CHAPITRE 9 : L'ÉMISSAIRE
Emma hâtait son pas sur les pavés de l'avenue de Tivoli. L'inquiétude se lisait sur son visage et l'adolescente se retournait sans cesse en prenant bien soin de raser les murs. Alors qu'elle abordait un carrefour, la jeune fille repéra la silhouette sombre de celui qui provoquait une si forte angoisse en elle. Un homme, grand et svelte, la suivait depuis une bonne vingtaine de minutes. L'individu, vêtu d'un sweat shirt noir et d'un jean déchiré, cachait son visage à l'intérieur de sa large capuche. La gorge nouée, Emma commença à trotter dans les rues désespérément désertes à cette heure de la soirée. Elle déboula sur un petit rond-point et chercha l'homme du regard. À part un chien affamé, qui fouillait à l'intérieur de la poubelle qu'il venait de renverser, la jeune fille ne remarqua aucun être louche rôdant dans le secteur. À demi rassurée, elle continua d'avancer à bonne allure.
Lorsqu'elle aborda enfin la place publique, Emma s'autorisa un sourire. Soudain, la silhouette tant redoutée refit son apparition en marchant tranquillement au milieu de la rue Formigé : cette dernière progressait dans sa direction. La panique s'emparant d'elle, Emma se mit à courir et traversa le parvis de l'église comme une fusée. En de telles circonstances, n'importe quelle adolescente qui se respecte peut se transformer en championne du 100 mètres, départ arrêté.
Elle s'engouffra dans la petite brasserie attenante à l'ancienne mairie de la ville. Les garçons et les filles qui composaient l'essentiel de la clientèle du café braquèrent leurs yeux sur la nouvelle venue. Le week-end, l'établissement se trouvait surtout fréquenté par les jeunes gens de la commune. Une main se leva près de la baie. Emma s'empressa de rejoindre les deux personnes assises derrière une antique table ronde de bistrot. Tout en se blottissant contre son amie, elle fouilla la place du regard au travers de la grande vitre du bar.
— Tu ne te sens pas bien ? lui demanda Romain en remarquant la pâleur de son visage.
Emma ne broncha pas et continua de fixer l'extérieur. Chloé se redressa en fronçant les sourcils et la poussa du coude. L'autre plissa les yeux en tordant la bouche, mais s'entêta à garder le silence.
— Mince alors ! lâcha Chloé, une pointe d'ironie dans la voix. Si tu crois avoir vu l'une de ces créatures diaboliques, ne compte pas sur moi pour aller m'en assurer.
— Là-bas ! s'exclama Emma en faisant tinter la vitre avec l'ongle de son index. Adossé contre le mur de l'église !
Les regards de ses amis scrutèrent les abords de l'édifice : ils aperçurent l'ombre d'un homme s'accroupir au pied de l'église. Romain colla son nez à la baie en arborant un air renfrogné. Chloé adressa une grimace comique à l'inquiétante silhouette.
— Peut-être que tu lui plais, murmura-t-elle. Est-ce qu'il est beau au moins ?
— Oooh ! J'm'en fiche de ça. D'ailleurs, je ne risque pas de le savoir. Tu n'as pas remarqué l'énorme capuche qui lui recouvre la tête.
Emma prit un petit-beurre dans la minuscule corbeille en osier qui trônait au centre de la table. Alors qu'elle commençait à le grignoter nerveusement, un jeune homme, possédant une jolie bedaine de buveur de bière en pleine croissance, s'avança vers elle.
— Salut ma jolie p'tite caille ! Tu descends une chope avec moi ?
Son gâteau entre les dents, l'adolescente le fixa en écarquillant les yeux. Chloé se frappa le front en pouffant de rire. Le rustre se pencha vers celle-ci et renifla bruyamment. Emma sentit son amusement se changer en dégoût.
— Qu'est-ce qu'elle a, Blondie ?
Romain coupa court à une réplique cinglante de Chloé en levant la main.
— Stop ! s'écria-t-il. Tu... Tu aurais dû faire cela d'une façon plus théâtrale. Ça leur plait bien, aux filles. À la Cyrano de Bergerac, par exemple.
— Parce que là, gloussa Chloé, tu l'as plutôt balancé à la Sikilo de Merdenvrac.
Emma s'esclaffa, propulsant son petit-beurre sur Romain. L'importun lui tapota sur l'épaule.
