Chapitre 12 - Coupable
Via diverses méthodes, il est plutôt simple pour Edelweiss de repérer qui elle veut, et donc de surveiller. Tout naturellement, elle n'allait pas laisser son lycanthrope le plus précieux sans surveillance et, bien que les actions de Celes ont réussi à la surprendre, elle a immédiatement ressenti que quelque chose n'allait pas. Si Celes avait fait le choix de tuer Sonah sur le champ, Edelweiss aurait été contrainte de prendre certaines mesures expéditives. Mais ce n'est pas le cas, ce qui ne l'empêchera toutefois pas de faire regretter ses actions à son disciple impertinent.
"Je n'ai vu aucun changement sur ta mémoire, et aucune trace de son passage dans ton monde intérieur. Il a sans doute simplement décidé de t'assomer un coup, puis de fuir."
"Je vois..."
Manipuler les émotions, le comportement, et les souvenirs, voilà les trois aspects principaux de la magie de ceux capables de se rendre dans des 'mondes intérieurs'. Des pouvoirs qui permettent tout, qui au final font de leurs utilisateurs des cibles à abattre. En conséquence, ils doivent se montrer irréprochables et essentiels, auquel cas, il suffit de les éliminer en faisant passer leur mort comme un 'malheureux accident'.
"Ce petit coup qu'il a utilisé est une méthode d'assassinat, seulement, dans ton cas, Celes n'y a pas mis toute sa volonté. Tu t'es donc seulement évanoui."
"...un assassinat..?"
Encore une fois, il ne se pose pas la bonne question. Mais la préceptrice se contenta de sourire.
"Pour simplifier, si tu peux exister, c'est grâce à quelque chose dans ton petit crâne." Venant joindre les mots à l'acte, elle toucha du bout d'un doigt le front de son disciple, qui lui recula de quelques pas. "Cette attaque est comme une onde, dirigée vers ce qu'il se cache dedans. Si le lanceur sait ce qu'il fait, alors la mort est instantanée. S'il n'est pas sûr de lui ou ne s'est pas suffisamment préparé, la victime sera simplement inconsciente, ce qui malgré tout reste dangereux. Par ailleurs, tout ça, ça ne s'applique qu'aux débutants."
"Je me doute..!"
"Mais rien n'est sûr. Peut-être qu'il voulait t'éliminer sans délai, mais dû à tes capacités, il n'a pas réussi. Quand bien même tu aimes le nier, tes capacités sont formidables."
Sonah n'est pas orgueilleux, et loin d'être vantard. Pour le lycanthrope, parler des bonnes choses à propos de lui-même est difficile, cela le rend mal à l'aise. C'est tout le contraire pour le négatif.
"Je... Pense avoir fait... enfin, j'ai dit quelque chose que je ne devais pas dire."
"Hmm..? Et bien raconte-moi."
Il regarda aux alentours, comme pour chercher une aide invisible. Sonah avait, en vérité, une envie de se désintégrer sur le champ, mais il ne le pouvait pas. Alors il rassembla tout son courage, avant de prendre la parole, comme toujours, d'une voix assez peu confiante.
"Je... Je ne sais plus comment, mais je me suis emporté. J'ai remis en question l'institut dont Celes fait partie, et ses objectifs. Puis, il s'est..."
"Il a mentionné ton statut de lycanthrope, j'imagine."
"Oui... Donc, ça veut dire que-.. Avant qu'il ne l'apprenne, tout allait bien, mais donc il a commencé à me détester pour ça ?"
Edelweiss se contenta de hausser les épaules, la réponse étant assez évidente.
"Il a aussi dit qu'il serait prêt à me tuer, et que les lycanthropes ne méritent pas de vivre. Ils sont trop dangereux pour ça. J'ai... paniqué. Je ne voulais pas qu'il me déteste, alors j'ai décidé de lui dire ce qu'il voulait."
"Contrairement à lui, je ne te menacerais jamais de mort. Tu peux parler sans inquiétude."
"Mh... Je lui ai parlé du déicide. Pas entièrement..!"
Le visage d'Edelweiss n'avait pas changé, malgré le sujet, elle restait vaguement souriante.
"Qu'est-ce que tu n'as pas mentionné ?"
"Comment certains sont morts, comment rentrer dans le continent, et la lignée d'Asphodel. Donc... Ton identité..."
