ÉTAPE 5: EN FINIR AVEC LE PASSÉ, MÊME SI ÇA FAIT MAL

— Tu devrais rentrer te reposer Cassie, je passerai te voir ce soir si tu es d'accord, me dit Alex en continuant ses caresses apaisantes.

Ma migraine s'était atténuée et je devais m'avouer que je me sentais mieux. Ça m'avait fait du bien de craquer, peu importe que ce soit avec Alex, au contraire ce moment nous rapprocherait certainement.

— Oui, je vais rentrer.

Je ne bougeai pas pourtant, j'étais trop bien et je voulais juste arrêter le temps et rester dans ses bras.

— Cassie, je voudrais aussi rester là, mais j'ai une réunion...

— Désolée, dis-je en me levant brusquement.

Ses mots m'avaient ramené à la réalité. J'avais complètement oublié que je devais déjeuner avec Tao, et ça faisait presque une demi-heure que j'étais avec Alex. Je n'osais pas le regarder, ayant peur de trouver dans ses yeux quelque chose qui me bouleverserait et que je ne voudrais et ne pourrais pas laisser, alors je sortis de son bureau sans un mot ni un regard. Je sortis rapidement chercher à manger et rejoignis Tao au bureau, il n'avait pas bougé de place et était plongé dans son ordinateur personnel.

— Désolée je suis en retard, je t'ai pris des tacos à la viande et végétarien.

Il se contenta de hocher la tête en souriant et je m'installai à ses côtés, prête à me changer les idées.

— Alors, dis-moi, ça fait longtemps que tu es ici ?

— Ça fait un an, trois mois et huit jours.

— C'est précis ! Tu as étudié où ? Tu as l'air jeune !

— J'étais à MIT, oui j'ai vingt-trois ans.

Je me raidis directement.

— Ah oui ? Tu y étais quand ? On s'est peut-être croisés sans le savoir.

Il ne répondit pas et me lança un regard énigmatique.

— J'y étais en même temps que toi, mais on ne s'est pas croisé, Cassandra, je ne me souviens pas de toi.

— C'est tellement grand ! Je ne me souviens pas non plus de toi, ris-je faussement.

— Oui, c'est grand, mais j'ai une mémoire absolue, je n'oublie jamais une image, un son, ou un objet et je ne t'aurais pas oublié.

— La mémoire absolue, mythe ou réalité ? Tu dois sans doute savoir qu'il persiste un doute sur la question, alors ton argument n'est pas valable Tao ! Je vais y aller, à demain.

— Je ne voulais pas te... excuse moi Cassandra, dit-il doucement.

J'eus de la peine pour lui, mais je décidai de ne pas répondre et de rentrer. J'avais beaucoup trop de choses à penser, à régler et à continuer surtout, je n'avais pas le temps. Je rassemblai mes affaires rapidement et sortis, sans adresser un regard à personne pour ne pas être retardée. J'allai directement à la salle de sport, malgré ma fatigue, mon esprit avait besoin de se vider surtout après la soirée que j'avais passée.

À cette heure de la journée, la salle était peu fréquentée et ça m'allait très bien. J'aperçus Juan et je me dirigeai vers lui.

— Cassandra ! Tu viens tôt aujourd'hui ça va ?

— Oui, ça va. Est-ce que tu penses qu'on peut se faire une session tout de suite ?

— Juste toi et moi ?

— Toi, moi, quelqu'un d'autre peu importe, j'en ai besoin. Si tu n'es pas dispo est-ce que je peux juste utiliser la salle, s'il te plait ?

Il me regarda quelques secondes en réfléchissant.

— J'ai un cours dans vingt minutes, mais il y a déjà une fille en bas, ma cousine, tu peux y aller si tu veux.

— Merci, Juan.

J'allai me changer rapidement et descendis au sous-sol. Il y avait une femme de mon âge à peu près, qui s'entraînait déjà. Elle avait juste une brassière et son dos avait des marques de brûlures et des cicatrices.

— Qu'est-ce que tu regardes ? ! me lança-t-elle sans se retourner.

Son ton était dur, et presque menaçant et ça ne me plaisait pas du tout.

— Je regarde les marques sur ton dos, répondis-je.

Elle continua à frapper dans le sac après avoir marqué un léger temps d'arrêt. Ses cheveux étaient rouge vif et bouclés, elle devait être légèrement plus grande que moi, peut-être un mètre soixante-douze. Je ne voyais pas son visage, mais en m'installant à côté d'elle je vis qu'elle avait des lacérations sur les bras également.

