SOUPÇONS ET CONFIDENCES
Alan était mon demi-frère, et peut être qu'il ne le savait pas ou alors il faisait partie de la stratégie de ma mère, je ne savais pas quoi croire, tout ce que je savais c'était que ma mère voulait à tout prix garder cette information pour elle. Et si elle pensait que Carl Pender était derrière sa mésaventure australienne, il devait y avoir autre chose, et ça avait certainement un rapport avec la mort de mon père. Plus j'avançais, plus j'apprenais que ma propre famille avait beaucoup de secrets, et ne valait peut-être pas mieux que les autres.
Pour l'instant, je n'allai rien dire à Alan, je ne le connaissais pas et je ne savais pas s'il avait une quelconque relation avec ma mère, je ne pouvais prendre aucun risque. Je comprenais maintenant pourquoi j'avais cette impression lorsque j'étais près de lui, moi qui avais toujours voulu avoir des frères et sœurs, j'en découvrais un à l'aube de mes trente ans, et je ne pouvais pas lui dire. Peut-être que lorsque tout ça sera terminé, on pourrait apprendre à se connaître et on s'apprécierait peut-être.
En attendant, si Alan avait fouillé dans mes affaires, il en savait surement beaucoup plus que prévu et il gardait surement ces choses pour lui pour pouvoir mieux me manipuler et me faire chanter. Il avait l'air sincère lorsqu'il m'avait demandé de l'aider à trouver sa mère biologique, mais à ce stade, je ne pouvais croire personne.
J'attendis la fin de la journée avec impatience, j'étais censée retrouver mes collègues pour aller à une soirée de la boîte et je cherchais une excuse pour y échapper. Il fallait que je m'occupe d'Eric et de Skyler Johnson ainsi que de ma mère.
— Cassie, tu viens ? On nous laisse partir plus tôt on peut aller se faire belle pour ce soir ! Et peut-être que je trouverai mon Alexander Grayson à moi, me lança Isabelle.
— On est plus ensemble, lâchai-je.
— Quoi ? ! Mais qu'est-ce qu'il a fait ? cria-t-elle.
— Il n'a rien fait du tout, c'est moi qui ai tout gâché, enfin bon j'ai pas trop envie d'en parler.
— Oh, d'accord. Bon, alors tu vas vite le remplacer, avec tous les hommes qui te regardent tout le temps, tu verras ce soir ! Tu veux venir te préparer chez moi ?
— Non, je te propose de venir chez moi, j'ai plein de robes que je n'ai jamais mises, tu seras canon dedans, dis-je sans conviction.
Elle était surexcitée et je ne pus m'empêcher de sourire, me changer les idées ne me ferait pas de mal et Isabelle était sympa et pleine de joie de vivre. Nous allâmes donc nous préparer et je l'avais laissée me coiffer et me maquiller pour montrer à Alex ce qu'il avait perdu et emprunter la robe qui lui plaisait après qu'elle ait poussé des cris en entrant dans ma nouvelle maison.
— Allez, on y va, t'es à tomber, Alex va baver.
Après notre discussion d'hier, je ne pensais pas qu'Alex voudrait de moi, du moins pas pour l'instant. Son côté prince reprendrait peut-être le dessus et il essayera de me sauver, mais il avait dit que son passé était incompatible avec le mien. Nous arrivâmes à la soirée déjà bien entamée et la première personne que je vis fut Matt.
— Hola mi hermosa ! dit-il en me prenant dans ses bras.
Je le regardai perplexe, c'était la première fois qu'il me parlait en espagnol et je ne comprenais pas pourquoi.
— Oui, je sais, mais c'est juste pour mettre mal à l'aise ces snobs qui ont un problème avec les latinos, ça doit leur faire tout drôle que leur avocat en soit un !
Comme beaucoup de villes du Texas, Austin n'échappait pas aux cons et aux racistes.
— Tu es magnifique Cassie, comment tu vas ? me demanda-t-il en me sondant du regard.
— Ça va Matt, je suis pas en sucre, je vais m'en remettre.
Il ne me posa plus de questions et j'attendais que la soirée passe en me contentant de répondre brièvement lorsqu'on me parlait. La seule chose que j'avais à l'esprit c'était à quel moment j'allais ruiner Eric Pender, il fallait que j'agisse vite parce que l'idée qu'il était le demi-frère de mon demi-frère prenait de plus en plus de place dans ma tête, et je ne devais en aucun cas avoir d'états d'âme.
— Il a pas perdu de temps, dit Isabelle en me bousculant légèrement.
