LE DÉBUT DE LA FIN, PARTIE 1

Maman avait tué papa.

Elle pleurait, toujours assise sur le sol de la cuisine, comme si elle n'avait jamais réalisé son geste et qu'elle venait de le faire.

Est-ce qu'il était mort sur le coup ? N'y avait-il pas des traces de lutte sur le toit ? Mes plus beaux souvenirs d'enfance, ceux qui me permettaient de garder une part d'humanité venaient de disparaître.

Je croyais que ma mère aimait mon père, j'en étais persuadée, mais elle aimait Carl Pender, beaucoup plus que papa, au point de commettre l'irréparable...

— Je suis désolée Sara, ça ne devait pas se passer comme ça, ça ne devait pas..., pleura ma mère.

Je croisai son regard un instant, réalisant ce qu'elle venait de me dire.

— Comment ça ? Qu'est-ce qui était prévu ?

— La réputation de Carl était déjà ternie par quelques affaires, mais ce que Richard avait sur lui risquait de le détruire, ton père le savait et il voulait à tout prix que justice te soit rendue. J'ai supplié Carl de me laisser lui parler, d'essayer de le convaincre de ne pas faire ça, mais Richard est tellement têtu, tu connais ton père.

Elle s'était arrêtée un moment pour essuyer ses larmes, et j'assimilai ce qu'elle venait de me dire, je n'avais jamais été une priorité pour elle, et sa réaction à l'époque n'était donc pas sincère.

— Ton père avait perdu toute notion de la réalité, il passait son temps à boire, il s'en voulait tellement pour ce que tu avais vécu, il n'arrivait pas à se pardonner, il n'arrivait plus à te regarder Sara.

Elle marqua un nouveau temps d'arrêt avant de reprendre.

— J'ai aimé ton père Sara, je l'ai vraiment aimé, mais l'amour de ma vie c'est Carl. Je ne pouvais vivre avec l'idée qu'il risquait de finir en prison, alors j'ai donné rendez-vous à ton père pour lui demander de laisser tomber. Carl lui proposait de travailler de nouveau, mais il a refusé, il a dit que jamais il ne le laisserait s'en sortir. Ils ont commencé à se battre et j'ai tenté de les séparer, ton père a sorti une arme, il voulait tuer Carl... Je l'ai repoussé, il a titubé jusqu'au bord et il est tombé, je te jure que c'était un accident, je ne voulais pas, je voulais juste qu'il lâche son arme...

Je ne comprenais pas, son histoire ne tenait pas la route, pas avec ce que j'avais vécu une fois que papa était parti. Ma mère était dans un état lamentable, nous n'avions rien pour vivre, si elle et Carl Pender s'aimaient à ce point, il ne l'aurait pas laissé vivre dans ces conditions. Était-elle tellement amoureuse qu'elle n'avait pas vu qu'il se foutait d'elle, qu'il était responsable de tout depuis qu'il avait viré papa et qu'il avait fait en sorte qu'il ne retrouve pas de travail ?

— Sors d'ici, dis-je d'une voix blanche.

— Sara, je t'en prie ne lui fait pas de mal, nous avons eu un enfant ensemble...

— Sors de chez moi, répétai-je. Et laisse ton téléphone ici.

Elle me regarda et le peu de remords que j'avais pu avoir lorsque je l'avais envoyé en Australie avait également disparu. J'entendis la porte claquer et me laissai tomber sur une chaise.

— Sara...

Asim s'était assis à mes côtés, mais je ne pouvais parler, au risque de complètement craquer, et je ne voulais pas, je n'avais pas le droit. Ça ne changeait rien, je devais toujours aller au bout de mon objectif, peu importe ce que j'apprenais, peu importe si certaines de mes certitudes étaient complètement fausses, je devais aller au bout.

— Je sais que tu pensais connaître la vérité, mais je pense qu'il faut que tu saches tout avant de faire quelque chose que tu regretteras toute ta vie.

— Tu étais au courant depuis combien de temps, et comment tu l'as su ?

— Je l'ai su il n'y pas longtemps, Sara écoute-moi, dit-il en me prenant la main. Je ne veux pas que tu te perdes définitivement, tu ne crois pas qu'ils ont assez payé pour ce qu'il s'est passé ? Si tu vas plus loin, tu ne te le pardonneras jamais, rentre avec moi à New York, on pourra vivre nos rêves.

