Homme de Vitruve.


Homme de Vitruve.

— Mes cheveux merde !
— Mon jean putain !

En ce dimanche après-midi, seul notre petit groupe, plus ou bien assortit, squatte le terrain de sport du lycée. Pendant que le blond et moi, on se chamaille, enfin, il essaie de me foutre par terre, il essaie juste, Estelle et Louis nous regardent un poil déprimé par le spectacle qu'on leur offre.

Ils ne savent pas ce qui est bon ! On leur en eut pas, on est trop bon pour.

Bryan a commencé en foutant en l'air ma coiffure, le truc que je déteste, forcément, j'm'en suis pris à ses fringues, le truc qu'il déteste.

Il me saute sur le dos et farfouille dans ma sculpture capillaire un peu trop joyeusement à mon goût, je m'essuie les mains, plaines de boue, sur son froc.

— 'Vais te tuer enflure ! Grogne mon meilleur ami en soulageant mon dos de sa présence.
Au loin, j'entends sa copine dire à mon copain qu'on est des gamins.
— Connard, chéri connard. Elle lui crie plus fort en mettant ses deux mains en porte-voix autour de sa bouche.

J'me marre comme le bon branleur que je suis. J'suis pas le seul à entendre Bryan.

Bryan se met à me courser, il a peut-être de très bonnes pointes, mais il n'est pas endurant pour deux sous. En gros, j'ai juste à mettre assez de distance entre nous deux assez longtemps et il se fatiguera tout seul.

Il est parfait ce gars, il fait tout le travail tout seul.

Je me redresse et tape le sol, derrière moi, je l'entends jurer a qui veux l'entendre qu'il va me tuer et m'enterrer dans son jardin. Je me marre et entame la seconde moitié du terrain en beuglant comme si je venais de gagner le Super Bowl.

— Putain ! Je l'entends jurer à bout de souffle en ralentissant malgré lui.
Et voilà ! Je retourne vers eux en trottinant, surtout pour le faire rager.

Idriss et Jess sont parmi nous, le sportif ne boite plus, mais il n'est pas encore prêt à cavaler de nouveau. De temps en temps il se frotte la jambe ou change d'appui. Je pense que d'ici deux petites semaines, il pourra disputer un match. La belle brune sourit de toutes ses dents et gesticule dans tous les sens, au loin, elle nous adresse un coucou avec des grands gestes. Au passage elle beugle je ne sais quoi et pour ne pas la contrarier je lui réponds que je suis d'accord avec elle.

— Belle pointe Adam ! Tu devrais passer les tests, tu ferais un carton ! Me dit le sportif quand je reviens vers la bande.
— Ouais, mais non ! Je lui réponds en lui serrant la main.
— Même pas en rêve. Grogne Louis, je le regarde en haussant un sourcil, son meilleur ami le regarde avec la même tête que moi en enfonçant ses mains dans ses poches, le blond prend sa copine dans ses bras et Jess se bat avec son briquet, un vieux Zipo que son père lui a donné il y a des années. Mais elle n'en a pas perdu une miette. Rêve pas, tu vas pas prendre tes douches à poil avec eux ! Il finit en secouant légèrement sa tête de gauche à droite.

Une mèche rebelle caresse son front, il a beau faire sa tête de gars battu, j'y crois pas une seconde. Il suffit de le regarder droit dans les yeux pour comprendre.

— Ho ça va, il ne craint rien des gars, à part peut-être Dylan. Dit Idriss en haussant les épaules l'air de ne pas y toucher. Son sourire dit tout le contraire.
— Raison de plus !

Je me marre tout seul, je suis vite suivi des autres. Je me penche et l'embrasse sur sa délicieuse bouche. Je me mets une marche en dessous de lui, entre ses cuisses, mes deux bras posés sur chacune de ses jambes, il me fait des va-et-vient sur mon bras avec le bout de ses doigts.

Je frissonne de bonheur.

J'suis au paradis.

Jess me montre une photo d'une fille, une nouvelle conquête, elle a bien dû me dire dix fois son prénom, mais il ne veut pas passer le cap de mes oreilles.

