Guérir parfois, soulager souvent, consoler toujours.


Proverbe français.

Il n'est pas neuf heures du matin que je toque déjà à la fenêtre du blond. Aujourd'hui, on est jeudi et qui dit jeudi dit le jour ou Estelle et ses parents passent devant le juge. En soit Bryan et moi, on n'a pas à être stressé où quoi, mais on l'est. Il s'agit quand même de la petite blonde.

J'l'ai pas spécialement eu au téléphone, mais je le connais, je sais qu'il tourne comme un lion en cage dans sa piaule et qu'il regarde mille fois par minute son portable.

Je ferais pareille, puis j'aime bien la blonde, c'est une femme et une femme, ça s'embrasse ça ne se baise pas. Elle m'a accepté aussi. À prit mon partit dans le snack il y a ce qu'il me semble des siècles.

— Vire-moi ton jean et mets ça. Je lui dis en guise de bonjour quand il m'ouvre la fenêtre en même temps, je lui tends un de mes survêts'.
— Tu veux que j'en fasse quoi ? Il me demande en me regardant comme un fou.
— On va cavaler un peu ça va te détendre, puis t'auras de nouvelles avant cette aprèm et si tu restes comme ça, tu vas devenir complètement taré. Enfin un peu plus quoi. Je termine avec un sourire de vicelard et en haussant les épaules.
Il grogne, je ne sais pas trop quoi, mais il me prend quand même ce que je lui tends, il enfile ses pompes de courses, beugle à travers sa maison qu'il s'en va et me suit.

— Dégage-moi ces merdes ! Je grogne quand il met ses écouteurs. Avec ta musique de barbare, tu vas te tuer en moins de deux.

Il souffle et les mets dans sa boîte aux lettres en passant, je sais que je lui prends la tête, qu'il a juste envie qu'on lui foute la paix, mais j'peux pas, c'est mon meilleur ami. Puis lui et moi, on sait qu'il ferait la même chose si c'était moi dans son cas et j'crois pas qu'il ait vraiment envie de rester seul.

Puis courir ça fait du bien. Je ne le sais que trop bien, enchaînez les kilomètres jusqu'à être trop crevé pour réfléchir, c'est une façon saine de s'anesthésier le crâne. La plus légale aussi. Surtout.

Bryan est un très bon sprinter, je l'ai vu se bouffer la moitié du terrain de foot à une vitesse de grand malade, mais il n'a aucune endurance et il le sait alors il se cale à mon rythme et me suis sans trop râler.

En un peu plus d'une heure, on se retrouve dans la forêt, cette même étendue d'arbres et de roches qu'il y a quelques semaines j'ai foulée comme un grand malade. À ce moment-là, j'vais fais le trajet en un bon quarante-cinq minutes, je ne courrais pas pour courir, je cavalais comme un lapin pour me fuir.

Souvenir douloureux.

Bryan est contre un arbre, le souffle court, il se redresse et se tient droit pour prendre de grandes inspirations et calmer son cœur. Je vois son regard vadrouiller un peu partout, incapable de se poser, son corps fatigue peut-être, mais son esprit lui, n'est toujours pas tranquille.

— On continue. Je lui dis, il me regarde et je jurerais que s'il pouvait me tuer sur-le-champ, il le ferrait.
— T'fais chier ! Il gronde un peu plus fort que besoin tout en passant devant moi et en me percutant l'épaule.

Il fait le grand méchant, mais il ne se dirige pas vers chez nous, non, il s'enfonce dans la forêt. Je souffle, souris et lui emboîte le pas, je le laisse me devancer. Quand il court ça se voit que c'est un sportif, il est droit et ses foulées sont régulières comme le pater' m'a appris à le faire.

Je n'aime pas les méthodes de ce grand con de chauve, mais je dois bien avouer qu'elles sont utiles, surtout celle-là.

Je sais que je ne le fatiguerais pas sur un terrain plat, pour le moment, il tient la distance, mais ça ne va pas durer. Je le siffle pour qu'il me suive et l'embarque dans un chemin déjà plus accidenté. C'est un petit raccourci pour rentrer plus rapidement, mais en général, les gens ne le prennent pas, il faut sauter, monter, descendre des rochers plus gros que des bagnoles.

Il me suit sans plus broncher maintenant, il se tait jusqu'à ce qu'on atteigne le parc des gosses. On se met l'un face à l'autre pour commencer nos étirements. Je ne m'attarde pas sur ses joues rougies ni sur son souffle erratique, mais plutôt sur son sourire de vainqueur.

