Tout amour est une servitude.


 Henry de Montherlant

Je n'ai pas vu le trajet passer, en même temps de chez-moi au lycée à pied, il me faut à peine dix minutes, alors en voiture... Pourtant je l'ai subi, ouais ... Mon esprit me faisait toujours divaguer vers lui, vers tout ce qu'il s'est passé et ressenti. J'en ai eu la nausée. Je suis un gars assez primaire alors pour moi tout ça c'est vraiment, mais vraiment beaucoup.

Arrivé au stade les esprits de sainteté sont déjà là, il y a une immense table en bas des gradins avec des tonnes de gobelets de toutes les couleurs. Le coach beugle déjà ses ordres à qui veux bien les entendre.

- C'est quoi la suite des réjouissances ? Je leur demande en claquant la portière, franchement c'est un miracle que je me tienne debout. Mon corps est en coton.
- Nous, on cavale toi, tu dragues. Réponds le sportif en haussant un sourcil moqueur, le blond se marre et moi...

Moi, je baisse le nez pour cacher mon sourire. Un sourire de circonstance hein, une pure façade parce qu'intérieurement je suis mort de trouille et mon envie de me pisser dessus rivalise avec celle de vomir tripes et boyaux.

Charmant...

Idriss écrase une de ses énormes paluches sur mon épaule pendant que Bryan part en direction des vestiaires.

- C'est sympa c'que tu as fait l'autre jour.
- J'suis pas sûr que ton cousin me dirait la même chose.
Je réponds en me marrant, enfin vite fait, car j'ai mal aux dents.
- M'en fou de lui. Il hausse les épaules. Il a eu ce qu'il mérite. Tu sais, j'm'en fous s'il se passe un truc entre Louis et toi, tout ce que j'voudrais, c'est que tu ne le prennes pas pour un con, me regarde pas comme ça et je sais que si c'est lui qui fait le con, c'est Bryan qui lui ratisse la tronche.

J'opine du chef, toujours en me marrant, il n'a pas tord après tout et comme il l'a dit on est meilleur pote donc ...
On rejoint tous les autres et surtout le blond en parlant de tout sauf de ça, tant mieux, vive la politique de l'autruche.
Dans les vestiaires, il y a des gars plus ou moins à poil j'passe devant sans vraiment les regarder, je sais qu'ils sont là, je les vois, mais y'a rien qui se passe.

Ça ne me fait rien.

Vraiment rien.

Le blond me regarde, il fronce les sourcils, je le regarde et hausse les épaules.

- Souci ? Il me demande dans un murmure en filant son froc.
- Y m'font rien. Je lui réponds de la même façon en me tournant vers lui.
Il se marre, pose une de ses grosses paluches sur mon épaule et continue à s'habiller. Pour le coup je me sens bien con.

C'est peut-être que lui, peut être que Jess a raison ? Peut-être ... Franchement, je n'ai pas envie de me prendre la tête, pas aujourd'hui. Ni demain

Une masse brune hurlante et un poil brutale me saute sur le dos et me fou un coup dans les dents. Promis la prochaine fois que je penserais a elle se sera dans un autre lieu que dans le vestiaire.

Elle ça va, elle se fout des regards lubriques des esprits de saintetés de toute façon ils ont tous un pénis et rien que ça, ça la rebute.

Je grogne et calme mes envies de meurtre, ça a au moins le mérite de la calmer une seconde.

- Ho pardon ! Pardon ! Pardon ! Elle me dit en passant de mon dos à mon torse cette fille est croisée avec un singe c'est pas possible autrement.

Je me tiens ce qu'il me reste de mâchoire et lui rend son câlin.

Puis on se fait virer par le coach.

Elle piaille sur je ne sais quoi jusqu'à qu'on se pose sur le bas des gradins, Estelle nous rejoins tranquillement. Comme souvent elle a son gros casque blanc sur les oreilles dans son dos, je vois les gars sortir du vestiaire.

Jess vanne Idriss sur je ne sais trop quoi pendant que le couple de blond se disent bonjour. Le rire, son rire, me fait frissonner. La belle brune fixe son regard dans le mien, c'te garce savait. Putain, ouais, elle savait. Je la chope et serre un peu plus fort contre moi.

- Tu me gonfles tu le sais sa ? Je lui demande en nichant mon nez dans ses cheveux.
- C'est pour ça que tu m'aimes. Aller va !

Elle se recule et me pousse vers lui en haussant un sourcil, je lui souffle un « garce » auquel elle me répond par un bisou à peine exagéré.

