Pour sauver son crédit il faut cacher sa perte. Jean de la Fontaine.


Le lendemain midi, j'attends Bryan devant le stade, un groupe de gars sort des vestiaires et passe devant moi. Je les connais presque tous, Idriss, un grand brun bien bâti qui ne jure que par le sport est le seul que je tolère en fait. Les autres sont trop dans le délire «  esprit saint dans un corps saint » alors que lui, il fume, bois et mange son poids en pizza ! Un quaterback bien dans ses pompes.
Quand il passe devant moi, il me sourit et s'approche en faisant signe aux autres de partir devant.


— Tu te la joues groupie maintenant ?


— J'suis démasqué ! 

Je dis ça en mettant une main sur mon cœur. Il rit puis me dit qu'il est temps que le blond et moi reprenions nos soirées avec lui.


— Tu sais bien que c'est mort, tes potes et nous, on n'est pas dans le même délire. On fait toujours tâche là-bas. Je finis en haussant les épaules et en enfonçant mes mains dans mes poches.


— Arrête tes conneries ! Au moins, vous mettiez de l'ambiance, la dernière fois c'était tellement calme que même le club du troisième âge aurait déserté.
— Sérieux ? je lui demande.

Là, j'avoue, je suis choqué, bon leurs soirées sont aussi mouvementées qu'une partie de bridge de papy et mamie en overdose de camomille, mais quand même.


— Si tu savais... me dit Idriss en haussant les épaules d'un air dépité tout en soufflant.


— Pourquoi tu y vas encore alors, reviens avec nous.


— Mon père ne me le pardonnerait jamais. Me rappel Idriss en soufflant de nouveau.


C'est vrai, son père vit à travers lui son rêve de célébrité, plus jeune il s'est blessé au genou et du coup a dû dire adieu à sa a carrière de grand sportif. Et ces gars à l'hygiène de vie irréprochable sont, pour la plupart, des fils de grand sportif.
C'est à ce moment qu'un abruti aux cheveux noirs débarque de je ne sais où avec son sourire à la con. 

Il a encore ce regard, il me dévisage de haut en bas.

 Je détourne le regard sans savoir pourquoi, mon pouls s'accélère. J'ai du mal à respirer et à avaler ma salive. Je dois serrer les dents à m'en faire mal pour me sortir de la transe dans laquelle je m'enfonce petit à petit dès qu'il se trouve dans les parages. Je me sens mal, être la proie d'une nana pas de soucis, mais d'un gars carrément pas !


— Salut, balance Louis mine de rien, son sourire vicieux me donne envie de lui en coller une.


— Tu te ramènes enfin ! Un peu plus et je croyais que j'allai me les taper tout seul. Avec son pouce, le quaterback montre le groupe de sainteté un peu plus loin.
Je ne sais pas ce que baragouine l'autre, mais ils se marrent tous les deux. Moi je donnerai pas mal pour disparaître.


— Adam, il m'éclate l'épaule en me posant dessus une de ses énormes paluches, j'te présente Louis

.
— On s'est déjà croisé en philo, j'espère que ma phrase ne ressemble pas à un grognement.


— Ah ouais ? Faut que le blond et toi veniez à une de nos soirées comme ça on sera quatre contre ces saints. Il montre encore une fois ses grands amis.
Oh que ça pue... Vite, Adam trouve un truc ! C'est mort, je ne me retrouve pas avec lui !


— J'en parlerai aux jumeaux.


— D'la merde ! Ils ne viennent pas ! Comment tu fais pour les supporter ?
J'ai envie de lui demander comment lui, il supporte l'autre abruti. Il n'a pas peur pour son cul ?


— Hey ! Adam et... tu es?


— Louis, répond sèchement l'abruti à mon meilleur ami qui sort enfin des vestiaires. Je vais finir par lui en coller une s'il continue à le regarder comme ça.


— Pas mal, ta pointe de tout à l'heure ! Tu les as tous lâchés,s'exclame Idriss en coupant court a la tension grandissante.

Plus mal à l'aise que moi tu meurs ....
Les deux accros de sport ont parlé de leurs prouesses une bonne demi-heure avant de se quitter. Le comble, c'est que mon meilleur ami trouve l'abruti sympa.Je me demande bien à qui j'ai pu chercher des noises pour que le sort s'acharne autant !
Sur, c'est un coup de ce foutu paternel !

***

Bryan a prévu de me faire rencontrer sa copine, je ne crois pas que je vais arriver à m'y faire tout de suite. Bref, je vais faire la connaissance de... Estelle ! Faut absolument que je retienne son nom !
Estelle, Estelle, Estelle, Estelle, Estelle...

Devant la porte de ce lieu de mal bouffe pour adolescents, Bryan souffle et étire son coup pour enlever toute la tension.


— Calme-toi, elle va pas te bouffer ! 

Je lui tape le dos à peine brutalement en le regardant du coin de l'œil.


