Chapitre 22 - Florida

J'avais l'impression de rêver, mais j'ai de plus en plus l'impression que ce ne sont pas mes pensées qui s'emmêlent mais plutôt la réalité qui me fait souffrir. Reprenant pleinement conscience, je découvre que je suis allongée sur un sol froid et dur, et que nous sommes en mouvement. Un coup d'œil aux trois sœurs présentes autour de moi et semblant désolées me fait comprendre que nous ne sommes toujours pas maitresses de notre destin. J'ai les mains pressées sur mon ventre qui me lance douloureusement, mais rien d'autre. Leëla semble elle aussi aller bien, et je la questionne d'un haussement de sourcil sur la situation.

— On est parti depuis approximativement deux ou trois heures.

— Où ça ?

— Aucune idée, une autre maison plus sécurisée, plus loin... Pour moins nous retrouver quoi. Ils nous ont fait monter tout de suite après qu'ils aient fini de te faire quelque chose, et moi... je ne sais pas trop, mais comme je ne me sens pas trop mal, j'imagine que ça devrait aller.

— La ferme ! Si tu ne te tais pas, je vais devoir te bâillonner, menace la femme, qui doit être au volant.

Je frissonne, Arielle renifle en se serrant contre moi, et je comprends qu'elle aussi a dû pleurer et être menacée. Mais pourquoi nous quatre ? C'est la question que je pose à voix haute à la femme, comme si j'espérais avoir une réponse. Je suis surprise quand elle nous répond en rigolant.

— Ne vous pensez pas trop importante d'avoir été choisie. Les autres sont dans le van conduit par vos parents. Ils seront sur les lieux à peu près en même temps que nous.

— On arrive dans combien de temps ?

— Taisez-vous maintenant.

— Je dois faire pipi... pleure Arielle, en portant la main à son entrejambe, comme si elle allait se faire gronder.

Cette Catherine refuse de s'arrêter car ce ne sont pas les ordres, mais les hurlements de panique et de peur d'Arielle de faire pipi sur elle achèvent de la convaincre. Elle nous fusille du regard et sort un pistolet qu'elle range derrière sa veste, arrêtée sur le bord de la route.

— La première qui tente de se sauver, je lui tire dessus. Ça ne sera pas mon problème si vous perdez l'usage de votre jambe. James vous veut en vie, pas en forme.

Elle fait sortir Arielle et en profite pour me menotter, alors que je ne l'étais pas jusque-là. Une fois le problème résolu, elles remontent et Arielle vient se nicher contre nous, les yeux papillonnant. C'est trop pour elle, de subir tout ça pour son âge. Elle est bien trop jeune pour avoir aussi peur de ce qu'il peut lui arriver. Je lui caresse les cheveux pendant qu'elle pose sa tête sur mes cuisses pour tenter de se reposer. Je vois Athéna s'impatienter, prête à secouer toute la voiture jusqu'à ce qu'elle se brise, mais je doute qu'elle y arrive, malgré sa force formidable.

Le temps passe, nous restons la plupart du temps silencieuses car sinon Catherine menace de s'énerver, et quand la vitesse de la voiture se ralentit considérablement pour passer à un chemin qui doit être gravillonné, je grimace. Les vibrations s'en ressentent jusque dans mon bas-ventre qui me lançait moins avant que maintenant.

Quand nous nous arrêtons définitivement, Catherine sort en claquant la porte derrière elle en nous laissant seule. Elle revient à peine deux minutes plus tard, reprend la voiture et par le pare-brise, j'observe une énorme ferme rénovée en maison s'étendre là. Nous sommes dans la cour. Et à peine sortie de là par sa poigne de fer qui m'oblige à avancer tout en tenant Arielle dans mes bras car elle n'ose pas se retrouver à nouveau seule avec cette inconnue, nous nous dirigeons docilement vers la maison. Mes jambes ne sont pas encore solides, mais j'espère ne pas lâcher ma sœur par terre. J'ai quand même le temps de me retourner dans tous les sens rapidement, pour observer les environs. Et je comprends parfaitement pourquoi nous sommes ici. C'est évident en observant cette cour complètement fermée où nous sommes garées. Aucun moyen de sortir, sinon escalader les murs ou les barrières, hautes d'environ trois bons mètres.

Catherine sort une grosse clé de sa poche, et ouvre la porte d'entrée sans ralentir l'allure, alors que je la suis plus doucement, en faisant attention à tout mais faignant d'être encore faible, ce que je suis tout de même.

— Plus vite.

Elle me fait passer devant elle dans un long couloir séparé du reste de la maison par deux portes qui semblent drôlement bien sécurisées, avant de s'arrêter. Ma main gauche est toujours coincée dans la chaine, que Catherine finit par accrocher à un tuyau à l'aide d'un cadenas. Et elle me laisse là sans plus me jeter un seul regard.

Quelques minutes plus tard, c'est au tour de Leëla et Athéna de nous rejoindre, et elles subissent la même chose. C'est drôlement humiliant, d'être menottées ici. Nous n'avons rien fait, nous ne sommes pas des délinquantes !

— Laissez-nous marcher ! m'énervé-je. Comment voulez-vous qu'on s'échappe d'ici alors que nous n'avons rien pour savoir où nous nous trouvons, et que toutes les issues sont condamnées ?

— Les ordres sont les ordres. Vous êtes les enfants de James, donc il décide. Et comme je suis le cerveau, je décide aussi. Vous allez rester ici le temps que le van et le premier camion arrivent, j'espère que Patrick et Mickaël auront été rapides et n'auront pas de difficultés...