— Excuse-moi, Baby. Au fait, c'est Barthélémy, mon blaze. Tu m'fais un p'tit bisou avant que j'aille au comptoir ?
Excédée, la jeune fille se leva d'un coup et le repoussa du coude.
— D'abords, tu ne m'appelles pas comme ça. Ensuite, tu dégages, le Barthy !
Craignant un envenimement de la situation, les deux amis de l'adolescente se dressèrent sur leur chaise. Barthélémy ferma les yeux en arrondissant sa bouche. Emma attrapa le morceau de petit-beurre qui traînait sur la table et lui glissa entre les lèvres.
— Voilà le gâteau que je grignotais. Il a dû conserver le goût de ma salive.
Il rouvrit les paupières et dévora goulûment le biscuit, postillonnant à tout va. Écœurée, Chloé plongea son visage dans la manche de son blouson.
Emma saisit le jeune homme par le col de sa veste et lui décocha une œillade enflammée. Ce dernier n'opposa aucune résistance et se colla contre elle. Muets de stupeur, Romain et Chloé échangèrent des regards incrédules. Soudain, l'adolescente asséna un solide coup de genou dans l'entrejambe de son soupirant. Celui-ci se courba aussitôt en gémissant de douleur.
Romain fila vers le comptoir et s'empressa de régler les consommations. Après quoi, d'un geste nerveux, il invita les filles à sortir du café.
~~~
Laissant la brasserie derrière eux, le groupe traversa la place en trottinant sur le parvis de l'église. Emma avait beau se dévisser la tête dans toutes les directions, l'individu qui l'avait suivi jusqu'à son rendez-vous ne donnait plus signe de vie. Chloé prit ses amis par la taille et leur fit ralentir le pas. Elle éclata de rire.
— Trop forte, ma copine. Hi, hi, hi ! Le coup du siècle. Et dire que tu l'as appelé Barthy...
Changeant de côté, Romain se faufila entre les filles puis se serra contre Emma. Il posa son menton sur son épaule et lui jeta un regard torve :
— Excuse-moi, Baby.
L'adolescente lui enfonça ses ongles dans le bras et grogna comme une chatte en colère. Chloé tendit le cou vers cette dernière et se mit à loucher en passant sa langue sur ses lèvres. Emma recula subitement et les fusilla des yeux. Les autres firent de même et la menacèrent en exhibant leurs poings crispés. Chloé laissa échapper un petit gloussement... Les trois amis explosèrent de rire en se bousculant joyeusement. Penché en avant, Romain en avait mal aux côtes tant il se débarrassait du trop-plein de pression de la soirée. Il s'immobilisa d'un coup.
— Le type de tout à l'heure, murmura le garçon. Il... Il est là. (Le rôdeur longeait l'ombre de l'église, projetée par l'unique lampadaire de la place encore en état de fonctionnement pendant les deux heures d'électricité du soir.)
Le groupe reprit son cheminement. Romain laissa les adolescentes lui passer devant en ralentissant son pas puis bifurqua sur la droite. Alors qu'il se dirigeait vers l'inquiétant personnage à la capuche, Chloé s'arrêta brusquement et retint Emma en l'agrippant par le poignet. Celle-ci se retourna et poussa un petit cri de stupeur : faisant face à l'individu, Romain se raidissait en posant les mains sur ses hanches. Bien plus grand que le jeune homme, le rôdeur croisa les bras et le toisa de toute sa hauteur. Anxieuses, les adolescentes rappliquèrent dare-dare.
Romain, fidèle d'entre les fidèles, essayait de jouer tant bien que mal le rôle protecteur qu'endossait généralement l'unique garçon d'un groupe. Seulement, la réalité était tout autre. En cas de discussion houleuse, il fallait bien plus redouter le duo acerbe que formaient Emma et Chloé que ce timide étudiant. Lui n'était que bonté et gentillesse. Dans le meilleur des cas, il ne pouvait qu'essuyer les rires moqueurs et les insultes à la place des jeunes filles.
— Laissez-le ! ordonna Emma, des fusils à la place des yeux.
Elle attrapa Romain par la manche de sa veste et le tira énergiquement en arrière.
— Je n'ai qu'un seul désir, Demoiselle. Mener à bien ma mission. Il faut que je vous parle.
L'individu lui révéla devoir prendre contact avec Pierre Gillac. Toutefois, la sœur adoptive de l'héritier lui paraissait plus aisée à aborder. Emma le regarda en fronçant les sourcils.
