Chapitre 1-2

- Tu devrais relire ton carnet avant de descendre.

Piaf. Tiens, il m'avait clairement pas manqué, celui-la.

Monsieur l'Archange est perché sur l'encadrement en bois de mon lit. Un peu comme un oiseau empaillé. J'adore ce genre de déco. Non, vraiment, ça a son charme, y a pas à dire.

- Pourquoi t'es toujours un oiseau, puisque tu peux prendre l'apparence que tu veux ?

- Les oiseaux sont des êtres voyageurs. Par delà le temps et l'espace, ils ont toujours été considéré comme des messagers et... tu m'écoutes ?

Non, j'ai lâché à "voyageurs". Je galère déjà à enfiler mon short, j'arrive pas à faire deux choses à la fois. J'ai pas de testicules, mais niveau cerveau, je suis pas loin d'égaliser mes congénères.

Allongée par terre pour plus de sûreté, j'essaie d'accrocher mes boutons avec mes doigts de porcelaine. Mais pour la fierté de mon Archange, je lui dis pas la vérité :

- Ouais, ouais, tu parlais de pigeon, je lui lance pour l'encourager à poursuivre.

Dernièr bouton : OK. J'enfile mon t-shirt. J'avais pas vu au premier coup d'œil, mais maintenant, je vois qu'il est de la marque Levi's. Le bon bout de tissu qui coûte le prix d'un jean.

- Je peux prendre une autre apparence, si celle-ci te dérange, dit mon messager personnel.

- Nah, c'est bon, je suis une mandataire de McDonalds, "viens comme tu es", dis-je en me bidonnant.

- Qu'est-ce que "Magdonalds" ?

- De la bouffe de gros tas, un truc dégueu pourri de détritus dont les humains raffolent. Un jour, je te ferais goutter. En fait, maintenant que tu le dis, je veux bien que tu te transformes en écureuil. C'est mignon les écureuils. Ou en rat, comme ça, si ma nouvelle famille tombe sur toi, je pourrais me marrer un peu.

Comme à chaque fois que l'Archange ne sait plus quoi dire, il garde le bec fermé. Ce qui donne encore plus l'impression qu'il est mort et rembourré de... vide ? Paille ? Bois ? Mystère. La taxidermie et moi, c'est pas franchement une histoire d'amour.

- Et sinon, tu disais quoi ? le relancé-je.

- Je disais que tu devrais relire ton carnet de notes, fait-il, imperturbable.

Ah ouais, ça.

- Pas besoin, j'ai tout dans cette minuscule petite tête, réponds-je en montrant ma tempe du doigt.

- Ah oui ? Comment s'appelle la mère de Andrea ? Ou plutôt TA mère, dorénavant ?

- Facile ! Maman.

Sur ce coup là et comme tous les autres, je suis la seule à rire de nous deux. J'ai trop d'humour pour l'être surnaturel qu'il représente.

Un ange passe. Hé ! Cette expression n'a jamais autant pris tout son sens !

J'éclate de rire. Piaf comprend pas. Il Il se contente de gonfler ses plumes. C'est mignon quand il fait ça.

- On dirait que tu couves des œufs quand tu fais ça, le taquiné-je en me redressant avant d'enfourner mes chaussons roses poilus - enfiiiin un truc qui claque dans les affaires de Indy ! Pardon : Andie.

- Christina.

- Non, moi c'est Andie, répliqué-je. Je suis pas débile, j'ai au moins retenu ça, m'offusqué-je.

- Christina, c'est le nom de ta mère, s'exaspère l'oiseau.

Y a un truc de fou avec cette bête là, c'est que peu importe ce qu'il ressent, son intonation de voix reste identique. Vraiment, faudra qu'il m'apprenne sa technique pour rester inerte en toute circonstance. A moins qu'il ne soit vraiment ma conscience, au final ?

- Je le sais, je m'entraîne, c'est tout. Tu sais pas comment c'est difficile de devoir s'habituer à un nouveau prénom, mens-je.

