Chapitre 27 - Mise en place
"Elle m'a demandé d'apprendre la nécromancie en prévision de ce jour. Grande sœur est morte à cause de sa malédiction, le fait d'avoir été transformée en une sirène. Alors, mon but est de la ramener à la vie, mais... J'ai déjà essayé, et elle n'est pas elle-même ! Il lui manque son âme. Peut-être devrais-je m'adresser à Caelestis..? Si je lui offre un spectacle à sa convenance, peut-être qu'elle rendra son âme à ma sœur. Il en a toujours été ainsi : on s'en remet au divin, lorsqu'il n'y a plus d'issue. Il n'y a pas de honte à ça. Le faire pour ma sœur, c'est le faire pour notre Sauveur. Que Sa Divinité me guide."
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Asphodel, étant un ancien Royaume, a tout naturellement gardé son Palais, situé au point le plus élevé du cinquième plateau. Autour de cette titanesque et somptueuse demeure, il y a naturellement la capitale, et, bien qu'elle ne soit pas aussi impressionnante qu'Eleutherius, elle n'a dorénavant plus de rivale.
Edelweiss apprécie aller dans les différents cafés pour découvrir les différents mets à savourer, car oui, elle n'aime pas que l'alcool ! La nourriture est une forme d'art, et elle sait l'apprécier. Cette fois cependant, la préceptrice n'était pas seule lors de sa visite dans l'un des cafés, elle était accompagnée de Sonah.
Seulement deux semaines se sont écoulées depuis l'incident d'Eleutherius, et pourtant, le lycanthrope semble se porter relativement bien. Ce qui a le plus surpris Edelweiss, c'est bien que Sonah a insisté à plusieurs reprises pour l'accompagner dans ses visites, que ce soit en ville ou dans le Palais, chose qui était absolument inimaginable il y a seulement quelques jours de cela. Toutefois, le jeune homme garde ses limites : il n'adresse pas la parole aux inconnus, et c'est sans doute parce qu'elle est là pour l'accompagner qu'il se permet d'être plus aventureux.
Au-delà de ça, quelques autres changements mineurs sont à observer : son nombre de sourires hebdomadaires, aussi vagues ou brefs soient-ils, a triplé. Que ce soit grâce à un bon repas, une belle vue, un livre, une bonne paie... Car oui, il a également décidé de regarder dans une taverne du coin les quelques contrats déposés pour les mercenaires. Il s'est jeté sur le plus offrant, accessoirement le plus dangereux, et l'a complété en quelques heures à peine. L'argent ainsi obtenu sera, nul n'en doute, utilisé pour les bonnes choses.
Actuellement, les deux se trouvaient sur une espèce de balcon terrasse déserte d'un café, qui offrait divers mets fruités. En l'occurence. Là où Sonah s'est laissé tenté par la crème brûlée, Edelweiss a commandé trois cafés différents.
"Tu aimes ?"
"... Je pense..?"
"Quelle précision admirable."
Le lycanthrope souria nerveusement, à la recherche d'une réponse.
"Je... J'aime bien !"
Edelweiss souria à son tour.
"J'ai toujours su que tu avais des goûts de luxe."
"Comment ça ?"
"Actuellement, nous sommes dans l'un des meilleurs cafés de la capitale, et tu n'aimes que 'bien'. Tu sais, cet établissement existe depuis quelques décennies, et se chargeait fut un temps de préparer les desserts à chacun des anniversaires de Régina."
"... Oh... Mais ! Mais donc, ça... coûte cher ici ?"
"Oui. Pas suffisamment pour me ruiner, je te rassure."
"Ohh..."
"Je pensais que tu allais te laisser tenter par... leurs fruits..? Toi qui ne mange presque que ça."
"Mh-mh, ils sont modifiés par magie."
"Ce n'est pas un mal d'utiliser la magie pour les faire pousser plus rapidement."
"J'imagine..? En tout cas, ça change leur goût."
Il n'en a pas l'air, mais Sonah a quelques centres d'intérêts. L'un de ceux qu'il avait lorsqu'il était enfant était... le jardinage. Par chance, la résidence secondaire d'Edelweiss a un jardin plutôt imposant. La préceptrice se préparait à enchaîner, mais c'est le lycanthrope qui fit le premier pas plus rapidement, étonnamment. Avec un certain manque d'assurance toutefois.
"D'ailleurs, Edel..."
"J'écoute."
"Tu... Enfin, est-ce que tu as quelque chose de prévu bientôt ?"
"Non."
"C'est... surprenant !"
Même si ses occupations ne sont pas forcément toutes bien pertinentes, Edelweiss a, habituellement, toujours quelque chose à faire, d'où la surprise de Sonah.
"Mh, je pourrais peut-être aller voir ma professeure. Dame Vitalina d'Asphodel."
"...Une professeure ?"
Une deuxième surprise pour celui-ci.
"N'exagérons rien, j'ai toujours eu d'immenses talents naturels. Elle m'a simplement enseigné l'alchimie, et m'a aidée à établir quelques connexions utiles sur ce continent. Hormis cela, tout ce que je sais, c'est de naissance."
"Naissance..?"
"... Oui ?"
"Ohhh... J'ai toujours cru que tu... Enfin, je pensais que tu avais juste fait ton apparition un jour !"
"C'est le cas."
"... C'est dur de penser que naître est possible..."
Elle haussa un sourcil, alors que Sonah regardait au loin. Après deux longues secondes, il agita les mains nerveusement face à lui-même.
"P-pardon, je raconte n'importe quoi..! Je parle beaucoup, non..?"
"Du tout."
"J'ai l'impression de rêver-..."
