Le début ne laisse pas présager la fin. Hérodote.


— Tu ne m'embrasses pas ?

— Non.
Honnêtement, pourquoi est-ce que je l'embrasserais ? Ok, elle est carrément canon. Ok, elle baise plutôt bien. Ok, dès que je la sonne, elle réplique, ok, ok, ok. 

Mais franchement je m'en fous !
— Adam..., minaude la bombe au Q.I. de poule assommée par une pelle.
Putain, ce qu'elle me gonfle avec sa bouche en cœur ! Y a pas à dire je la préfère quand elle la ferme ou quand elle est pleine ! Oui je sais je ne suis pas un jeune homme « bien comme il faut », mais je m'en branle. On verra ça demain... si j'y pense.
— Laura, fais pas chier, je me bouge point barre.

Je n'attends pas sa réponse, je me casse aussi sec.
Je connais mieux sa piaule que la mienne, normal pour un ado de 17 ans, dans le couloir, je m'arrête devant le miroir. On pourrait me qualifier de beau gosse, avec mes yeux verts, mon teint mat, mes cheveux bruns, ma grande taille et mon corps taillé dans la pierre. Je dois remercier le paternel pour ça, ouais ce grand con, militaire de carrière qui pense que le bien-être mental passe par le sport. Autant dire que j'en ai pas mal chié dans mon enfance, jusqu'à ce que je lui dise tout le bien que je pense de ses méthodes de merde. En gros, ça a pas mal gueulé dans la baraque, avant que ma mère n'intervienne. Cette femme est la seule personne qui mérite tout mon respect et mon admiration.

Honnêtement comment fait-elle pour le supporter depuis toutes ces années ?
Donc, je disais qu'on peut dire de moi que je suis un beau gosse et un vrai salaud! Ils n'ont pas tort après tout. Je me cale mon bonnet sur mon crâne, enfile mon cuir et sort.
Sur la route, je passe un coup de fil à Bryan, on se rejoint dans le parc. Il me dit qu'il a ramené de quoi se détendre. Il y a des jours où je me demande si ce gars a des dons d'extralucide; ou alors son vice est plus fort que le mien... Ouais, c'est carrément ça ! C'est bien connu, je suis un saint.

Adam, saint patron de la délinquance juvénile pour les parents et dieu admiré des jeunes branleurs !  Nouveau verset de la bible. Amen, mes frères.
« Tu ne m'embrasses pas ? » Sérieux, elle en a des questions elle ! Comme si j'allais poser ma bouche sur ses lèvres ! D'ailleurs, elles ont combien de kilomètres au compteur ses putains de lèvres? Non pas que je me la joue prude ou quoi, mais à chaque fois que je la vois, la phrase de ma mère résonne dans ma tête et ce qu'il me reste de neurones : « une femme ça se respecte, tu lui baises les pieds, tu ne la baises pas tout court ». Dans le genre, c'est très poétique ! Et pour moi, Laura n'a rien d'une « femme ».
— T'étais chez elle ? 

Pas besoin de « salut » ou autres conneries du genre quand on se connaît depuis l'école primaire. À l'époque, c'était le petit nouveau, il m'avait un peu fait pitié avec sa raie de jeune premier et sa chemise amidonnée. Mais dès la première récréation, il a filé aux chiottes et en est ressorti décoiffé avec un tee-shirt rouge et la tête d'un singe fumant quelque chose de très écologique. On avait a peine finit a apprendre a pisser droit qu'on provoquait déjà tout ce qu'il nous entourait. 
Notre pauvre madame Thomas, notre jeune prof de l'époque, ne savait plus où se mettre quand la maman du jeune prodige est venue le chercher à la sortie. Depuis ce fameux jour, on est inséparables! Les conneries, les délires, les punitions, les nanas ... On partage tout, et nos mères se sont souvent retrouvées ensemble dans le bureau du directeur.
— Ouais, faut bien être au top pour la rentrée, je lui dis en prenant une canette dans son sac.

