Tous les gestes engagent, surtout les gestes généreux.
Roger Marrin du Gard.
Quand je rentre, la lune m'accompagne, j'ai eu un vrai mal de chien à laisser Louis. Si ça ne tenait qu'à nous, je dormirais chez lui ce soir, mais ses parents sont un peu vieux jeu, il faut leur demander la permission, quelque chose de normal d'après certain. S'il n'y avait pas eu le pater' il aurait dormi ici avec moi.
Vieux con.
Je me déchausse devant la porte d'entrée pour éviter de faire trop de bruit, de toute façon, je ne vois pas qui j'essaie de berner. J'parie que ma sainte mère est dans le salon où la cuisine. Elle dit toujours qu'elle n'a pas besoin de beaucoup de sommeil, moi, je crois surtout qu'elle ne dort pas tant que toutes ses ouailles ne sont pas sous son toit. Ma mère est une louve, il ne faut pas l'oublier.
J'ai vu juste, elle est dans la cuisine, j'lui souris, pour une fois pas comme un bon branleur, mais comme un gosse qui tuerait pour un câlin de sa mère.
J'sais pas combien de fois on a usé cette bonne vieille chorégraphie, franchement, je ne sais pas combien de fois, dans le silence absolu, je me suis assis à sa place et je me suis niché contre le petit corps de ma mère debout devant moi.
J'ai toujours posé mon front contre son ventre et jamais je n'ai grogné contre ses mains qui me décoiffent.
Ouais, j'suis un bon fils à sa mère, non pour rien au monde je voudrais changer, j'aime trop ça.
Elle ne dit rien tout le temps que je ne bouge pas, franchement si ça ne tenait qu'à moi ça pourrait durer des heures, mais quand elle m'entend renifler, elle me serre un peu plus contre elle.
Il ne m'aura pas fallu longtemps pour que je craque, j'me laisse aller comme un mauvais gamin la seule différence, c'est que je fais le moins de bruit possible.
— C'est fini mon grand, c'est fini. Elle me dit quand je me calme tout en continuant de me bercer.
— Ouais. Je souffle. J'ai vraiment flippé, tu sais. J'avoue toujours lover contre elle.
— On était là, on est toujours là.
Je souris contre son ventre et resserre mes bras autour d'elle.
Finalement, je m'endors du sommeil du juste dans mon lit, un poil jaloux quand même du couple de blond qui dorment ensemble.
« J'sais pas quoi offrir à B ! »
Le message de Louis est la première chose que je vois quand je me lève et franchement même si c'est un message de merde, je me surprends à sourire comme un imbécile. Plus ça va plus je deviens complètement timbré ! De toute façon, j'ai de plus en plus de mal à me passer de lui...
Je me redresse d'un coup et me tourne vers mon poster, un poil arrangé, de l'homme de Vitruve qu'il m'a offert la dernière fois. Je me pose en tailleur et me frotte le visage avec mes deux mains.
Louis c'est pas juste un homme de Vitruve,
C'est MON homme de Vitruve !
— Wouhooo. Je souffle en me levant et pour répondre à cette révélation un quatrième neurone vient de se réveiller dans ma caboche, il clignote et ce fou royalement de moi. J'crois que je deviens schizo.
J'me mets un truc vite fait sur le cul et descends prendre de quoi anesthésier le clandestin dans mon crâne.
— De si bon matin ! s'exclame ma mère en me voyant prendre une bière dans chaque main, en même temps, elle lève le nez vers le pendule, il est juste quinze heures. Heure normale pour un lycéen en vacance.
— Faut que j'anesthésie mon neurone illumination. Je réponds en hésitant franchement à en prendre une troisième.
— Un nouveau ? J'opine du chef. Alors ne va pas tuer ce nouveau-né. Elle joint le geste à la parole en me retirant mon médoc et en me mettant un café à la place.
Je souffle et repose la tasse pour reprendre mon bien, elle me donne une tape sur la main et me tend un soda, je fais mon regard de malheureux, mais abandonne vite quand mes iris rencontrent les siennes un poil meurtrières.
Je me pose à ma place et vide mon soda d'un trait, avant de s'asseoir avec moi, elle me tend une brique de jus d'orange.
Plus ça va moins c'est fort...
— Ça t'en fait combien maintenant ?
— Quatre. Je lui réponds en prenant une grosse rasade, à même le goulot, de jus de fruit.
— Enfin un qui ne m'est pas dédié ! Elle s'exclame un poil exagérément. Je savais que tu vaincrais ton complexe d'Œdipe un jour mon fils ! Elle termine avec une main sur le cœur et un air, totalement foiré, solennel.
J'peux pas me retenir plus longtemps, j'explose de rire, un vrai rire à en décoller le papier peint, un rire à réveiller tout le voisinage.
Bien sûr, elle me rejoint.
— Il est à Louis lui. Je lui chuchote en passant le doigt sur ma cicatrice.