— Moi, qu'elle me bouffe y a pas de soucis, balance ce vieux vicieux avant de continuer,j'espère juste que vous allez bien vous entendre.
Je souffle rapidement en levant les yeux au ciel, soit il est plus qu'amoureux soit c'est un thon transgénique avec un monosourcil. 


— Allez avance ! 

Je le pousse pour qu'il passe la porte. Je le vois regarder partout à toute vitesse, mais quand son regard se pose enfin sur une table, il se radoucit et se tranquillise.
Du menton, il me la montre, je lui emboîte le pas et me dirige vers elle.
Un gros casque blanc posé sur les oreilles, des cheveux d'un blond incroyable et parfaitement lisses, Estelle n'a pas l'air d'avoir remarqué notre présence. Sûrement trop absorbée par sa musique. Elle a l'air assez menue.
Bryan lui effleure l'épaule, et lorsque son regard rencontre celui de la petite blonde le sourire qui s'affichent sur leurs lèvres me donne l'impression que plus rien n'a d'importance à leurs yeux. Ouais... ça craint! Je fais quoi moi ici déjà ?

Elle est en effet menue. Les traits fins, le nez légèrement retroussé et des lèvres charnues lui donnant l'aspect d'être quelque peu boudeuse, j'avoue qu'elle est vraiment pas mal. Mais même si elle sort du lot avec son blond platine et ses yeux verts qui contrastent avec son teint légèrement halé, je ne pense pas que je l'aurai vraiment remarqué si on s'était croisés. Il lui manque ce petit je-ne-sais-quoi.

— Estelle, Adam. Adam, Estelle, nous présente le grand blond.


— Salut !
Je lui rends la politesse et me penche pour lui faire la bise, Bryan s'assoit à côté d'elle moi en face d'eux. Sur le coup, je me suis dit que j'allais tenir la chandelle toute l'après-midi.Finalement non ! Elle est sympa et a la réplique facile, apparemment ce n'est pas le genre de nana à se plaindre pour un ongle cassé. D'ailleurs son vernis jaune aurait bien besoin d'un coup de neuf. J'apprends qu'elle est en section musique, qu'elle joue de la guitare, mais qu'elle ne chante pas. D'après elle, si elle ouvre la bouche pour enchaîner deux notes, il faut se planquer dans un abri anti-cyclones.


— Idriss nous a invités à l'une de ses fêtes avec les autres, dit le blond en jouant avec les doigts de sa copine.
— Franchement, ça me dit pas, c'est la même chose à chaque fois,, on finit par rentrer plus tôt que prévu et on squatte chez toi, je lui réponds en m'enfonçant dans mon siège.


— Il y aura des copines à moi cette fois-ci, intervient Estelle.
Son copain se tourne vers elle et l'interroge du regard, elle nous explique donc.


— Une copine sort avec l'un des sportifs, du coup... 

Elle fait le moulin avec sa main libre.

— Vous comprenez, elle reprend en prenant une frites dans mon assiette. 
Bryan et moi échangeons un regard, lui s'il a envie d'y aller, c'est pour faire plaisir à sa copine sinon il n'irait pas, et moi... je ne vais pas le laisser se morfondre toute une soirée avec les esprits de sainteté. Quoique je ne suis pas sûr qu'il s'ennuierait...
Je finis par opiner du chef et lever mon verre en l'honneur de la monogamie. Presque sans grogner. En revanche, il est hors de question que je finisse par me retrouver seul comme un con avec tous ces sportifs et leurs meufs, il faut que j'en parle à Jess. 

Je suis sûr qu'elle sera plus que ravie de venir foutre le bordel avec moi.

***

Me voilà devant le pas de la porte d'un des gars qui organise la soirée, j'attends Bryan et sa copine. J'hésite à rentrer, je commence à faire demi-tour mais je sens que quelque chose me percute. 
C'est Estelle. Elle m'empêche de fuir en me sautant sur le dos, Bryan la suit de près. Franchement à trente secondes près, je rentrais chez moi.


— C'était limite !


— Je me suis douté que c'est ce que t'allais faire en te voyant faire demi-tour, c'est pour ça qu'elle t'a sauté dessus.


— Allons nous mêler à la foule, scande le petit bout de femme, elle prend la main de son copain et crochète son doigt dans le passant de mon jean et nous tire vers la fosse aux prudes. Bryan et moi soufflons en même temps en la suivant contraints et forcés.
Ce n'est pas ma nana, mais j'ai la vague impression qu'elle va me mener à la baguette...
On s'installe sur un des nombreux canapés en cuir marron, Idriss qui nous a repérés en un rien de temps se précipite vers nous.


— Merci, souffle Idriss en se laissant tomber sur le fauteuil en face de moi. Franchement, j'en peux déjà plus ! Heureusement qu'il y a des filles !
 Ils se mettent à parler de foot, je décroche assez vite et me tourne vers le groupe de filles qui se trouve dans le coin. Il fait trop sombre pour que je puisse vraiment bien les distinguer. Bon il y a de quoi faire ou pas?

 
— Estelle ? Elle se tourne vers moi et m'interroge du regard. Elles sont de quel genre tes copines ?