— Non, c'est hors de question ! Carl Pender doit payer, ma mère aussi et tous les autres, et lorsque je leur dirai que je suis Sara Parker, ils comprendront que je suis responsable de tous leurs malheurs et je pourrai partir après ça, j'aurai eu ce que je voulais. Cette nuit a tout changé, tout détruit Asim, je dois finir ce que j'ai commencé.

— Laisse la police faire son travail alors, avec tout ce qui est sorti, ils auront ce qu'ils méritent, reviens Sara. Tu as déjà perdu Joshua, arrête tout ça, ce n'est pas toi.

— Si tu veux partir Asim, je ne te retiens pas, je ne t'ai pas demandé de venir non plus alors laisse-moi, je sais ce que je fais et je finirai ce pourquoi je suis revenue à Austin.

— Tu pensais que ton père s'était suicidé, mais c'est faux, tu tiens des personnes pour responsables de tout ce qu'il s'est passé alors que la seule et unique coupable dans l'histoire, c'est ta mère, mais tu refuses de l'accepter.

— Ce n'est pas ma mère qui m'a violée, c'est Eric Pender !

Il me regarda en fronçant les sourcils.

— Oui Asim, il y a des choses que tu ne sais pas, je ne peux pas arrêter, je ne peux pas !

— Sara...

— Non, ne dis rien, la dernière chose que je veux voir, c'est de la pitié dans tes yeux alors ne dis rien et pars, rentre à New York, on se reverra quand tout sera fini.

— Ce n'est pas toi qui reviendras quand tout sera fini, et je ne sais pas si je serais capable d'accepter la personne que tu deviendras après tout ça...

Il se leva et s'en alla en me lançant un dernier regard.

J'étais seule et comme si la présence d'Asim comblait mes pensées, je me retrouvai submergé par la vérité que m'avait dite ma mère. Mon père avait été tué par ma mère, pour Carl Pender, et je voulais qu'il meure aussi, je voulais que ma mère souffre, pour la première fois, je voulais même qu'elle disparaisse aussi, je voulais sentir son âme damnée partir sous mes mains, je voulais tuer ma mère.

Mon téléphone vibra pour la énième fois et je fus surprise de voir une cinquantaine d'appels manqués et presque autant de messages. Il y en avait même un de Josh et ce fut le premier que j'appelai.

— Cassie ! C'est quoi ce bordel ? Je suis là dans la soirée, je vais le tuer !

— De quoi tu parles Josh ?

— De la photo de ton visage défiguré par Alexander Grayson qui fait la une des journaux de ta ville !

— Quoi ?

J'allumai la télé et vis effectivement qu'une photo nette de mon visage passait en boucle sur les chaînes locales, à côté de celle d'Alex.

— Je te rappelle Josh, dis-je sans lui laisser le temps de répondre.

«Cassandra Morgan, qui fréquente Alexander Grayson depuis plusieurs mois maintenant, a été aperçue ce matin, quittant la propriété des Grayson, le visage tuméfié. Pourtant hier soir, son visage ne présentait aucune marque, les récentes révélations concernant son compagnon ont-elles un rapport avec l'était de Mlle Morgan? Alexander Grayson a déjà été violent dans le passé...»

Je m'arrêtai là, la photo avait été prise dans la maison, ce qui voulait dire que c'était certainement Will ou quelqu'un du personnel qui l'avait donné à la presse. Mon téléphone sonna de nouveau et le nom de Matthew s'afficha.

— Matt, commençai-je, c'est pas du tout ce que tout le monde pense.

— Je m'en fiche, j'ai croisé ton copain et je lui ai refait le portrait !

— Pardon ? Où est-ce qu'il est ?

— Il est à l'hôpital Cassie, et il le mérite ! Je me gare devant chez toi, ouvre-moi vite, il y a quelques photographes.

À l'hôpital ? J'ouvris la porte et trouvai Matt, du sang sur la chemise et l'air presque fou.

— Qu'est-ce que tu as fait ?

— Putain, regarde toi, Cassie !

