Chapitre 3 - Curiosité

L'une des innovations ayant propulsé l'Institut à ce qu'il est aujourd'hui est sans doute les cercles de téléportation. Le nom est assez évocateur, ils permettent de se téléporter de l'un à l'autre, tant qu'ils sont actifs.                                                                                                                                            Il est tout de fois bon de noter qu'ils ont des limites, et que les habitants des trois premiers plateaux n'ont pas la possibilité d'en bénéficier, sauf si l'Institut ne leur donne une autorisation spéciale, et seuls les membres approuvés de l'Institut en disposent.  Sans surprise, Ameris et Celes en font partie.  

"Je me demande comment se sentent ceux qui subissent une liquéfaction..."

"Tu veux essayer ?"

"Non, non, non ! Sûrement pas ! Puis, de ce que l'on sait, cela pourrait arriver à n'importe qui, n'importe quand..!"

Ameris regarda son camarade droit dans les yeux, pendant que celui-ci semblait réaliser bien des choses. Tout se voyait si facilement dans ses yeux. Tant de possibilités, tant de scénarios catastrophes défilaient... Peut-être qu'aucun ne deviendra réalité.

"Effrayé ?"

"Peut-être qu'un jour quelqu'un s'est endormi, et ne s'est jamais réveillé... Ou s'est réveillé sous forme de flaque. Ou peut-être qu'un autre passait une bonne journée, quand soudain-.."

"Tu te fais du mal."

"Hm, je vais arrêter d'y penser ! Essayer, du moins."

C'était un mensonge, évidemment qu'il allait continuer d'imaginer tous les pires scénarios envisageables. Il ne pense pas pouvoir être affecté, mais la simple idée d'être victime d'un tel châtiment sans raison lui est insupportable. Mais encore une fois, devenir un lycanthrope serait presque pire.

"Par ailleurs, Celes. J'ai entendu les gardes face au cercle de téléportation mentionner que le lycanthrope disparu serait ici."

"Ici ?!"

Il y a trois ans, un lycanthrope mêlant blanc et la couleur d'un ambre plus clair que la normale s'est échappé de sa prison, et, malgré une longue recherche, n'a jamais été capturé à nouveau. Après un certain temps sans nouvelles, il aurait été aperçu ici même. Ou peut-être qu'Ameris s'essaie à l'humour.

"Sur le second plateau."

"Oh... Il n'y a pas de raison pour qu'il me cherche, hein..?"

"Absolument aucune."

C'était de l'ironie. Edelweiss est celle ayant donné pour ordre d'enfermer tous les lycanthrope, pour les 'étudier'. Attaquer l'un de ses élèves serait un moyen de se venger d'elle. Un moyen adapté pour un ignorant, mais suffisant pour donner l'impression de réussir quelque chose. Bien des gens se contentent d'encore moins que le minimum syndical, en particulier les plus désespérés. 

"... J'aurais dû rester enfermé dans mes quartiers."

"Il est trop tard maintenant."

"Ce n'est clairement pas la peine de me le rappeler !"

Ils venaient d'arriver à destination. Un petit village de paysans, tout étant en assez mauvais état, des bâtisses jusqu'aux habitants, et pas que leurs vêtements. A côté de cela, Celes et Ameris sont resplendissants. C'est plutôt raccord, pour deux nobles. L'une, de naissance, l'autre, grâce à la chance.

Ameris avait mémorisé la carte, alors elle guida son compagnon jusqu'à destination, une maisonnette en plutôt bon état, décorée de quelques ouvertures dans son bois. La porte était gardée par une vieille femme.

"Vous, là ! Vous êtes les cabots de l'Institut ?!"

"... Ameris Gazestorm, capitaine de l'Ordre de Temperantia, ainsi que Celes... Celes, disciple émérite de Dame Edelweiss. Le plaisir est le nôtre, madame."

"Ferme ton clapet et réponds !"

"... Oui."

Ameris essayait de rester courtoise, malgré la glissade vis-à-vis du nom de Celes, qu'elle ne connaît pas. Et malgré le comportement de cette femme, elle restait de marbre, même si au plus profond d'elle-même, elle mourrait d'envie d'offrir à cette femme une fin prématurée. Cela dit, au-delà du dégoût et de la colère dans la voix de celle-ci, sa détresse semblait évidente.

