« Ce qu'on risque révèle ce qu'on vaut. »
Jeanette Wintersone.
— Adam ! Courrier ! La voix de ma sainte mère résonne dans toute la baraque, bien trop tôt à mon goût, comment un si petit bout de femme peut elle avoir un si grand coffre ?
Je grogne et me lève, enfin me redresse, car elle est déjà dans ma chambre avec le fameux courrier qui bouge dans tous les sens. J'ai tellement la tête dans le cul que je mets un temps avant de comprendre qu'il ne bouge pas tout seul, mais grâce à ma mère.
La dernière fois que j'ai reçu une lettre, déjà, elle n'était pas aussi épaisse, et c'était pur un renvoi. Ma mère ne m'avait pas réveillé pareil, en fait, elle ne m'avait pas réveillé du tout, mais je n'ai pas pour autant passé une semaine de vacances, j'ai presque regretté le lycée.
Non en faite je l'ai carrément regretté !
Je lui prends l'objet de sa surexcitation et essaie de connecter mes trois neurones, hier, où ce matin, on fêtait encore les dix-huit ans de Bryan. On s'est franchement bien marré. Sa copine nous a improvisé un petit concert et effet, c'est une daube en chant, mais elle se défend plutôt pas mal avec sa guitare, qui avait des traits rose et jaune, un peu partout. Idriss a dû récolter une bonne dizaine de numéros, en même temps un quater back de presque deux mètres à la peau mate et aux yeux clairs font forcément des ravages.
Jess et la gothique ne se sont pas vraiment lâchés, enfin la seconde n'a pas lâché la première et la première était trop occupée à se marrer comme une baleine avec tout le monde, surtout le sportif, faut vraiment que je me penche sur leurs cas... Louis et moi... On était avec tout le monde et surtout, on s'affichait.
Sûrement grâce à l'alcool, ouais grâce à ça.
En bref, j'ai passé une putain de bonne soirée et j'étais invisible, ouais invisible, j'ai pu embrasser Louis lui prendre la main devant tout le monde sans que personne ne nous remarque. En fait, c'est comme les conneries, plus elles sont grosses et visibles moins les gens les voient. Sauf que nous deux on est pas connerie, ou alors la plus belle de ma vie.
— Alors ! Me presse ma mère qui remue tout mon matelas à force de sauter dessus, j'avoue que j'ai un peu de mal à coordonner mes mains et mes yeux. Ça a dû la gonfler, car elle me l'arrache des mains en sifflant et l'ouvre d'un coup d'ongle précis.
C'est flippant, j'ai presque l'impression de le voir briller comme un couteau.
Elle se racle la gorge et commence la lecture en s'installant un peu mieux sur mon pieu, je range un peu mes jambes sur le côté pour qu'elle ait assez de place.
« Suite à notre entretien du 20 octobre 2016 à 14.00, je vous confirme, Monsieur Laurence Adam, qu'aucune charge ne sera retenue contre vous. Cependant, je tiens à vous rappeler que compte tenu du Code pénal établi dans notre pays, il n'est pas possible de se faire justice soi-même. »
Ma mère a un sourire à damner tous les dieux existants où non, j'suis pas mieux je baisse le nez sur ma couette.
— Il a rajouté quelque chose à la main. Elle me chuchote puis continue sa lecture d'une voix plus calme.
« En tant que psychologue agrée, je pense être en droit de vous dire que votre comportement n'est qu'une fade réplique d'un être que vous n'êtes pas, je vous imagine bien me dire que je ne sais pas de quoi je parle, mais je pense finalement que votre réaction aurait été tout autre si nous étions face à face. Adam, tout à fait entre nous si juste un quart de la population adolescente aurait vos convictions, votre bagou et votre intégrité, je serais au chômage technique. Cependant, ce n'est pas le cas, grand bonheur m'en fasse. Jeune homme, je vous souhaite énormément de bonnes choses, car, une nouvelle fois, entre vous et moi, vous êtes le vrai reflet d'un adulte en devenir. Monsieur Ulton Julien Psychologue fédéral des États-Unis d'Amérique »
— Et c'est moi qu'il est fait ! Beugle ma mère en tapant sur le papier du revers de sa main. Franchement, ça vaut tous les diplômes ! Elle rajoute en parcourant les lignes une nouvelle fois. Par contre tu me liras ça. Elle me tend le rappel à la loi qui fait au moins six pages.
