le tourment de la présence est pis que celui de l'absence.

Djâmi.

— Les plus gros monstres ont des cœurs de fillette ! Je grogne alors que ma mère ouvre les rideaux d'un coup. La lumière me vrille le crâne et me donne la nausée.

Je hais les lendemains de soirée. J'ai un de ces mal de crâne ...

— Debout jeune homme ! Tu connaissais le deal, oui pour la fête à la seule condition que tu te lèves et passes la journée avec ton père et moi, le lendemain.


— Maman ! C'est dimanche quoi !
Je plaide dans le vent, y'a pas moyen de négocier quoi que ce soit avec elle.

— Justement, c'est le jour du Seigneur. Bouge.

Quand elle me dit ça, je la vois à peine exagérer un frisson. Pour elle, la religion se range au même rang que le tofu, non pas par conviction ou je ne sais quoi; non, elle s'est plus par principe. Oui, être dans une case diminue tellement le genre humain qu'il est hors de question qu'elle y entre.

— Tu auras sûrement un appel du lycée demain en après-midi, je lui dis en m'étirant.


— Et pourquoi donc ?


— Je vais sécher la philo.

Plus direct que ça, tu meurs, en même temps pourquoi je lui mentirais ? Et comme le bon branleur que je suis, j'accompagne ma réponse d'un haussement d'épaules. Pas trop vite quand même sinon je vais vomir.


— Je peux au moins savoir pourquoi, me demande ce petit bout de femme.

Un gars me regarde bizarrement m'man. Non, non, on oublie. Il y a de fortes chances qu'elle en parle au paternel en mode « chéri notre fils se fait embêter ». Super ! Ou qu'elle débarque directement et, dans ce cas, je préfère faire face au géniteur de mauvais poil plutôt qu'à elle. Faut être lucide en temps de guerre, elle fait plus peur que l'autre con et faut être du bon côté du canon, elle n'est pas du genre à laisser une chance à ses adversaires. Elle n'a aucune pitié.


— Le prof est un con, je finis par lui répondre, j'aurais pu trouver mieux, mais mes pauvres neurones sont carrément morts à l'heure qu'il est.

Elle souffle et prend mon carnet qui traîne sur la table de nuit, elle dégaine un stylo sorti de je ne sais où et écrit un mot.


— Voilà, ne dis rien à ton père et tu sauras gré de m'expliquer les véritables raisons de ton absence, dit-elle en replaçant le carnet dans mon sac un poil léger, ouais il faut dire que mes livres préfèrent prendre la poussière plutôt que m'accompagner en cours. Je préserve mon dos.
Je me lève enfin, embrasse sa joue naturellement douce et pars dans la salle de bains en lui prenant des mains le linge sale qu'elle a récupéré un peu partout. Je m'occupe de mon propre linge, c'est ma mère pas ma bonne. 
Un peu d'éducation merde !

Hors de question que je le lui explique la raison de mon absence. Sous l'eau bouillante de la douche, le visage de l'abruti s'impose à moi. Les cheveux noirs qui lui tombent sur ses yeux d'un noir profond. Son regard sombre et intense qu'il me lance dès qu'on se croise me fait de plus en plus flipper, des frissons me parcourent l'échine, mon estomac se tord un peu plus. Sincèrement qui regarde les gens comme ça ? Je me sens à poil et aussi viril qu'un chihuahua castré quand il le pose sur moi. Merde !
Je secoue ma tête pour purger mon esprit de ces abysses noirs et sans fond.

Putain ! Ma tête a rencontré le mur en faïence, cette dernière se colore en rouge. Je passe une main sur mon arcade et constate qu'elle gonfle pas mal, je pousse un grognement de douleur. Puis un haut de cœur a eu raison de ma nausée.



Je suis obligé de prendre une petite seconde dans les escaliers pour me calmer. Je passe la journée avec ma mère et son mari à la base, il y a un pot pour le retour des militaires... C'était ça le deal avec elle, OK pour la fête si je joue au bon fils le lendemain, franchement si j'avais eu un avant-goût de ladite soirée, j'aurais refusé...


— Bonjour, je dis sans plus.
L'autre con est déjà installé à table où il y a de quoi manger pour tout un régiment. Pour une fois, il est souriant et me répond.

— Bonjour, ç'a été ta soirée ?

Lui comme moi savons qu'il n'en a strictement rien à foutre, il est juste trop heureux de me pourrir mon dimanche.


— On va être en retard ! Vous mangerez là-bas, il y aura largement de quoi, décrète ma mère. Là, tout de suite, je la déteste.

J'aurais dû la laisser se démerder avec le linge...

Ils parlent tout le long du trajet, il est euphorique, il va pouvoir se vanter de je ne sais pas trop quoi.
Pauvre con.



« Ça va ? »


Bryan qui m'envoie un message ? Soit il m'a vu partir à moitié bien accompagner. Soit il se pose des questions à propos d'hier.



« Yep et toi ?

Normal toi ton pater' et ta mère dans la voiture ?

Ouais, repas de retour, tu sais comme d'hab.

OK. T'expliques pour hier ?