"Et bah il était temps ! Secouez-vous, mon petit fils va mal !"

Elle ouvre la porte, menant à une seule grande pièce, avec un lit caché par un paravent.

"Votre petit fils se trouve..."

"Là derrière ! Et c'est le blanc-bec qui doit s'en occuper ?"

"Oui, c'est bien moi, madame-..."

"Vous vous foutez de moi ?! Ceux de votre plateau, vous gardez tout pour vous ! Et on a même pas le droit à de l'aide compétente ?! Non, on doit se contenter de gosses qui viennent à peine de naître !"

"Je ne suis pas si jeune, mad-"

"Silence ! J'ai peut-être, deux, trois voire quatre fois ton âge !"

"Madame, je peux vous assurer que Celes est compétent. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour sauver votre petit fils."

C'était faux. Sa mission était de s'introduire dans le monde intérieur du malheureux, pas de le soigner, ou de ralentir quoique ce soit. Le duo avait déjà convenu de déclarer que rien ne pouvait être fait, et de présenter une somme plus ou moins alléchante en compensation.

"Y'a intérêt ! Et toi la fille, tourne les yeux ! T'avises pas de regarder !"

"Si c'est ce que vous souhaitez."

Ameris se retourna, alors que Celes était profondément mal à l'aise.

"Je peux..?"

"A ton avis, bouffon ? Oui ! Secoue toi !"

Il gardait son calme, et décida d'avancer en direction du paravent, qu'il replia doucement. Le spectacle sous ses yeux était macabre. La victime ne se liquéfie pas réellement, son corps prend des caractéristiques de la peinture, avant de lentement couler jusqu'à perdre toute solidité.

A ce titre, les couleurs du jeune garçon sous les yeux de Celes étaient peu naturelles, irrégulières, et 'baveuses'. Il s'agenouilla pour avant tout observer le drap du lit, qui avait déjà commencé à absorber ce qui coulait du corps, qui malgré tout restait principalement en place.

Le regard du blond navigua jusqu'au visage de la victime, ses lèvres ayant coulé le long de sa joue droite, de même pour ses yeux ayant respectivement coulé à gauche et droite, son nez s'est affaissé créant un amas de peinture moyennement solide. En quelques secondes, Celes examina le reste du corps, c'est-à-dire les vêtements de la victime, et à en juger par leur état, la liquéfaction était en bonne voie tout du long.

Le jeune homme rassembla sa droiture et son courage, afin de prendre la parole sans que sa voix ne tremble.

"Madame, voulez-vous bien déployer le paravent ? Et ne pas regarder, par ailleurs. J'aimerais ne pas être dérangé."

"C'est moi qui dérange peut-être ?! Sale petit-.. Si on était pas coincés sur ce plateau, rien de tout ça ne serait arrivé ! Et pourquoi les dirigeants empêchent de quitter le continent, hein ?! Ah mais attention, je dérange le héros blond venu nous sauver ! Tu t'attends à ce que j'te récompense, aussi ?!"

"Madame-..."

Ahh, je comprends ! C'est mon regard qui te fait peur ? Monsieur est privilégié, et né avec une cuillère en argent dans la bouche, mais un petit regard lui fait peur ? Mauviette ! Secoue-toi et aide mon gamin !"

"Je ne veux pas vous offenser mais-"

"Le fait que t'existes est une offense, c'est mal parti ! Dépêche-toi !"

"Si vous tenez réellement à votre petit-fils, vous accéderez à ma requête."

"Tu te fous de moi ?!"

Le temps presse, madame."

Elle déplia le paravent, furieuse, de façon à cacher Celes et ce qui restait de son petit-fils. La remarque n'avait aucunement pour but d'offenser la vieille dame qui sans doute cédait à la pression. Celes n'était pas fier de la cruauté de la chose, mais il fallait faire avec.

Il soupira, avant de se concentrer sur les restes du visage de son 'patient'. Il ferma les yeux et se concentra. Compte tenu de son état, Celes n'allait pas avoir à établir de contact physique ou d'y mettre du sien pour s'introduire au cœur du for intérieur du malheureux. Trois pauvres secondes de concentration, c'était tout ce dont il avait besoin. Et le voici, dans le monde intérieur de la victime. L'horizon à perte de vue, recouvert d'une petite surface d'eau. C'était tout ce qu'il y avait à voir.

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