Elle est pas mal, une petite brune aux yeux noire. D'aussi loin que je me souvienne, elle m'a toujours montré les photos de ses futurs exs et d'aussi loin que je me souvienne, elles étaient toujours bonnes.

Un genre de rituel. Un p'tit truc entre nous.

Même si Louis participe à la conversation des bonds et du sportif, je sais qu'il nous observe, je le sens à la pression de ses mains sur mon corps. Comme pour me rappeler qu'il est là.

Je m'appuie donc un peu plus contre lui, franchement y'a pas de risque que j'aille voir ailleurs, je ne me l'imagine pas, juste impossible.

Louis est mon homme de Vitruve. Renoncer à lui c'est comme renoncer au sucre. Impensable.

— Dommage qu'il n'y ait pas d'équipe féminine. Dis rêveuse la belle brune en tapotant ses lèvres avec son doigt.
— Ni des douches en plein air... Rajoute Estelle le regard dans le vague.

Son copain s'écarte d'elle et lui lance un regard qui me fait exploser de rire, la blonde se met à rire aussi. Louis croise ses doigts sur mon torse et me tire vers lui, j'me laisse faire et profite de la chaleur de son corps. Il en profite pour passe sa main sous le col de mon haut. Il fait souvent ce geste.
On passe notre fin de journée sans bouger. On se marre bien et je me sens en sécurité avec eux.

Quel branleur je fais ! J'ai besoin de me sentir en sécurité ! Pourtant c'est bien la réalité, j'ai besoin de me sentir en sécurité, j'ai besoin de me dire que tout va bien et que tout continuera d'aller bien.


Je rentre chez moi avec Louis, on fait un tour sur le terrain des gosses. On se pose sur une balançoire en fer et à la peinture qui s'écaille derrière deux gros sapins. J'ai l'impression d'être dans un cocon coincé entre les arbres et le petit bosquet.

Assis l'un à côté de l'autre, on se balance doucement mes pieds glissent sur le sol laissant des traces de leurs passages. On ne parle pas en fait, on en a pas besoin. C'est bien la première fois que je me sens si bien dans mes pompes, je ne ressens plus de colère ni rien juste une plénitude totalement addictive. Et ce silence... Si doux.

— T'es mon homme de Vitruve. Je murmure en regardant mes chaussures un peu grisées par le sable de ce terrain. Sur ma gauche, j'entends ses pieds racler sur le sol, il vient de s'arrêter.
— Tu sais qu'il est le symbole de l'humanité et que l'homme est considéré comme le centre de l'univers ?
— Je sais.
Je lui réponds simplement en le regardant rapidement avant de reprendre mon observation minutieuse de mes pompes.

Timidité ? Pas forcément, bonheur incroyable. Oui, juste oui.

Ouais, Louis est le centre de mon univers, j'ai mis le temps pour le comprendre, mais c'est fait et je ne reviendrais pas dessus.

Je me sens libre.

Du coin de l'œil, je le vois sourire, pas le petit rictus pour la forme, non, je dirais plutôt que son visage va se fendre en deux.

— Tu sais que c'est une déclaration que tu viens de me faire ?
— Ne me fais pas dire ce que je n'ai pas dit.
Je lui réponds en me balançant de nouveau et levant le nez vers le ciel tout aussi souriant que lui.

Je l'entends rire, j'aime ce son.

— Tu dors chez moi demain soir ?

Je me tourne verre lui, une drôle d'expression plaquée sur le visage. Il se lève et se met, face à moi, ses mains sur les miennes de chaque côté de mon corps.

Ses yeux noirs me télescopent encore, même dans cette demie obscurité, je vois parfaitement chaque trait de son visage et surtout son regard. Plus sombre que la nuit elle-même, il m'envoie dans notre monde ou rien ne compte à part nous deux.

En un mot, il me tient par les couilles. Mais de la meilleure façon qu'il soit.

– Dors à la maison demain. Il me répète, ça sonne un peu comme un ordre, enfin, j'crois que s'en est un.

