"Elle aime cette casquette"

NA : Le voilà, le tout dernier chapitre ! J'espère que vous ne vous êtes pas lassés et que cette partie ne sera pas décevante. Toujours finir sur une bonne impression !

Greg ne répondait pas. John avait réessayé de nombreuses fois. Il réfléchit un instant, les yeux rivés sur l'écran noir de son téléphone, attendant inconsciemment que celui-ci s'illumine. Puis il composa un autre numéro.

"J'espère, Dr Watson, que vous n'allez pas me demander pour de la surveillance d'enfant.

John sourit : -Le mot d'usage courant est babysitting, Mycroft. Et non. Je n'appelle pas pour Rosie. Même si j'adorerais la voir jouer avec son tonton Mycroft.

-Encore une menace de ce style, mon cher docteur, et je raccroche sur le champ.

Malgré la menace, John pouvait entendre la note d'humour dans le ton du plus âgé des Holmes : -C'est à propos de Sherlock, Mycroft.

-Tout compte fait, je préfère garder votre enfant, tout, plutôt que surveiller mon frère.

-Il ne répond pas. Mrs Hudson a disparu. Le thé est encore chaud. Aucune trace d'effraction. Le portable de Lestrade est sur répondeur. Il y eut un silence au bout de la ligne. Mycroft ?

-N'avez vous pas envisagé la possibilité que mon toxicoman de frère se soit encore enfuie dans un de ces taudis dont lui seul connaît l'existence pour s'offrir son stimulant intellectuel ? Que Mrs Hudson soit sortie faire une course ou tout simplement vivre sa vie ? Vie qui ne se limite certainement pas à être votre logeuse, Dr Watson. Quant à Lestrade, il suffirait qu'il soit sur le point de résoudre une affaire ou qu'il comparaisse au tribunal pour ne pas être en mesure de vous répondre. En résumé, John, s'il y a bien une chose que votre paranoïa nous apprend, c'est que la mort de votre femme vous a rendu plus faible.

John se tut. Dans un premier temps : -Êtes-vous moins qu'humain, Mycroft... "

Et il raccrocha. Si le frère de son meilleur ami ne l'aidait pas à élucider ce mystère, John s'en sortirait seul. Il s'assit dans son fauteuil. Il devait bien avouer que chaque fois qu'il revenait à Baker Street, chaque fois qu'il rentrait à la maison, il était ému de voir que Sherlock n'avait plus jamais retiré son fauteuil. Comme un aveu silencieux, lui assurant que leur appartement serait toujours un refuge.

Molly. Il n'avait pas appelé Molly. La conversation fut brève. Mais vint confirmer les craintes de John. Greg était à la morgue lorsqu'il reçut un appel de Mrs Hudson lui demandant de les rejoindre à Baker Street car ni elle, ni son locataire n'arrivaient à résoudre le problème auquel ils étaient confrontés. John comprit très vite que si aucun des trois n'était joignable, c'est que les choses avaient mal tournées. Il chercha les moindres traces de lutte. Mais nulle tâche de sang sur le parquet en chêne. Soudain, une hypothèse lui vint. En temps normal, il l'aurait trouvée absurde. Mais Mycroft avait raison. John restait traumatisé. Et il imagina la scène. Greg arrivant à Baker Street, trouvant Mrs Hudson et Sherlock face à un dilemme. Lestrade, fatigué des plaisanteries du détective et de ses bassesses à son sujet, avait dû s'emporter contre les deux habitants du 221B. Les choses avaient mal finies et Greg était à ce moment même très certainement sur les routes de la périphérie de Londres pour fuir, Mrs Hudson dans son coffre et Sherlock, assommé, gisant sur la banquette arrière. Peu importait la suite finalement. Il devait retrouver Lestrade.

Au rez-de-chaussée, un bruit. John s'assura de la sécurité de sa fille, puis s'avança vers la porte. Quelqu'un montait les escaliers. Non. Deux personnes. À la lourdeur du pas, John pouvait identifier deux hommes. L'un était pressé, l'autre, réticent à l'idée d'avancer. Son hypothèse en devint une autre. Et si Sherlock s'était emporté une fois de trop contre Mrs Hudson ? Et si Greg n'avait été appelé à l'aide que pour faire disparaître les traces de cette erreur fatale ? Qu'avaient-ils fait à cette pauvre Mrs Hudson ? La porte d'entrée s'ouvrit. La voix de son ancienne logeuse lui parvint. "Je me demande encore quelle utilité vous prêtez au tapis dans l'entrée ! Une fois pour toute messieurs, je ne suis pas femme de ménage !"