J'attends qu'il finisse de rouler.
— Je vais aller la voir ce soir ! Y a encore des capotes ?
— Elle a fait le plein ! T'inquiète !

Je ne cherche même pas à cacher tout le mépris que j'ai pour elle, elle ne se respecte pas et je ne l'aime pas assez pour le faire à sa place.
— Elle est bien dressée la salope ! Il a un petit sourire vicieux quand il me tend enfin la clé de mon paradis.
— D'la salope de compèt' !
Il lève sa canette et marmonne un « amen mon frère » avant que l'on parte sur un de nos nombreux délires. Celui du jour étant le denier jeu vidéo qui sort moins d'une semaine après notre retour au lycée. Personnellement, j'appelle ça une récompense à la participation non-active dans notre vie de lycéen modèle.
— Ton paternel est de retour, il finit par me demander en se redressant de tout son long.
— Ouais... Les vacances sont terminées, je souffle en serrant les dents. 
— Il était absent combien de temps ce coup-ci, il dit en faisant des ronds de fumée.
— Six mois.

Il se contente de hausser les sourcils avant de finir par me dire en riant:
— C'est reparti pour sauter par la fenêtre.
— Et la haie, je conclus en levant ma canette.
Certains ont pour passe-temps le foot ou la guitare; moi, c'est faire hurler le paternel. J'avoue que le fait de le contrarier est pour moi l'une des plus grande source de joie.
Quelques bières et joints plus tard, je me décide enfin à rentrer. Bryan est mon voisin depuis presque toujours, on rentre donc ensemble. Enfin, lui, il va prendre sa douche et repartir chez Laura. Laura, c'est un peu la proie facile, même si on n'a jamais vraiment dû se fouler pour avoir une meuf. Quelque part, elle me fait de la peine, mais c'est trop facile avec elle. Facile à baiser, facile à avoir... je ne l'embrasserai jamais.
— Devant chez toi demain matin ?
Je marmonne un « Ferme-la Bryan » avant de lever la main par pure politesse et de m'engouffrer dans mon jardin.
Ma mère m'accueille avec son éternel sourire, elle s'essuie les mains sur un torchon. Elle se balade toujours avec un torchon et quand elle ne l'utilise pas, il est posé sur son épaule. Son torchon c'est sa religion. Toujours prête à passer à passer à l'action (ses coups de torchons sont fatals!).

Elle tique quand elle regarde mon visage, une ride d'expression barre son visage angélique. Je tiens d'elle sur le plan physique, heureusement ! Car je me vois mal ressembler à son mari, trop grand, trop musclé, beaucoup trop con. Puis... il n'a plus un poil sur le caillou, une petite quarantaine ans, je trouve ça triste. Mes cheveux, c'est mon style.

— Tu as les yeux rouges Adam. Il n'y a pas de reproches dans son ton juste une vérité. Monte dans ta chambre et change-toi, dis bonjour à ton père. Cette dernière recommandation est plus pour elle que pour lui et moi. Je le fais donc, pour lui éviter une nouvelle soirée de merde, pleine de tenssions et de non dits.

Ma mère c'est ma mère.

Sur mon lit, il y a des gouttes pour les yeux, non pas qu'elle cautionne ma, très légère, addiction, mais comme elle dit, il faut bien que jeunesse passe. Perso, je n'ai pas envie qu'elle me passe.
Je prends aussi le temps de prendre une bonne douche chaude histoire de me désinfecter de la salope.

***

Ça doit bien faire une demi-heure que le cher et tendre paternel parle de sa mission quand il m'adresse enfin la parole, comme d'habitude son ton est froid, inflexible.

Pauvre con.