— T'avais raison. Il me dit en étirant ses bras au-dessus de sa tête.
— Pour une fois que ses conseils me servent à quelque chose. Du menton, je pointe la voiture du mari de ma mère.

On se marre tous les deux, ce qui est bien quand on a un pote de toujours, c'est qu'on n'est pas obligé de remplir les silences.

On se rentre chacun de notre côté pour prendre une douche et après on se rejoint pour aller voir la blonde, c'est Jess qui vient nous chercher.


— Vous êtes allés jusqu'où ? Me demande ma sainte mère quand je passe par la cuisine, pieds nus.
— On a fait le tour de la forêt et on est rentré par le raccourci. Je lui réponds en avalant d'un trait un grand verre d'eau.

Elle me sourit et m'en remplit un nouveau, son mari passe la porte à ce moment-là et me regarde de haut en bas.

Je souffle, vraiment pas envie aujourd'hui. Trop de chose en tête et franchement pas envie.

— Tu as besoin de quelque chose Adam ? Il me demande, sa question me cloue sur place, je reste bête avec on verre d'eau.

Depuis combien de temps il ne m'a pas demandé ça ? Non, en fait est-ce qu'un jour, il m'a même demandé comme j'allais ? Voilà ça s'est une vraie bonne question.
Si j'ai besoin de quelque chose ? Franchement, oui. J'ai besoin d'une bagnole, d'un bon gros chèque pour mon compte en banque, d'un nouveau PC et accessoirement d'un père qui me dise que tout ira bien. Que rien ne sera retenu contre nous, que la bourse de mon meilleur ami ne va pas sauter, qu'on n'aura pas d'emmerde, qu'il me dise qu'il est fier de moi et surtout qu'il ne me juge pas vis-à-vis de mon copain. Voilà de quoi j'ai besoin grand con !

Non. Je sais que c'était une tentative de sa part, mais j'ai pas le courage, pas aujourd'hui.

Aujourd'hui, je dois être là pour le couple de blond et qu'il faut que je me bouge.

J'suis pas démonstratif, tout le monde le sait, mais je ne sais pas là, j'en ai besoin, j'ai besoin de sa douceur. Jess sait, je ne sais pas ce qu'elle sait, mais elle le sait et pour le moment, ça me suffit à me calmer. Louis le ferait aussi bien, je tiens pas mal à lui, même beaucoup, mais ce petit singe brun à un truc bien a elle. Un truc de petite sœur.

Putain, je deviens vraiment trop sentimental.

— Vous pensez que ça va donner quoi ? Nous demande la seule fille de notre trio devant le tribunal.

Bryan souffle et enfonce ses mains dans ses poches, je lui donne un petit coup d'épaule auquel il me répond par une grimace de sourire.

— Ça ira. Je m'efforce de lui répondre, elle me sourit en retour et plonge son regard vert et noir dans le mien, au bout de quelques secondes, elle se place entre nous et capture nos mains.

On doit faire un sacré tableau : trois branleurs qui se tiennent la main adossée contre une voiture qui part en lambeaux. Je me marre tout seul quand je me rends compte qu'à nous trois, on fait presque toutes les orientations sexuelles.

Adaptation qui disait.
Le blond passe d'une jambe à une autre et frotte son cou dès qu'il le peut.

— Bryan. Je lui murmure.
— J'ai mal au bide.
— T'angoisses
. Lui répond avec une toute petite voix Jess.
— Putain imagine que...
— La ferme
. Je le coupe. Ça va aller, tu le sais non et t'as dit toi-même que nos Pater' nous ont protégés et je suis sûr qu'ils ont aussi fait quelque chose pour elle, alors ne t'inquiète pas. Je finis presque dans un chuchotement, je fais le fier, du moins j'essaie, mais je suis dans le même état que lui.

On se replonge tous les trois dans un silence absolu, on est tous perdus dans nos pensées les plus sombres. Je ne veux pas que sa bourse saute, je ne veux pas qu'on se tape des heures de travail d'intérêt général, pas pour ça, pas à cause d'eux, je ne veux pas qu'ils ne soient pas punis.

Y'à des tonnes de trucs que je ne veux pas, mais je veux surtout que le temps passe plus vite, attendre comme ça me rend dingue.