— Je... Je bénéficie de quelques facilités avec la gent féminine.
— Y'a pas à dire, maugréa Chloé, c'est la nuit des lourds.
— Venez. Rapprochons-nous du sanctuaire des chrétiens. Ici, nous sommes trop exposés. Je dois vous parler d'Adanhael.
Contournant l'église, le rôdeur pointa du doigt un vieux banc métallique. Il s'assit au bord du siège et passa sa main sous son sweat shirt. Alarmé, Romain poussa Emma sur le côté. Chloé, quant à elle, fouilla dans son sac puis le menaça avec son canif. L'homme releva la tête. Un petit rire ironique lui échappa tandis que son avant-bras disparaissait derrière son dos : Romain se serra contre Emma. Leur interlocuteur exhiba un poignard dont la lame de 20 centimètres, luisante de reflets verdâtres, se trouvait sculptée d'un étrange feuillage qui serpentait en son milieu.
— Il est superbe, murmura Romain d'un air faussement admiratif. Et très effilé. Je... Je peux ?
Prenant l'arme par la pointe, l'individu la déposa dans la paume du jeune homme. Celui-ci caressa la gravure du bout des doigts.
— Que représente ce motif ? demanda-t-il.
— Une branche de morilire. Le lierre des sépultures. Le contact avec cette plante peut s'avérer fatal. Rassurez-vous, on ne la rencontre que dans la forêt d'Yrvintiel.
Les trois amis se lancèrent des coups d'œil dubitatifs. Emma se croisa les bras en tordant la bouche.
— Et si vous nous disiez votre nom ?
— Hedelwyddan.
Le rôdeur récupéra son couteau puis le rangea dans son fourreau. Ensuite, il posa un petit sac de cuir sur ses genoux et, sous le regard attentif des filles, l'ouvrit en grand. Il en ressortit une étoffe en velours grenat et défit le fil d'or qui réunissait ses quatre coins.
— Mon escarcelle contient des joyaux appartenant à Adanhael, déclara-t-il. Voici un tour d'oreille.
Leur interlocuteur leur présenta un remarquable objet ouvragé : prises dans un entrelacement de fines armatures en argent, de minuscules gemmes scintillaient de mille feux d'un vert légèrement bleuté (quatre émeraudes). Les autres fixaient le tour d'oreille d'un air incrédule. Je n'en reviens pas, songea Chloé. Un si beau bijou pour un garçon.
Hedelwyddan déploya sur sa cuisse un bracelet composé de trois anneaux en cuivre rouge, sertis en leur milieu d'un éclat de lapis-lazuli, que reliaient entre eux de nombreuses tiges d'argent.
Emma se pencha en avant, un sourire émerveillé sur les lèvres.
— Et pour finir..., voici le pendentif, annonça-t-il en exhibant devant ses yeux une chaîne particulièrement brillante. Pendant au bout de cette dernière, une gemme plate et à demi translucide luisait de reflets indigo.
— Joli caillou, observa Romain.
— Il s'agit d'une pierre de lune.
Le rôdeur déposa le collier sur l'étoffe et rajouta le tour d'oreille ainsi que le bracelet. Avec des gestes empreints d'un infini respect, il juxtaposa les quatre coins du velours et les lia avec le fil d'or. Ensuite, il fouilla un instant dans son escarcelle puis mit sur sa langue une feuille d'églantier.
— Oooh ! Je ne sais pas d'où vous venez, mais vous en êtes encore à la préhistoire du chewing-gum, ironisa Chloé.
Il haussa les épaules et souffla sur le fil d'or en marmonnant des mots étranges et mystérieux. Chloé fixa Emma en tournant son index sur sa tempe : pour elle, cet homme était fou. Se frottant la tête, Hedelwyddan grimaça légèrement et tendit le petit paquet à Emma.
— J'ai réalisé le souhait d'Hywela, déclara-t-il. La mère scelle, l'enfant descelle.
Ils le regardèrent tous d'un air dubitatif. Devant leur incompréhension, Hedelwyddan apporta une explication... S'il avait montré les objets merveilleux d'Adanhael, c'était pour les convaincre de leur existence. Parce qu'après cela, il fallait qu'il les enferme à jamais, ou presque. La feuille du rosier sauvage avait reçu le vœu d'Hywela. Désormais, seul son fils pourra ouvrir l'étoffe.