"Peu m'importe s'il sait, désormais. C'est même mieux ainsi. Félicitations, Sonah."
Le sourire d'Edelweiss était honnête, il en disait plus qu'assez. C'était comme si, malgré l'imprévu, elle avait déjà fait passer la situation à nouveau sous son contrôle.
"... Je pensais que ça allait te déranger..?"
"Il n'a que tes mots comme preuve. De fait, s'il essaie de propager des rumeurs, il se heurtera inévitablement à mon palmarès. Peut-être que la majorité me déteste, mais les dirigeants restent objectifs vis-à-vis de mes prouesses, et c'est tout ce dont j'ai besoin. S'il diffuse la vérité, ses mots seront perçus comme une tentative de salir mon honneur. Autre chose, on le voit comme 'le disciple d'Edelweiss', pas comme sa propre personne. Ce titre lui vaut toute la méfiance et les aprioris imaginables. Essayer de m'attaquer reviendrait à s'humilier lui-même, peut-être même à finir exécuté pour cause de déshonneur."
"Déshonneur..?"
"Les préceptes de Sa Divinité sont utilisés à loisir pour arranger ceux au-dessus. L'un d'eux mentionne les calomnies : Si tu en viens à calomnier, que tes mensonges soient savamment tissés. S'ils ne le sont, alors tu te tairas, à jamais."
Un frisson traversa Sonah. Et non, ce n'était pas une simple exécution dont il était question ici, mais autre chose de plus cruel : de nombreux sceaux sont déposés sur le corps de façon à ce que l'âme ou la magie ne puissent s'échapper, l'enveloppe charnelle se change alors en véritable cage. Celle-ci est alors convertie, âme incluse, en magie brute. La vie en est la source la plus importante, ainsi, sacrifier une vie est bien plus que simplement envisageable. L'énergie ainsi récoltée est stockée, prête à être utilisée en cas de crise. L'âme n'est cependant pas anéantie, simplement condamnée à un vide infini et éternel, accompagné de la sensation constante d'être écartelé.
"En bref... Tout est sous contrôle ?"
"Exactement."
Sonah souffla, enfin rassuré. Il avait confiance en Edelweiss, bien qu'il était conscient de sa dangerosité, elle est la personne qu'il connaît depuis le plus longtemps. Et bien qu'il n'ose pas lui demander comment elle considère leur relation, il sait que c'est un lien à chérir. A ce jour, cette femme incarnant supposément le Déicide est celle en qui il a le plus confiance. Il l'a toujours crue et, depuis un an, il a décidé de s'ouvrir à une autre personne. N'avoir confiance qu'en deux individus est bien triste, mais il essaie de se convaincre de ne pas avoir besoin de plus.
Toutefois, Sonah était attristé par les actes de Celes, et il était certain qu'il allait y penser des jours durant. Le lycanthrope était dès lors convaincu d'être entièrement fautif. Il n'aurait pas dû cacher son espèce, il n'aurait pas dû s'emporter, il n'aurait pas dû être si sensible, il n'aurait pas dû tant s'accrocher à quelqu'un en quelques heures, il n'aurait jamais dû voir le jour.
Il était coupable de ces crimes, et il ne le savait que trop bien.
"Quoiqu'il en soit, je présume que tu souhaites retourner au quatrième plateau ?"
Il acquiesça silencieusement.
"J'imagine que tu es impatient de revoir Clymene. Puis, il t'as promis de t'inviter à cette grande représentation... dont j'ai oublié le nom."
"Thyrsus ! C'est le nom du spectacle."
"Cela lui tient à coeur... Ne tardons pas davantage !"
"Tu veux surtout aller liquider les réserves de vin d'une autre auberge."
Sonah avait un léger sourire, une vue bien rare. Il connaissait les habitudes d'Edelweiss, et notamment son amour pour les boissons si raffinées de ce plateau.
"Au nom de ma vie privée, je ne répondrais pas à de telles accusations. Puis, tu as déjà oublié ce que je t'ai dit à propos des calomnies ?"
Dit-elle alors sur le ton de la plaisanterie. Le duo commença alors sa route en direction du quatrième plateau, plus précisément la cité d'Eleutherius. Ville des arts sous toutes ses formes, où même la mort doit être grandiose. Sinon, à quoi bon vivre, si c'est pour rejoindre les cieux sans panache ?
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