Bon et bien comme dirait Bryan, il est temps de porter mes couilles. Je peux juste fuir ? Pas longtemps ... Le reste de ma vie en gros ?
Il est là, dans toute sa splendeur, sa saloperie de sourire de vicelard aussi quand il pose ses yeux sur moi. Ce qu'il me reste d'organes fond, c'est le grand retour des frissons en tous genres et du cœur qui s'emballe. Je crois que je vais vomir.
Son bleu jaunit, ce n'est pas très beau, et il à une main sur ses côtes, je grimace.

- Bon ! Jeunes gens ! Il est temps bougez-vous ! Beugle le coach en nous faisant sursauter. J'enfonce mes mains dans mes poches et me marre, franchement, on ressemble a quoi ?

Y'a d'quoi se marrer sec quand même ! C'est risible, faut être lucide.

Les nanas se dirigent d'autorités vers le stand des boissons, il y a aussi deux énormes glacières, je ne les avais pas vues. Je crois que pour le snack s'est mort vu qu'elles sortent de quoi faire des casse-croûte.
J'espère qu'elles ne sont pas timides, j'ai faim. Et que c'est du pain de mie.

Les gradins sont pratiquement déserts, on doit être quinze à tout casser. Je me pose à l'endroit le plus reculé, celui qui donne sur la loge du gardien.

Cette fameuse loge, ce que j'ai pu y traîner des poufs ! Elle n'est jamais fermée, un poil crasseuse et pleine d'araignées.

Ces petites bêtes ne m'ont jamais dérangé, en même temps ce n'était pas ma priorité.

Je le sens s'asseoir à côté de moi, je l'entends souffler péniblement.
Il a mal.

J'peux pas serrer les dents, pourtant c'est pas l'envie qui me manque, je m'adosse contre les sièges de derrière et souffle. J'essaie de respirer calmement, franchement j'essaie, je sais aussi que je peux lui parler, on est dans un pays libre ... Ouais ... La bonne blague.

- Pour l'autre fois... Je voulais te remercier. Il commence tranquillement sans me regarder, je le sais, car je ne sens pas sa morsure sur mon visage.
Je souris sans lui répondre, je ne sais toujours pas quoi dire. Enfin si j'ai des tas de choses à dire, mais je ne suis pas foutu de l'ouvrir. Son genou touche le mien, normalement, je me décalerais.

Normalement.

Là, je le regarde et ne bouge pas, quand je lève les yeux vers lui, il me regarde avec son vieux sourire de vicelard. Non pas vicelard, tendre.
Je décale ma jambe, tout en continuant à le fixer en haussant un sourcil le tout accompagné de mon sourire de branleur. Ça, je sais faire, provoquer avec ma tronche de jeune premier innocent.
Il empoigne mon jean et rapproche nos deux jambes, quand elles se percutent, il me défie du regard de bouger. En temps normal, par pur esprit de contradiction, je me bougerais, mais là, je n'ai pas envie.

- Je peux te poser une question ? Je lui demande en me décalant de façon à être pratiquement face à lui, nos genoux toujours en contact. J'ai l'impression que je ne pourrais plus jamais me passer de ce contact.
Voilà le bal est lancé.
- Pose toujours. Son regard sombre s'adoucit un peu, je ne pourrais plus non plus me passer de son regard, plus jamais j'en suis sur.
- Pourquoi tu t'es laissé tabasser ?
- Je n'ai pas pu le frapper
. Il m'avoue dans un souffle.
Je fronce les sourcils, je ne comprends pas. On me frappe je rends c'est tout, je ne cherche pas a comprendre !
- Tu as déjà aimé quelqu'un ? Vraiment aimé, j'veux dire. Il me demande en appuyant son genou un peu plus contre le mien.

Je n'ai pas besoin de réfléchir trop longtemps, non, non, je n'ai jamais aimé quelqu'un autre que ma mère. Aucune nana ne m'a jamais fait me retourner. Mais je me vois mal lui dire qu'à part ma mère aucune femme ne m'affole.

Je secoue la tête de gauche à droite.

- Moi si, crois-moi, j'étais raide dingue de ce gars. Il se tait une petite seconde, perdu dans ses souvenirs, comme dans le snac j'ai une pluie d'acide qui me ronge les os. J'avais envie de lui en coller une, vraiment envie, mais je ne pouvais pas. Il hausse les épaules. Je ne l'ai pas fait pour lui, mais pour ce que nous étions. Il termine en baissant un peu les yeux.

Une petite, grosse, pointe de colère me serre le ventre. Je souffle par le nez et serre mes poings qui sont toujours dans mes poches.

- Et maintenant ? Je lui demande avec une voix étranglée, c'est bien la première fois que je me sens aussi mal à l'aise.
- Pour moi, il est mort depuis que je l'ai vu avec un pote du campus dans mon lit, chez moi.

