Chapitre 7 - Rumeurs
Edelweiss et Ameris se sont éloignées des deux autres, allant en bordure du village. La professeure viendra calmement s'asseoir sur une petite muraille en pierre, avant de prendre la parole. L'espace d'une courte seconde, Ameris fut prise d'un léger vertige, mais elle décida de blâmer sa fâcheuse tendance à oublier de manger pour l'expliquer.
"A te voir ainsi, on pourrait douter de toutes les rumeurs à ton propos."
"Les on-dit n'ont aucun intérêt. Peu m'importe ce qu'il se raconte, même si cela me concerne."
"Par exemple, l'une de ces rumeurs mentionne une guerrière aux deux épées, l'une baignée dans les flammes, l'autre abritant le tonnerre. Une combinaison dévastatrice ! Paraît-il que l'une des méthodes que tu préfères est d'entourer ta cible de flammes, que tu échanges ensuite par plusieurs coups de tonnerre ? Une méthode d'une rare cruauté, mais qui témoigne d'un immense savoir-faire."
"Un problème avec mes méthodes ?"
"Absolument pas. C'est même plutôt rafraîchissant de rencontrer une soldate qui assume son côté sauvage sans honte."
"Sauvage ?"
"Et par ailleurs, mes méthodes sont bien loin d'être orthodoxes selon beaucoup. Jamais je n'oserais te jeter la pierre, Ameris."
C'est assez évident, mais Edelweiss ne répond qu'à ce qu'elle a envie de répondre. Elle ne cherche pas à le cacher, et sans réelle raison, personne n'ose le lui faire remarquer. La préceptrice est sans doute l'un des génies les plus éminents de tout le continent d'Asphodel, au bas mot, et à ce titre, qui diable oserait lui tenir tête ?
"Et bien, si vous accordez de l'intérêt à ces rumeurs, c'est que certaines sortent du lot. Alors, impressionnez-moi."
Edelweiss souria doucement. Son interlocutrice n'avait aucune idée de quoi dire, ni même de pourquoi elle était là. Une ignorance bénie, dans laquelle elle se plaisait beaucoup. Sans surprise, la préceptrice en profitait tout autant, si ce n'est plus.
"Paraît-il que ton ambition serait de régner sur le quatrième plateau. Une autre rumeur dit que ta naissance relève d'un phénomène magique unique en son genre. Encore une autre suppose que tu es en vérité morte, mais que quelqu'un vous a ramenée par nécromancie, ce qui expliquerait pourquoi tu ne sembles pas avoir une quelconque limite en combat. Que ce soit magique, ou physique."
Ameris soupira. C'était pire que ce à quoi elle s'attendait, surtout la dernière. Les faibles n'ont donc jamais entendu parler du talent ? Et la seconde était tout autant grotesque. Cela dit, la soldate reste assez extraordinaire. Son seul échec, assez méconnu, reste la fois où le lycanthrope fuyard lui a échappé. C'était il y a trois ans, elle l'a chassé pendant un an, avant de finalement l'affronter. Mais ce dernier, une bête alliant la couleur de l'ambre et un blanc pur, était bien plus puissant qu'initialement prévu, la menant vers un échec. Pas une défaite, seulement un échec.
"C'est simplement pathétique. Permettez-moi d'exprimer mon opinion, Dame Edelweiss... Je suis fermement convaincue que ceux qui propagent de telles rumeurs le font pour rassurer leur égo. Leur égo fragile, je dirais même."
Celle aux cheveux cendrés rigola doucement et gracieusement, avant de reporter ses deux yeux couleur or sur son vis-à-vis.
"Tu es très... virulente, Ameris."
"Toutes ces foutaises ne sont pas dignes de mon temps."
"Ça se tient... Loin de moi l'envie de t'ennuyer davantage, alors passons au vif du sujet... Votre Majesté."
L'espace de quelques secondes, le visage impassible d'Ameris exprima de la surprise, avant de froncer les sourcils. Elle était prête à dégainer ses lames, selon la direction que prendra cette discussion.
"Expliquez-vous, Edelweiss."
"Si c'est la grande Ameris d'Asphodel qui me le demande, je me dois d'obéir."
