Il n'est pas nécessaire d'avoir 100 ans pour être inutile
Christiane Baroche.
Comment sait-on que tout va partir en vrille ? D'ailleurs est-ce qu'on le sent ? Quelque chose nous le dit ? J'crois pas. Par contre voir son meilleur pote, cul gelé de première catégorie, débouler dans ma piaule en tee-shirt/short/tong en plein hiver et manquant d'arracher ma fenêtre est un bon indice.
— Viens ! Il a hurlé son ordre si fort que je suis étonné que rien n'ait explosé. Il n'a pas pris le temps de quoi que ce soit de plus, mais j'ai bien vu ses yeux briller. De la peur mélangée a de la haine pure.
Estelle. Pas de doute. Un frisson glacial parcourt mon corps à la vitesse grand V.
Son visage m'apparaît et explose en plein crane, je fourre mon portable dans ma poche et le suis en chaussettes tout en choppant une veste au passage je lui colle au train, aussi vite que je peux, je cavale a m'en décoller les poumons, mais je le suis comme jamais. Et jamais le trajet jusqu'au lycée ne m'a parut si long j'ai l'impression d'aller au ralenti ou que les murs du lycée s'éloignent au fur et mesure qu'on avance. Comme dans les cauchemars.
Les grilles sont encore ouvertes, car les classes avec des spécialités, comme la musique ou le dessin, finissent toujours plus tard que nous. On passe la grille comme des sauvages, je crois même qu'on bouscule un gars ou alors une nana, j'sais pas trop, mais c'était quelque chose du genre humain. Je sais qu'on court comme des dératés, mais j'ai l'impression qu'on avance pas, qu'il ya trop de monde. Personnes ne comprends qu'il faut se barrer de notre chemin et que mes poumons prennent feu.
Je sais pas trop ce qu'il se passe, ça me fait encore plus flipper, mais si Bryan est sorti comme ça c'est qu'il y a un gros problème. C'est forcement la blonde, Jess m'aurait appelé ou serait directement venu chez moi, je l'aurais su direct d'une façon ou d'une autre j'en suis sur ! Louis... Je l'aurais su aussi !! Idriss m'aurait appelé au pire.
On passe par la petite cour, le seul moyen pour accéder aux salles des musicos sans devoir tout traverser. Il passe devant la salle de cours de la blonde sans ralentir. Je fronce les sourcils, où on va ? J'pourrais le lui demander, mais je sais que ça ne sert à rien de lui parler dans ce genre de cas. Il n'entendra rien, je le sais, car je suis pareil. On vient se chercher juste avant de dérailler, de ne plus rien ni entendre, on est notre garde fou.
Il nous dirige direct vers les chiottes des gonzesses...
Putain !
Un frisson glacial contamine mon corps, c'est à peine si je peux respirer correctement. J'ai tellement peur que j'ai envie de vomir.
Les paroles du pater' résonnent en moi : fixe-toi un objectif et concentre-toi dessus. Il me balançait ce genre de conneries naze quand il me faisait cavaler comme un porc dans la forêt et que je n'en pouvais plus. Je l'écoutais parce qu'a ce moment-là je le considérais encore comme mon père, ouais j'ai eu l'immense connerie d'y croire. J'étais un gosse, faut me pardonner.
Il a ouvert la porte d'un coup si bien qu'elle a claqué contre le mur, la poignée s'est imprégnée dans le mur. Pas incruster, imprégné. Le bruit a résonné dans tout le reste du couloir. C'est lâche je sais, mais j'ai ralentis. J'ai eu peur de ce que j'allais voir. J'ai putain de peur et je ne suis pas le seul, c'est logique en même temps. Franchement, je ne veux pas être à la place de mon meilleur pote.
— J'suis là, chut, j'suis là. Je l'entends lui dire, j'entends aussi qu'il s'agenouille. 'Dam !
Sans plus réfléchir, je débarque dans les chiottes et ce que je vois va me hanter pendant longtemps. Le reste de ma vie au mieux.
La petite blonde est au sol. Ses bras sont autour de ses jambes, sa tête est posée sur ses genoux. Elle pleure, elle pleure tellement que ses épaules tremblent et qu'elle s'étouffe. Elles sont nues.
Bordel ! Putain de bordel de merde !!! Pendant une seconde j'ai les jambes coupées, j'me ressaisis vite, j'ai pas le droit de flancher.
