Chapitre 10 - Le vrai monstre

L'un comme l'autre avaient bien des choses à expliquer. Celes ne pensait pas devoir quoi que ce soit au lycanthrope, qui sont, depuis leur apparition, vus comme la lie de l'humanité. Cette idée lui a été inculquée, et sans doute que les plus jeunes lycanthropes n'en pensent pas moins d'eux-mêmes. A ce titre, le blond n'estime pas avoir à expliquer quoi que ce soit, notamment pourquoi diable ces attaques ne l'ont pas atteint.

Sonah, comme à son habitude, pense bien trop, et ne sait clairement pas quoi dire, ni comment. Pourtant, il avait bien des raisons de cacher son identité, mais est-ce que quelqu'un d'éduqué de façon à le mépriser pourrait le comprendre ? Quoiqu'il en soit, malgré son amertume, Celes n'était pas insensible, et il décida de parler. Il ne comptait pas aborder l'apparence bestiale de son 'ami', sachant pertinemment que ce n'est pas quelque chose qu'il pourrait supporter convenablement. Pour l'instant, tout du moins.

"Merci pour l'aide. Sans toi, je serais sans doute mort !"

"... Tu peux mourir ?"

Il avait l'air assez mal à l'aise, dans une certaine mesure, mais sa question était malgré tout honnête, comme toujours. Pour une raison qui lui échappait, Celes se sentait toujours incommodé, et lui qui se sentait certain de ne rien avoir à expliquer, il se décida anormalement vite à révéler son petit secret.

"Disons que mon corps est... spécial. Dame Edelweiss me qualifie 'd'éthéré'. C'est-à-dire que j'existe, mais moins qu'autrui. Par exemple, je peux décider de ne plus être physiquement là, ce qui explique pourquoi les attaques ne m'ont pas touché. Je peux aussi disparaître à loisir, ce qui aide beaucoup lorsque je veux pénétrer dans un monde intérieur en passant inaperçu."

Sonah essayait de comprendre. Il en avait compris une bonne partie, mais pas tout. Cela dit, il avait la sensation qu'il devait poser des questions, mais par où commencer. Puis, allait-il y répondre ? Sans savoir pourquoi, il partagea sa première interrogation.

"Mais... Pourquoi ? Et depuis quand..?"

"Depuis toujours. Et Dame Edelweiss suppose que c'est un autre signe de la prophétie, au même titre que l'apparition des lycanthropes. D'une certaine manière, je suis d'une toute autre espèce."

"Tu connais d'autres personnes qui sont dans le même cas que toi ?"

"La préceptrice en connaît quelques-uns, mais pas moi."

Sonah était assez perplexe. Il n'est pas le mieux renseigné sur le monde qui l'entoure, mais il n'a jamais entendu parler de ces éthérés. Et jamais Edelweiss ne les a mentionnés, ni même parlé de Celes une seule fois.

"Mais si tu n'es pas vraiment là... Tu es immunisé à la liquéfaction ?"

"Supposément ! Toutefois, il y a une certaine probabilité qu'un jour, sans signe avant coureur, je cesse entièrement d'exister."

Déjà peu enjoué, ces quelques mots semblaient suffisants pour aggraver la situation du lycanthrope. C'était bien difficile à décrire, mais cette révélation lui avait fait quelque chose, quelque chose de mauvais.

"Pourquoi est-ce que tu le prends aussi... Aussi bien ?"

"Je ne peux pas y faire quoi que ce soit, alors j'accepte."

Et ça, c'était le comble de l'hypocrisie.

"Mais alors pourquoi est-ce que tu travailles pour l'Institut ? Votre but est de trouver une solution contre la prophétie, contre la liquéfaction ! Vous voulez sauver des gens mais..."

Celes fronça les sourcils.

"Tu compares quelque chose d'inhérent à ce que je suis, à quelque chose qui n'a pas toujours existé à l'échelle de l'humanité."

"Tu n'es qu'un cas ! La liquéfaction, l'eau qui monte, les gens qui deviennent fous... Même les nouvelles races ! Toi ou moi, tout vient de cette prophétie. Aucun remède n'a été trouvé, alors que les érudits étudient la question depuis bien avant-"

"Silence, veux-tu ? Je n'ai certainement pas à recevoir de leçons venant d'un lycanthrope."

Mais qui sait donc ce qu'il se passe au plus profond de l'esprit de Celes ? Si lui, peut tout apprendre sur les autres sans effort, les autres eux, n'en sont pas capables. Et il n'est pas du genre à s'ouvrir. Même les sujets sérieux, il les aborde sans conviction, presque comme s'il préférait toujours tout prendre à la rigolade. Alors que le visage de Sonah se décomposait encore plus, il enchaîna.

"Connaître ma préceptrice ne te donne en rien la permission de te lancer dans des discours moralisateurs. Je pense ce que je dis, que ce soit hypocrite ou non, quoiqu'il arrive je fais ce que j'ai à faire, et j'ai mes raisons d'agir ainsi. Un sauvage ignorant n'a rien à me dire. Je t'ai vu, sous ta forme de monstre. Et ta forme à toi précisément montre tout ce qui ne va pas avec ceux de ton engeance : vous êtes trop puissants pour exister en grand nombre. Vous êtes des menaces, des erreurs à éliminer pour le bien commun. A ce titre, estime-toi heureux que je t'ai laissé en vie. Si l'on se revoit un jour, je ne te laisserais pas cette chance."

Avait-il réellement tort ?

Sonah est puissant, il est dangereux, mais il y a pire. Et, en vue de son niveau, même moins puissant reste suffisant pour causer des désastres. Qui pourrait vivre paisiblement en sachant que son voisin pourrait anéantir toute la cité si l'envie lui en prenait ? La cohabitation entre les espèces semble impossible, dû à tout ce qui les sépare, et aussi à cause de cette peur, cultivée par les érudits et l'imagination de chacun.

Sans un mot de plus, Celes tourna les talons pour partir. Mais Sonah reprit la parole, levant légèrement le ton, d'une voix tremblante.

"Je sais tout du déicide ! Je peux tout te raconter ! Autant de détails que tu veux. Son origine, le culte, sa place dans le monde aujourd'hui... Juste-.. Ne pars p-"

Cenes se tourna à nouveau, et armé d'un regard sévère, il coupa la parole à celui qu'il voyait comme une cible.

"Alors parle."

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