Y'a rien à expliquer. »


Je replace mon téléphone dans ma poche. Il se met à vibrer. Une fois. Deux fois. Trois fois. Je sais qu'il cherche des explications, mais je n'ai pas envie de lui répondre ni de voir ce qu'il a répondu.

Puis il n'y a rien à expliquer ! Le gars là... Louis, il veut des trucs que moi je ne veux pas, point barre ! Non, je ne me fais pas de films certains regards ne trompent pas !


— Adam ne me fait pas honte. La voix tranchante du mari de ma mère résonne dans l'habitacle de la voiture. Mon garde-fou se tourne vers lui à toute vitesse et je jure que si les regards pouvaient tuer, il serait déjà mort...

Je ne réponds pas et sors de la boîte de ferraille, ma mère me touche l'épaule et me sourit le plus gentiment du monde, je me calme instantanément.


Enfin de retour dans ma chambre ! Putain, il était temps au moins j'ai bien mangé puis il y avait des tonnes de pâtisseries.
Le pied !

Le repas a duré toute la journée, mais vraiment toute la journée. J'ai joué au fils modèle pour le plus grand plaisir du géniteur. Pourtant, il ne faut pas être aveugle pour voir que tout ça n'était que de la comédie. On ne se prend jamais dans les bras, pas de regards complices, pas de rire et surtout aucun des deux ne se vante de quoi que se soit vis-à-vis de l'autre. Un vrai jeu d'acteur en gros, de mauvais acteur qui plus est. Puis il ne m'a même pas demandé ce qu'il m'est arrivé alors que ma sainte de mère était prête à ameuter tous les hôpitaux du coin.


À l'heure dite, je sors du lycée, hors de question que je reste enfermer ici alors que j'ai l'autorisation de sécher.
Je pars en direction du terrain de sport, sur le chemin, je passe devant la salle de musique, plusieurs mélodies s'y mélangent et donne naissance à une drôle de symphonie. Par la fenêtre, je vois Estelle qui bouge sa petite tête blonde en rythme, elle a une guitare entre les mains toutes simples en bois. Je trouve qu'elle ne lui correspond pas, son instrument manque de couleur. Elle a dû se sentir observée, car elle regarde dans ma direction et secoue sa main aux ongles vernis de vert et d'orange. Au passage, elle manque d'assommer un gars un peu rondouillard, de là où je suis, je la vois se confondre en excuses et rire de bon cœur.


— Adam, crie cette dernière en se tenant à la poignet de la fenêtre, alors que j'étais sur le point de partir.


— Ouais ?


— À midi au snack avec Bryan, y aura des nanas ! Elle me dit en me faisant un clin d'œil.


— À midi alors ! Je lui réponds avec un petit sourire en coin.
De l'autre côté, j'entends son prof lui demander si elle a besoin d'aide, elle lui demande s'il a un mégaphone. Elle est pas mal dans le genre la petite blonde !

Je me marre et regarde mon portable, deux messages de Jess ... Je verrais plus tard.


Je me laisse tomber comme une masse sur l'un des bancs, sors une bière de mon sac et l'ouvre.
Je vois les gars jouer au foot, l'année dernière Bryan m'avait demandé de m'inscrire avec lui, j'ai dit non. À la base, pour moi, c'était pour les filles, en même temps quand on voit les cheerleaders, on peut comprendre ma motivation.

Dans le fond, j'aurais bien aimé en faire partie, mais ça aurait donné une bonne raison au paternel de ramener sa science.
Les jumeaux m'ont demandé ce matin si on voulait venir à leur soirée, je les aime bien, mais non. Avec eux, il y a plus de substance plus ou moins illicite que de filles alors non. Puis les voir comme ça de temps à autre c'est pas gênant, mais pas plus. Je suis un vrai solitaire moi.

En gros, je suis un branleur qui cherche sa place, tellement clichée !


Sur le terrain, les gars se donnent à fond. Je reconnais Idriss de loin, c'est pas compliqué, avec sa grande gueule pas besoin de voir suffit de bien entendre, il met un grand coup de casque à un autre. Le coach vient les séparer avant que ça ne dégénère, je vois Bryan courir vers eux sans s'occuper des cris, il ralentit quand il voit Idriss faire demi-tour.
Je me lève et siffle bien fort pour attirer son attention, il s'arrête totalement et me cherche quand il me voit, il me fait un signe de la main, je fais de même avec ma bière et me rassois.
La main qui se pose sur mon épaule me fait faire un bond de malade, je me retourne prêt à tuer l'abruti qui m'a fait peur. Je ne sais pas comment je me débrouille, mais je manque de tomber en arrière. L'autre là ! Le con là ! Louis voila Louis ! Me rattrape par le bras.


— Hey, je ne voulais pas te faire peur !


— J'ai pas eu peur ! Je scande juste par ego.

Sa main est toujours sur mon bras, elle me brûle, quand nos yeux se rencontrent, je me perds un instant dans un abysse sans fond, c'est son putain sourire en coin qui me sort de ma transe. J'ai de nouveau envie de lui en coller une.

