Chapitre 17 - Florida
Après le bain d'Eliott et le débarbouillage rapide des deux autres petits monstres, il n'y a toujours pas trace de ma sœur, et je commence à m'inquiéter. Où est-elle passée ? Et surtout, pourquoi ?
Je ne peux pas me voiler la face, je sais que James est responsable de sa disparition. Surtout que Leëla vient d'arriver et ne connaît rien d'autre que notre chambre et le salon... Mais je veux savoir ce qu'il lui fait, si vite.
Cela me perturbe, et surtout, me fait repenser à mon arrivée ici, quelques mois plus tôt. Il passait tout son temps avec moi, et je me suis retrouvée un jour également dans son bureau, avec des compléments alimentaires. Je me suis réveillée attachée à une table d'auscultation glacée sous moi, alors que je n'étais vêtue que de mes sous-vêtements. Paniquée, j'ai tenté de me débattre, mais en le voyant arriver, je suis vite redevenue inanimée et muette. Je me rappellerais toujours ce qu'il m'a fait...
Un masque sur la bouche, il m'a à nouveau anesthésié, alors que mon pouls s'affolait.
Quand je me suis réveillée à nouveau, j'avais la gorge et le bras gauche douloureux, et la terrible sensation de suffoquer à chaque respiration. Il n'était pas loin et j'ai entendu une conversation téléphonique, qui devait se dérouler dans son bureau.
— Non, elle ne sert à rien sur l'étude, Cartoin. Insistait-il. Elle a paniqué même endormie, son cœur a fait de la tachycardie. Et les cellules d'épiderme que je lui ai prélevé ne montrent aucun changement dans leur fonctionnement ni leur composition. Elle n'a pas réagi. Ou trop, je ne sais pas.
Un silence, j'inspecte mon corps rapidement, me glace en découvrant un pansement rougi sur mon avant-bras gauche. Je ne comprends pas la moitié de ce qu'il dit, je veux juste sortir. Je ne sais pas ce que je fiche ici, mais je veux retrouver ma sœur, ma vraie famille. Tout me dicte que je devrais me sauver tant que je peux, mais le calvaire n'est pas fini. Il vient de commencer, et tout est pire que mes cauchemars.
Il fait des expériences sur nous. De quoi, je ne le sais toujours pas, et je suis toujours ici, au final. Il a bien trop d'emprise sur moi pour que je mette mes souhaits à exécution et me sauve. De toute façon, je suis certaine qu'il me retrouverait.
J'ai fini par être toujours vigilante. Je ne dormais que la porte fermée à clé, pareil pour la douche, je ne mangeais que si j'étais certaine que cela venait du même plat que les autres. Je ne me laissais plus avoir, et surtout, j'observais chacun de ses mouvements.
J'ai fini par trouver où était cette chambre, où je m'étais retrouvée enchainée. La réponse était même évidente. Sous nos pieds. Il a aménagé le sous-sol afin de pouvoir travailler directement ici, près de nous. Pour se servir de nous. Pourquoi, est la question qu'il me reste pour comprendre tout ça.
Et s'il est avec Leëla, il n'est pas dans son bureau...
Je n'hésite qu'une demi-seconde, avant de m'y faufiler. Là, son ordinateur est protégé par un mot de passe, mais je fouille dans les papiers rangés dans l'armoire pour trouver quelque chose.
Après des fiches sur nous, je découvre une liste, à laquelle je ne comprends d'abord pas grand-chose. Je n'ai pas beaucoup de temps, alors je la mets dans l'imprimante et en fais une rapide photocopie, en priant pour que personne ne vienne voir ce que je fabrique. Je range tout exactement comme ça l'était, plie la feuille et la fourre sous mon t-shirt, avant de me remonter rapidement dans ma chambre.
Je ne peux pas jeter un œil dessus maintenant car ils peuvent m'appeler à tout moment, alors je la glisse sous mon matelas rapidement, et après avoir tiré sur mes vêtements comme pour enlever toute trace du passage de ce papier qui n'est pas censé être en ma possession. Et je redescends comme si j'étais juste partie deux petites minutes me recoiffer. La preuve en est, je viens d'attacher mes cheveux en queue de cheval.