Je commençai à m'échauffer, un peu de corde, des étirements et je me mis à frapper à mon tour, mon casque sur les oreilles.

J'arrivais plus facilement à me concentrer maintenant, et à penser au cas de ma mère.

Je savais qu'il existait plusieurs groupes un peu partout dans le monde qui louaient leurs services, tout genre de services. Ce que je voulais, c'était que ma mère soit mise à l'écart, et je ne voyais qu'un seul moyen sûr et durable : organiser son enlèvement.

Je savais que je trouverais les ressources nécessaires sur le darknet et l'histoire serait facile à monter. Sa sœur Sara serait impliquée dans un quelconque trafic et ma mère en ferait les frais. Un peu de torture rendrait la chose plus crédible, et au moins je serai tranquille et nous serions quittes... du moins j'aurai une légère avance sur elle en termes de coup bas. Simple et efficace, il fallait juste que je règle les détails dès ce soir.

La femme à côté de moi s'arrêta brusquement et regarda son téléphone, l'air tétanisé. Elle se tourna vers moi et je vis son visage cerné, ses joues creusées et ses traits marqués, elle semblait porter le poids du monde sur ses épaules. Je retirai mon casque et m'arrêtai en la regardant.

— Est-ce que ça va ?

Elle ne réagit pas et décrocha son vieux téléphone à clapet.

— Alexander ? dit-elle d'une voix tremblante.

Alexander ?

— Oui, je suis à Austin, comment tu le sais ? D'accord, je t'attendrai, même heure, même adresse.

Elle raccrocha et rangea son portable. Est-ce qu'elle parlait à Alex ? J'avais le sentiment que c'était le cas, j'en étais même persuadée.

— Quoi ?

Sa voix avait repris de l'assurance, contrairement à quand elle était au téléphone.

— Tu parlais à Alexander Grayson ?

Elle fronça les sourcils et me lança un regard mauvais.

— Pourquoi ? Tu le connais ?

Elle parlait bien à Alex, qui était-elle et pourquoi semblait-elle si choquée de recevoir un appel de lui ?

— Oui, je le connais.

— OK.

Elle rangea ses affaires et se dirigea vers la sortie sans m'adresser un regard et la pointe de jalousie que je ressentais me surprit. Je ne pensais pas que c'était une de ses anciennes copines, mais j'étais sûre qu'ils étaient proches. Mon téléphone sonna et c'était Alex.

— Salut, dis-je.

— Cassie.

Il marqua un temps d'arrêt et soupira.

— Je suis désolé, je ne pourrai pas passer te voir ce soir, j'ai un imprévu de dernière minute.

Ça confirmait donc ce que je pensais, s'il annulait pour la voir, elle devait être importante, très importante.

— Ton imprévu aux cheveux rouges, très bien, à plus tard ! lançai-je, énervée.

— Cassandra attend ! Mais comment tu sais...

— Laisse tomber Alex, peu importe, à plus tard.

Je raccrochai sans lui laisser le temps de finir et remontai dans la salle. La rousse était encore là, elle discutait avec Juan, je lui lançai un bref sourire de remerciement et sortis rapidement. J'arrivai dans mon appartement et pris une longue douche en faisant le bilan de la situation.

Ma mère était revenue à Austin, elle avait dit la vérité sur moi à Joshua et peut-être à quelqu'un d'autre, je le découvrirai bien assez tôt quand j'irai jeter un œil dans son appartement. J'avais joué une première carte en dévoilant la relation d'Annie Clarke et d'Alan Grayson, mais depuis ça, rien, je n'avais rien fait, l'hospitalisation de la mère d'Alex m'avait refroidi, je devais l'admettre, j'avais eu beaucoup de remords. Je m'étais rapprochée d'Eric Pender. Clara Rossi et Skyler Johnson, je les avais mises de côté, parce que j'étais trop prise par ma fausse relation avec Alexander. Et Callie Vasquez avait disparu de la circulation, depuis qu'elle avait été en cure de désintoxication, elle n'était pas revenue à Austin. Elle était stone ce soir-là, mais au même titre qu'Alex, elle n'avait rien fait pour m'aider.

