A travers les âges, le monde a connu nombre de calamités. Celles qui, en revanche, ont encore des conséquences plusieurs siècles plus tard, sont peu nombreuses.

Caelestis, La Créatrice, est la seule et unique véritable divinité du monde. L'on raconte qu'elle trône bien au-delà des cieux, dans un palace à la frontière de chaque chose, créant une myriade de mondes pour son seul plaisir. Parfois, elle en visite certains, change leur histoire, change leurs attributs, ou provoque tout ce qu'elle désire. Rien ni personne ne peut l'opposer, car nul ne peut l'approcher. Telle est son existence : une vie de création, de voyage, une vie de spectatrice.

Lorsque la terre devient hostile, notamment des suites de cette montée des eaux, l'humanité cherche à aller plus haut, sans jamais s'arrêter. A travers les difficultés et la douleur, l'humanité souhaite attendre les étoiles afin d'assurer sa survie.

Vouloir ainsi se rapprocher de Caelestis, ce n'est pas quelque chose de nouveau. Il y a bien des siècles, il s'agissait même d'une obsession, jusqu'à ce qu'une mortelle, par sa seule volonté, devienne ce que l'on nomme une Itération.

Une Itération est le terme qui désigne les êtres ayant éveillé une puissance quasi-divine. Nul ne sait quelles sont les conditions. Volonté ? Sentiments ? Passé ? Gloire ? Mais l'aléatoire n'est pas non plus à écrire. Mais afin que tout paraisse plus grandiose, l'on raconte qu'une Itération est 'une entité ayant, par le seul fait de sa volonté, éveillé une infime portion de la superbe de Caelestis, propulsant l'être à la véritable et incontestable jonction entre monde mortel et monde divin."

Se situer à une telle frontière n'apporte rien de bon. L'on raconte que les rares Itérations observées à travers l'histoire étaient des êtres ayant perdu la raison, anéantis par un pouvoir que leur enveloppe charnelle ne pouvait supporter. Mais est-ce bien la vérité ?

Celes voulait le savoir. Mieux encore, il voulait un jour devenir une Itération. C'était la seule façon d'échapper à sa nature d'éthéré, la seule façon pour lui de vivre.                                                     Il veut vivre, du plus profond de son être. Il veut rêver et découvrir, mais jamais il n'en aura l'occasion, car le monde ne fonctionne plus ainsi. Mais si une Itération est réellement un être quasi-divin, qu'est-ce qui l'empêcherait d'annuler la prophétie, et de restaurer tout ce qui a été détruit  ?                                                                                                                                                                            C'est cela, son souhait le plus cher. Vivre, quitte à ce que cela le condamne à une éternité de torture ou de solitude. Chaque fois qu'il parle de sa possible mort, nul ne sait quand, son cœur se serre. Pourquoi lui, et pas un autre ? Cette question le torturait. A la moindre douleur, au moindre vertige, à chaque fatigue soudaine, il croit que sa fin est là. Malgré son âge, il est éreinté. Cette existence, à attendre une fin qui ne vient pas, ne mérite nullement d'être qualifiée de "vie".                                                                                                                                                                              Mais alors pourquoi ? Pourquoi le monde s'oppose à lui, pourquoi lui refuse-t-il de vivre ? Il est prêt à tout, ce n'est nullement la volonté qui lui fait défaut.

Tous ces questionnements, il les garde pour lui, et lui seul. Il ne laissera rien paraître face à Sonah.

"Le Déicide a plusieurs sens. Le premier... est la mort de la première Itération. A sa mort, elle s'est changée en un amas de magie, qui a été dissimulé quelque part. Tout ce que l'on sait de la première Itération, c'est que suite à son apparition, le niveau des océans a grandement monté, et que la magie-"

"Que la magie est devenue accessible à l'ensemble des êtres vivants, oui. Mais encore ?"