— Lâche-moi, je gronde. J'ai envie de lui foutre mon poing dans la gueule, son putain de sourire me donne des envies de meurtres. Il retire sa main sans pour autant me quitter des yeux. J'ai froid.


— Je ne savais pas que tu séchais, il dit.


— Pourquoi je dois te faire un compte rendu de tout ce que je fais ?


— Ta vie est à ce point passionnante ? Il me demande en haussant un sourcil, ce con se fout royalement de moi.

- La ferme. Je grogne en le regardant, il me regarde, mais ne me répond pas.

Je serre les poings et les dents. Je me retourne, m'assois et sors une bière.

Merde, c'est la dernière !

Il se pose à côté de moi et nos genoux se touchent, je resserre les jambes et ne cherche pas a réprimer un frisson bien crade qui me parcourt le dos.

— T'es pour qui ? Il me demande en détournant le regard.
Sa voix me sort de mes pensées. Pour qui ? Ah oui, ils jouent contre une équipe aux maillots bleu et noir alors que les nôtres sont rouges et or.


— On s'en fout, c'est un match amical, je lui réponds en crachant presque.


— Si tu devais choisir.

Mais c'est qu'il insiste ce con.

— Pourquoi t'es pas en philo ? Je lui demande sans le regarder.

Pourquoi je lui pose cette question, moi, alors que je m'en fous?!


— Et toi ?
Il me les brise à répondre à mes questions par des questions ce con !
Je me tais, en fait aucun de nous deux ne parle pendant un petit moment. Je sais que je pourrais en profiter pour me tirer, mais il en est juste hors de question ! Comme si j'allais baisser mon froc devant lui ! Ouais non même pas en rêve.


Si ma mère était là, elle me dirait que je ressemble au paternel, car lui aussi est du genre borné et fier, moi je dis que c'est juste le fruit du hasard.


— Je suis pour nous, il me dit finalement en brisant le silence.

Il n'aurait pas pu continuer à se la fermer lui ?

— Quoi ? Je suis conscient que je l'agresse totalement quand je parle, mais j'en ai rien à foutre.

— Pour notre équipe, il répond avec son petit sourire à la con tout en levant le bras dans leur direction.


— Encore heureux ! Manquerait plus que tu sois pour l'ennemi ! J'explose finalement. Ce con me rend nerveux, je n'aime pas ça !


— L'ennemi carrément !

Il se recule jusqu'à ce que son dos touche la marche derrière lui et s'y adosse. Je suis tellement stressé que je suis complètement rigide et reste aussi droit qu'un poteau. Chapeau bas le branleur au bâton dans le derche ...


— Bah ouais, ils ne sont pas de notre équipe alors c'est des « ennemis », je lui réponds les yeux toujours rivés sur le terrain de sport.
Une autre bagarre éclate en bas, les deux seuls gars que je reconnais n'y sont pas pour rien.

— Tu t'es fait quoi à l'œil ? Il me demande en se redressant pour être à ma hauteur, machinalement, je touche ma bosse et grogne. Je me suis fait mal comme un con.

Ce que je me suis fait ? Abruti fini ! Je me suis éclaté dans la douche en pensant à toi. Wôw, un brin tendancieux ça ! Et dégelasse !

— Rien, je lui réponds sans le regarder, j'ai pas envie de me sentir à poil. J'enfonce mes mains dans les poches et me rassure en disant que je suis habillé.
Il lève la main dans ma direction, je me lève d'un bond en hurlant de ne pas me toucher. Il me jette un regard sceptique et me rends compte qu'il faisait signe à Idriss.

Mais quel con !

Je crois que je suis un poil nerveux là. Je tourne les talons sans rien ajouter et pars directement au snack. Mon corps est en vrac et mon esprit c'est pire.


Je passe ma fin de journée avec le grand blond et Jess, on avait cours d'arts plastiques en commun. Quand l'heure de la libération ultime sonne, je pars ranger mes affaires et rentre chez moi. Ce soir Bryan ne rentre pas avec moi, il est avec sa douce, puis un peu de tranquillité ne me fera pas de mal. J'ai l'impression d'être perché depuis ce matin.

Une fois rentré, je m'étale sur mon lit et fixe le plafond comme un abruti, j'ai l'impression que mon bras est possédé. Je crois que je fais une psychose... Il m'a juste touché, rien de plus. J'ai déjà pris le grand blond, et même d'autres gars dans mes bras sans me sentir aussi con et mal ! Puis cette façon de me regarder, non attend ce n'est pas que moi ? Mais non carrément pas !

Putain, je deviens fou, je me passe et repasse la scène des gradins tout en m'arrachant les cheveux.

Sérieux la scène des gradins, j'me prends pour quoi là ? Un amoureux transi ?

— Merde ! Je hurle tout seul comme un con en jetant ce qu'il me tombe sous la main. Mon mur réceptionne parfaitement mon téléphone.
Je me lève enfile un short, des vieilles baskets, un débardeur et pars faire un truc que je n'ai pas fait depuis des années, le tout sous un regard étonné de ma mère. Je vais courir en pleine nuit.
Ce con me rend dingue !


Je sais qu'elle me parle, mais je suis comme sourd, je n'entends plus rien, ne vois plus rien. 

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