Un éclair de génie traversa l'esprit de la préceptrice. Le moyen le plus efficace, à sa connaissance, d'évaluer les limites du lycanthrope.
"Il y a une méthode pour savoir si oui ou non tu es dans un rêve. Un secret, détenu par moi, incarnation du Déicide, donc infaillible."
"Ohh... Essaie..? Enfin, si tu peux-..."
Edelweiss souria, en avançant lentement sa main vers la joue droite de Sonah. Elle pinça sa joue tendrement, sans chercher à lui faire mal, sous le regard perplexe du jeune homme.
"Après une analyse approfondie, non, ce n'est pas un rêve."
"A-analyse..?"
Edelweiss bougea sa main de droite à gauche, la peau de la joue du lycanthrope suivait, mais elle arrêta, avec un sourire taquin sur les lèvres. Elle lâcha son vis-à-vis, qui lui était assez perplexe.
"Fut un temps tu ne m'aurais pas laissée te toucher. C'était aussi un moyen pour moi de vérifier si c'était bien un rêve."
"Oh-... Pardon... Enfin, je pense..?"
Edelweiss avait une idée de pourquoi Sonah avait changé. Concrètement, il se forçait, c'était sûr, et la raison était simple : il se sentait coupable de ne jamais avancer au-delà de ce qui lui déplaît, de ne pas se faire violence, et surtout de ne jamais prétendre. Clymene, lui, a passé sa vie entière à prétendre, et c'est sans doute de là d'où vient la culpabilité du lycanthrope.
"Nul besoin de t'excuser ! Mais revenons en aux faits... La dernière fois que j'ai vu Vitalina, tu étais encore très jeune. Je suis persuadée qu'elle sera très heureuse de te voir à présent !"
Par pure coïncidence, bien plus bas, au premier plateau, Ameris parlait de la dénommée Vitalina.
"Elle est la femme du précédent roi, Hemlock d'Asphodel, et tout naturellement, elle a pris son nom le jour de leur mariage."
"Donc... C'est elle, la mère de Régina..?"
"Oui."
"Elle doit être... vieille."
"Une vraie antiquité, en effet. Mais qu'importe. Elle était à la tête de l'Ordre de Tempérantia, avant de prendre sa retraite... Laissant la place à Régina. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas là pour discuter de ma famille."
Celes réfléchit quelques instants, pour se remémorer le plan. Il avait encore tous les détails en tête, et jusqu'à présent, tout se passait à merveille. Mais c'est la suite qui allait poser problème.
"Eh, ça doit bien faire... Trente minutes que l'on marche..? On ne voit pas le bout de ce tunnel ! On a tourné, on est montés, descendus..."
"Silence."
Celes avait très envie de se plaindre, mais il n'en dit rien, préférant obéir à cet ordre, malgré lui. Il tendit l'oreille, pour entendre des sons, et quelques voix même. Et pour une raison qui lui échappait, il entendait également Lorelei. Le duo avança, les voix étant assez distantes pour l'instant, mais après quelques minutes à avancer dans le silence, Ameris remarqua le son des pas de quelqu'un qui avançait dans leur direction. Ils ne tardèrent pas à rencontrer l'origine de ces pas : Lorelei. Hyalis, la masse informe qui l'accompagne constamment était agglutinée autour de son bras droit, seul une excroissance qui imitait la forme d'une tête de félin ressortait, au niveau de l'épaule de la dame.
"Celes, Ameris ?"
"Dame Lorelei ! Vous êtes rapide !"
"Je ne pense pas que ce soit le bon terme... J'ai simplement emprunté un chemin plus rapide. Puis-je savoir ce que vous faites ici ?"
"Nous aimerions rencontrer les habitants du premier plateau, les hérétiques. Nous n'en avons pas croisé jusqu'à présent."
Le visage félin se retourna vers Lorelei, qui lui lança un regard en coin également.
"Ma foi, c'est bien étrange... Même Hyalis ne sait pas pourquoi il n'y en avait pas à l'extérieur."
"Vous pouvez communiquer avec cette... Enfin, Hyalis, je veux dire ?"
Celes avait très envie de qualifier la masse noire de chose, mais de peur que sa supérieure ne le prenne personnellement, il se ravisa bien vite. Ce qui ne lui échappa pas, car celle-ci lui jeta un regard glacial. Elle semblait cependant pensive, jetant régulièrement des regards à la masse sur son épaule, qui semblait particulièrement agitée.
"Hm, qu'importe. Il y en a plusieurs là d'où je viens. Avancez simplement en ligne droite, et-..."
La masse fit apparaître un bras miniature pour toucher de son bout la joue de la chercheuse, qui soupira.
"Hm, tout compte fait, suivez-moi."
Elle tourna les talons, suivie de près par les deux. Après dix secondes de silence, Lorelei reprit la parole.
"Par ailleurs, Celes... Un avertissement. Oh, et écoutez également, Ameris."
"Mh ?"
"Hyalis est mon frère. Je ne vous permet pas de lui manquer de respect. Il n'est ni une chose, ni un monstre. Je n'aurais aucun regret à vous faire disparaître séance tenante au prochain impair. Ce sera mon seul et unique avertissement."
Elle ne s'était pas retournée, et son prétendu frère, toujours enroulé autour de son bras, ne s'était pas retourné non plus. Le ton de Lorelei était particulièrement autoritaire, indiquant qu'elle était bien sérieuse dans ses propos qui, certes pourraient paraître prétentieux, mais avaient possiblement un fondement bien réel. Après tout, nul n'a jamais vu Lorelei se battre, ou peut-être simplement que plus personne ne peut en témoigner.
Les deux camps semblaient avoir chacun leurs propres plans. Reste à savoir qui atteindra le point de non retour en premier.
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