Un père a deux vies : la sienne et celle de son fils.

 Jules Renard


Le blond et moi, nous regardons. À son regard je vois qu'il est de retour parmi nous. Au passage je remarque aussi qu'il a vraiment une sale tronche, sa lèvre du bas est fendue bien salement, sa joue droite se colore à vue d'œil, il ne se tient pas droit comme d'habitude en bref, on a dégusté pas mal.


En me regardant, il tire aussi une mauvaise tronche, je ne dois pas être beau à voir non plus. Ma mâchoire me lance, je sens du sang dans ma bouche, c'est dégueulasse, sans parler de mes mains qui ne font qu'un avec les battements de mon cœur. Mon crâne aussi, j'ai un de c'est mal de tête !

On souffle en même temps, on se regarde une dernière fois et on avance vers nos bourreaux, pas franchement sûr de la marche à suivre. Je ne sais pas vraiment quoi penser de tout ce beau merdier à part qu'on est dans la merde.

Rose et José, les parents de mon futur codétenu, sont plus cool que le pater'. Leur seul défaut est de travailler jusqu'à que mort s'en suive, ils ne sont pas riches, mais veulent offrir le meilleur pour leur fils.
Sa mère est une toute petite femme à l'air mutine, son visage est constamment habillé d'un sourire qui fait ressortir ses pattes d'oie au coin des yeux. Je trouve que cela lui donne un véritable charme, son père est tout son contraire. Il est immense et affiche un air sévère, enfin, c'est juste une image, c'est un géant qui se plie en deux devant une vidéo de petit chat qui joue du piano. Véridique. Avec la larme et tout !

Ma mère, torchon en action sur ses mains plus que sèches à mon avis, me fixe. Elle ne comprend pas pourquoi je fais tout ça en ce moment, je baisse le nez et évite soigneusement le regard de son mari. Elle doit se dire que j'ai sérieusement fondu un fusible. En un sens elle n'a pas vraiment tort.

— Un café ? Propose le grand chauve aux adultes qui l'entourent.

Tout le monde le suit après avoir soit grommelé une réponse soit hocher la tête, il doit se sentir heureux ce grand con avec cette pseudo cour.

On fait le premier pas vers notre salle de jugement, non sans souffler et regarder une dernière fois l'extérieur. On en aurait une sacrée paire entre les jambes je crois qu'on se serait barré à toutes jambes pour un autre pays.

Tout le monde est déjà autour de la petite table en bois de la cuisine, quatre tasses de café fumantes sont devant leurs nez, pas da petits gâteaux. Merde. Je me débarrasse de mes pompes dans l'entrée et vais me poser sur le plan de travail en face de nos juges, Bryan m'imite.

— On mérite une petite explication les garçons. Nous dit le père du blond de sa voix la plus grave. Personnellement, j'ai moyennement apprécié le coup de fil de la mère de Lorris et Jorris disant qu'ils sont de nouveau à l'hôpital et que vous n'y êtes pas pour rien.
Rose pose une petite main sur le bras tendu de son mari, pour le calmer je pense, leur fils se redresse en signe de défis.
Branleur un jour, branleur toujours. C'est à ce moment-là que je me rends compte qu'on a mis un peu plus d'une heure pour rentrer et qu'on devrait faire profil bas aussi. Bonne idée ça, faire profil bas. Je donne un coup de coude dans les côtes de mon meilleur ami pour qu'il se la ferme avant qu'il ne l'ouvre. On ne sait jamais. Puis je tiens à ma vie moi !


— Pourquoi ? Interroge simplement ma mère en nous regardant sans ciller. Elle n'est pas agressive ni rien juste curieux. Elle ne comprend pas ce qu'il se passe et je sais qu'elle déteste ça.

S'il y a bien quelqu'un qui peut nous comprendre, c'est bien elle.

On se regarde une nouvelle fois avec le blond, il opine du chef, c'est lui qui ouvre le bal, je me recule un peu plus sur le plan de travail. Du coin de l'œil, je vois ma mère tiquer, elle à horreur quand je fais ça, je me stoppe. Pas de provocation pour ce soir. Ni le prochain millénaire si je suis encore en vie demain matin.

— Ils ont... Il avale péniblement sa salive, je lui donne un petit coup d'épaule pour lui rappeler que je suis là, il étire sa bouche en un sourire pincé. Fait chié Estelle...
À sa façon de parler, je sais qu'il n'en dira pas plus, qu'il ne le peut pas. Je le comprends. Moi aussi quand je l'ai vue ce soir-là quelque chose d'infranchissable est mort en moi et je ne suis qu'un pote.

— Ils l'ont coincé dans les chiottes du bahut un soir, quand on est arrivé elle était presque nue et en pleure. Je finis à sa place d'une façon le plus détachée possible et le plus rapidement possible aussi. Il souffle et joint ses mains sur son ventre, tout en fermant les yeux. J'imagine qu'il réprime cette vision d'horreur.