Est-ce que j'ai envie de passer une nuit entière dans ses bras sous son toit ?

— Ouais. Je m'entends lui répondre où alors j'ai pensé à voix haute ?

Il plante de nouveau sa bouche contre la mienne et approfondit son baiser.

Quand j'aurai cinq minutes, il faut absolument que l'on m'explique comment il a réussi à passer ses jambes sur les miennes et s'asseoir sur mes genoux. Sur ce jeu de gamins innocent, on s'abandonne à des jeux d'adultes dans une douce inconscience.

Sur le pas de ma porte ma mère m'attend, elle essuie ses mains sur son torchon et me sourit comme elle sait si bien le faire. Elle ne dit rien sur le fait que Louis et moi, on sort d'un endroit reculé et qu'il rentre chez lui à cette heure-là.

— Demain soir, je dors chez... Je n'ai pas continué ma phrase, car son mari s'est métamorphosé dans le couloir. Ma sainte mère fronce les sourcils et se retourne.
— D'accord. Elle me répond tout simplement en se tournant de nouveau vers moi, comme quand j'étais enfant, elle me tend une main, que je prends, et me fais rentrer à la maison.

Le pater' ne me demande pas chez qui je dors, pourtant, je sais qu'il a entendu, je l'ai vu à sa tête. Ca lui arracherait la tronche de s'intéresser a ma tronche de toute façon, puis j'ai pas du tout envie de lui parler a ce grand con chauve.


Je suis en plein échange de message avec Louis et Bryan quand ma mère toque à ma porte.

— Ouais ?
— Je voulais juste savoir comment tu te sens ?
Elle me demande en s'avançant dans ma piaule. Faut que tu me ranges ce bordel quand même ! Elle rajoute en poussant les deux trois conneries qui traînent par terre.

Je ricane et me redresse sur mon lit, elle se met en tailleur au bord de mon plumard.

Elle veut savoir si je vais bien, à quel niveau ? Pas trop envie de me prendre la tête.

— Ça va.
— Et pour demain ?

Demain... Bordel vraiment bordel, j'avais pratiquement zappé, sans aucune once de honte.

Je me contente de souffler et d'hausser les épaules. J'sais pas trop quoi dire, j'suis pas débile, on va le sentir passer, ils sont allés deux fois à l'hosto à cause de nous. Je maintiens qu'une troisième fois ne serait pas de trop. Je me frotte le visage avec mes deux mains, le retour à la réalité est rude.

— Bon écoute. Je regarde ma sainte mère et cale mes mains sous mes cuisses. Ton père, quoi que tu en penses, fera tout ce qui est en son pouvoir pour te protéger. Je pince mes lèvres, mais la laisse continuer, en même temps, je n'ai pas spécialement le choix. Demain, tu vas répondre aux questions, honnêtement et surtout, surtout, tu vas éviter de te comporter comme un idiot.

On parle encore quelques minutes avant qu'elle ne se lève.

— Et s'il me cherche ?
— Sois plus intelligent que lui
. Elle me répond en passant la porte. Je sais que tu l'es. Elle insiste en me regardant droit dans les yeux.

Je me retrouve une nouvelle fois seule dans ma pièce, je finis par sortir par le balcon et aller toquer sur la fenêtre de mon meilleur ami. Lui non plus ne dort pas.

— Bière console ? Il me propose quand il m'ouvre.
— Tu as toujours les mots pour me séduire. Je lui réponds avec un sourire de vicelard, je fais mon branleur, mais j'suis tout aussi flippé que lui.

Répondre aux questions honnêtement... Oui, tout dépend des conditions. Je ne sais pas trop, je verrai. Tout ce que je sais c'est qu'on doit faire au mieux et que je vais tout faire pour tenir la promesse que je lui aie faite.

Jess m'a envoyé une photo de son pouce un peu plus tard dans la soirée, elle m'a promis que tout irait bien. Comme un con je pose mon pouce dessus en murmurant un « promis » pas franchement sûr de moi.

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