- En vérité, si. J'ai pris plus souvent de formes sur terre sous une nouvelle identité que tu n'en prendras durant toute ton existence.

Je reste sur le cul. Je sais pas si ça doit me soulager ou me faire flipper. Finalement, je choisis aucune des deux options.

- Ok, Cap'tain. Si tu m'y autorises, je vais de ce pas me diriger vers ce déjeuné familial qui m'a si gentiment été imposé.

Je me dirige vers la porte, tout en me faisant un petit récap des informations qu'il faut que je garde à l'esprit avant d'affronter cette nouvelle famille.

- Au fait, je fais comment si on me pose des questions bizarres auxquelles j'ai pas la...

Je viens de me retourner, mais y a plus de Piaf dans la chambre. Je regarde même sous mes pieds, au cas où monsieur ait décidé de prendre mes désirs de rat pour la réalité, mais je vois rien.

- Merci et au revoir, je marmonne pour moi-même en sortant de cette fichue chambre.

Cet Archange n'a aucun respect, ne possède aucune distinction, ne connaît aucune politesse. Envoyé par les dieux, ça ? Ça craint un max.

Cinq minutes plus tard, je suis vautrée sur la première marche de l'escalier. Y en a beaucoup trop, rien que m'imaginer les descendre, j'ai la tête qui tourne. Pourtant, je suis la première à avoir insisté pour quitter l'hôpital. Les médecins m'avaient prévenu. " Vous allez avoir des accès de grande fatigue. Vos muscles ont perdu l'habitude d'être utilisés. Les premiers jours risquent d'être compliqués, allez-y en douceur".

La bonne blague. Je m'étais pas attendue à ça.

Alors, perchée en haut de l'étage, je songe à tout ce bordel. Enfin, songer, c'est un bien grand mot. J'essaie surtout de re-visualiser toutes les informations que j'ai emmagasiné durant ces trois derniers jours. On peut pas vraiment dire que j'ai une mémoire d'éléphant, et ce serait même le contraire : même si je connais pas le contraire de cette expression. Mémoire de poisson rouge, peut-être ? De mollusque ? Mollusque, ça me correspond bien, tiens.

Je baille à m'en décrocher la mâchoire, sans amorcer un mouvement. J'ai une flemme monstrueuse de me rendre dans cette cuisine. La maison est immense, alors qu'on habite en plein cœur de Paris. J'imagine même pas le fric monstre que doivent se faire les parents de Andie pour payer ça. Pardon, rectification : MES parents.

Allez pas croire, j'ai l'air de déchirer dans cette situation, mais en réalité, j'en mène pas large. Je suis pas une espionne du KGB, j'ai pas passé ma vie à m'entraîner pour jouer ce rôle, juste quelques heures. Je mise énormément sur le fait que Andy ait reçu un traumatisme crânien.

Pour le reste, le contrat que j'ai pas vraiment signé ne stipule pas que je dois être parfaite dans la peau de Andie. Donc, je compte bien profiter de cette vie en faisant de mon mieux, et pas plus.

- Qu'est-ce que tu fais ?

Cette fois, je sursaute. Je l'ai pas entendu approché.

C'est le frère d'Andie. Tintagel. Un nom improbable, tordu et tellement ridicule qu'à chaque fois, j'ai envie de rire. Mais le frère d'Andie ne fait pas rire : c'est le sosie de sa sœur, au masculin. Grand aux épaules larges, blond - aux cheveux plus sombres que Andy - et aux yeux bleus, il est plus impressionnant. Si je me souviens bien, il a vingt-deux ou vingt-quatre ans. Mais ça a pas trop d'importance. Il paraît qu'il est plus débrouillard - d'après les notes que je suis supposée lire - et plus sérieux que sa jeune demie-sœur - leur père est différent. C'est pas un grand bavard et sa relation avec sa famille est quelque peu décousue, pour ne pas dire très sèche.

- J'attends que tu me portes en bas, dis-je.

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