C'était de la provocation, c'était même évident. Le sourire d'Edelweiss restait le même, mais un nouvel élément venait de s'y ajouter : c'était un sourire qui disait "je sais, et j'en profite". Ameris n'appréciait nullement le fait que cette femme dangereuse en sache trop sur elle, et tout ce que cela supposait ne la réjouissait certainement pas.
"Ahh... En toute honnêteté, je n'ai fait aucune recherche à ton propos. Je n'ai pas non plus étudié la famille de nos dirigeants. Par ailleurs, leur soi-disant prestige ne m'intéresse nullement, après tout, ils ont renoncé au Royaume depuis quelques décennies déjà... Bien que l'actuelle dirigeante soit très nostalgique de cette époque."
"Venez en aux faits. Ma patience a des limites."
Edelweiss lança un regard en coin à son interlocutrice, qui ne suspectait toujours rien des manigances de la préceptrice, alors que son petit jeu avançait relativement bien. C'était trop simple, tellement que son interlocutrice ne semblait se soucier de rien : malgré ses airs, sa garde était relâchée. Cet aspect autoritaire n'était qu'un mauvais jeu.
"Soit, soit... Et bien, simplement, j'ai deviné ta vraie identité. A dire vrai, si je ne connaissais pas l'intégralité des légendes les plus obscures concernant les origines de ce monde, je n'aurais pas pu supposer quoi que ce soit. Le feu représente la forme la plus primitive de l'humanité, la foudre représente la fureur des cieux. Seul un être situé à la jonction des deux peut les maîtriser."
Un raisonnement qui se base entièrement sur des légendes et les croyances religieuses, donc un raisonnement qui manque de fondement bien réel. Ameris était pour le moins perplexe, pour elle, Edelweiss savait autre chose, que comme à son habitude, elle ne comptait pas dévoiler.
"Vipère que vous êtes..."
"Qui de nous deux est la plus vicieuse, finalement ? Moi, banale érudite, ou toi, héritière d'une royauté déchue, cherchant à s'insinuer dans chaque faille de ce continent ? Et je n'oublie pas ton obsession pour la vengeance."
"Comment..? Que savez-vous à mon propos ?"
L'une des deux lames d'Ameris fit son apparition dans sa main droite, mais Edelweiss restait souriante.
"Rien. En revanche, je sais tout de ton désir de vengeance. Et pour ne pas contourner le sujet, je vais te le dire de suite : j'ai pénétré dans ton monde intérieur."
Ameris fronça les sourcils. Ça n'avait pas de sens. De ce qu'elle savait des capacités de ceux capables de visiter les mondes intérieurs, les circonstances n'étaient pas propices. C'était simplement impossible, dû aux limitations du pouvoir lui-même. La soldate en vient alors à la conclusion que la préceptrice savait autre chose, mais quoi ? Et comment ?
"Je vois ta confusion... Tu te souviens avoir ressenti un faible vertige ?"
"Ça n'a pas de sens. Vos pouvoirs, aussi insensés soient-ils, ont des limites."
"Des limites que tu connais grâce à mon élève. Tu penses que moi, sa préceptrice, partage ses lacunes ? Les barrières là pour le restreindre ? Ta remarque est simplement stupide, ma pauvre."
Elle se releva, toujours équipée de son infaillible sourire.
"Je n'ai pas besoin d'entretenir un contact physique, ou d'être proche de ma victime. Je n'ai pas non plus à me focaliser sur la personne que j'étudie. Et par ailleurs... J'ai décidé de te faire ressentir ce vertige. C'était un signe avant-coureur, que tu as malheureusement ignoré. Pourtant... Les rumeurs à mon propos sont toutes suffisamment évocatrices."
C'était une défaite totale pour Ameris qui pensait avoir la situation sous contrôle. Et elle ne pouvait que se blâmer elle-même. Edelweiss et Celes partagent la même base de capacités, mais il est évident que la professeure les maîtrise bien mieux, et ne souffre pas des mêmes limites. Si tant est que ses capacités aient des restrictions, fait qu'elle remettait sérieusement en question.
"Mon but était d'en apprendre plus sur vous. Tu as fait l'erreur de m'accorder ta confiance, et ce, malgré les rumeurs. Ne te tourmente pas trop, cela dit... Mon but n'est pas de te faire du mal. A moins, évidemment, que ce but soit le tien. Hm-hm... A bon entendeur."
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