Ne ris pas de mon deuil, quand le mien sera vieux, le tient sera neuf.




Ne ris pas de mon deuil, quand le mien sera vieux, le tient sera neuf. Proverbe provençal.

Il ne fait pas aussi moche que ça, pas beau non plus. Puis je m'en fou dans l'fond. Tout ce que je sais c'est que je voudrais oublier cette date... y'a tout le monde qui s'amasse autour de moi, y'a aussi des militaires dans leur tenue fraîchement sortit du pressing, ils ont tous un putain de placard accroché sur la poitrine. Il en a un aussi, mais ça n'a rien empêché. Pourtant je le croyais indestructible, increvable.

J'soupire en me marrant, un rire jaune, je lui ai tant de fois souhaiter qu'il crève... tant de fois j'ai espérer ne plus jamais le revoir... quel con je fais ! Mais quel con !

Je serre les dents, je regarde mes pompes. Des chaussures de villes, des bien comme il faut. J'aurais du mettre mes baskets. Il en aurait rien eut à foutre de ce que j'aurais mis aux pieds ou non. De toute façon il aurait pas aimé nous voir réunis tous ici, planté dans nos frocs comme des cons.

Y'en a qui pleurent vraiment et d'autre qui sont là juste parce qu'il avait un grade. La blague, ça aussi ça n'empêche en rien.

Dire qu'il est toujours revenu, qu'importe où ses supérieurs l'envoyait, qu'importe dans quel merdier il se foutait il revenait toujours. Dans le fond je ne me suis jamais imaginé une vie sans lui, même quand je croyais le détester.

Alors pourquoi la ? J'veux dire, pourquoi maintenant ? Ça n'aurait jamais dû arriver. Il est increvable. Il doit l'être.

Y'a un gars en tenu qui nous raconte à quel point il était exceptionnel, il dit même qu'ils étaient amis. Mon cul ! Ouais carrément ! Ses vrais potes sont les parent de Bryan, mes beaux parents et le père de Jess. Ils sont tous là, ils nous entourent, nous protègent du monde. Aujourd'hui j'peux pas le faire, j'peux pas être un rempart pour ma mère.

Aujourd'hui j'enterre mon père.

Aujourd'hui, je meurs un peu.

Ma sainte mère est sur ma droite, nos mains sont liées. Elle me serre tellement fort les doigts que j'ai mal. J'm'en fou. Ça ne m'fera jamais aussi mal que maintenant.

J'regarde encore mes pompes, j'veux pas voir la boîte dans la quelle il va être enfermé pour toujours. J'peux pas croire que c'est vrai, qu'il ne soit plus là. Que plus jamais il ne nous attendra devant sa porte le samedi midi après avoir cavaler. Qu'il ne râle plus pour un rien, qu'il ne pose plus sa main sur mon épaule. Quand il le faisait j'avais l'impression qu'un manteau couvrait mon corps. Il était là, il me protégeait qu'importe mon âge, qu'importe pourquoi ou comment. Il était toujours là, le plus souvent dans l'ombre, il n'a jamais aimé la lumière des projecteurs. Il se foutait de tout ça, il était juste là.

Je fais quoi maintenant sans lui ? Et toutes ces putains d'années de gâchées par ma faute.

Je serre un peu plus les dents. La main de mon mari est aussi dans la mienne, mon meilleur ami pose une de ces grosses paluches sur mon épaule. Elle est lourde et rassurante. Pas autant que la sienne.

Je sais que le petit chimpanzé brun est en face de nous, sûrement au milieu d'inconnus. Je le sais parce qu'elle a toujours su me faire garder les pieds sur terre.

Une ligne de soldat se forme, j'entends leur pas lourd sur l'herbe sèche, leurs talons claquent. Un officier donne ses ordres et une première salve est tirée. Mon père est descendu dans son trou. Les ongles de ma mère s'enfoncent dans ma peau. Mon cœur explose dans ma poitrine. Je ferme les yeux. Mes larmes coulent toutes seules sur mes joues. Ma gorges se noue. J'ai mal au corps, au cœur et à l'âme.

Je ne regarde toujours pas. Je ne veux pas, peut être que si je ne regarde pas ça ne se produira pas ?

Connerie. Je me comporte comme un môme apeuré. Je suis un môme totalement flippé. J'dois dire adieu à mon père. J'peux pas. J'veux pas.

Il n'a pas le droit. J'ai encore besoin de lui, mes enfants ont besoin de lui, sa femme a besoin de lui. Ma mère est la femme la plus forte et têtu que je connaisse. Je la regarde brièvement, elle le regarde. J'crois pas qu'elle respire. Son visage est ravagé par la douleur, je vois aussi de la colère dans son regard. Elle a toujours réagis d'abord par la colère, le reste des sentiments exploseront plus tard.

Je serais là pour elle. C'est ma mère.

Finalement mon regard se fige sur son cercueil contre ma volonté. Tout explose. J'entends les coups de feu tirés en son honneur, je sens l'odeur de la poudre, ma poitrine vibre sous les sons grave du chant entonné par les militaires.

Et lui, dans cette trop petite boîte, se fait lentement descendre dans son trou. J'ai envie d'hurler, je dois beugler ! Tout ça c'est de la connerie ?! Une vaste blague ?! C'est pas possible ! On parle de mon père ! Merde !