John sourit. L'espace d'un instant. Puis une autre hypothèse lui vint. Que faire si Mrs Hudson, agacée par le comportement du plus jeune de la famille Holmes, avait décidé d'engager deux tueurs à gage pour s'en débarrasser ? Elle avait été à la tête d'un cartel après tout, et avait le réseau nécessaire. Les pas dans les escaliers gagnèrent le palier. John retint son souffle. Du tiroir de gauche de son ancien bureau, il sortir un revolver. Il n'avait plus qu'une balle. Une balle pour deux assaillants. Hypothetiquement trois, si l'on comptait Mrs Hudson comme l'une d'entre eux. Mais John espérait sincèrement n'avoir jamais à tirer sur celle qui, au fil des années, avait fini par devenir ce que l'ancien soldat avait de plus proche d'une mère. Un rire familier s'éleva dans le couloir.

"Greg ? puis les deux hommes firent leur apparition dans le salon. Sherlock ? Mrs Hudson arriva peu de temps après. étiez vous passés ? J'étais inquiet ! Est-ce que l'un d'entre vous songe parfois à regarder ses messages ? Écouter son répondeur ?

-Mycroft m'a dit que tu étais certainement en train d'élaborer une théorie réfutant toute probabilité scientifique sur notre enlèvement par un groupe terroriste certainement à la recherche d'un code gouvernemental que l'un d'entre nous, moi, à l'évidence, détiendrait. Je ne pensais pas que c'était à ce point. Non, John. Tu avais tort. Mais pas complètement. La seule personne victime d'enlèvement ici, ça a été moi. Un moment atroce vois-tu où notre chère Mrs Hudson qui avait au préalable fait venir Gary... Greg, je n'arrive pas à m'y faire. Pardon. Je disais ? Oui. Mrs Hudson m'a amené faire du shopping.

John le regarda dubitatif : -Pardon, quoi ?

-Shopping. Tu sais, dans les magasins. Les boutiques. Acheter de nouveaux vêtements. Une cravate neuve. Je n'aime pas les cravates. Mycroft en porte.

-Ça fait très élégant. l'interrompit Mrs Hudson bien que personne ne l'ecouta.

-Je sais ce que c'est Sherlock. Je sais ce que le mot shopping signifie. Vous... j'ai cru à votre mort !

-Il aura fallu moins de deux ans cette fois-ci pour rétablir la vérité... se moqua Sherlock.

Mais la patience de John avait été poussée trop loin. Se remémorer cette époque n'était pas tout à fait à son goût. Il s'appretait à se ruer sur son ami lorsque l'inspecteur de Scotland Yard intervint : -Non John, Mrs Hudson s'est donnée tant de mal pour qu'il accepte de mettre cette fichue cravate, ne ruinez pas toute son oeuvre en le defigurant maintenant.

-Shopping ? Vous êtes allés faire du shopping ? Sérieusement Mrs Hudson ?

-Il comptait mettre sa casquette et son manteau habituel. On ne va pas à un rendez-vous galant vêtu d'un déguisement ! s'indigna la logeuse. Que va-t-elle penser en vous voyant arriver ?

-Pour la énième fois Mrs Hudson, ce n'est pas un rendez-vous galant. De plus, elle aime cette casquette. Mary aussi. C'est étrange comme elle plaît aux femmes. Vous devriez essayer Greg, votre vie sexuelle s'envolerait peut-être enfin. Et sa seule pensée sera sûrement : allons dîner. C'est absurde. Elle va avoir son dîner. Elle pensera sûrement au dessert.

John s'immisça entre les deux : -Quel rendez-vous galant ? Sherlock ? De quoi parle-t-elle ?

Un temps passa. Puis, après s'être éclairci la gorge, Sherlock répondit : -Tu m'as demandé de lui répondre. Tu as dis qu'elle était vivante et que j'avais la chance qu'elle le soit. Que je devais lui répondre. Bien que c'est ce que je faisais. Des fois. Dans des moments de faiblesse. Difficile de résister à la tentation de flirter avec le danger. Elle est définitivement dangereuse. Nous y voilà John. Je lui ai répondu. Et La Femme va avoir son dîner."

***

John, Mrs Hudson et Greg restèrent à la fenêtre lorsque le détective s'en alla pour son dîner.

"Une femme. s'étonna encore Mrs Hudson. Une femme. Vous rendez-vous compte ?"

Mais elle avait tort. Ce n'était pas une femme parmi tant d'autres. Non. C'était elle qui, aux yeux du détective, avait eu l'importance nécessaire pour rester dans son palais mental, après toutes ces années.

Les trois complices regardèrent leur ami attendre au coin de la rue. John pouvait dire qu'il était inconscient. Cette femme avait toujours eu le dessus sur lui. Elle avait toujours su comment jouer avec le détective. Il tapotait nerveusement le revers de sa veste, ne cessait de remettre sa cravate en place. De temps à autre, il plongeait la main dans sa poche, comme pour s'assurer qu'elle était toujours là.

"Vous pensez qu'elle viendra ?" demanda Greg.

Sherlock s'adossa à un réverbère. Il commençait à douter. Et si, pour se venger de ces longs moments d'attente sans aucune réponse, sans même aucune nouvelle, Irène ne venait pas ?

"J'y ai longuement pensé. murmura une voix derrière lui. Ne pas venir, vous regarder m'attendre. Me venger.