Je me précipite à côté d'eux, mais ne la touche pas, mes mains restent en suspend au-dessus d'elle. Je croise le regard de mon meilleur ami. Noir, furieux et totalement flippé.
Elle essaie de parler, mais elle pleure tellement qu'on ne comprend rien, elle s'étouffe encore et tremble de plus en plus.
Bryan la touche le plus délicatement possible, mais il tremble aussi beaucoup et son geste est un peu plus brusque que ce qu'il voudrait. Elle sursaute et s'enfonce ses ongles dans ses bras.
— C'est moi, c'est moi... Arrête tu te fais du mal. Il lui murmure en rangeant ses mains près de son corps. Il relève sa tête et me regarde totalement paumer. Il pleure aussi, de grosses larmes coulent le long de ses joues, je ne suis pas vraiment sûr qu'il s'en rend compte. C'est aussi la première fois que je vois mon meilleur ami dans cet état et j'sais pas quoi faire. Pourtant je vois à son regard qu'il attend quelque chose de moi, ouais, il attend de moi que je gère, que je les aide. Que je sois fort pour eux.
Je me redresse un peu enlève ma veste et la donne au blond pour qu'il la mette sur les épaules de sa copine. Je crois que c'est une bonne idée. Je sais plus trop non plus.
— Estelle, je commence le plus doucement possible.
— Ma puce, répète son copain en posant une main sur son coude qu'elle a ouvert jusqu'au sang avec ses ongles.
— T'as le numéro de ses parents vieux ?
— Ouais... ouais.
Il vient de comprendre, il se lève sort et je l'entends appeler les parents de la petite blonde.
J'me retrouve tout seul comme un con avec elle sans savoir quoi dire ou quoi faire.
— Tu... Tu veux en parler ? Je tente un peu au petit peu au bonheur la chance. Elle renifle et secoue la tête de gauche à droite. Tu peux au moins me dire qui... qui...
Je ne suis pas foutu de terminer sa phrase, une grosse boule grossit dans ma gorge. Elle menace d'exploser et de faire plier le peu de barrières qui me permettent de ne pas devenir dingue.
— Les Jumeaux...
Elle sanglote tout bas ces deux mots, elle le fait en se blessant de nouveau les bras, elle le fait si bas que je dois me concentrer pour que je comprenne son mot. Je lui attrape les doigts pour qu'elle arrête de se blesser. Elle me repousse aussi tôt en resserrant un peu plus ses jambes autour d'elle.
Je vais les tuer.
Bryan entre de nouveau et se pose à côté de nous, ses larmes ont séchés sur ses joues et au regard qu'il me jette je sais qu'il a entendu ce qu'a dit sa copine. Je le vois serrer ses dents et faire tout son possible pour ne pas péter les plombs. Je pose une main sur son épaule pour lui montrer que je suis là et même si je ne sais pas vraiment ce que je dois faire ou dire, j'suis là.
— Tes parents vont arriver d'accord ? Je... Vais t'aider à te lever. Sa voix est un peu plus ferme je dirai même presque dur. Je sais qu'il le fait pour qu'elle se lève, il ne lui laisse pas le choix sinon elle ne se lèvera pas. Je vois bien aussi que ça lui brise le cœur de le faire. Pour le coup je trouve qu'il a de sacrées tripes. Bien plus que moi.
Ça fonctionne puisqu'elle se détache un peu de ses jambes. Je suis cloué par ce que je vois, il l'a guide par la voix. Elle lui fait tellement confiance qu'elle s'abandonne à lui. Doucement, tranquillement, Il l'aide à se relever et ce qu'on voit a de quoi faire flancher le plus calme d'entre nous.
Son haut est déchiré, on voit ses côtes, son ventre et le renflement de sa poitrine. La ceinture de son pantalon est déchirée elle aussi.
Mon estomac se broie, la bile me monte et pour la première fois depuis un moment mes yeux me brûlent. Je suis incapable de bouger, je suis figé sur place pas foutue d'avoir la moindre réaction. En face de moi je vois mon meilleur ami totalement effaré. La blonde met une main sur le pitoyable bout de tissus qui cache ses seins et l'autre tient tant bien que mal son froc.
— J'attends dehors. Je baragouine soudainement très gêné, au mieux.
Bryan me remercie en hochant la tête.
Je sors la queue entre les jambes totalement dépitée par ce que je viens de voir. Je frotte mes deux mains sur mon visage, je sers mon poing et le colle sur mon front.
