RÉVÉLATIONS

Aujourd'hui, j'avais enfin rendez-vous à l'hôpital pour voir l'état de mon épaule et retirer mon attelle. J'avais eu le temps d'acheter tout le matériel nécessaire à la surveillance de la maison d'Eric Pender, j'avais eu le temps de chercher des indices concernant les documents que ma mère avait et j'avais trouvé une personne susceptible de répondre à mes questions. Nicole Pratt, l'ancienne secrétaire de Carl Pender, elle était en maison de retraite à San Antonio et ses enfants ne venaient la voir qu'une ou deux fois dans l'année. Avec un peu de chance, elle se souviendrait de quelque chose, étant donné qu'elle gérait tous ses rendez-vous professionnels et personnels, j'avais décidé d'y aller après mon passage à l'hôpital.

Je voyais Alex tous les jours, nos regards se croisaient plusieurs fois, mais nous ne nous parlions pas. Depuis la réunion, il n'avait plus eu aucun geste envers moi, et malgré le fait que je bouillonnais intérieurement, je ne faisais rien du tout. J'avais décidé d'attendre, Callie Vasquez serait très vite submergée, et je voulais presque qu'elle sache que j'étais derrière ses problèmes, histoire de savoir à qui elle avait à faire, et qu'elle regrette d'avoir voulu me manipuler. J'étais surtout vexée de m'être fait avoir comme une bleue.

Je devais quitter le bureau à treize heures et encore une fois, je tombais sur Matthew Williams. C'était un des avocats de l'entreprise et accessoirement un des avocats de toutes les grosses entreprises de la ville. Ça faisait trois jours qu'il me draguait lourdement et il commençait réellement à m'agacer. J'accélérai le pas, mais il ne trouva rien d'autre à faire que de crier mon nom dans le hall, je sortis rapidement sans répondre avant qu'il ne me suive. Cet homme m'exaspérait, il était lourd et je n'avais pas le temps de m'encombrer d'un boulet pareil. Si je le croisais demain, je lui ferais passer l'envie de m'approcher de nouveau.

— Tu ne perds pas de temps pour quelqu'un qui disait être amoureuse de moi il y a à peine deux semaines, tu fricotes déjà avec un autre homme.

Alex était appuyé sur le capot de ma voiture les bras croisés.

— Tu es ridicule, je dois y aller, pousse-toi s'il te plait.

— Je viens avec toi à l'hôpital Cassie, dit-il en se dirigeant vers le côté passager.

Il était vraiment culotté, il ne me parlait pas pendant des jours et des jours et il se pointait comme une fleur, qu'il aille retrouver sa salope !

— Je vois que tu as utilisé ton nom pour avoir des informations confidentielles, je n'ai pas besoin que tu viennes avec moi. Tu devrais aller rejoindre Callie au cas où...

— Arrête ! Merde, Cassie, j'ai déconné, je le sais ! Mais arrête ta parano avec Callie, je ne l'aime pas comme tu le crois !

— Je m'en fous, Alex, je m'en fous complètement ! Tu fais ce que tu veux, d'ailleurs tu as toujours fait ce que tu voulais !

— Je ne sais même pas pourquoi on en est arrivé là, Cassie, tu me manques et je veux que tu me donnes une chance, la situation est ridicule.

Dix jours, c'était le temps qu'il avait fallu pour qu'il revienne vers moi. Je savais que ça allait arriver, mais pas aussi simplement. Il ne s'était même pas excusé, il n'avait pas reconnu ses torts, c'était trop facile.

— Tu ne comprends rien, Alex, tu ne comprends pas. Tu m'as blessé, c'est trop facile de revenir comme ça et de me dire que tu veux une autre chance. J'ai beaucoup de mal à faire confiance, mais toi... toi c'était différent. Je dois y aller, je ne veux pas que tu viennes avec moi.

— Je viens, dit-il en entrant dans ma voiture.

Il gâchait mes plans, j'avais l'intention d'aller à San Antonio. Il me regardait conduire et ça me perturbait, je sentais que je rougissais.

— Tu pensais vraiment ce que tu m'as dit ?

Je savais qu'il parlait du « je t'aime, je suis amoureuse de toi », mais je fis comme si je ne savais pas.