Je regardai dans sa direction et vis Alex, bien entendu, accompagné d'une femme qui s'accrochait à son bras comme une sangsue. Dans le genre manque de respect, il faisait fort, mais dans le genre humiliation, je n'étais pas prête. Il me blessait profondément et publiquement, beaucoup plus que ce à quoi je m'attendais. Il le faisait délibérément, j'en étais sûre, et peut être que c'était une façon pour lui de me faire comprendre qu'il savait quelque chose, qu'il savait à quoi je jouais et que si je comptais le blesser, il me blesserait en retour.
Bien sûr il avait choisi tout l'opposé de ce que j'étais maintenant, mais ce que j'aurais pu être, enfin ce que Sara aurait pu être. Blonde aux yeux bleus, elle était belle, un visage presque angélique, elle avait l'air gentille et je devais admettre qu'ils allaient bien ensemble. Je sentais certains regards sur moi, et je faisais tout pour garder la tête haute, ma dignité avant tout. Il savait, sinon le Alex que je connaissais ne m'aurait pas blessé volontairement, s'il savait c'était qu'Alan lui avait parlé.
Je croisai son regard brièvement et il s'empressa de le détourner, moi qui voulais m'éclipser, si je le faisais maintenant, il penserait qu'il m'avait touché et c'était hors de question qu'il pense ça et que je montre publiquement que j'étais blessée.
— Viens, on va se chercher à boire, proposa gentiment Isabelle. J'arrive pas à croire qu'il fasse ça, c'est dégueulasse et irrespectueux !
— Il est libre de faire ce qu'il veut, ça ne me concerne plus.
Mon cœur pleurait, j'étais venue ici remontée à bloc il y a plusieurs mois et le regard d'Alexander m'avait complètement retourné l'esprit et le cœur. J'avais choisi la mauvaise personne, je le savais dès le début, mais je me voilais la face, et malheureusement, je ne pouvais plus retourner en arrière, c'était trop tard.
Je gardais le sourire et forçais un peu sur l'alcool. Matt lançait des regards assassins à Alex et ça me réchauffait le cœur, mais lorsque je me souvenais que je devrais partir après tout ça, ça me brisait un peu plus, je n'étais pas censée avoir d'attaches. Je laissai passer une heure et décidai de rentrer, c'était un temps raisonnable après l'entrée d'Alex.
— Je te ramènerai ta robe lundi.
— Tu peux la garder Isabelle, ça me fait plaisir.
Je sortis de la salle tranquillement pour ne pas donner l'impression de fuir et fis le maximum pour retenir mes larmes avant d'arriver à ma voiture.
— Cassie !
Matt avançait rapidement vers moi.
— Vaut mieux que je parte, sinon je lui aurais mis mon poing dans la gueule, mais ne t'inquiète pas, je lui ai dit ce que je pensais de son attitude !
— Matt, il n'a plus de compte à me rendre, il ne fallait pas.
— Si, il fallait ! Pour qui il se prend pour t'humilier à ce point ? C'est un connard, il te mérite pas Cassie.
Alex m'avait humilié publiquement et Matt me le balançait sans ménagement, remuant le couteau dans la plaie.
— Je vais rentrer, Matt, on se voit plus tard, bonne nuit.
— Je t'appelle demain ?
— Oui, pas de soucis, bonne nuit.
Je montai dans ma voiture et attendis qu'il s'en aille avant de lâcher prise et pleurer encore une fois. Moi qui me demandais si mon cœur était mort, j'avais ma réponse, si Alex pouvait le briser encore et encore, il était bel et bien vivant. Le karma étant de mon côté, je le vis sortir avec sa jolie blonde, elle riait et il souriait avant de tourner la tête dans ma direction. Cette fois il ne détourna pas le regard et je pus lire tout l'amour qu'il me portait, à quel point il était désolé, mais je ne pouvais pas le croire, il ne pouvait pas me faire ça et être sincère. Je démarrai et rentrai chez moi, je pris une douche rapide avant d'aller me coucher, je me pencherai sur les vidéos d'Eric après une nuit de sommeil sous somnifères.
*************
J'avais trois jours de vidéo surveillance chez Eric à regarder et je passai la journée du samedi à le faire. J'avais fait défiler plusieurs heures jusqu'à ce que j'arrive à un passage avec son père, je branchai mon casque pour écouter la conversation.
— Sharon s'occupera de tout ce qui est comptable, mais j'ai besoin de toi pour faciliter la vente Eric, disait Carl Pender.
— Besoin de moi dans quel sens ?
— J'ai cru comprendre que tu plaisais Caroline, sa fille aînée, si tu arrives à la convaincre que cette vente est la meilleure chose à faire, elle convaincra son père, il l'écoute depuis qu'elle est enfant.
— Qu'est-ce que ça va changer pour nous ? On possède déjà quatre-vingts pour cent des terres, papa.