— Je sais. Elle me répond le plus simplement du monde en me souriant avec tendresse.
« On cogite ensemble ? »
Il me répond aussi sec qu'il sera en bas de chez moi dans un petit vingt minutes. À peine, le temps d'enfiler un nouveau jean, un large, et de soigner ma précieuse tignasse.
Je ralentis l'allure dans les escaliers quand j'entends ma mère et son mari parler dans la cuisine.
— Mia, je pense vraiment prendre la petite voiture dont je t'ai parlé l'autre jour. Dis le grand con de chauve.
— Pourquoi diable veux-tu acheter cette chose ? Je l'entends poser, un poil brutalement, une assiette ou un truc dans l'genre sur la table de la cuisine.
— Il a fait ses preuves non ? Écoute-moi avant de t'énerver. Petit blanc, les pieds de sa chaise qui racle le sol résonnent dans la pièce. Adam a bien géré, je trouve et malgré sa légère addiction. J'ai grimacé. Je ne vois pas notre. Je fais la tronche. Fils prendre le volant complètement défoncé.
— Non, c'est sûr, lui, il préférera transporter sa très légère addiction comme tu dis. J'imagine bien ma mère mimée des guillemets sur le mot « addiction ».
— Mia... Je ne sais pas ce que tu me caches, mais je sais qu'il est juste consommateur. C'est déjà bien assez non ?
— Oui ! s'exclame ma sainte mère en martyrisant une autre assiette.
— D'après toi, on peut faire quoi pou qu'il ne fume plus ?
Elle ne doit pas lui répondre, car je n'entends rien, par contre je sais qu'elle a remarqué que j'ai pas mal diminué ma consommation. En théorie, les parents deviennent fous quand leurs prodiges fument, mais eux non... Ça me va. Une fois, elle m'a dit qu'elle savait que j'arrêterais. Je me demande sérieusement comment et pourquoi elle a tant confiance en moi.
J'entends d'ici ma mère souffler.
— Il va bien, c'est le plus important. Je l'entends lui répondre.
— Pour sûr.
C'est sur ces derniers mots, un peu étranges quand même, que je finis mon bout de chemin et entre dans la cuisine mine de rien.
J'échange deux trois banalités, oui ça va, oui, j'ai bien dormi, non, je ne dors pas ici ce soir, putain ça te r'garde pas si j'ai des capotes ou non ! Bien sûr, le tout sous le regard de son mari qui ne se gêne pas pour se foutre de moi.
Vieux con.
Branleur un jour branleur toujours.
Mon bon vieux sourire de vicelard fait son grand retour.
Avant de passer le pas de la porte du couloir, là où il y a toutes nos pompes, je fais ce que je sais faire de mieux.
— Zappe pas un grand coffre. Je sors comme ça mine de rien, histoire d'en rajouter un peu, car je reste saint Adam, saint patron de la délinquance juvénile, prophète inconditionnel des branleurs, je passe ma tête par l'encadrement de la porte et finit ma phrase. Tu comprends quand je transporte mon addiction. Je mime des guillemets. J'aime bien avoir de la place ! Puis faut pas croire, mais ce petit business prend du temps et de la place. Je termine en haussant les épaules.
Entre-temps, ma sainte mère est partie dans le salon, mais je l'entends quand même, son mari baisse le nez et j'crois voir un sourire se coller sur sa tronche.
— Bon, on réfléchit ou à deux ? Me demande Louis quand je claque sa portière, ses yeux noirs me télescopent aussi sec et m'envoient dans un autre monde, la différence, c'est que maintenant, j'y rentre, j'le fuis plus. J'y plonge même !
— Au centre commercial ? Je lui propose en lui disant bonjour comme il se doit.
J'n'aime pas être en voiture avec lui, non pas qu'il conduise mal ou quoi enfin un peu lentement, mais bon, nos genoux ne se touchent pas, j'aime pas. Pour une fois, pendant qu'il me parle, je prends les devants.
Je pose ma main sur sa cuisse.
C'est qu'un tout petit geste, un geste insignifiant et tellement classique, mais la en plein centre-ville avec tous les feux aux rouges, c'est un peu un baptême de l'air. Il continue son charabia, mais sourit comme un damné. Il tient sa promesse, il me laisse du temps.
On s'est tapé de long en large les allées de ce lieu de claque tune au minimum trois bonne heures, main dans la main.
Ouais, mais dans la main.
Au final, il lui a pris deux jeux vidéo, je crois.
Si je dois retenir une seule chose de cette après-midi, c'est qu'on est carrément invisible, bien sûr y'a eu deux trois regards un peu plus... Moins sympa quoi. Louis, lui n'en a rien eu à foutre, il avançait droit comme un I me serrant la main comme un taré. Il a dû avoir la trouille que j'ne gère pas, mais non. J'suis plus du genre bien fier, sourire accrocheur et sourcil provocateur pour les blaireaux de service, qu'autre chose.