— Quel hôpital ? demandai-je.

— Tu veux aller le voir ?

— Quel hôpital ! répétai-je.

— Mais c'est quoi ton problème ? Cassie il t'a frappé, deux fois ! Et tu veux aller le voir ? Non, je ne te laisserai pas devenir une de ces femmes !

— Je m'en fous de ce que tu penses ! Je veux que tu me dises dans quel hôpital il est ! hurlai-je.

Je crois même que je pleurais, le désarroi que je pouvais voir sur le visage de Matt me confirma que je pleurai bel et bien.

— Seton, dit-il du bout des lèvres.

Je pris mes clés et sortis rapidement après avoir enfilé une casquette et une paire de lunettes. Si Alex devait finir à l'hôpital c'était parce que je l'y enverrai, je ne supportai pas l'idée qu'il pouvait être blessé par quelqu'un d'autre, je pouvais le blesser, mais personne d'autre ! Il n'était pas dans son état normal, il souffrait beaucoup trop, les remords le rongeaient et j'étais la seule à avoir le droit de le blesser encore plus.

J'arrivai à l'hôpital et demandai la chambre d'Alex.

— Cassandra.

Je me retournai et vis Will.

— Je sais que c'est toi qui a envoyé la photo.

— Oui, c'est moi, je voulais que tout le monde sache que mon frère n'a rien du parfait fils à papa qu'il prétend être.

— On en parlera après, lançai-je avant d'entrer dans la chambre.

Matt n'y avait pas été de main morte, Alex était dans un sale état et vu la manière dont il respirait, il devait surement avoir des côtes fêlées. Je m'approchai et lui pris la main doucement, il dormait. À côté du sien, mon visage était parfait, j'avais l'impression que Matt avait mis des bagues avant de le frapper, il mettrait de longs jours avant de guérir.

— Cassie, tu es là... Je ne pensais pas que je te verrais, dit Jessica Grayson derrière moi.

— Il fallait juste que je le voie, il va s'en sortir, je vais y aller.

— Je comprends, peut-être qu'avec le temps tu lui pardonneras. Je sais que tu auras la force et le cœur de le faire Cassie, je sais que c'est égoïste, mais il en aura besoin pour survivre, sinon ça le détruira définitivement. Je ne te demande pas de rester avec lui, tu sais ce que je pense de votre relation, mais je te demande simplement de lui pardonner, en tant que mère.

— Le temps nous le dira, répondis-je avant de sortir.

Le temps ne nous dira rien du tout, même si je lui pardonnai, lui ne le fera jamais, s'il le faisait je ne pourrais pas vivre avec l'idée de lui avoir fait tant de mal alors qu'il n'y avait pas une once de méchanceté chez lui.

Je quittai l'hôpital et roulai jusqu'à la tour One American Center, le dernier endroit où avait été mon père avant de mourir. Mon père était tombé de cent vingt-deux mètres, est-ce qu'il avait pensé à moi ? Est-ce qu'il avait vu sa vie défiler comme on disait ? Est-ce que son cœur s'était brisé lorsque ma mère l'avait poussé ? J'étais sûre de son amour pour ma mère, j'étais sûre qu'il était éperdument amoureux d'elle, il suffisait de voir la façon qu'il avait de regarder maman, c'était comme si sa vie prenait enfin un sens. Asim avait raison, ma mère était le vrai problème, j'en apprenais de plus en plus sur elle, mais je continuais de blâmer les autres. Elle m'avait fait beaucoup plus de mal, elle m'avait rejeté lorsque j'en avais le plus besoin, elle m'avait tenu pour responsable de la mort de mon père alors qu'elle l'avait tué, elle m'avait poussé à aller à cette fête...

Elle m'avait poussé à aller à cette fête ? Non... ça ne pouvait pas faire partie de son plan. Mais elle en était capable, elle avait bien tué papa, si elle avait voulu l'écarter de sa vie, j'étais le meilleur moyen de le faire, elle savait que papa ne laisserait rien passer qui me concerne, rien du tout. La vérité était là, même si je n'avais aucune preuve, je savais au fond que ma mère était responsable de tout ce qui m'était arrivé, elle avait fait tout ça pour Carl Pender...

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