— La brune et la rousse fonctionnent en duo, la gothique, là-bas, est totalement lesbienne, la grande perche est casée et les autres sont encore plus stupides que tu ne peux l'imaginer. Si tu couches avec l'une d'elles, elle va s'imaginer que tu vas la demander en mariage dans la semaine et si tu oses prendre la fuite, elle va crier sur tous les toits qu'au mieux tu l'as mise enceinte, au pire que tu es aussi virile qu'un énuque.

Ok... Par réflexe je mets mes mains sur mon entre jambe...

Je dois faire une drôle de tête, car elle explose de rire, Bryan se tourne vers nous et passe le bras autour de ses épaules tout en continuant sa conversation avec le sportif.


— Je crois que je vais m'intéresser à leurs conneries, je finis par lui répondre en me penchant vers les gars.


— Le duo ne t'intéresse pas ?


— Euh... 

Je les regarde trente secondes et je trouve que c'est déjà trop, la brune a un œil qui dit merde à l'autre et une dentition plus que développée, quant à la rousse, elle, ne doit pas connaître la définition de l'hygiène, si ses cheveux sont si gras, je n'ose pas me demander comment est le reste. 

— Ça ira...
Elle explose de rire une nouvelle fois et se penche aussi pour prendre part à une discussion des plus passionnantes.
Alors que je m'ennuie ferme, une bombe me saute dessus et prend place sur mes genoux : Jess.
— Salut, s'exclame ladite bombe les yeux pétillants, elle tient la main de la fameuse gothique. Voilà donc la raison de son sourire. Sa... Conquête s'assoit à côté de moi alors que Jess est encore sur mes genoux. Elle se présente et me dit que sa copine se nomme Coleen.
Ouais dans cinq minutes j'aurai oublié, je me penche pour me servir une nouvelle bière sans pour autant virer Jess de mes genoux.


***


Aux alentours de deux heures du matin Idriss se relève et fait de grands signes à quelqu'un, je ne comprends pas ce qu'il dit, je crois que mon cerveau est à côté de la plaque.


— T'es enfin là !


— Ouais, j'avais deux trois choses à faire.
Louis. 

Je me penche vers Jess et cale mon nez dans ses cheveux. En l'espace d'une seconde, je me sens comme un gosse pris en faute, mon coeur bat à tout rompre, mes mains se mettent à trembler et je dois fermer les yeux pour retrouver un semblant de calme.

Et merde!
— Sois une pote et passe pour ma copine, je lui chuchote. Putain mais qu'est-ce que je fous là? Je me sens minable... et à poil, surtout à poil.

Pourquoi est-ce que je me planque comme ça d'abord, comme une tafiole?

Elle me regarde et hausse un sourcil, sa copine du soir nous regarde d'un drôle d'air. Elle chuchote quelque chose à sa conquête que je n'entends pas, la gothique acquiesce.
L'amateur de mec s'approche et tend sa main pour tous nous saluer chacun à notre tour, c'est à ce moment-là que Jess m'embrasse à pleine bouche. Son baiser n'a rien d'un petit bisou tendre, non, elle ne se retient pas et plonge sa langue dans ma bouche. Ce baiser affolerait n'importe quel mec normalement constitué mais pas moi. Non. Elle est super canon, et bien foutue mais elle ne m'affole pas.

Quand elle finit, l'autre abruti est devant nous avec sa main tendue, elle se retourne et fait un "oups" de midinette en chaleur. Bryan me regarde sceptique, son regard s'arrête sur l'autre abruti avant de revenir vers moi. Estelle, qui ne comprend pas plus que les autres, nous regarde, Jess et moi, tour à tour avant de pincer les lèvres. Le regard d'Idriss me perturbe, je ne comprends pas son air triste, enfin il a l'air bizarre mais je crois que j'ai trop bu. Ouais j'ai trop bu. J'ai le malheur de croiser son regard. J'ai limite envie de m'excuser. Je dis bien limite.

— Tu es ? demande Jess sans gêne en replaçant sa chevelure sur le côté .


— Louis, répond simplement l'abruti en déplaçant un fauteuil de façon à être parmi nous.
La discussion reprend d'elle-même, je m'enfonce dans le canapé et plaque contre mon torse ma complice dans le crime. je me planque derrière elle... Courageux le branleur!


— Va falloir que tu m'expliques quand même, chuchote Jessica.


— Y a rien à expliquer ! Qu'est-ce que tu t'imagines ? je lui demande un poil nerveux


— Y'a pas de honte, tu sais..., elle dit en retour en fronçant les sourcils.


— T'es sérieuse là ? je lui demande un peu plus fort que précédemment.


— Non, bien sûr que non...
Je vois Jess se tourner vers les autres quelque peu vexée, je n'aime pas la blesser. Je fais mine de me mêler une nouvelle fois à la conversation, qui honnêtement me fait chier. J'évite d'écouter ce qu'il dit et je fais tout pour ne pas le regarder. 

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