— Tu n'es pas venu me voir à la caserne quand je suis arrivé.
Du coin de l'œil, je vois ma mère se tendre, ses épaules se contractent et ses lèvres ne forment plus qu'une mince ligne blanche. La bombe est lancée. J'ai clairement envie de lui répondre que j'en ai strictement rien à foutre de son retour ou de qui il a pu sauver ou je ne sais pas trop quoi d'autre, mais je ne dirai rien de tout ça. Non pas parce que j'ai un quelconque respect pour lui mais pour ma mère; pour lui éviter une dispute qui pourrait empirer les choses.
— Pas le temps, je rétorque sans lever le nez de mon assiette. Je ne sais pas ce que j'ingurgite tout ce que je sais c'est que je mange 
La tension quitte le petit corps de ma mère, bombe désamorcée.
- De toute façon, cela fait bien longtemps que j'ai laissé tomber l'espoir que tu ne viennes me voir à l'un de mes retours.
Son ton grinçant provoque en moi quelques frissons de colère, je dois fermer les yeux et respirer profondément afin de rester maître de moi-même.

Et moi connard ? Tu ne crois pas que j'ai aussi laissé tomber l'espoir qu'un jour tu arrêtes de te comporter comme le parfait salaud que tu es. Qu'un jour, tu me dises que t'es fier de moi et que tu le penses ?
Je ne dis toujours rien, je hausse tout simplement les épaules et finis mon assiette laissant mes pensées de côté.

— De la glace pour le dessert, nous demande maman. Enfin, elle ne le demande que pour la forme, car elle est déjà dans la cuisine. Si le paternel et moi avons bien une chose en commun, c'est l'amour du sucre.

***

— Hey mec! On commence à quelle heure demain ? 

Bryan et le téléphone, c'est une grande histoire d'amour, il a juste à sortir sur son balcon et venir toquer à ma fenêtre pour que je lui réponde, mais non, il faut qu'il appelle.
— 10 heures, t'es déjà de retour chez toi ? Il est quoi, à peine 11 heures du soir?
— Petit coup rapide, elle était déjà prête la chienne. 

Et en plus, il se marre.

***

— Adam, Adam, réveille-toi mon chéri, tu ne vas quand même pas être en retard pour ton premier jour.

La voix de ma mère passe au travers de l'épaisse brume de mon subconscient. Autant dire qu'elle sait y faire ma mère !
— T'inquiète m'man, j'attendrai au moins demain.
Elle rit et ouvre les rideaux.
— Allez viens, ton père est déjà en bas.
Je me recouvre entièrement la tête quand elle me dit ça et grogne comme un animal.
— S'il te plaît rejoins-nous en bas.
— Il se la fermera ?
— Adam...
— Quoi ? Attends, il est jamais là et quand il rentre, il se la joue chef instructeur maintenant ?
— Vous êtes tellement pareils...
— Maman ne m'insulte pas de si bon matin, je grogne une nouvelle fois m'enfonçant un peu plus dans mes oreillers.
Elle souffle et m'arrache la couette des mains avant de me serrer l'épaule tendrement, elle est la seule qui sait faire passer tant de choses avec un simple contact. Le paternel est sacré connard, il ne la mérite carrément pas ! Et moi, je suis un sacré veinard de l'avoir comme mère, une mère qui en plus fait des gâteaux de folie!
Une fois sortie, je finis par me lever, un petit tour dans la salle de bain histoire de soigner mon style et je me sape vite-fait. Un jean délavé, un polo gris, des pompes et c'est bon. Quand je descends les escaliers, j'envoie un message à Bryan.

Bouge-toi

Ok. Ton padre te gonfle déjà?

Ouais.

Je range mon portable dans ma poche, souffle un coup et entre dans le salon.
— Bonjour.
Il grommelle en guise de réponse avant de se replonger dans son journal.
— Tu manges avec nous ce midi ?
— Non m'man, on se retrouve au snack avec les gars.
— D'acco...
— Et qui te le paye, ose me demander ce grand con en baissant son journal.
Elle pince une nouvelle fois les lèvres quand il lui coupe la parole. Je sais qu'elle déteste quand il l'interrompt comme ça. 
— Toi. 