Et si c'était pareil au lycée ? Faut que j'en parle à Bryan.
Plus tard pour le moment, c'est juste lui et moi dans sa piaule, bien à l'abri du monde extérieur.
Ce midi, je mange avec le petit singe brun, elle me l'a demandé cette nuit, on se balade dans le centre-ville tout en se marrant comme des bons branleurs qu'on est. On s'fait une petite journée tranquille comme on a l'habitude de faire : ciné, bouffe, magasins. Beaucoup de magasins. Moi, j'suis le bourricot de service qui porte les sacs de madame.
On se pose sur le rebord de la fontaine de la place une glace à la main, elle me parle de sa gothique.
— Je ne pense pas que ça va durer longtemps.
— Pourquoi ?
— Elle est trop gentille. Elle hausse les épaules. Tu as retenu son prénom ?
— J'suis obligé de répondre maintenant ? Je lui demande en me plongeant dans ma glace. Elle ne me répond pas, mais se marre franchement.
— Tu sais, j'ai une théorie sur tes trous de mémoire sélectifs. J'hausse un sourcil pour qu'elle continue, faut pas lui faire comprendre deux fois. Tu ne retiens que les patronymes des gens qui comptent pour toi, r'gardes Bryan, moi, Estelle, Idriss et Louis. Lui 'suis sûr que tu l'as retenu dès le premier jour.
Je souris à mon cornet sans lui répondre, elle me fait chier quand elle a raison.
— Trop bonnes, ces glaces. Je me contente de lui répondre sans me soucier de sa moue moqueuse.
Si le sucre était une femme, il s'embrasserait.
— Remarque, je connais plus ses seins qu'autre chose !
J'me marre tout seul, c'est du Jess tout craché ça !
— ' Garde ! Du menton, elle me montre Laura pendue au bras d'un mec.
Elle a bien changé depuis la dernière fois que je l'ai baisé, moi aussi, elle a plus de tissus sur le cul. Elle rit à une réplique que le gars lui dit, mais quand son regard se pose sur moi, elle blanchit à vue d'œil et baisse le nez. Elle a peur que je fasse mon salop.
Elle à tort, j'suis un branleur pas un salop.
Je sors mon portable et lui jette un dernier regard, juste avant de me concentrer sur mes touches, je la vois sortir le sien, les habitudes ont la vie dure...
« Une pute marche le pif au sol une femme le nez en l'air »
Quand elle a fini de le lire, elle me regarde, elle ne doit pas comprendre grand-chose la pauvre, ouais, j'ai un poil changé. Je relève le nez et la regarde droit dans les yeux.
Je la défis.
Elle me répond comme une femme, elle relève le nez, il n'a jamais été aussi haut, je pense et accroche un sourire un brin provocateur sur ses lèvres un peu trop usées. Le gars qui l'accompagne, la regarde et se tourne vers moi, de loin, je mime un bonjour et me détourne d'eux.
Jess se marre et me fauche ma glace. Bien sûr, on se fait remarquer, bien sûr, je beugle, bien sûr, elle se fout encore plus de moi. Franchement, j'aime trop ça.
— Pourquoi tu continues de lui en vouloir ?
— De ?
— Ton père, elle m'explique en soufflant un peu.
— Jess...
— Écoute-moi, je me tais et la regarde. Ses yeux sont sombres, pas de colère, mais de douleur. Tu sais que ma mère nous a abandonnés parce que j'aime les femmes, je la vois avaler difficilement sa salive. Elle n'en parle presque jamais, c'est compréhensible. Et même après tout ce temps si elle revient avec la bouche pleine d'excuses je la prendrais dans mes bras.
— Tu es trop gentille...
— Non, non... On a qu'une seule famille et il t'aime.
— T'en sais rien ! Je commence à souffler à mon tour en serrant les dents.
— Adam. Je le sais. Je le vois.
On ne dit plus rien un moment. Elle dit qu'elle le sait. Ouais...
Mes vacances sont passées un peu trop vite à mon goût. Ce soir, on fête la vieillerie au blond, c'est Jess qui vient me prendre, à la place du mort il y a sa gothique que je salue vite fait, j'vois pas pourquoi je ferais un effort, elle va bientôt sauter. On passe prendre Louis, qui est vraiment pas mal foutu dans ce pantalon noir, et on se bouge jusqu'à notre fief.
Là-bas, il y a déjà le sportif et le couple de blond, Estelle est un savant mélange entre une accro au hard rock et une lolita. Estelle quoi, franchement moi, je ne cherche plus avec elle.
Bryan m'accueille avec une grande accolade et me refile une bière.
— À toi beau blond ! Je beugle en levant ma canette, il se marre et nous salue en se courbant à moitié.
Demain soir, c'est la soirée d'Halloween du lycée et je compte bien y aller en couple.
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