J'ai envie de bouger, de me frotter mon visage avec mes deux mains, d'enfoncer mes mains dans mes poches, mais je sais que si je le fais, ils verront tous les deux que je suis aussi flipper qu'eux et ça ne va aider en rien. Alors je prends sur moi et essais de penser a des choses sympas. J'évite de trop penser à Louis sinon au bout d'un moment c'est porno land dans mon crâne, mes trois pauvres neurones ne sont pas foutus de se garder en laisse.

En deux temps, trois mouvements, le blond se jette en avant et se met à cavaler vers sa copine fraîchement sortie. Jess et moi allons vers eux plus doucement, non pas que je ne crève pas d'envie de savoir, mais je pense qu'un peu d'intimités leur fera du bien.

Ouais, je sais, j'suis un gars bien sous mes quelques couches de bon branleur de base.

Je salue les parents d'Estelle d'un mouvement de tête et pose une main sur l'épaule de mon meilleur ami.

— Maman, papa, je vous présente Adam et Jess. Dis la blonde en nous faisant un immense sourire, je me détends aussi sec.
Oui, je me souviens tu étais la le soir quand... Commence son père qui a de grosses valises sous les yeux.
J'opine du chef, je ne sais pas quoi leur répondre en fait.
– Je ne suis pas censé dire ça, mais... merci, merci d'avoir fait ce que vous avez fait tous les deux. Dit sa mère les yeux légèrement humides.

Elle ne le dit pas clairement, mais elle nous remercie aussi pour les coups. Ironique hein ?

Pour le coup, je suis gêné, j'ai pas spécialement l'habitude qu'on me complimente et encore moins pour en avoir foutu une a quelqu'un.

— Toujours à deux, hein Adam ! Dit le blond en me donnant un coup de coude, je souris et marmonne un "ouais" en opinant une nouvelle fois du chef.

— Ç'a donné quoi ? demande Jess en s'accrochant à mon bras.
— Lorris et Jorris vont aller dans un centre pour délinquants juvéniles dès ce soir, ils ont aussi une amande et interdiction de m'approcher et de retourner au lycée. Réponds Estelle.
— Et pour vous deux. Son père fait des allers et retours avec sa main entre Bryan et moi. Rien.


Rien.
Rien.
Rien.

On le savait, mais l'entendre c'est carrément autre chose.

Le blond se retourne souriant et en un clin d'œil, on se prend dans nos bras et on se marre, il embrasse sa copine pendant que je serre la main aux seuls adultes présents, Jess saute partout et hurle de bonheur. Moi, j'ai envie de chialer, pas de pleurer comme un gosse a qui on a confisqué sa connerie du jour, mais de soulagement. Comme un bon fils à sa mère que je suis, j'envoie un message à ma mère et un à Louis.

On a parlé encore un bon moment sur les marches grises de crasse de ce bon vieux tribunal, les doubles portes se sont ouverte en laissant place aux deux salops, entourés de flics et leurs parents le nez vers le sol. Sûrement trop honteux d'avoir pondu ses deux parfaites merdes.

Il ne faut pas oublier que Bryan et moi sommes de bon branleur de base, par réflexe, j'ai poussé la belle brune derrière moi, il a fait la même avec sa blonde. Je les ai regardés passer devant moi et descendre les marches. Je ne suis pas sûr, mais l'un des deux doubles avait un rictus bien crade croché sur son visage.

Le coude du blond s'est mis devant moi, comme la fois dans le couloir du lycée, alors non, je n'ai pas rêvé, il y a bien un truc dégueulasse.

— Y peuvent plus rien faire.
— J'sais.


Mais on n'y croit pas pour deux sous.

Le soir même, on se retrouve tous aux bars dans le centre commercial, j'crois qu'on en a besoin. Puis on doit le fêter dignement ! Sinon ça sert à quoi la jeunesse ?

Quand Louis passe pas loin de moi, je me lève d'un bond, capture son visage entre mes mains et l'embrasse. Je l'embrasse sans me soucier du regard des gens, sans me soucier de rien. Là, j'ai juste besoin de lui d'exprimer ma joie et mon soulagement. Il me répond en m'entourant de ses bras et je le sens sourire contre ma bouche.

— Les bonnes mœurs merde ! Beugle Jess en touchant les seins de sa gothique, faut que je retienne son prénom un jour, après tout elle a la même depuis plus de deux jours !


Bien sûr, tout le monde se marre.


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