Je suis en colère, je le suis contre lui, contre moi, contre cette foutu course à la con ! Il en avait tant besoin que ça de sa boîte de sardine à la con ?! Je serre les dents, les mains, mon corps se raidit. J'ai envie de gueuler ! J'ai le cœur ravagé par tout ce merdier !

Je veux mon père !

À côté de moi ma mère pleure, elle n'est plus silencieuse, elle n'y arrive plus. Je ferme les yeux de nouveau, j'peux pas voir ça. Il est hors de question que je vois cette merde sans nom ! Il est peut être plus la, mais il n'est pas dans cette foutu boîte à la con ! Non il est chez nous ou je sais pas trop ou mais il y est !

Je crois que je vais gerber. J'ai mal au cœur. J'essaie de respirer, je suffoque, y'a plus rien qui fonctionne. Je panique. Je l'entends, elle m'appelle je crois, Jess me fixe. Elle ne regarde que moi. Elle me montre comment respirer. Je fais comme elle. Ça va mieux je crois. Faut que je la regarde, elle sait me faire garder la tête froide. Elle ne cesse de me fixer, elle me ne sourit pas, je vois aussi qu'elle a pleuré. Mais elle est toujours là. Comme tous les autres.

Je ferme les yeux et j'inspire un grand coup, le monde ralentit autour de moi. Quand je vois de nouveau, le cercueil n'est plus là, un pignouf amène un drapeau à ma mère. Quand elle me lâche la main pour le prendre j'ai l'impression que je vais me manger le sol.

Ils échangent quelques mots, il me dit aussi quelque chose, j'opine du chef mais je sais pas ce qu'il me raconte. J'm'en cogne.

Il ne reste plus que nous, ma mère m'embrasse elle me dit qu'elle a besoin d'être un peu seule. Je la laisse partir. Moi j'peux pas bouger. Je refuse d'être sans lui.

La nuit tombe, je finis par me retrouver tout seul. Je crois que j'ai aussi demandé à être un peu seul. Ma famille m'a prit dans ses bras, j'ai l'impression d'être anesthésié.

Je vire mes pompes et pose mon cul juste devant sa tombe. L'herbe est fraîche, je crois que je vais avoir le cul mouillé, j'm'en cogne.

-    Il t'a toujours aimé. La voix de Jess résonne à côté de moi. J'suis pas vraiment étonné de l'entendre.

-    Je sais...

-    Tiens, elle me tends une bière et s'assoie à côté de moi. Tu te souviens quand on était petit et qu'on faisait du vélo ? Il en avait tellement marre que tu te manges le sol qu'il t'avait menacer de t'emballer dans du papier bulle.

Je souris faiblement, c'est vrai et je faisais même exprès de tomber juste parce que ça le rendait dingue et qu'il courait à chaque fois vers moi pour voir si j'allais bien.

-    Je m'en souviens oui. Je bois une gorgée, j'ai l'impression d'avaler de la cendre.

J'entends la petite sœur que j'aurais jamais bouger à côté de moi. Elle se soutient grâce à ces bras, son buste est penché en arrière et elle regarde le ciel.

-    Leve le nez, la vue est plus belle. Me regarde pas comme ça, c'est juste une tombe, son corps y est le reste est partout.

-    Tu me racontes quoi là....

-    Lève le nez je te dis !

Je le fais. Y'a pas beaucoup de pollution lumineuse ici. Le ciel est incroyable. Tout est si beau que s'en ait insultant.

Le ciel noir est parsemé de millions de points lumineux, des étoiles.

-    Même pas une étoile filante...

-    Tu parles, ce serait plus un astéroïde. Réplique Jess avec un sourire dans la voix. Je crois que je souris aussi un peu

-    Ça doit être un de nos ancêtre qui a dezingué les dinos...

-    T'es con, soupire mon amie qui regarde toujours le ciel.

On reste encore un peu tout les deux, on parle plus sa simple présence me suffit. La belle brune s'éclipse avec le lever du soleil.

Bryan finit par me rejoindre à son tour. Il a deux tasses fumantes dans les mains, une de café et une de chocolat.

-    Nos mères on passées la nuit ensemble a parler

J'opine du chef et bois une gorgée de chocolat chaud.

-    Enfile ça, une paire de pompe de sport atterrit sur mes genoux, y'a aussi un sac en plastique. Froc toi.

Je m'habille, four mes fringues noires dans le sac en plastique et commence à suivre le blond qui s'éloigne de moi à petite foulées. Au passage je vois que la fenêtre de sa voiture est ouverte, j'y jette mes fringues.

Ce matin je ne cours pas vraiment. J'avance, je me contente d'avancer toujours un peu plus loin. Je peux pas lui dire adieux, ce sera toujours trop tôt. Trop dur. Je sais pas comment vivre sans lui, il a toujours été là. Il aurait toujours dû l'être.

Ce matin, pas après pas, je perds un peu de mon identité.

Lecteur de mon cœur, tu dois te demander pourquoi j'écris quelque chose de triste alors que je déborde de bonheur ? Normal. Tout simplement parce que j'y vois quelque chose de beau. Oui, chacun sa vision des choses !

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