— J'ai pu besoin d'aller au lycée alors ? Je lui demande avec un sourire de vicelard et un sourcil relevé un brin provocateur. Par contre je blanchis à vue d'œil quand elle remue le tas de papier sous mon nez.
— Même pas en rêve. Elle me répond tout bas, je sais qu'elle essaie de me menacer, mais son sourire et ses petites rides autour des yeux la trahissent.
— Pour pas que t'es trop l'air à la masse, tu veux que je fasse sans blanc d'être impressionner ? Un éclair sauvage traverse son regard, j'suis mort.
Mais comme le bon branleur que je suis, j'me marre, elle me rejoint bien vite et sort de ma chambre en me laissant mon précieux sésame en main.
Moi, je m'étale de nouveau sur mon lit et sourit comme un con à mon plafond.
C'est Bryan qui me sort de ma contemplation en toquant sur la baie vitrée de ma chambre. Il a sa tronche de " lendemain de soirée bien arrosée" en gros, il ne ressemble à rien. Les cheveux dans tous les sens et les yeux explosés.
Le temps que je me lève et que je fasse les trois pas qui me séparent de lui, il a dû m'insulter une bonne trentaine de fois, car il se les caille, il fait bon moi je trouve, surtout dans mon lit.
— R'garde ce que j'ai eu ce matin. Il me tend son courrier, j'me marre et lui donne le mien. La seule chose qui est en commun est le premier paragraphe. Le plus important en même temps.
Quand il a fini de tout lire, il me le rend et siffle.
— Hé bée mon gars, tu lui as tapé dans l'œil !
— J'crois, t'as vu toi ils ne sont pas foutus d'écrire ton prénom correctement. Bryan n'aime pas beaucoup de choses, en fait, c'est un gars facile à vivre, mais il hait quand son prénom est mal écrit.
— Ouais t'as vu ! R'garde ça sa fait pédé comme ça ! En même temps qu'il finit sa phrase, il reprend son papier le secoue et ouvre grand les yeux.
Ouais cette phrase, on la sort souvent comme ça sans trop réfléchir, mais là, elle prend un autre sens, enfin pour lui moi m'en branle.
— Ça fait peut-être gay oui, mais toi t'en ferais un très mauvais de toute façon. Je lui sors en le regardant tout en me balançant sur mes pieds d'avant en arrière et en haussant les épaules.
— Ha ouais ? Et pourquoi ? Il me demande avec une lueur de défis. Pendant qu'il me répond, je le contourne et me dirige mine de rien vers ma porte, regarde ses pieds et commence à tourner la poignet.
— T'en as une trop petite. À peine, j'ai fini de dire ma connerie que je me précipite dans le couloir et dévale les escaliers quatre par quatre, je l'entends me suivre et beugler qu'il va me montrer si elle est trop petite. Moi bien sûr, je me fous de lui.
— Bryan Stockler ! Que tu cours dans ma maison en hurlant des insanités passe encore, mais que tu le fasses toujours chausser, c'est hors de question ! Éructe la maîtresse de maison en sortant de la cuisine torchon prêt à fouetter le malotru aux pieds chaussés.
J'ai goûté une fois où deux ont son coup de torchon, j'en garde un souvenir douloureux. Ma mère est un monstre et une maniaque des pompes.
Il se stoppe net regarde ses pieds et franchement voir tout le désarroi sur son visage m'a achevé, je m'écroule comme une merde sur un fauteuil du salon et part dans un fou rire à réveiller tout le quartier. Le blond remonte les marches non sans m'insulter au passage. Ma mère le corrige dans sa diction au passage.
— Connard chéri connard. Résonne la voix, un poil enrouée, de la blonde. Elle a dû passer par ma piaule, car elle est en haut des marches et essaie de rester sérieuse quand elle voit son copain remonter vers elle en grognant des trucs d'une politesse incomparable à mon égard.
— Ma maison est un moulin. Râle ma mère en passant devant son mari, lui regarde la scène, mais ne dit rien, pour une fois, je vois clairement qu'il sourit. Je savais pas que ce grand con était fourni avec la fonction " risette", comme quoi on en apprend tous les jours !
J'ai aussi appelé la belle brune, c'est fou ce qu'elle est expressive quand elle le veut ! En tout cas elle est heureuse pour nous. Soulagée aussi, cette fois c'est acté, plus rien ne changera.
En milieu d'après-midi, après avoir raccroché avec Louis qui venait de se réveiller, c'est à mon tour de venir dans l'antre du blond. Il est assis au sol avec sa manette entre la main, mais sa télé est éteinte.