— Oui, tes paroles m'ont blessée et c'est tout ce que je retiens malheureusement. Comme cette nuit où tu m'as consolé après mon cauchemar et que tu as décidé d'aller rejoindre Callie, alors que tu savais que j'allais mal. Oui, je sais que c'est elle que tu es allé voir. Comme cette fois où tu as annulé nos plans pour aller la retrouver, et la pire fois, celle où tu as juste cru ce qu'elle t'avait dit sans me demander ma version, sans me laisser une chance de m'expliquer. Celle où tu m'as balancé que ma mère était morte d'une cirrhose et que je connaissais le sujet. Celle où je me suis rendu compte que je t'aimais et que tu faisais passer Callie en premier parce qu'elle était là avant moi, alors comprends-moi, je ne peux pas accepter ça.

Silence, ma tirade lui avait cloué le bec et c'était très bien. J'arrivai à l'hôpital et je retirai enfin mon attelle, mon épaule était rétablie et je pouvais enfin continuer à agir.

— Alex, j'ai beaucoup de choses à faire, je dois déménager et je... Enfin, je peux te déposer chez toi si tu veux, dis-je.

— Tu as trouvé une maison ?

— Oui, à Great Hills.

— Eric y vit, dit-il.

— Je sais, nous sommes voisins, enfin à cinq minutes.

Il hocha la tête et me regarda sans rien dire.

— Je t'aime Cassandra, c'est la première fois que ça m'arrive et j'apprends, je fais des erreurs et j'en ai fait plusieurs avec toi. S'il te plait, je sais que je te manque aussi, à quoi bon avoir tous les deux le cœur brisé Cassie ?

Il m'embrassa et j'oubliai tout, Callie Vasquez, ce pourquoi j'étais revenue ici... il me manquait et j'avais l'impression de ne plus avoir cet énorme poids sur mes épaules alors je le repoussai doucement.

— Arrête, je ne peux pas Alex, j'ai besoin de réfléchir.

— Combien de temps ? soupira-t-il.

— Je sais pas, je sais plus, je dois y aller.

— Je veux juste qu'on discute, j'ai beaucoup de choses à te dire Cassie, j'ai besoin de te les dire, est-ce qu'on peut déjeuner ensemble demain ? Dis oui, s'il te plait après ça, si tu veux que je te laisse tranquille, je le ferai.

— D'accord.

— Je t'appelle ce soir.

Il s'en alla en me laissant un sentiment de vide. Je chassai cette impression et pris la route en direction de San Antonio. J'arrivai rapidement et m'arrêtai devant la maison de retraite. J'avais préparé mon histoire et j'espérais vraiment obtenir des réponses, je saurais si ma mère avait menti, mais surtout depuis quand. J'entrai facilement et on m'emmena voir Nicole Pratt qui était installée sur un banc.

— Nicole, vous avez de la visite ! dit l'aide-soignante. Je vous laisse discuter.

Elle me regarda surprise, mais me sourit.

— Bonjour, on se connaît ? demanda-t-elle. Je n'ai jamais de visite, vous savez, alors ça me fait toujours plaisir de voir du monde.

— Bonjour, Mme Pratt, je m'appelle Sara Parker.

— Oh, appelez-moi Nicole, voyons, qu'est-ce que je peux faire pour vous Sara ?

— Alors voilà, je suis à la recherche de mon père biologique. J'ai un petit garçon de quatre ans, Isaac, il souffre d'une leucémie et il a besoin d'une greffe de moelle osseuse.

— Oh mon Dieu, je suis vraiment désolée pour vous ma chérie, comment puis-je vous aider ?

— On a fait les tests et aucun membre de la famille n'est compatible, nous recherchons actuellement des donneurs, mais ça prend du temps, trop de temps. Je pense que vous pourrez peut-être m'aider. Voilà je crois que mon père biologique est Carl Pender et je sais que vous avez travaillé pour lui pendant de longues années.

— Vous êtes la fille de Victoria ? demanda-t-elle doucement.

— Oui, je suis sa fille.

— Oh, vous savez, ça fait tellement longtemps, je ne suis pas sûre de me souvenir.

Elle mentait, j'en étais sûre, elle devait surement savoir quelque chose, je décidai de jouer la carte du pathos.

— Je vous en prie, dis-je en pleurant, je veux juste sauver mon petit garçon, rien d'autre, il n'a que quatre ans, il est censé avoir toute la vie devant lui, s'il vous plait. Je ne dirai pas que c'est vous, je vous le promets, je veux juste que mon fils vive, je n'ai plus beaucoup de temps.

Elle hésita un long moment et parla finalement.