Pendant l'ensemble du repas, je ne cesse de me demander où ils sont passés, car ni James ni Leëla ne sont revenus. Et je commence à comprendre que celui qui se fait appeler « papa » m'a menti aussi là-dessus. A mon réveil, j'étais déboussolée mais il m'a affirmé sans vergogne que ça ne faisait que quelques minutes que je m'étais assoupie.
Après manger, je m'esquive rapidement, même si Marielle me demande de l'aide. Elle savait déjà faire tourner cette maison avant mon arrivée, ce n'est pas un soir qui va la tuer. Je profite donc de ce répit sans surveillance pour remonter dans ma chambre, Pour être certaine que personne ne me prendra sur le fait, je cale une des chaises de bureau nous étant destinées à Leëla et moi sous la poignée, pour l'empêcher de s'ouvrir tant que je suis occupée à jeter un œil sur quelque chose que je ne devrais pas. Car je sais que je ne suis pas censée rentrer dans son bureau s'il n'est pas là, et encore moins fouiller. Je ne sais pas encore ce qu'il fiche et cache ici, mais je compte bien essayer de le découvrir, s'il le fait aussi subir à ma sœur.
Je déplie la feuille, qui n'est autre qu'une liste. Une liste sur laquelle des photos de nous, nos prénoms sont attribués en face de chaque colonne. Il y a même les frères et sœurs qui ne sont pas ici.
En face de chaque nom, est inscrite une « capacité », comme il est écrit. Pour Jessica, ma sœur avec qui j'ai grandi, c'est « intuitions ». Cela me rappelle effectivement qu'elle avait toujours raison, elle sentait les choses avant qu'elles n'arrivent. Elle savait quand traverser la route, quand le devoir à rendre serait nul, quand il fallait éviter de descendre dans la cuisine car nos parents adoptifs se disputaient.
Pour moi, il est écrit stress, et comme je ne comprends pas ce que ça peut signifier car je n'ai jamais eu aucune chose particulière et étrange, je décide de continuer de chercher. Leëla, c'est hypermnésie mais je ne peux pas le vérifier. Par contre, il est facile pour Eva et Erika de comprendre que les pensées connectées sont véridiques car entre jumeaux, il y en a toujours un peu, et le charme envoûtant d'Elias, j'y crois à 100%, car il a toujours ce qu'il veut, sauf par James.
Mais cette feuille n'explique rien, sinon qu'il existe une liste des capacités que nous avons. Mais à quoi ça peut bien lui servir ?
Je n'ai pas le temps de chercher à comprendre plus que ça que j'entends quelqu'un arriver, et après avoir fourré la feuille sous mon oreiller, je décoince la chaise juste à temps pour faire croire que je la déplaçais à mon père, qui tient Leëla à moitié affalée sur lui.
— Elle s'est évanouie tout à l'heure mais a repris ses esprits dans mon bureau. Elle est encore un peu faible, surveille la.
Je ne dis rien, le cœur battant à tout rompre. Une pellicule de sueur recouvre ma nuque alors que je respire doucement pour me calmer. J'ai eu chaud, je n'aurais pas dû faire ma curieuse maintenant et attendre d'être certaine de n'avoir rien à craindre.
James fait s'asseoir ma sœur sur son lit, alors que je déplace la chaise que je tenais à son chevet, pour la veiller. Je remarque une bosse sous la manche de son pull, et ce n'est que quand je suis certaine que James est bien retourné au rez-de-chaussée que je la lui soulève. Leëla semble plus vaseuse encore qu'il ne l'a mentionné, mais comme il n'a pas l'air de s'inquiéter pour elle, c'est bien qu'il est responsable de son état.
— Tu vas bien ?