Je ne peux pas m'empêcher de sourire, je baisse le nez pour essayer de me cacher, mais je crois que c'est mort vu comment il me regarde. Ouais cette dernière phrase me plaît pas mal ! Ses deux orbes noirs fondent sur moi et me transpercent. Je frissonne et souris encore plus.

Un silence confortable s'installe entre nous. Les bruits des gars sur le terrain ne font que me chatouiller les oreilles, je n'entends que sa respiration calme et profonde, je suis sûr que si je me concentre, je pourrai entendre les battements de son cœur. Je ne sais pas trop dans quel monde il m'envoie, mais j'y suis putain de bien. J'y suis chez moi a ma place avec lui, je ne suis sur de rien et je suis pété de trouille c'est une évidence. Ce qui est évident aussi c'est lui et moi, maintenant je le sais, ouais je sais que j'en ai le droit que tout va bien qu'il n'y a rien d'anormal ni de crade. Juste deux gars qui ... Ouais, juste nous deux.

Il se penche vers moi, on est pratiquement front à front, son souffle aux arômes de cassis et de menthe me donne l'eau à la bouche. Je me sens franchement nerveux pas loin de l'arrêt cardiaque, je m'suis jamais senti aussi bien de ma foutue vie.

- Je suis du genre possessif. Il me dit d'une voix basse et rauque.
Je roule les épaules pour relâcher un peu de pression, je crève d'envie de le toucher.
- Je suis aussi du genre attache et emmerde.
Je souris et avance ma main vers lui.
- Je m'assume totalement. Il termine toujours aussi proche de moi, je stoppe mon geste.

Il me fixe intensément, je ne sais pas s'il respire, mais moi, je suis à deux doigts du malaise. Je ne suis jamais tombé amoureux, je ne comprends pas tellement ce principe d'ailleurs, mais ce qui est à moi est à moi, point barre fin de l'histoire.

Et moi je ne m'assume pas, ça me fou la trouille. Bien sûr que j'ai peur, tout changement fait peur. Pourtant quelque chose en moi y croit aussi sur que deux et deux font quatre.

Je ferme les yeux histoire de me reconnecter avec la réalité.

- 'Suis possessif. Je gronde à voix basse, je ne me connaissais pas ce timbre.

Il sourit.

- Je veux bien goûter à la monogamie. Je m'entends lui dire sans aucun regret.

Son sourire s'élargit.

- Pour ce qui est de m'assumer... Je fronce les sourcils, c'est peut-être un peu trop me demander là tout de suite. Je sais que je pourrais le faire quand j'en aurais parlé à ma mère. J'suis un bon fils à sa mère, faut pas l'oublier, j'suis aussi un bon branleur donc je ne veux pas lui parler tout de suite.

- Je sais être patient. Il me chuchote toujours yeux dans les yeux.

Nos fronts se touchent toujours, ses mains sont proches des miennes, j'ai l'impression que le temps, c'est arrêté, qu'il attend ma décision pour reprendre sa course effrénée.

Du bout des doigts, j'effleure sa main, il baisse son regard et suit mon geste, je le vois frissonner sous ma caresse. Je sais que c'est à moi de l'embrasser, je le sais, c'est pour sceller notre accord, il me donne du temps pour assumer et je deviens monogame et gay par la même occasion.

Je pourrais dire bi, mais non, les filles me semblent bien fades en ce moment même. J'en ai sauté des vraiment belles, aucune, vraiment aucune, ne m'a fait ressentir ce que je ressens en ce moment. Je ne crois pas qu'un autre gars me fera cet effet, juste lui. Par contre je peux dire : même pas peur

Je me penche vers lui, et scelle notre accord. C'est une putain d'explosion ! Tout part en fumée dans mon esprit, tout revient a sa place en moi je me sens plus que bien, heureux.

J'embrasse de moi-même un gars, pas juste un gars Louis et putain ce que j'aime ça !
Il ne s'en contente pas, il s'accroche à mon col et plaque ses lèvres plus fort contre les miennes, ce n'est pas tendre. Ce n'est pas un bisou de nana, c'est un bisou d'homme, il est fort et viril, cette fois-ci, je ne sens pas ses dents.

Il a toujours une main sur ses côtes, l'autre passe de mon col à mon cou, je colle une des miennes sur son torse endolori, juste au-dessous de la sienne et l'autre derrière son crâne.

Je ne sais pas combien de temps on est resté ici sur ces vieux sièges pourris à s'embrasser, pour le coup, il m'a semblé que c'était le plus bel endroit du monde.

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