— Votre mère et Carl ont eu une histoire effectivement, mais vous étiez déjà née Sara. Leur histoire a duré de longues années et s'est terminée presque deux ans après la mort de votre père biologique, le mari de Victoria. Je ne sais pas pourquoi ça s'est terminé, ils étaient si amoureux, ils avaient même prévu de quitter leur époux respectif pour vivre ensemble. Je sais aussi qu'il y a eu une histoire d'assurance vie que devait toucher Victoria, ils se disputaient plusieurs fois à ce propos et on finit par se séparer. Malheureusement, Carl Pender n'est pas votre père biologique, je suis vraiment désolée.

J'avais envie de vomir, ma mère avait donc eu une histoire d'amour avec Carl Pender, alors qu'elle était mariée avec papa, il ne s'agissait pas simplement d'une partie de jambes en l'air, il s'agissait d'une vraie trahison, et je rendais compte que tout était faux. Le souvenir de la famille parfaite que j'avais était faux, ma mère avait menti sur toute la ligne et apparemment il y avait une assurance vie qu'elle aurait touchée ? Je sentais que l'histoire de la mort de papa était beaucoup plus compliquée que ce que je pensais, et il fallait que je cherche la vérité.

Je quittai Nicole assez vite après ces révélations inattendues. J'étais complètement perdue, je ne savais pas quoi faire de ces informations, je commençai à me sentir submergée par toute cette histoire qui prenait une tournure inattendue. Mon téléphone sonna pour la troisième fois, c'était un numéro que je ne connaissais pas, mais je décrochai malgré tout :

— Allô.

— Cassandra ? C'est Jessica Grayson, la mère d'Alex, je ne te dérange pas ?

Elle devait surement m'appeler pour défendre son fils chéri, depuis que je l'avais croisé en sortant de chez Alex le soir de notre rupture.

— Non pas du tout.

— Je voudrais qu'on se voie pour discuter, est-ce que tu aurais un moment pour passer à la maison ? demanda-t-elle.

Elle me suppliait presque et je n'avais pas envie de la contrarier plus qu'elle ne l'était surtout après sa crise cardiaque.

— D'accord, je peux être là dans une demi-heure.

— C'est parfait, je t'attends.

J'arrivai chez elle et sonnai, elle vint m'ouvrir la porte en personne.

— Cassandra, je suis heureuse que tu sois là entre, dit-elle en me serrant dans ses bras.

Nous nous installâmes sur la terrasse et elle me servit à boire.

— Comment tu vas ? me demanda-t-elle tendrement.

— Ce n'est pas la grande forme, répondis-je sincèrement.

Pour une fois, je voulais dire la vérité, j'étais fatiguée de mentir tout le temps, j'étais fatiguée, il me fallait un moment de sincérité.

— Alexander va très mal aussi tu sais, il m'a un peu raconté la raison de votre rupture.

— Il n'avait pas l'air d'être si mal que ça, pourtant, lâchai-je.

— Il a du mal à exprimer ce qu'il ressent, c'est le cas depuis sa plus tendre enfance tu sais, pourtant c'est un hyper sensible.

— Je peux accepter qu'il ait des amies Jessica, il n'y a pas de problème, mais je ne peux accepter d'être mal traitée, je ne peux pas l'accepter.

Elle se leva et s'installa à mes côtés en me prenant la main.

— Cassie, Alex est amoureux de toi et je pense que tu l'es aussi. Tu es la première tu sais, il n'a jamais été amoureux de Callie Vasquez, elle était juste une passade et il avait besoin d'elle après la mort de son grand-père. Tu sais, il s'est suicidé et c'est Alex qui a découvert le corps, ça a été très difficile pour lui, ils étaient si proches, depuis il s'est complètement fermé. C'est la première fois que je vois son regard briller quand il regarde une femme et cette femme c'est toi Cassie. Tu n'as rien à craindre de Callie, elle n'a jamais eu une bonne influence sur lui, mais il est fidèle et loyal en amitié, beaucoup trop gentil et c'est une manipulatrice.

— Il m'a blessé Jessica.

— Je le sais, Cassie, mais écoutes ton cœur, laisse-lui une chance, il a beaucoup souffert. Je ne défends pas ce qu'il a fait, il a fait une erreur et tu as raison de le blâmer, mais est-ce que ça vaut le coup de passer à côté d'une belle histoire d'amour ?

J'étais persuadée qu'Alex n'était pas au courant de l'intervention de sa mère, même s'il s'était confié à elle, il devait savoir que ça risquait de m'agacer. Jessica Grayson me prit dans ses bras et je me laissai faire :

— Prends le temps de réfléchir, tu as fait beaucoup de bien à mon fils, je pense que vous vous faites du bien mutuellement, alors prends le temps de réfléchir.

