La serenité et l'oubli vont parfois de pair. Allan Gurganus
- Bon, les filles, on mange quoi ? Je demande à nos deux apprentis cuistots.
La belle brune se tourne vers moi, l'œil mauvais, s'il y a bien une chose qu'elle déteste, c'est bien ça : servir. Forcément, comme je suis un bon branleur et que la rendre folle m'amuse presque autant que de faire hurler de rage le pater' je tends une main vers elle.
Mauvais plan, très mauvais plan. Elle a un couteau et un pot de mayonnaise XXL.
Ho putain, je le sens mal.
J'n'ai pas eu le temps de faire quoi que ce soit qu'une plaine dose de sauce atterrie sur moi. J'suis carrément arrosé, le sweat, le visage, les cheveux.
- Mes cheveux ! Merde Jess ! Je beugle en essayant d'en enlever un maximum, forcément, j'en étale encore plus.
Les deux autres se foutent de moi, moi, je grogne.
- Ne m'fais pas rire ! J'entends Louis dire dans mon dos, du coin de l'œil, je le vois se tordre de rire en se tenant les côtes.
- C'est de l'huile ton truc ! J'explose une nouvelle fois quand constate que pour s'étaler pas de soucis, mais pour s'en débarrasser c'est déjà pas la même chose.
Estelle n'a encore rien dit quand je la regarde, je comprends mieux pourquoi. Elle a ses deux mains sur sa bouche, des larmes aux coins des yeux et les épaules qui battent des records de vitesse.
Au moins, elle se fout de moi en silence, j'suis sûr qu'on entend les deux autres à l'autre bout de la ville.
Le résultat est plus que catastrophique, j'en ai partout.
Forcément, puisqu'un bonheur ne vient jamais seul et que je suis le plus gros chanceux que cette fichue terre est portée, le coach siffle une pose repas.
Et forcément, encore une fois, les deux sportifs ne sont pas loin.
Je sens que je vais encore en entendre parler un moment moi...
Le blond enlève son casque suivi par Idriss, si ce n'était pas moi le couillon, je me marrais aussi, faut avouer leurs tronches vaut le détour.
Le blond à tout simplement fait un blocage, il prend une grande inspiration pour dire un truc mais secoue juste sa tête de droite à gauche.
Le sportif se gratte le cou et cligne des yeux à une vitesse ahurissante.
Les trois autres se marrent encore plus fort.
Moi... Je défis qui conque de se sentir encore plus con cette même minute.
- Tu... Commence mon meilleur ami en pointant ses cheveux, transpirants, mais plus propres que les miens, avec sa main de libre.
- Il a juste cherché un peu Jess. Dit la blonde en soufflant pour ne pas rire.
- Ho le con ! Lui répond son copain toujours en me regardant.
- Laisse-moi deviner tu ne me laisseras jamais l'oublier celle-là ? Je lui demande alors que je connais la réponse.
- Certainement pas !
Je me marre avec eux, mais il faut que l'on m'explique pourquoi ce genre de connerie n'arrive qu'à moi. C'est une obsession de la bêtise sur ma personne moi, je dis !
Je pars vite fait dans les vestiaires pour me laver au passage, j'emprunte de quoi me changer au blond. On doit avoir des gènes de gonzesses tous les deux. Nombre de fois où il est venu dans ma chambre me prendre un jean et moi dans la sienne des vestes. Le seul truc que je ne prête pas, ce sont mes pompes.
Pas touche à mes pompes.
En sortant, je croise les saints dans leurs habits d'apparat, forcément, je me fous d'eux. Ils sont si fiers de porter les couleurs du lycée qu'ils ne quittent jamais leur tenue de sport.
Pitoyable.
**************
Il n'y en a qu'un qui baisse le nez, un pote aux jumeaux, Ronan, Romuald, Ronald... Un truc dans l'genre.
Tous les deux, on faisait du foot au collège, avant. Je l'aimais bien, car il était meilleur que moi, enfin, je l'aimais bien quand on n'était pas sur le terrain quoi. Après ça devenait un bon ennemi.
Les autres sont sur la pelouse, juste en dessous des gros barils d'eau. Il y a quelques canettes de bière au centre de leur cercle.
On mange, on se marre, on boit, on passe un bon moment, Louis est à côté de moi et nos genoux sont toujours en contact.
Ce que j'aime le plus c'est que personne ne dit rien sur nous, c'est comme ça, normal.
Quand tout le monde à fini Louis se lève pour aller jeter, je ne sais quoi je ne sais ou, au passage, il m'embrasse.
Gros moment de flottement, il ouvre grand les yeux et je sais qu'il se rend compte de ce qu'il a fait.
Devant tout le monde, comme ça normal.
Merde.
Là, je ne gère pas.
- La prochaine fois, fou lui un chassé dans l'cul a c't'abrutit ! Ça lui apprendra à louper une passe aussi simple ! Crache le blond aussitôt. Idriss lui répond, du moins il beugle une réponse, Estelle dit que la violence ne sert a rien et la belle brune me montre une nana qu'elle trouve jolie.
Quand je lui réponds, je regarde mon meilleur ami. On se sourit comme deux cons. C'est vraiment le meilleur.
Quand il revient, il ne me touche pas. Il se met en tailleur ses mains nouées devant lui.
Avec eux, j'ne flippe pas, j'peux être moi-même, normal.
La brunette me fait un clin d'œil et reprend son charabia.
Porte tes couilles qui disaient, alors je les porte.
Je lui prends une main et entrelace nos doigts.
On s'observe du coin de l'œil, je ne suis pas assez courageux pour me pendre à ses lèvres une nouvelle fois, mais ce n'est pas l'envie qui me manque.
***************
Les sportifs sont retournés à leur entraînement et nous quatre, on s'est foutu d'eux.
- Fais mois dix fois le tour du terrain au pas de course ça t'apprendra à avoir le cul lourd ! Hurle le coach au blond.
- Si je fais ça, je vais repeindre la pelouse !
- Au moins, tu seras plus léger ! Et toi là-bas ! Au lieu de te foutre de lui fais les aussi et plus vite que ça ! Idriss qui ne se fou plus de Bryan commence à courir avec lui.
Nous bien sûr, on s'en donne à cœur joie.
****************
Le soir, je rentre à pied avec mon meilleur ami. On fait un arrêt aux jeux des gosses.
- C'est officiel ? Il me demande en allumant de quoi fumer.
- J'crois ouais. Je me lance dans la monogamie et lui, il me laisse du temps pour assumer. Je rajoute finalement.
- C'est un bon compromis. Ça fait du bien, de ne plus être en colère contre la terre entière hein ?
J'opine du chef, pour la première fois depuis bien longtemps, je n'étais pas en colère, je suis bien, heureux même.
- C'est pareil avec Estelle ?
- Ouais. Il me répond avec un sourire de branleur joyeux. C'est la meilleure des drogues.
- La plus addictive aussi.
Il se marre.
**************
Quand je rentre chez moi, j'suis bien obligé de m'avouer qu'il me manque, je monte les marches devant ma mère avec un sourire à m'en éclater les zygomatiques.
- Chéri, notre fils est amoureux. Je l'entends dire au pater'.
- Pourquoi tu dis ça ?
- Il sourit aux marches de l'escalier.
Je me marre.
- C'est une bonne maladie. Répond enfin le mari de ma mère.
Moi, je crois que c'est prétentieux de dire ça.
J'suis bien, vraiment bien.
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