Emma essaya de délier le fil. Ses efforts furent vains. Avec Romain, ils tirèrent le velours dans tous les sens, mais durent se rendre à l'évidence : le contenu n'était pas près de revoir la lumière.
Hedelwyddan se leva brusquement en fixant l'un des angles de l'église.
— Range ça dans ton sac, Emma. On vient.
Le regard de l'adolescente passa plusieurs fois de son interlocuteur à l'édifice. Soudain, la silhouette, reconnaissable entre toutes, de Barthélémy se dessina sous l'éclairage du lampadaire.
Romain se dirigea vers l'indésirable, mais fut promptement rattrapé par ses amies.
— Il y en a quatre, murmura Chloé.
À défaut de l'intimider, le garçon voulait raisonner le grossier personnage. L'entreprise était ardue, mais que faire d'autre ?...
— Barre-toi, le guignol, lança Barthélémy. La brune me doit une explication. Et ferme ta bouche ou je te casse les dents !
Il se retourna vers ses acolytes et leur fit signe d'approcher.
— Je vous file la blonde, les mecs. Elle n'a pas de gros lolos, mais matez-moi ces p'tites fesses rebondies.
— Quoi ? explosa Chloé. Tu sais ce qu'ils te disent mes lolos !
L'odieux personnage se pencha sur le côté : il montra Hedelwyddan du doigt.
— C'est qui, ce clochard ? Après la chiffe molle, un clodo. Vous ramassez vraiment n'importe qui.
Tremblant autant de colère que de peur, Emma avança vers Barthélémy. D'un bond, Romain s'interposa entre eux. Il reçut en pleine figure le coup de poing que le mauvais garçon destinait à Emma. Le pauvre étudiant vacilla sur ses jambes et s'écroula aux pieds de cette dernière. Pétrifiée, la jeune fille regarda son ami : recroquevillé sur les dalles du parvis, celui-ci se tenait le nez avec les doigts.
Éprouvant une certaine culpabilité, Emma sentit son angoisse se transformer en rage. Soudain, elle se rua sur l'agresseur et lui enfonça ses ongles dans le cou. Celui-ci l'entraîna avec lui en tombant à la renverse.
Chloé fonça vers eux, mais fut brutalement stoppée dans son élan par l'un des mauvais garçons qui accompagnait Barthélémy. Une main empoignant plusieurs mèches de ses longs cheveux blonds, le rustre la traîna de force jusqu'à ses complices. Le premier qui la toucha n'eut que le temps de lui effleurer les fesses avec ses doigts avant de s'écrouler en criant. (Il se tenait la jambe, une fine lame en acier plantée dans le genou.)
Hedelwyddan s'approchait rapidement, une main fouillant sous son pull. Les deux autres voyous se précipitèrent à sa rencontre. Ces derniers se mirent à hurler, une petite bande de métal fichée dans une cuisse. D'un brusque balayage de pied, le rôdeur les jeta au sol.
De son côté, Emma mordait et griffait son adversaire comme une tigresse. Celui-ci réussit à l'étourdir en la giflant avec force. Alors qu'il allait donner le coup de grâce, il reçut un sac de femme en pleine figure. Chloé traîna son amie sur quelques mètres puis, assistée de Romain, l'aida à se relever. Le jeune homme écarta les mèches de cheveux qui pendaient devant les yeux de l'adolescente. Il réprima un haut-le-cœur : un filet de sang se frayait un chemin entre les bosses qui enflaient à vue d'œil sur le front d'Emma.
— Mince ! s'écria Chloé. Où ? Où est mon sac ?
Elle se retourna et se trouva nez à nez avec Barthélémy. Lâchant un petit cri de stupeur, Chloé le menaça de son poing. Elle était prête. Qu'allait-il faire ?
L'autre se dressa de toute sa hauteur et esquissa un sourire narquois.
Tentant le tout pour le tout, Chloé lui asséna un puissant coup de pied à l'aine. Il se courba en plongeant les mains entre ses cuisses et étouffa un long et pitoyable gémissement. La jeune fille passa une jambe derrière la sienne et le renversa sur le sol en le poussant brutalement. Ensuite, elle ramassa son fourre-tout et entraîna ses amis vers le banc.
Barthélémy se remit péniblement debout puis, voyant ses acolytes étendus sur les dalles, préféra quitter les lieux...