Histoire d'en rajouter un peu plus je place ma main bien ouverte juste devant son nez. Avant qu'il n'ait pu répondre quoi que ce soit Bryan toque chez nous et entre sans attendre qu'on ne l'invite. Pourquoi lui dire de rentrer puisqu'il sait qu'il le peut. 

— Si j'y pense, je remercierai le chef du pays que t'as visité. Il devient rouge de colère et moi, je souris comme le bon branleur que je suis. Ma mère me donne un billet et me pousse presque vers la sortie.
Juste avant de sortir de cette geôle, je replace le billet dans la main de ma mère et lui dis que j'ai ma carte bleue. Ce que le grand con ne sait pas, c'est que j'ai travaillé cet été et que les repas des étudiants au snack ne sont pas très chers. Il le saurait s'il avait demandé à me parler une seule fois en six mois.
Pauvre naze.
Le chemin ne dure que quelques minutes et j'en suis déjà à mon deuxième joint. Devant les grandes grilles de notre lycée, les jumeaux nous attendent.
Jorris et Lorris, châtains, yeux noirs, grands et autant de meufs au compteur que Bryan et moi, sans parler des conneries. On est inséparables depuis le début du collège, je crois même qu'on a explosé le nombre d'heures de colle en un trimestre.
Il paraît qu'on répond. Franchement, je crois qu'ils y mettent aussi pas mal de bonne volonté pour nous les casser. Ils n'ont aucune considération pour les dieux vivants que nous sommes. Je parle évidemment de Bryan et moi, les jumeaux sont sympas mais il ne faudrait pas abuser non plus, ils sont encore plus cons que Laura. 
On se salue, se fout de la gueule des plus petits et des nouveaux puis on rentre. Non pas qu'on ait décidés d'être plus appliqués cette année, mais derrière le gymnase il y a notre planque.


— Pour les grandes soifs, intervient Lorris en ouvrant le sac de son frère pendant que Bryan et moi décalons une vieille planche en bois pourri. C'était un abri antiatomique avant, maintenant c'est notre abri anti-soif.
— Allez ! Une pour bien commencer l'année ! Le second jumeau joint le geste à la parole en nous mettant à chacun une canette dans la main.
— Aux meufs !
— Aux colles !
— Aux délires !
— À la majorité !
Nous levons tous nos bières vers le ciel avant d'en prendre une grosse gorgée.

La fine silhouette de Jess vient vers nous, ses boucles brunes rebondissent sur ses épaules à chacun de ses pas. Cette fille c'est un peu comme le Saint-Graal pour la plupart des spécimens mâle du lycée. Elle a des courbes à en faire pâlir certaines divinités grecques, un visage angélique, des traits fins et un sourire des plus ravageurs. Elle, c'est un peu mon double au féminin.

On se connaît depuis toujours, je crois même qu'on a fait notre maternelle ensemble, elle a rejoint la petite bande que bien plus tard en revanche. Du coup, depuis la fin du primaire on forme un trio inséparable pour le plus grand malheur de nos enseignants et parfois de nos parents...
On peut dire de mon meilleur ami qu'il est brut de décoffrage et accro au sport, ça c'est pour le côté licite des vices de Bryan.

Jess, que je considère comme la petite sœur que je n'ai jamais eu, est elle-même. Incroyablement elle-même. J'ai parfois l'impression qu'elle me regarde comme si elle savait déjà tout de moi. Jess sait, elle sait tout simplement, le tout est de savoir quoi. Par contre ce que moi je sais, c'est qu'elle est totalement lesbienne, et pas qu'un peu. Elle adore toutes les formes d'art et squatte très souvent chez moi en micro-short le plus naturellement du monde.

— C'est quand les prochaines vacances, elle nous demande en prenant une canette avant de s'asseoir sur une souche. J'ai un de ces mal de crâne.

Forcément on se marre et elle ronchonne. 


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