Chapitre 18 - Aria
Aucun des deux n'a besoin de dormir. Enfin, dans le cas de Sonah, il est surtout très résistant face au sommeil. Edelweiss, elle, n'a pas ce besoin.
Toutefois, le lycanthrope, qui pourtant semble avoir une affinité particulière avec la nuit, n'était pas reposé, ni apaisé. Cela n'avait pas de lien avec le fait que cette maudite cité était toujours active, qu'importe l'heure, mais bien avec le fait que son instinct lui criait que quelque chose était en préparation, non loin de lui. Il a décidé de ne rien dire à Edelweiss qui, de son point de vue, semblait se porter comme un charme, mais qui en parallèle enquêtait sur certaines choses d'elle-même. Alors il ne voulait pas la déranger, tellement qu'il a décidé de rejoindre la résidence de Clymene seul... Quitte à se perdre.
Il a passé la nuit à suivre Edelweiss qui, elle, en bon papillon social, discutait ici et là. Une diversion pour au final visiter de nombreux mondes intérieurs. Cela dit, cela faisait bien trois heures que Sonah avait décidé de partir dans son coin. Il a préféré s'éloigner de la ville le temps de "recharger" ses "batteries sociales" avant de revenir à la charge peu après l'aube, heure approximative de son rendez-vous, pour rejoindre Clymene.
En suivant son instinct, Sonah avait finalement réussi à trouver l'endroit en question, sans se perdre, mais avec de nombreux détours pour esquiver les zones trop peuplées.
Quelle ne fut pas sa surprise de voir Clymene qui l'attendait déjà, et que celui-ci était aussi radieux qu'en journée. La noblesse ne dort jamais.
"Sonah ! Je dois dire, je pensais que tu serais plus en avance."
"Pardon..! J'ai... Fais quelques... détours."
La raison était assez évidente pour quiconque connaît un tant soit peu le lycanthrope.
"Nul besoin de t'inquiéter. Et si l'on se rendait à l'Opéra Helena ?"
"D-déjà..?"
"Il n'y aura personne à cette heure là."
"N-non, c'est juste que je... Je suis juste spectateur."
"J'ai quelques privilèges."
Il lança un clin d'oeil à son ami, avant de commencer sa marche. Sonah décida bien vite de le suivre.
"Tu es... Tu as l'air détendu."
"Je le suis toujours. Cela t'étonne ?"
"Oui... Je veux dire, tellement de monde attends l'opéra de ce soir ! Et..."
"Tu veux dire que certains semblent obsédés par celui-ci ?"
"Comme si leur vie en dépendait."
"Hm, ça ne m'affecte nullement. Tu sais, sur scène, je suis mon personnage. Tout se passe toujours à merveille... Alors pourquoi céder à la panique ?"
La magie de Clymene est sa capacité à laisser des esprits jouer via son corps, tout en restant maître cependant. Ainsi, il est capable de tout sur scène, rien n'est hors de sa portée. De même, il peut altérer sa voix sans limites. Alors oui, il n'échoue jamais.
Mais Sonah se doutait que si Clymen était aussi détendu, c'était simplement parce qu'il ne réalisait pas tout à fait la chose. Mais surtout en raison de son état mental. Intérieurement, Clymene est ce que l'on pourrait qualifier 'd'au fond du trou'. Lorsque l'on atteint un certain point de rupture, il devient bien complexe d'exprimer des émotions.
"M'sieur Clymene !"
C'était la voix d'un enfant qui se précipita vers la célébrité locale en courant.
"Ne cours pas ainsi ! Tu risques de tomber."
"Ce s'ra pas la première fois !"
A en juger par différents facteurs visuels, cet enfant est l'un de ceux chargés de vendre les journeaux chaque matin.
En vérité, dans cette ville, certains dispositifs de l'Institut Fortitudo flottent toujours au-dessus de la ville et jettent dans les airs les nouvelles du jour, gratuitement, pour qui les veux bien. Après un certain temps au contact du sol, les journeaux disparaissent automatiquement. Seuls les vendeurs sont capables d'utiliser ces dispositifs, mais eux, qui restent sur terre, distribuent des journeaux exclusifs qui contiennent les nouvelles les plus croustillantes concernant le continent entier ou les artistes les plus réputés, et ça, ça a un prix : très élevé.
"M'sieur Clymene, vous voulez que j'ramène un journal chez vous ?"
"Nul besoin ! Mais... Comme à chaque fois, tu vas le faire malgré tout ?"
"Peut-être~!"
"Si ton plan est de m'endetter, tu auras besoin d'encore plusieurs siècles de loyaux services."
"Et bah à dans quelques siècles !"
La petite vendeuse regarda sur le côté, remarquant un garçon aux yeux vairons à l'air quelque peu anxieux. C'était évidemment Sonah.
"Et toi, m'sieur ? Tu veux un journal ? Certaines nouvelles sont folles ! Paraît qu'un artiste s'est transformé en flaque !"
"E-en.. Flaque..?"
"Si tu veux les détails m'sieur, tu vas devoir payer !"
Sonah hocha la tête négativement. Visiblement, il n'en voulait pas.