Chloé tapotait légèrement le front d'Emma avec un mouchoir en tissu. Cette dernière ne la regardait pas. Non. Elle fixait Hedelwyddan à s'en user les yeux. Sa capuche ayant glissé sur ses épaules, la physionomie de l'individu s'offrait à la vue de tous. D'un teint plutôt pâle, son visage possédait des traits incroyablement fins qui lui donnaient une beauté irréelle. Et sur sa tête, à l'exception d'un catogan noué par un ruban d'argent, on ne voyait rien d'autre que ses longs cheveux blonds dont les pointes disparaissaient sous son sweat shirt. Plus Emma le contemplait, plus le regard émeraude du rôdeur semblait distiller une surprenante douceur, comme une caresse faite à la nuit.
Un mouchoir en papier roulé en boule sous son nez, Romain dévisageait également l'étranger avec insistance.
— Tu as vu ses oreilles ? chuchota-t-il d'une voix nasillarde. Encore plus fines et plus longues que celles d'Adan.
D'un geste agacé, Hedelwyddan rabattit sa capuche sur sa tête.
— Es-tu... un... un elfe ? bafouilla Emma.
Il acquiesça en opinant du menton.
— Alors, vous existez vraiment ? (Chloé pouffa de rire.)
— Peut-être, gémit-il en esquissant une adorable grimace.
— Je... Je n'en ai jamais rencontré.
Hedelwyddan leva les yeux vers les étoiles et s'abandonna au vent qui lui caressait le visage. Machinalement, la jeune fille observa ce ciel chargé d'infimes points brillants. Tout à coup, elle pointa son index vers le firmament :
— Là, tu peux voir la constellation de la Grande Ourse.
Interrompu dans sa rêvasserie, l'elfe haussa un sourcil.
— C'est grâce à mon père, précisa-t-elle. Il m'a souvent parlé des astres.
Ressentant un pincement de jalousie, Chloé tordit la bouche.
— La petite étoile sur sa gauche, s'immisça-t-elle, ça doit être Winnie, son ourson.
Son amie la fusilla du regard.
— Essaie de lui piquer son pot de miel, ricana Romain. J'ai une de ces faims.
Emma se retourna subitement et, tout en lui écrasant le pied avec sa bottine, gronda d'amertume. La mine renfrognée, elle s'assit sur le banc.
Le rôdeur se mit à marcher en se tortillant les doigts dans le dos. Une brève, mais forte bourrasque balaya la place et jeta de la poussière sur le groupe. Tous se protégèrent le visage comme ils purent en tirant sur leur veste. Tous, sauf l'elfe qui s'approcha du siège.
Hedelwyddan s'accroupit auprès d'Emma et lui saisit les mains. Prenant une voix tendre, mais ferme, il sollicita son attention. « Les objets qu'il lui avait confiés pouvaient être confondus avec de simples bijoux. Mais la réalité était tout autre, car ils se trouvaient enchantés et leur assistance allait devenir indispensable à Adanhael. » L'elfe ajouta que des changements se profilaient à l'horizon comme chaque fois que le Mal s'agitait quelque part.
— Et les trois types de tout à l'heure ? coupa Chloé. Ils sont morts ? Parce que là, ils ne bougent plus.
— Non. Mes lames étaient enduites d'un baume du sommeil. Lorsque les premières lueurs du jour pointeront à l'est, ces misérables individus se relèveront. Je... Je dois m'en aller.
Hedelwyddan recula en levant une main en signe d'adieu.
— Mais attends ! s'écria Emma. Tu ne sais pas...
Déjà, il s'élançait vers la rue la plus proche.
— Adan est parti avec un mage et...
La jeune fille se croisa les bras et le regarda disparaître dans la nuit en écarquillant les yeux.
— Oooh, gémit Chloé. Pourquoi nous quittes-tu, Monsieur Joli-Mytho ?
Romain posa un genou à terre et prit la main de sa camarade.
— Souffrez, gente Dame, que je vous abandonne en ces tristes lieux sans vous offrir le moindre bisou (le garçon arrondit ses lèvres en imitant le baiser).
Emma les bouscula brutalement et se mit à trotter comme une souris sur le parvis. Ses amis la rattrapèrent en courant et s'excusèrent de leurs moqueries. L'adolescente les accepta dans un long soupir de résignation puis tous regagnèrent la rue des Marronniers, car Chloé et Romain passaient le week-end chez les Gillac.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top