Nouveau petit coup d'épaule auquel il répond du même geste sans relever les yeux.
Ma mère porte une main à sa bouche et réprime un cri d'horreur, celle de mon ami serre ses doigts contre le bras de son mari, quant au seul homme que je regarde, il caresse les mains de sa femme qui l'agrippe de toutes ses forces.

Pourquoi tu ne nous as rien dit ?
— Et on aurait fait quoi papa ? Porter plainte ? C'est fait le lendemain avec ses vieux ! Ils ne sont pas majeurs les salops ! Ils seront inquiétés qu'un minimum qu'ils ont dit ! C'est dégueulasse !
explose le blond en levant sa tête d'un coup. C'était à prévoir, qui aurait fait autrement a sa place ? Il ferme les yeux de nouveau quand il se tait, je ne sais pas s'il a fait attention, mais il s'est mis à crier. Non, a mon avis il ne s'en est pas rendu compte, il a juste craché une partie de ce qu'il garde en lui depuis un moment. Il serre ses mains qui ont migré de ses cuisses au plan de travail.
— Forcément l'un ne va pas sans l'autre. Commente ma mère en faisant des vas et vient entre nous deux.

Constat, juste un constat. On ne bouge pas vraiment. Je hausse juste les épaules, que répondre à ça ? Puis là, il vaut mieux que je me la ferme. Je suis lessivé. J'ai l'impression de sentir le poids du monde sur mes épaules.

Plus personne ne parle de très longues minutes, je n'ai toujours pas eu le courage de jeter un seul coup d'œil vers le pater'.

Courageux, le branleur...

— Donc si je n'ai pas loupé d'étapes, vous leur en avez collé une car ils ont.... Il regarde le blond qui acquiesce sans aider a finir sa phrase. Comment va-t-elle ? Il finit par demander d'une voix plus mesurée.

Mon meilleur ami regarde le mari de ma mère avec une lueur de remerciement. Ce que je vais avouer va me trouer le cul, mais c'est le seul qui a demandé comment va la petite blonde ou qui a le courage de demander. Ça me fait plaisir. Heureusement que je ne le dis pas à voix haute.

— Elle a peur de tout. Souffle la mort dans l'âme Bryan, sa voix tremble et même si on fait tous mine de ne pas le remarquer je lui donne un petit coup de coude. Il grimace un demi-sourire.
— Pauvre enfant
. Commente enfin Rose.
— Mia ? Ma mère se tourne vers son mari. Je vais passer voir les parents de ces jeunes gens. Il finit sa phrase en imposant son regard dans le mien. Je n'y vois rien, ses yeux gris ne reflètent absolument rien, c'est bien ça le plus flippant. Ils ont... ? Il se tait, car il ne sait pas comment formuler ce qu'il pense, Bryan secoue sa tête de gauche à droite pour lui répondre.
— Bon, bon, bon... Les garçons montés dans la chambre et faites profil bas. Laurent et moi, on va voir leurs parents. Finit José en se levant les traits du visage tirés et déformé par une colère sourde.

Ma mère se lève et nous dit de ne pas bouger, enfin elle nous montre le plan de travail avec son doigt. Dans son langage ça veut dire « bouge pas 'ti con », elle sort de la cuisine et elle revient pratiquement aussitôt avec une boîte de premier secours.
.
Comme quand on était gosse, on se pose chacun devant notre infirmière personnelle qui est assise sur leur chaise. On le fait quand elles nous appellent, on n'est pas dingue à ce point.

— Tu aurais dû nous en parler. Dis sa mère en regardant son fils avec un étrange regard.
On baisse le nez en même temps. Au final que ce soit lui ou moi on aurait dû le faire... On le sait maintenant.
— Si je ne me trompe pas, vous traîniez avec eux ?
— Avant oui
. Je réponds à ma mère qui a une voix un peu rêche. Elle ne digère pas mon mensonge par omission.
– Il s'est passé quoi depuis ? Elle demande en me désinfectant une plaie sous mon oreille que je n'avais pas sentie jusque-là. Un poil brusquement quand même.
— Ils se sont foutus de la tronche d'Estelle, j'l'ai mal pris. Bryan hausse les épaules il n'en dira pas plus tout le monde le sait.

Avec son pouce, ma mère effleure ma cicatrice au-dessus de mon œil et fronce une brève seconde les sourcils.

— Oust ! intervient ma mère en nous montrant l'escalier.
Faut pas nous le dire deux fois, on détale comme deux lapins prit en chasse.

Je claque la porte de ma chambre et me jette sur mon lit, le blond m'imite en m'écrasant les jambes au passage. Je le vire à coup de saton.
— J'veux voir Estelle. Chuchote son copain en roulant sur le dos, ses deux mains sous sa tête.
— Et moi Louis. Je réponds en me posant contre ma tête de lit.