— Où va-t-on dormir ?

— Le sol ne vous fera pas de mal si vous continuez de jacasser, nous menace-t-elle. Ou debout. Peu importe, du moment que vous arrêtez d'être dans nos pattes et nous emmerder pendant une mission difficile.

— On peut s'en aller sans problème, si on est un poids trop lourd ! raille Leëla en plantant son regard dans celui glacé de celle qui nous surveille.

La gifle qui claque me fait cesser toute tentative de rébellion. Les marques rouges sur le visage de Leëla montrent que ce n'est visiblement pas la première qu'elle prend aujourd'hui, mais elle relève fièrement la tête, refusant de la baisser. J'admire ce courage qui me fait défaut...

Alors que je ne fais plus attention à ce qu'il se passe, un deuxième bruit de gifle me fait me retourner sur le champ. Athéna vient de subir le même sort que Leëla, et Arielle, qui commence à sérieusement avoir peur, se remet à pleurer en criant tous ses poumons qu'elle veut se maman.

De plus en plus en colère de ne pas maitriser la situation, Catherine tente de la faire taire à son tour, mais ma petite sœur, qui n'est pas enchainée, part en courant dans le couloir par lequel nous sommes arrivées. Je tire sur les maillons métalliques dans l'espoir de savoir me libérer, mais je n'y arrive pas, et les filles n'ont pas beaucoup plus de succès.

— Laissez-la tranquille ! s'époumone la brune à mes côtés. Elle est petite, elle a peur et ne comprend pas ce qu'il se passe ! Laissez-la !

Mais Catherine est plus forte, et revient en tenant la petite rouquine fermement dans ses bras, alors que celle-ci se débat furieusement pour lui échapper. Quand elle l'attache à son tour pour l'empêcher s'enfuir, mon cœur se serre. Je me précipite sur Arielle à peine est-elle par terre pour la ramener contre moi, mais elle perd les pédales et hurle sans s'arrêter, complètement affolée. Je la mets derrière moi pour la protéger, et en faisant coulisser leurs liens, Leëla et Athéna se rassemblent toutes les deux près de moi comme pour créer une barrière et la protéger.

— Je vais lui apprendre !

— Non !

Je la protège comme je peux, envoie une jambe devant moi pour la maintenir à distance, mais elle m'envoie valser au sol alors que ma main gauche est retenue en arrière par la chaine. Je me relève rapidement, et heureusement, James finit par arriver, à mon plus grand soulagement. Je ne le porte pas dans mon cœur, mais au moins, je sais que grâce à lui Arielle sera en sécurité, et pas aux mains de cette cinglée.

— Elle nous frappe ! crie spontanément Athéna en voulant le rejoindre.

— Elles refusent d'obéir !

— Arielle a peur, elle n'y peut rien ! Elle est méchante avec nous et nous parle comme des moins que rien !

J'appuie la chose d'un hochement de tête, et Catherine tente de s'expliquer alors que James lui fait signe que ça ne sert à rien. Je suis persuadée qu'il va prendre notre défense et l'envoyer bouler ailleurs au moins quelque temps, mais la réalité est toute autre.

— Tu ne dois pas t'en prendre à elles physiquement, le deal était juste de les ramener ici. Occupe-toi du labo, je m'occupe d'installer les enfants dans leurs chambres.

Je reste coite, alors qu'il ne s'occupe même pas de prendre soin de ses enfants. Mais il est vrai qu'il ne doit pas beaucoup nous aimer, pour nous faire subir autant de choses...

— Les portes sont fermées, et si vous tentez quoi que ce soit, vous passerez le restant de vos jours enfermées, alors écoutez-moi bien, grogne James, en s'approchant de nous et désignant ce qui nous empêche d'essayer de nous sauver. Ça ne sert à rien d'essayer de sortir, tout est fermé, vérifié, alors profitez de votre liberté de mouvement à l'intérieur de ces murs pour vous rendre utile et ne pas nous compliquer la tâche. Vous savez de quoi nous sommes capables et vous n'avez pas envie de découvrir comment je peux vous punir.

J'acquiesce, pour lui dire que j'accepte ces conditions, du moment que nous pouvons retrouver un peu de normalité. Leëla ne semble pas du même avis que moi, mais c'est parce qu'elle n'est pas là depuis assez longtemps pour savoir qu'ils briseront chacun de ses espoirs pour sortir. Moi, je n'ose plus en rêver. S'ils en ont fini avec nous et comptent nous laisser déambuler tranquillement, je suis d'accord avec les conditions.

Armé d'une grosse clé, celui que j'appelle papa s'occupe de me libérer les poignets, puis s'occupe d'Athéna. En lui glissant rapidement la chaine à l'autre main. Elle tente de s'y soustraire mais n'en a pas le temps.

— Toi, tant que je ne serai pas certain que tu es de mon côté et pas de tes imbéciles de sœurs, tu resteras menottée. Tu as de la chance, je pourrais décider de t'enfermer pour être certain que tu ne fasses pas de bêtises.

— Tu as besoin de moi, c'est différent, rectifie-t-elle en le défiant du regard.

— Oui, la maison ne va pas se mettre sur pied toute seule.

Il détache Leëla, lui fait signe d'avancer devant lui comme nous, pour nous mener à ce qui sera sûrement nos chambres ici.

— Vous trouvez que je suis trop dur ? Je vais réajuster mes méthodes et vous me direz, si j'étais trop dur avec vous auparavant. Grimace-t-il dans notre dos, en sortant un pistolet de sous sa veste, et nous fait signe d'avancer plus vite.

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