Elle hoche à moitié la tête, la secoue, je comprends que je n'obtiendrais rien d'elle maintenant. Elle est totalement à côté de la plaque, mais une bonne nuit de sommeil devrait réussir à la retaper. Tant qu'elle ne se rend compte de rien, je relève un peu sa manche, en découvrant un pansement, posé à la va-vite sur sa peau. Comprenant que je n'aurais guère d'autre chance de savoir ce qu'elle s'est fait là-dessous, je décolle un coin, avant de regarder en dessous. Un petit trou est présent et suinte dans le coton, alors qu'il semble lui avoir prélevé un petit morceau de peau. Mais dans quel but ?
— Tu as faim ?
Elle est tellement dans les vapes qu'elle ne réagit même pas, mais je la quitte un instant pour aller chercher de quoi la nourrir cette nuit si elle se réveille et réclame à manger. Je prends une boite de goûter des plus petits, ainsi qu'une petite bouteille d'eau, et m'apprête à remonter. La maison est étonnamment silencieuse, Marielle doit bientôt avoir fini de coucher tous les enfants. Elle s'occupe généralement d'Eliott en premier, avant d'aller lire une courte histoire à Arielle et Elias pour les endormir. Généralement, c'est Athéna qui s'occupe de celle pour Raphaëlle et Enzo s'ils en réclament une, ils ont le droit à un bisou pour s'endormir de la part de leur mère, puis elle passe cinq minutes avec ses trois aînées. Léna dort souvent pendant ce temps là, soit dans sa chambre, soit dans ses bras.
Au moment de passer dans le couloir, où je me prends le petit meuble d'appoint en grimaçant, James m'arrête en me demandant où je vais. Je montre mes denrées sans rien dire, et il hoche la tête avant de me tendre un comprimé, qui me fait grimacer intérieurement. Mais je ne dis rien et l'attrape dans une main en veillant à ne pas l'écraser en tenant les autres affaires.
— Il faut impérativement qu'elle prenne celui-ci si elle mange, ça lui permettra d'aller mieux. Elle a mal réagi à ses cachets contre les carences... Je me demande si c'est à cause d'une allergie...
— Elle ne les prendra plus alors ? demandé-je.
— Dose réduite le tant que les analyses soient en cours pour les allergies. Ne t'inquiète pas, cela va peut-être l'assommer un peu mais elle sera sur pied dans quelques jours sans souci.
— Et... Son bras ?
— Elle a paniqué en sentant qu'elle devenait faible, et s'est pris le coin de mon bureau, m'annonce-t-il, en le désignant, alors même que c'est celui où se trouve le pot à crayon rempli de stylos et de ciseaux et autres fournitures. J'ai dû l'allonger et la soigner, le temps que je fasse tout ça, vous aviez fini de manger.
J'hoche la tête, et alors qu'il ferme la porte comme pour me congédier, je monte les marches en bois de l'escalier deux à deux. J'ai la chair de poule malgré moi, et je crois que je ne crois plus à ses mensonges, car tout ça n'est qu'un tissu d'inepties. Son entaille ne ressemblerait pas à ça en tombant sur une paire de ciseaux, ou même un compas. Non, c'est lui qui lui a volontairement prélevé quelque chose.
A peine revenue dans ma chambre, je pose ce que je suis allée chercher, puis observe la petite gélule. Je n'ai pas le temps de vraiment prendre conscience de ce que je fais que je la dévisse, et dépose la poudre sur un mouchoir en papier. Je la revisse pour la déposer près de la bouteille, avant de déposer le bout de mon petit doigt dans la poudre blanche que j'ai sortie. Je l'apporte à mon nez pour la humer, puis décide de la goûter avec la pointe de la langue, en une infime quantité. Je ne ressens rien pendant de longues minutes, alors je décide de prendre le reste, pour en observer l'effet au lieu de le donner à ma sœur déjà affaiblie. La dose complète est tellement forte que je sens mes yeux larmoyer de suite, et m'empresse de plier le mouchoir où se trouve la poudre restante pour le cacher au fond de mon armoire, dans ma boite de bijoux.
Je tiens debout normalement pendant plusieurs minutes, avant de sentir mes membres s'engourdir peu à peu. Une intense fatigue s'empare de moi, et je m'assoupis quelques minutes après sur mon lit encore à moitié assise.
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