"Sûr ? Eh, t'as pas l'air très noble pour quelqu'un qui traîne avec m'sieur Clymene !"
"... Peut-être..?"
"Tire pas cette tête ! T'as pas l'air d'un sans-le-sous non plus ! Juste, ça m'surprends d'voir quelqu'un de banal avec m'sieur Clymene."
"Vous-... Hm, tu te poses trop de questions-..."
"C'est important ! On sait jamais ce qu'on a sous les yeux. P't'être même qu't'es un lycanthrope ! Ce serait horrible."
Si seulement la petite vendeuse savait...
Sonah essaya tant bien que mal de rester de marbre, mais il sentait que ses capacités d'acteur étaient plus qu'insuffisantes pour masquer ses émotions plus de quelques brèves secondes. Toutefois, un nouveau flot d'émotion vient l'assaillir, coupant court à celles provoquées par la remarque de la vendeuse, au moment où Clymene déposa sa main sur son épaule.
"Petite, accuser autrui d'être un lycanthrope n'est pas acceptable. Tu pourrais bien perdre ton emploi, si tes accusations venaient à s'ébruiter. Peut-être pire, en sachant que Sonah est un ami très cher à mon coeur."
"P-pardon, m'sieur Clymene ! Et pardon aussi m'sieur So-... So quelque chose !"
Clymene tourna les yeux vers Sonah qui semblait assailli par beaucoup de ressentis différents. Il se contenta de sourire tendrement au lycanthrope, tout en laissant sa main sur l'épaule de celui-ci, avant de reporter son attention sur la vendeuse.
"N'ai pas peur, d'accord ? Si jamais des oreilles indiscrètes essaient de propager des rumeurs à ton propos, ou en rapport avec la présente discussion, je prendrais les mesures nécessaires pour y mettre fin. Personne n'aimerait m'avoir comme ennemi, après tout !"
Il souria à nouveau, mais simplement parce qu'il le fallait, ce que des yeux innocents ne pourraient pas comprendre."
"Eh, le monsieur aux yeux bizarres..!"
Sonah n'écoutait qu'à moitié. C'est presque comme si son cerveau venait de subir deux courts-circuits à la suite.
"Ehh, ohh..? M'sieur !"
"O-oui..? Pardon, je-.."
Comme souvent, il ne termina pas sa phrase. Mais aucun soucis, car la fille était prête à débiter toujours plus.
"J'dirais rien à propos d'toi dans le journal ! Personne d'autre, aussi. Les autres ont trop peur de m'sieur Clymene ! Mais... J'ai été méchante, alors si jamais un jour t'as b'soin de quelque chose, vient m'voir, et je f'rais de mon mieux !"
"Mais-..."
"Pas de mais ! Je suis plus jeune, mais j'peux aider quand même ! Allez, à une prochaine fois !"
Et elle plia bagage sans attendre plus. Sonah venait de vivre un ascenseur émotionnel sans précédent. D'abord anxieux, puis légèrement apaisé lorsqu'il a rejoint Clymene, à mal à l'aise lorsque cette fille a commencé à parler-, il ne se sentait pas à sa place, en passant par la terreur brute lorsque celle-ci a mentionné les lycanthropes, jusqu'à enfin quelque chose d'incompréhensible suite au contact de la main de Clymene sur son épaule, sans oublier son sourire.
Il souffla un coup, pour reprendre ses esprits. Ce qui résulta en un échec lorsque Sonah réalisa que Clymene fit passer sa main tout le long du bras de son cher lycanthrope, pour saisir délicatement sa main avant de continuer à avancer. Ce n'était que via ses doigts, pas sa main entière, mais c'était si inhabituel, inattendu, et pourtant cette sensation était incomparable. De la sensation d'une main à travers le tissu fin, à son contact le long du bras, jusqu'à celle procurée par le contact entre celle-ci et la main du lycanthrope, c'était là nombre de sensations auxquelles Sonah n'a jamais été habitué. Lui qui ne supporte habituellement pas que quelqu'un ne le touche ou que ce soit, il faisait malgré tout une exception pour Clymene, pour bien des raisons, mais avant tout car ces ressentis étaient diablement agréables.
Peut-être venait-il seulement de le réaliser, mais il n'y a qu'en présence de Clymene que Sonah oublie sa propre nature, ce cauchemar qui le suit en chaque instant. Ce n'est qu'en présence de Clymene qu'il se sent relativement apaisé, et qu'il se voit comme quelqu'un. Vraisemblablement pas quelqu'un de complet, mais comme quelqu'un malgré tout.
Tout semblait tellement meilleur à chaque instant passé aux côtés de cette célébrité. Mais Sonah ne pouvait s'empêcher de se demander si ses sentiments étaient véritables, et pas aussi factices que ceux des personnes qui arpentent les rues de cette cité chaque jour ?
Il avait quelques raisons de penser que lui, ressentait quelque chose de vrai. Mais il ne savait pas quoi, ni même si ce sentiment était partagé.
Sa seule certitude était qu'il voulait que jamais ne cela cesse. Il voulait profiter de la présence de Clymene pour toujours.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top