisser vivre tranquillement, ou elle déposerait plainte contre harcèlement. Les recherches effectuées ont confirmé qu'il s'agissait bien d'elle, et qu'elle habite maintenant dans le département de la Vienne, avec son nouveau mari sous le nom de Marielle Dufond. »
— C'est vachement bizarre qu'elle ait disparu puis réapparu mariée avec lui... marmonné-je.
— On ne peut rien savoir de plus, et elle ne dira rien... Mais avec ce nom, on peut chercher d'autres choses. Comme... Des actes de naissance ?
Stupéfait, je la laisse prendre mon ordinateur sur ses genoux pour qu'elle continue sur sa lancée, elle qui a l'air si inspirée.
Elle finit par dénicher des actes de naissance, mais pas seulement un. Non, à peu près une dizaine ! Des enfants nés de Marielle et James Dufond.
— Pourquoi après avoir eu autant d'enfants après son remariage, il voulait aussi Leëla et Florida ? demande Jessica, songeuse. Déjà, il a eu de la chance, il a échappé aux services sociaux avec eux, car je pense qu'ils se seraient faits une joie de venir le contrôler et vérifier que tout va bien dans une aussi grande famille. Essaie de joindre le commissariat pour leur donner les informations.
Elle se lève du canapé alors que je lui demande où elle va.
— Il va falloir que je rentre à la maison, mon conjoint doit partir travailler...
— Je te tiens au courant par messages, lui dis-je spontanément.
— Et je te dis si quelque chose vient titiller mon esprit.
— Rien pour l'instant ?
Elle secoue la tête en se levant, avant de s'arrêter.
— Juste l'impression de me sentir oppressée et prisonnière, mais ça ne résout rien. Et constamment cette impression de froid...
— J'espère que ça ne veut pas dire ce que je crois...
— Je n'en sais rien... Salue le couple pour ma part, il faut que j'y aille.
J'acquiesce, elle disparaît dans l'entrée avant de claquer la porte derrière elle, et je m'essuie les mains moites et glacées sur le jean que j'ai enfilé rapidement ce matin avant de reprendre l'ordinateur sur mes genoux. Je recherche de tout. Les endroits qui pourraient leur être liés dans la région, oriente ma piste sur la vie de James entre la mort de sa première femme et son mariage avec la seconde mais ne trouve rien, avant de creuser du côté de leurs amis. Leurs profils Facebook sont tous en privé, mais grâce à leur nom, j'arrive à dénicher des biens immobiliers un peu partout. Ce sont tous les trois des médecins, mais je ne sais pas s'ils se connaissaient déjà avant la naissance de Leëla ou après son départ en famille d'accueil.
Alors n'ayant rien d'autre comme informations, je transmets les adresses des biens immobiliers que j'ai pu trouver sur internet, des fois que la police pourrait en faire quelque chose. Mais comme il y en a 5 dispersés un peu partout en France, ça m'étonnerait qu'ils puissent aller y jeter un coup d'œil.
— Liam ? m'interpelle Clément, que je n'ai pas entendu arriver.
Il a les yeux rouges et gonflés d'avoir pleuré, et Mina n'a pas meilleur mine. Mais je fais comme si de rien n'était, et je me lève pour me rapprocher d'eux, dans la cuisine.
— Nous allons aller chercher Ariana chez toi, nous te ramenons en même temps ?
Et comme je n'ai rien à faire d'autre ici, que ce n'est pas là ma place, j'hoche la tête et les laisse me raccompagner chez moi.
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