— C'est de ton avenir dont je parle ! C'est toi qui vas tout récupérer, toi et ton frère Alan, les terres que détiennent les Smith sont beaucoup plus riches qu'on ne le pense. On leur proposera un prix correct et on les exploitera, ton grand-père avait raison, on aurait jamais dû vendre quoi que ce soit.
— Alan ? cracha Eric. Tu vas lui donner ce qui me revient, alors qu'il a rien fait du tout ? !
— C'est mon fils Eric et c'est ton frère que tu le veuilles ou non ! Fais ce que je te demande, et n'oublie pas que rien est à toi pour le moment ! Tout ce que tu possèdes, cette maison, cette vie, c'est moi Eric, alors fais ce que je te dis, c'est clair ?
Eric hocha la tête et son père s'en alla.
Ils étaient pourris de père en fils, et Alan n'avait surement pas pris le meilleur surtout avec ma mère comme autre parent. Je regardai la suite pour voir si j'apprenais d'autres choses sur cette famille, mais il n'y avait rien d'intéressant.
Après réflexion, j'avais décidé de rassembler le maximum d'informations et de tout exposer au grand jour d'un seul coup. Il fallait cependant que je trouve quelque chose sur Skyler Johnson elle-même et non ses parents. Je savais que la presse à scandale locale ne se gênerait pas pour rendre public tout ce que je leur transmettrais anonymement, surtout que ça concernait des familles connues d'Austin. L'impact serait beaucoup plus fort, même si Alex allait être touché, ces parents le seraient plus que lui, surtout son père avec l'histoire d'Annie Clarke, il s'en remettrait et puis il m'avait beaucoup plus blessé que ce que j'avais prévu alors c'était minime. Il fallait que je fasse profil bas avec Alan qui connaissait mon identité.
Ce dernier m'avait envoyé un message en début de soirée pour me demander de le rejoindre chez lui sans me donner plus d'explication que ça. Je détestais l'avantage qu'il avait sur moi, je n'avais pas le choix, c'était presque un ordre qu'il me donnait, parce qu'il savait qui j'étais. J'arrivai donc chez lui, il m'ouvrit la porte en me faisant un grand sourire et je sus presque tout de suite que quelque chose clochait.
— Entre, je t'en prie, dit-il en s'écartant.
J'avançais et mon cœur s'arrêta lorsque je vis Alex assis sur le canapé. Il me regarda surpris et se leva quelques secondes après.
— Reste Alex, c'est moi qui ai demandé à Cassie de passer et non elle ne savait pas que tu serais là.
Je regardais Alan, à quoi il jouait ? Je ne savais pas quel était son but, mais les soupçons que j'avais sur le fait qu'Alex connaissait la vérité sur moi étaient devenus des certitudes.
— Quand Alex m'a dit que vous étiez séparés, j'ai trouvé ça complètement absurde, vous êtes faits l'un pour l'autre, il faut que vous parliez, c'est du gâchis.
— Alan, c'est pas ton problème, c'est quoi ces conneries ?
Je n'avais pas dit un mot, observant leurs réactions, essayant de détecter le moindre signe de manipulation ou un regard échangé, quelque chose qui me conforterait dans mon idée.
— Alexander, t'es le seul capable d'apaiser Cassie, je l'ai vu quand Eric l'a agressée l'autre nuit. Ton passé ne doit pas te bloquer, Cassie n'est pas...
— Ferme là ! s'énerva Alex. Ne prononce pas son nom Alan, je suis sérieux !
— C'est pourtant elle le problème et tu le sais ! Ne fais pas les mêmes erreurs...
Qu'est-ce qu'il faisait ? Je ne comprenais pas, je ne voyais pas ce qu'il avait à gagner, mais ce que j'avais à y perdre. Est-ce qu'ils étaient manipulateurs au point de mettre en scène cette discussion ? Évoquer Sara pour voir quelle serait ma réaction ? J'avais du mal à y croire, le regard d'Alex était beaucoup trop vrai, à moins qu'il soit un acteur hors pair, meilleur que moi.
— Je vais partir, intervins-je.
— Non ! Tu restes ici et vous discutez, vous videz votre sac et vous arrêtez de perdre votre temps !
— Ne t'inquiètes pas, Alex n'a pas perdu son temps, il m'a déjà remplacé, ne pus-je m'empêcher de dire.
— Tu parles de la fille d'hier ? lança Alex en s'adressant à moi pour la première fois.
— La fille d'hier ? C'est comme ça que tu l'appelles ?
— Je ne savais pas que je devais te demander l'autorisation, tu as bien passé la soirée avec Matthew non ?
— C'est ridicule, je ne suis pas arrivée en me pavanant à son bras ! Jamais je ne t'aurais humilié de la sorte, mais il faut croire que j'ai plus de respect pour toi que tu en as pour moi.