Des suites de l'apparition de la première Itération, le niveau des océans a monté, et la magie a commencé à affluer partout dans le monde, donnant des proportions insensées à des paysages. Nombreux sont les éléments qui s'en sont trouvés changés, parfois entièrement transformés, parfois enterrés, surélevés... Son influence a changé la topographie du monde entier, entraînant de la destruction partout. Avec la magie désormais accessible par chaque humain et chaque monstre, avec un monde entièrement transformé et à rebâtir, plus personne n'avait de repère. L'histoire a pris un tournant extrême ce jour-là.

"Plusieurs années après, un culte dédié aux restes de la première Itération a été créé, et ils se cachent dans le continent. C'est une quantité de magie impure, terrifiante, qui a absorbé énormément de gens, sans laisser de traces derrière. Selon les écrits du culte, à l'origine, l'amas était difforme, plus il a pris une forme d'Astre, et a été surnommé Astre assassin, un dieu pour les hérétiques. Il communiquait, faisait des rêves la réalité, donnait des pouvoirs... Rien de bon. Parfois, il perdait en pouvoir, mais à chaque fois devenait plus rond, jusqu'à il y a quarante deux ans... L'astre est devenu un corps, plus que l'ombre de sa puissance d'origine, mais il était quelqu'un. Plus personne ne le vénérait. Le culte vénère ce qu'il était à l'origine, pas ce qu'il est devenu."

Celes fronça les sourcils. Les restes d'un être divin auraient pu accomplir à peu près tout ce que l'imagination permet d'imaginer, alors comment diable quelqu'un aurait pu les perdre ? Sonah pris une courte pause avant de reprendre.

"Le culte a découvert que chaque perte de pouvoir était un fragment de la première Itération qui revenait à la vie. Chaque fragment voulait devenir quelqu'un, mais très peu ont survécu."

"Et il y a quarante deux ans, donc..?"

"Un autre fragment a pris vie. Il en restait des centaines, mais il les a tous absorbés. Ce fragment incarne entièrement le Déicide. Personne ne sait vraiment ce qu'il veut, ni ce dont il est capable."

"Astre Assassin... Déicide..? Avec de tels noms, j'imagine quelque chose qui veut remplacer La Créatrice, mais c'est impossible. Alors qu'est-ce qu'il veut ? Puis, corrompre les gens, avoir un culte dédié, caché juste sous les yeux de l'Institut... Tout ça me semble un peu gros."

Le ton de Celes était assez sévère, il n'avait pas l'air particulièrement convaincu. Sonah, en revanche, avait l'air entièrement honnête. Mais que vaut l'honnêteté d'un monstre, finalement ?

"Cela dit, ça veut dire que la magie d'une Itération ne peut disparaître. Donc, peut-être qu'en retrouvant cet Astre assassin, ou même les restes d'autres Itérations-..."

"Mais toutes les magies, même conservées, perdent en puissance... C'est justement pour ça que des fragments ont pu se séparer de l'amas d'origine, parce qu'il s'est affaibli !"

"Tu insinues que les restes ne sont plus que l'ombre de la première Itération ?"

"Oui."

"Mh, qu'importe. Tu m'as donné une piste à suivre, je dois juste savoir comment entrer dans le continent. Par là, j'entends, tu vas me le di-"

"Edelweiss est..."

Celes fronça les sourcils. Sa patience atteignait ses limites.

"Elle n'a rien à voir avec cela."

"Elle EST le Déicide... Le corps de cet astre... C'est Edelweiss."

Sans prévenir, Celes plaça ses deux mains sur les côtés du visage de Sonah, qui n'eut pas le temps de se débattre : un choc violent le traversa, suffisant pour le plonger dans un profond sommeil.

Celes ne savait pas quoi penser. Sa préceptrice serait les restes d'un être quasi-divin ? C'était insensé. Et il savait que s' il lui en parlait, elle risquait fortement de se débarrasser de lui. Le voilà dans une impasse.                                                                                                                                                       Il regarda le garçon évanoui une dernière fois, avant de partir. Les restes d'une magie antique, la potentielle cause même de la prophétie, se trouvait peut-être sous ses yeux depuis le début. Edelweiss, l'Astre Assasin, le Déicide, la Préceptrice...                                                                                           En vérité, Celes n'en savait pas plus sur cette femme énigmatique. Plus il en apprenait... Moins il en savait.