-Alors pourquoi êtes-vous venue ? Cette idée semble vous ravir tout particulièrement.

-Le jeu, Mr Holmes. Le jeu. Il n'aurait pas été amusant, si nous étions restés seuls, chacun de notre côté. Holmes se retourna enfin, et lui fit face pour la première fois depuis des années. Bonsoir Sherlock. Jolie cravate. Mycroft en porte dans mes souvenirs. Vous aurait-il convaincu ? Quoiqu'il en soit, j'aurais préféré la casquette.

-Comme je me doutais de ce petit détail... Sherlock plongea à nouveau la main dans sa poche pour en retirer sa casquette. C'était il y a une éternité, Mrs Adler.

-Une éternité plus lente pour l'une que pour l'autre, cela va de soi. Avez vous été tenté de venir me rejoindre durant vos deux ans de mort officielle ?

-Non.

-Vous mentez, monsieur le détective. Je pourrais vous punir pour un tel parjure.

Sherlock soupira. Il en vint presque à regretter d'avoir eu la faiblesse de répondre : -De toute évidence, Mrs Adler, ces histoires de domination appartiennent à votre passé.

-Non, n'expliquez rien. N'expliquez pas.

-Alors vos menaces ne peuvent plus m'atteindre.

-Oh Sherlock, êtes vous en train d'avouer qu'elles vous ont un jour effrayé ? Mon pauvre petit détective...

Il sourit méchamment : -Et revoilà le cynisme comme unique défense. Vos sarcasmes expriment votre ressenti, Irène. Vous ne devriez jamais laissé votre cœur dicter vos pensées.

-Vous vous répétez.

-Vous n'avez pas changé. conceda-t-il comme un compliment.

Irène en fut quelque peu déconcertée : -Merci."

Il tendit son bras. Elle y glissa le sien. De la fenêtre du 221B, Mrs Hudson se laissa aller à pousser un petit cri de joie. Voilà que son petit Sherlock entrait dans le monde des grands ! John eut la consolation de se dire que la mort de sa femme avait permis à son ami de se rendre compte de certaines choses de la vie. Il lui sembla qu'au coin de la rue, le fantôme de Marie lui souriait, avant de disparaître dans la pénombre.

***

"Londres m'a manqué." avait avoué Irène lorsque le dîner touchait à sa fin. Sherlock avait été étonné de son ton si triste. Peut-être sentait-elle que tout allait bientôt se terminer ? Mais lui n'avait pas eu envie que cette soirée s'achève. Alors, sortant du restaurant, il lui avait pris la main. Irène avait d'abord sursauté. Sherlock avait sourit en sentant son pouls. "Nous n'allons pas nous contenter de dîner ?

-Je ne peux refuser une telle proposition..." avait répondu Irène avec un sourire coquin. Mais Sherlock l'avait fait taire, l'entraînant dans les rues éclairées de la ville.

Ils marchaient tous les deux en silence depuis ce qui avait paru une éternité aux yeux de La Femme. Sa main était toujours emprisonnée dans celle de Sherlock. Elle y trouvait un certain réconfort. Mais elle savait que bientôt, ils se sépareraient. Qu'elle n'aurait certainement plus de ses nouvelles. Pourquoi lui répondrait-il maintenant qu'il lui avait donné ce qu'elle avait toujours demandé ? Et elle ne l'aurait même pas embrassé. Cherchant à observer Sherlock du coin de l'oeil, elle se rendit compte qu'il n'avait pas cessé de l'épier discrètement. Leurs regards se croisèrent. Gênés d'avoir été attrapés par l'autre la main dans le sac, ils évitèrent de se rencontrer à nouveau du regard.

Sans qu'ils ne réalisent, leurs pas les avaient menés à Baker Street. Devant la porte, ils se regardèrent. Et Irène comprit. La vérité la frappa violement. Elle se sentir faiblir. Une vague de nausée commençait à monter. Elle inspira profondément.

"Et nous y voilà. Le moment des adieux."

Sherlock grimaça face au ton brisé qu'elle avait employé. Ses yeux semblaient vides. Il crut d'abord qu'elle n'avait pas apprécié la soirée. Sherlock Holmes ne connaissait définitivement rien, aux choses de l'amour. Mais qui pouvait réellement y prétendre ? Cette question lui ouvrit les yeux. Il comprit pourquoi un tel chagrin était né dans le coeur de cette femme. De La Femme. Et il était bien décidé à ne pas le laisser grandir. Sherlock Holmes prit alors une grande décision.

"Vous montez, Miss Adler ? Irène..."

Et voilà ! C'est la fin de ce qui ne devait être qu'un petit OS d'un chapitre. Puis deux. Et finalement, ce sont bien six parties que j'ai publiées ! Merci pour les avis laissés qui m'ont donné envie d'écrire davantage, merci pour vos encouragements ! Et à bientôt dans une autre histoire, un petit OS qui sera une petite suite ; parce que "the game is never over"...

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