— Je t'interdis de dire ça ! Je ne pense qu'à toi, c'est toi que je fais passer en première, Cassie !
— Tu me fais passer en premier ? ris-je. Me repousser, ne pas tenir tes promesses, prendre les meilleures parties de moi et me laisser tomber après, c'est ça me faire passer en premier ?
Il ne pouvait pas jouer la comédie, même moi j'étais sincère à ce moment.
— Cassie, soupira-t-il. Tu ne comprends pas...
— Aide-moi à comprendre alors Alex ! Je pensais ce que je t'ai dit la dernière fois qu'on a discuté, je le pensais vraiment, je sais que je ne suis pas bonne pour toi. Mais je veux comprendre, je veux connaître tes raisons, parce que tu m'as donné tellement pour tout m'arracher d'un coup, ça n'a pas de sens.
Là, j'exagérais un peu peut-être, mais je voulais savoir ce qu'il ne me disait pas, il fallait que je sache.
— C'est toi ma raison, cette nuit-là et les jours qui ont suivi, tu étais dans un tel état de détresse...
— Je ne comprends pas, tu m'as aidé, tu as été là pour moi...
— J'ai été là pour toi, mais Cassie, je...
Je m'approchai de lui et lui pris la main avant de le faire asseoir. Je n'avais même pas remarqué qu'Alan n'était plus dans la pièce.
— Dis-moi Alex, j'ai besoin de savoir.
Il me regarda et je sus qu'il ne mentait pas.
— Je t'ai déjà parlé de Sara, mon amie d'enfance. On était plus aussi proches que lorsque nous étions enfants, mais j'ai toujours tenu à elle. Un soir, je traînais avec Eric, Sky et les autres, et elle est venue chez Eric, je ne comprenais pas ce qu'elle faisait là, mais j'ai vite compris que c'était encore un sale coup d'Annie. J'étais complètement idiot à l'époque, tout ce que je voulais c'était de passer une soirée tranquille, détendu, Callie était là, on fumait on buvait et j'avais fini par partir. Lâchement, je l'admets, je ne voulais pas voir les blagues salaces qu'ils réserveraient à Sara. J'ai fini par revenir et je l'ai trouvé...
Il s'arrêta quelques secondes et reprit :
— Je l'ai trouvée allongée, nue, complètement ivre et dans un état... Elle était blessée, Eric était à côté d'elle et je savais qu'il s'était passé quelque chose, il m'a assuré qu'elle était consentante. Ivre comme elle était, je ne suis même pas sûr qu'elle aurait eu la force de dire non. Je l'ai recouverte d'une couverture et je l'ai accompagné devant sa porte avant de partir. J'étais retourné chez Eric et on s'est battu, j'étais tellement en colère, j'arrivai pas à croire qu'ils avaient fait subir tout ça à Sara. Je voulais qu'on aille voir ses parents, expliquer que la soirée avait dégénéré, mais ils étaient tous contre, on avait de la drogue, de l'alcool... J'ai suivi la majorité, le père d'Eric nous a dit qu'on risquait de tout perdre, de passer devant le juge et d'aller en centre de détention. J'ai eu peur, j'ai menti à mes parents en disant que j'avais croisé Sara dehors et que je l'avais raccompagné chez elle.
Je lui lâchai la main. Il venait de me donner des informations que je n'avais pas, Carl Pender savait, il savait que son fils m'avait violé et avait manipulé un groupe de gamin pour protéger Eric.
— Je savais... Voilà pourquoi j'ai préféré qu'on arrête, ton regard a changé Cassie.
— Tu penses donc qu'Eric a violé cette fille ?
— Il m'a juré que non, mais je n'aurai jamais la réponse. Au fond de moi, je sais que quoi qu'il en soit, elle n'était pas en état de dire non.
Je n'arrivais pas à le regarder, si je croisais son regard, j'étais sûre que c'était Sara qu'il verrait.
— Tu as ta réponse, comme je te l'ai dit ton passé et le mien ne sont pas compatibles. Ce que tu as vécu c'est... Je ne suis pas digne de toi, Cassie, je ne me suis toujours pas pardonné et je ne sais pas si j'y arriverai un jour.
Il me regarda quelques minutes en silence, il attendait surement que je dise quelque chose, mais j'en étais incapable. Il se leva et enfila sa veste avant de se diriger vers la sortie.
— Je t'aimerai toujours Cassie, dit-il avant de sortir.
Est-ce qu'il avait autant souffert que moi après cette nuit-là ? C'était possible, mais si j'avais une certitude, c'était que ça l'avait définitivement changé et qu'il ne pouvait pas savoir que j'étais Sara, Alan ne lui avait rien dit.
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