Je restai dans ses bras plusieurs minutes, profitant de la chaleur maternelle qu'elle me procurait et qui me manquait tant. Nous discutâmes encore quelque temps et je rentrai en ayant promis à Jessica Grayson de réfléchir. Pourquoi tout me semblait si vrai ? J'avais l'impression que je ne jouais plus un rôle, que de vrais sentiments étaient en jeu et de réelles peines à venir. Je voulais tellement appeler Joshua, lui seul pourrait me rassurer, mais après notre dernière rencontre, je savais qu'il ne voudrait plus jamais me parler.

J'essayais de me concentrer et de voir si mon père avait vraiment souscrit à une assurance vie que ma mère aurait touchée. En regardant dans les comptes de ma mère, elle avait effectivement touché la somme de quatre cent soixante-dix mille dollars en décembre 2004, il y avait forcément un document et si je ne l'avais pas c'était qu'il était resté dans son appartement. Je me préparais rapidement et allai chez ma mère, j'avais forcément manqué un endroit la première fois que j'étais venue. Je fouillais partout, ouvrant tous les tiroirs et placards, retournant son dressing, et je finis par trouver la vieille mallette de mon père, celle que son grand-père avait fabriquée et qu'il avait reçue le jour de ses seize ans.

Je l'ouvris et il y avait beaucoup de documents, des lettres, des photos. Je pris une des lettres au hasard et lus.

«Vicky, mon amour,

Je sais que c'est difficile pour toi, et que Sara doit aussi souffrir de la situation, mais tu dois rester forte. Tout se débloquera bientôt pour toi, et tu pourras enfin avoir la vie que tu souhaites. Pour ça, tu sais qu'il faut que Richard disparaisse, c'est un obstacle pour toi et pour nous.

Je t'aime, rien a changé depuis le début, je te promets qu'on sera ensemble, je te le promets.

Carl»

Je refermai la mallette et rangeai rapidement son contenu avant de la prendre et de sortir de l'appartement. J'étais nauséeuse. Ma mère avait non seulement eu une relation avec Carl Pender, mais elle était aussi certainement responsable de la mort de mon père. Je ne savais pas à quoi elle jouait, ce qu'elle cherchait à faire en me disant que les Pender et les Johnson étaient responsables de la mort de papa. Est-ce qu'elle avait essayé de me manipuler ? Est-ce qu'elle avait voulu avoir des informations qui m'empêcheraient de connaître la vérité sur la mort de mon père ?

Je conduisais sans réfléchir jusqu'à chez Alex, j'écoutai mon cœur, qui battait beaucoup trop vite, comme me l'avait conseillé Jessica Grayson, et sonnai à sa porte. Je savais que je ressortirais de chez lui apaisée, ce qui était totalement égoïste, car j'avais l'intention de le faire patienter encore un moment après. Il ouvrit la porte et était surpris de me voir :

— Cassie...

— Est-ce que je peux entrer ?

Il hésita à peine quelques secondes, mais ça me suffisait pour comprendre qu'il n'était pas seul et que c'était surement Callie qui était avec lui.

— Laisse tomber Alex, c'était une erreur...

— Attends, viens.

Il me prit la main et me fit entrer chez lui, ce n'était pas Callie qui était là, mais un homme que je ne connaissais pas.

— Cassandra, je te présente Alan, le frère d'Eric, nous avions terminé.

— Bonsoir, Cassandra, ravie de faire ta connaissance, dit Alan en tendant la main.

Je lui pris la main et il la serra doucement en me regardant dans les yeux avec insistance.

— Moi aussi, répondis-je mal à l'aise.

— Alan s'en allait, lança Alex.

Il le raccompagna jusqu'à la porte et revint me voir. J'étais troublée, quelque chose me dérangeait chez Alan Pender et je chassais cette impression lorsque Alex me prit la main.

— Qu'est-ce qu'il se passe, Cassie ? me demanda-t-il.

Je ne dis rien.

— Cassie ? répéta-t-il.

Il croisa mon regard et me prit dans ses bras.

— Dis-moi ce qui ne va pas ?

— Tais-toi, s'il te plait, je veux juste rester là un moment.

— D'accord...

Il resserra son étreinte et je profitai égoïstement de ce moment de paix. Demain était un autre jour, j'avais besoin de ce break, j'avais appris trop de choses et j'étais sûre que ce n'était pas terminé. Il me fallait ma dose de bien être pour que je puisse me reconcentrer, il fallait que ma part de Sara soit apaisée pour que moi, Cassie, je reprenne le dessus et que je puisse continuer ce pourquoi j'avais décidé d'enterrer toutes mes faiblesses et surtout, malheureusement, la meilleure partie de moi.

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