Ni José ni le pater' ne sont rentrés de la nuit. Nos mères se sont enfilé au minimum deux Margaritas chacune avant de se quitter. Soit dit au passage, elles ne boivent pas dans des verres « classique » non, elles, c'est plus dans des chopes de bière.

Le blond n'a pas déserté ma piaule de la nuit, comme quand on était gosse et qu'on avait fait un truc de travers. Là, je suis sûr qu'on a rien fait de travers, peut être pas de la bonne façon, mais pas de travers. Le seul truc qui change se sont les nombreux appels et messages de sa moitié et de Louis qui font vibrer nos portables dans tous les sens et jusqu'à très tôt ce matin. L'entendre me fait du bien, ça m'apaise. Il m'a dit qu'il viendrait nous chercher demain matin deux heures avant le début des cours. J'ai presque pas râlé en réglant mon réveil à cinq heures vingt. Jess m'a juste dit qu'on en parlera plus tard. Pour une fois elle ne voulait pas parler même si c'est elle qui m'appeler.

Par contre, j'ai juré aux grands dieux de tuer le con qui a claqué la porte une trop grosse demi-heure avant que mon réveil ne nous honore de son doux et délicat son. Il n'y a que moi qui beugle, car le blond dort comme une souche. Ronfle aussi.

Enflure. Maintenant que j'suis debout, c'est foutu.

Foutu pour foutu j'enfile un short et descends, la silhouette du pater' déchire la peine ombre de la cuisine. Il enlève ses chaussures dans cette pièce, si ma mère était dans le coin, il ne se le serait jamais permis. Non, quand elle est dans les parages les chaussures ne sortent pas de l'entrée, sous peine de représailles, lente, violente et très douloureuse.
Assis sur une chaise, j'ai l'impression qu'il a prit dix ans d'un coup. Je ne l'aime toujours pas, je suis toujours en colère contre lui, mais je suis bien forcé d'avouer qu'il a bien géré tout à l'heure et qu'il a calmé José en deux-temps trois mouvements. Il a une certaine aura, une certaine prestance qui force son monde au respect. Je ne fais pas partie de son monde, je ne le veux pas. Il ne me disciplinera jamais.

Je suis en train de faire demie tour quand il se racle la gorge, j'entends des verres s'entre choquer puis être posé sur la petite table en bois. Je me tourne et me pose devant le verre de jus d'orange en face de lui. Lui, il a une tasse de café avec sept sucres.

— On est allé voir leurs parents et après quelques négociations un des deux gamins a tout avoué. On a quand même porté plainte, les parents de la copine de Bryan aussi. Une nouvelle fois quoi.
J'opine du chef et avale d'un trait mon verre, j'aimerais bien savoir ce qu'il entend par "négociations", pour une fois que ce n'est pas contre moi ça m'intéresse. Mais non, j'me la ferme, pas envie d'avoir une conversation avec lui. Même si j'ai envie de le remercier. Par pure politesse on est bien d'accord.

— Adam, je ne te dirais pas que ce que tu as fait est bien. Par contre, j'applaudis ton amitié avec Bryan et ton courage. Il faut avoir des tripes pour faire ce que tu as fait, mais les coups ne régleront pas vos histoires. Jamais. Vous avez le temps de mûrir, tu vas bien nous faire une ou deux conneries de plus... Pour le moment... Il se lève et rince sa tasse dans levier, la met sur l'égouttoir en fer blanc et commence à sortir de la pièce. Je suis là. Il termine sa phrase en me laissant seul comme un con dans la cuisine.

Je l'imite un moment plus tard après avoir jeté un regard d'envie profonde à pompes de course. Je me promets de les utiliser ce soir, faut que je me défoule, y'a urgence. Faut que toute cette merde sorte. Faut aussi que je m'envoie en l'air avec Louis !

— M'en fou d'toi. Je grogne en montant les escaliers. Et c'est pas une connerie. Je rajoute en grognant une nouvelle fois devant sa porte de chambre.



Petite NDA de fin ... Pour tout avouer je n'avais pas envie de publier ce chapitre, ni celui de la rage du loup, pour la simple et -a mon sens- bonne raison que si quelqu'un publie sur un site communautaire c'est surtout pour l'échange sur la globalité de ses histoires et non sur une en particulier.  C'est ce qu'il se passe en ce moment avec moi et c'est vraiment frustrant ! non en faite super chiant. Mine de rien chaque chapitre prend du temps alors voir que je n'ai aucun retour sur la suite d'Oranda me gonfle, on est pas obligé d'aimer. je ne demande pas ça, je voudrais juste assez de politesse pour me dire ce qui va ou non. Donc, plus besoin de me demander un avis sur telle ou telle histoire ou de venir me caresser dans le sens du poil avec des compliments fadasse pour me demander ensuite de venir jeter un coup d'oeil a vos écris. Pas besoin non plus de machin truc du genre " ma cheriiiieee" avec plein de paillettes je n'ai jamais aimé ça.





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