Prologue


On en veut toujours au destin de s'acharner sur nous. 

On cri, on pleure, on tape des pieds, on casse des choses...

Et puis, fatalement, on se lasse. On s'épuise et on abandonne. Ça s'appelle la "fatalité". La fatalité, je la connais mieux que personne. C'est ma grande amie, ma copine de toujours, mon amante adorée, celle qui passe des nuits et des jours en ma compagnie. Elle m'aime tellement qu'elle me colle à la peau. La Fatalité, elle m'a suivie toute ma vie durant, me promettant de toujours m'attendre au revers, au détour du couloir de la mort. Ouais, faut dire qu'elle m'y a bien traîné, dans ce couloir.

J'ai vécu ma vie comme tout un  chacun, pensant que y aurait toujours un lendemain. Ou plutôt, en l'espérant. Et puis, mon rythme de vie s'est accéléré et j'ai décidé de perdre du gras puisque j'en avais toujours trop, jamais où il faut. Je me suis mise au sport. J'ai arrêté de jouer les larves sur mon canapé, arrêté de me goinfrer n'importe comment... Ça a super bien marché. Un peu trop, même. En l'espace de quelques mois, je suis passée de la patate à la carotte, accompagné d'une anémie sévère. Grosses pertes de poids, apparitions de vergetures immondes, disparitions des règles : l'enfer.

Au début, j'ai pas paniqué, j'ai juste trouvé ça super-méga-cool. Fini les poignées d'amour, terminé le double menton, adieu les fesses qui tombent : bonjour le paradis. Après, c'est devenu franchement moins glamour ; loin de gagner la silhouette de rêve que j'espérai, j'ai hérité d'une peau de grenouille, d'hématomes au moindre choc et d'une énergie frôlant tout juste les 20% au meilleur de la journée.

Et puis, fatalement, j'ai terminé mon régime par un séjour à l'hôpital. Après moult examens, le verdict tant redouté est tombé :

Leucémie myéloïde chronique.

Non seulement c'est une des plus rares qui existe, mais la probabilité qu'elle touche une femme de moins de trente ans relève d'une malchance inexplicable.

Résultat des courses : probablement moins de deux années à vivre.

Et là, ils ont été franchement optimiste.

Puisque, neuf mois plus tard, je disais adieux à ma vie.

On peut en vouloir au destin, le traiter de salopard - oui, je ne me suis pas gênée pour le faire -, prier avec toutes les larmes de son corps pour s'en sortir... mais, si le destin - ou le bon dieu, comme ça vous chante - décide de vous cuire avant l'heure, y a pas grand chose à faire. 

Et pourtant, ma mère m'a bien éduqué : j'étais une bonne fille, toujours encline à aider les autres. On pourrait même me qualifier d'altruiste. La seule raison pour laquelle je ne suis devenue ni médecin, ni pompier, c'est parce que je n'étais ni assez sportive - avec les deux jambonneaux que je me tapais, je voudrai bien vous voir faire un marathon, tien ! -, ni assez intelligente.

Ça ne m'a jamais empêché d'aider les petites vieilles à traverser la rue, à porter leurs courses ou à leur tenir la porte. Je n'ai jamais eu le courage d'écraser une mouche, une araignée ou tout autre nuisible. Non, moi, je suis la nana qui s'empresse de sauver la guêpe de la noyade dans la piscine familiale ; celle qui écarte l'escargot du sentier ; celle qui laisse son appartement se transformer en manoir par culpabilité de détruire l'habitat des arachnides...

Et ouais, ça, c'est la fille géniale que j'étais :

Abygaël Pallincourt-Davion

Maintenant que mon corps est froid, rigide et laid, emprisonné six pieds sous terre, me voila plongée dans la peau d'une toute nouvelle fille, bien vivante et ravissante :

Mademoiselle Andréa Kliszowski, petite parisienne aux yeux bleus, pas encore majeure et en pleine crise d'adolescence.

Y a pas à dire, j'ai hâte.

Il est où ce fichu contrat ?

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