— Nouvelle façon de jouer ? Je lui demande quand on se pose tous les deux.
— J'crois que j'ai un peu la tête dans le cul. Il me répond en laissant tomber ses bras devant lui. On est clean. Il reprend presque aussitôt en basculant sa tête en arrière contre son lit.
— On est clean. Je répète en l'imitant.
— C'était franchement bien hier. Il dit surtout pour changer de sujet, on n'a pas l'habitude de s'étaler dix ans, surtout quand il y a un risque de débordement sentimental.
— Ouais. En même temps, je lui tends mon cadeau. Lui et moi, on a pris l'habitude de se donner nos paquets quand on est que tous les deux, à la base, c'était surtout par ce que c'était des trucs pas toujours très licites où des choses qui ne doivent pas forcément être au vu de tout le monde, surtout nos parents, puis c'est devenu un genre de rituel.
Il le prend et l'ouvre après s'être redressé. Il sourit comme un gosse en découvrant l'autoradio dernier cri que je lui ai pris.
— Putain, tu gères ! Il me dit en retournant la boîte dans tous les sens. T'imagines pas comment je vais me la péter ! Musique à fond et tout !
On s'met à parler d'un peu de tout, mais à lui, j'peux pas et veux pas lui cacher grand-chose, il remarque bien vite qu'y a un truc qui ce ballade dans mon crâne.
— Donc ?
— Hier, on était invisible. Je lui dis avec un petit rictus. J'veux dire, on était...
— Invisible. Me coupe mon meilleur ami en me donnant un coup d'épaule. Franchement, ça faisait plaisir à voir.
Je baisse le nez et remonte un genou contre ma poitrine.
— J'ai géré.
— Tu as porté tes couilles.
— Ouais. Je souffle, pas peu fière de moi.
— On passe à l'étape suivante ? Ce soir au gymnase, on sera tous déguisés. Il me dit comme ça en haussant les épaules. J'étends ma jambe devant moi et souffle un bon coup, je commence à flipper sec.
Quelque part hier, c'était facile, je ne connaissais pas ces gens, au lycée c'est déjà pas la même chose. En temps normal, j'me fous des gens, j'm'en fou par ce que ça ne regarde que moi, là, c'est autre chose, s'ils me jugent, ils jugent directement Louis et indirectement Bryan, sa blonde, Jess et Idriss. J'connais le blond, je sais ce qu'il fera, je ferais la même.
— Ce soir... ouais. Je répète sans grande conviction.
Un silence s'installe entre nous deux, je sais qu'il a envie de me dire un truc, mais il me laisse le temps de mettre en ordre le bordel ambiant qu'il y a dans mon crâne.
— Bryan. Il incline la tête vers moi. Si... 'Fin, j'veux dire, si pour la rentrée, j'me ramène avec Louis, tu seras dans l'coin ? Je finis ma question en me frottant le visage avec mes deux mains.
— En couple ? J'opine du chef. Espèce de grand con quand tu te rentrer là-dedans. Il cogne trois fois avec son poing fermé sur le haut de ma pauvre caboche. Que toi et moi, c'est à deux et que ça ne va pas que dans un sens ? T'sais quoi lundi matin, tu te ramènes au lycée avec ton mec comme un vraie putain de couple que vous êtes !
— Y'aura des retombées. Je souffle en étirant mon cou.
— J'suis prêt mon vieux. Il se redresse.
— Si ça part trop en vrille, ta bourse v...
— 'Fais pas chier avec ça ! Il me coupe un poil énervé. Tu sais avant le Foot J'avais des projets et j'en aurais après. Il hausse les épaules. Puis si un jour, on m'demande si je ne regrette pas, j'répondrai que non, car j'ai aidé mon meilleur pote et son copain à vivre au grand jour.
Je baisse le nez et souffle pour expulser ma trouille qui me vrille les tripes, une trouille qui ne sert à rien puisque je ne suis pas seul.
— À deux ? Je lui demande.
— Question inutile. Il me répond en tendant son poing.
— Réponse inutile. Je lui réponds en le percutant avec le mien.
— Au passage, parles-en à Jess. Elle a connu cette situation aussi.
Je ne lui réponds pas, dans le fond je sais qu'il a raison. Le truc c'est que Jess est bien la seule à pouvoir me pousser à réviser mon jugement vis-à-vis de l'autre grand con chauve alors...
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