C'est ignoble, putain d'ignoble ! Je commence à faire les cent pas dans le couloir tout passe et repasse a milles a l'heure dans mon crane. Je tremble, je ne sais pas quoi faire je voudrais entrer et les aider ! Non je voudrais que ça ne soit jamais arrivé ! Que ces putains de deux blaireaux ne... Jess !
Je dégaine mon portable et l'appel, elle répond à la 3e sonnerie. Autant dire que c'était très long.
— T'es ou !!! J'hurle directement sans attendre qu'elle me salue ou quoi que ce soit d'autre.
— Chez moi, pourquoi ? Elle me demande sur la réserve.
— Bouge pas d'chez toi ! Je beugle en lui raccrochant au nez.
— Je te manque déjà beau brun ? me demande Louis en décrochant plus rapidement que le petit chimpanzé brun, j'entends la voix d'Idriss aussi, il se marre. Adam ? Il me demande au bout d'une bonne seconde de silence.
— Mets le haut-parleur s'teuplais. Je me frotte le front et souffle.
— C'est bon. Sa voix est angoissée ça me tord ce qu'il me reste de tripe.
Je leur raconte ce qu'il s'est passé dans les grandes lignes, le sportif demande tout de suite des nouvelles du chimpanzé brun. À croire qu'il est mordu le con. Louis est le premier à réagir, il me dit qu'il faut l'emmener à l'hôpital et porter plainte. Il essaie aussi de me faire promettre de ne rien faire.
— J'peux pas te promettre ça Louis, on parle du couple de blond là. T'aurais fait la même pour Idriss. Cette fois-ci il met un peu plus de temps pour me répondre.
— Je sais, il commence en soufflant. On peut faire quelque chose ?
— Être là demain.
— Promis.
Je raccroche et le couple de blond sort, elle est recroquevillée sur elle-même et son copain la soutient en l'entourant de ses bras. Elle est vraiment minuscule dans ses bras, ma veste lui arrive pratiquement aux genoux. Il lui manque une chaussure aussi.
— Je crois qu'elle est restée plantée sur ses couilles. Elle essaie de grimacer un sourire, on s'est regardé avec Bryan. Toute une planelle d'émotion est passée dans son regard. Dans le mien aussi je crois.
Soit dit au passage elle porte des compensés... Tant pis pour lui.
— Tes parents ne vont pas tarder.
— J'espère que tu lui en as éclaté une.
Bryan me regarde rapidement avec un éclair bien particulier dans son regard. De la haine pure. Que de la haine.
L'air frais de ce début de soirée me fait frissonner, la pression retombe doucement. Je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé, mais le pire n'a pas eu lieu sinon il ne serait pas comme ça. Je suis soulagé comme jamais, le blond aussi j'imagine.
Ses parents sont déjà là quand on sort du lycée. Sa mère sort de la voiture et se précipite vers elle, son père la suit de près en laissant la porte de leur voiture ouverte. Je ne sais pas trop ce qu'ils disent, de toute façon je crois qu'ils ne me parlent même pas. Je me tiens un peu en retrait, je me sens de trop, la blonde fond une fois de plus en larme dans les bras de sa mère, elles se retrouvent sur les genoux. Estelle n'a plus la force de se tenir debout. Son père remercie son copain, ou alors peut être l'inverse. J'avoue que je perds vite le fil de ce qu'il se passe. Il ya beaucoup de bruit et de mouvement c'est tout ce que je sais.
Elle monte dans la voiture de ses parents après un dernier bisou, elle me fait un sourire un peu spécial et s'en va. Plein de douleur et de peur.
Bryan regarde la voiture s'éloigner doucement et moi je le regarde, il est dans une autre dimension.
Je pose une main sur son épaule, je ne sais pas quoi lui dire. Bien sûr je pourrais balancer tout un tas de conneries, mais il n'a pas envie d'entendre ce genre de chose. Et franchement je ne suis pas sûr de vouloir les dire non plus.
Il ouvre la bouche pour me dire quelque chose, mais rien ne sort. Quelque part je suis pareil.
— Je sais vieux, je sais. Je lui dis en lassant ma main sur son épaule. À à peine deux cents mètres, la voiture s'immobilise et une portière s'ouvre. Je le pousse vers là-bas, il y va d'un pas vif sans se retourner.
Je finis par rentrer chez moi en traînant les pieds, le visage d'Estelle strié de larmes m'accompagne comme une mauvaise ombre.
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