Faire les choses dans l'ordre, c'était ce que je devais faire, m'occuper de ma mère, m'occuper de Joshua, car je savais qu'il reviendrait me voir, et enfin continuer ce pour quoi j'étais revenue dans cette ville. Je savais qu'à la fin, je ne serais pas aussi satisfaite que prévu, je savais que faire du mal à Alexander notamment ne serait pas quelque chose de facile.

J'ouvris mon ordinateur et me connectai au réseau « dream maker » via Tor. L'Australie ne proposait pas beaucoup de services, mais je finis par trouver les personnes appropriées. C'était simple, ma mère serait enlevée lorsqu'elle arriverait à Gillingarra en Australie occidentale, elle devrait y être dans deux jours. Je savais qu'elle avait cherché à localiser le numéro et il la conduirait tout droit là-bas. Elle serait retenue pendant un mois pour commencer et je donnerai mes instructions au fur et à mesure, elle y resterait surement plusieurs mois. C'était cruel, mais nécessaire, comme on disait, c'était un mal pour un bien, et ça marcherait. Pour quatre-vingt mille dollars, ça avait intérêt à marcher. Il ne me restait plus qu'à passer chez elle, et vérifier ce qu'elle avait fait d'autre et ce qu'elle avait sur moi, sur Sara Parker.

Lorsque je recevrai les premières vidéos, je saurais que je pourrais continuer tranquillement. En attendant, le cas Joshua devait être réglé aussi, même si je savais qu'il ne ferait rien pour me nuire, c'était mon sauveur et je tenais beaucoup à lui. Je pris mon téléphone et l'appelai en espérant qu'il décroche.

— Cassie, dit-il. Je ne pensais pas que tu appellerais aussi vite.

— Josh... Est-ce qu'on peut se voir ?

— Je suis au Friends Bar, si tu veux venir, tu peux.

Il raccrocha sans me laisser le temps de répondre. Je m'habillai rapidement et allai le rejoindre, le connaissant il serait capable de partir avant que je n'arrive, juste pour que je lui coure après, et pour me faire chier aussi étant donné que je lui avais fait la même chose plusieurs fois. J'arrivai donc rapidement et je le vis installé à une table avec un whisky.

— Bonjour, Josh.

— Installe-toi, je t'ai commandé une margarita.

Je m'exécutai en silence, je n'arrivai pas à déterminer son état d'esprit et je ne pouvais donc pas ajuster mon attitude.

— Tu as vraiment une sale tête Cassandra, avec tout ce que tu fais je comprends que ça te rende aussi soucieuse. Je devrais m'inquiéter ? Étant donné que tu m'as menacé hier soir, je ne sais pas trop à qui je parle là : la fille dont je suis tombé amoureux ou alors une femme manipulatrice, menteuse, rongée par la haine et la vengeance ?

Je soupirai, il avait raison, mais l'entendre n'était pas facile.

— Je suis désolée de ce que j'ai dit, j'étais... J'étais en colère, mais tu as raison, je t'ai menti, alors tu as tous les droits de me dire ce que tu m'as dit. Joshua, tu as été celui qui m'a sauvé de moi-même, et je ne l'oublierai jamais. Avant toi, personne ne m'avait touché et tu le sais, tu m'as fais m'aimer à nouveau, accepter mon corps et surtout accepter les autres. Je sais que tu ne comprends pas pourquoi je fais tout ça, et je comprends, je te comprends, mais je n'ai vécu que pour ça, je ne vis que pour ça...

Il ne dit rien et me regarda profondément. Je savais ce qu'il cherchait à faire, il voulait me faire vaciller, me faire revenir, comme il avait su le faire plusieurs fois avant.

— Tu n'as pas besoin de faire tout ça Cassandra, tu peux revenir à New York avec moi et on peut refaire notre vie tous les deux.

— Je ne peux pas Josh... C'est trop tard, tu ne retrouveras jamais celle que tu as connue, elle est partie...

— Je peux te faire revenir Cassie et tu le sais, pourquoi tu te tortures comme ça ? Regarde-toi ! Lorsque nous étions ensemble, ton regard brillait, et là, tu es comme morte, s'énerva-t-il.

— Tu ne sais pas tout Joshua, dis-je doucement.

— Eh bien, parle-moi Cassandra ! Putain, dis moi tout alors ! hurla-t-il en balançant son verre.

Il était en colère, et c'était la première fois que je le voyais comme ça. Plusieurs personnes se retournèrent, mais je me contentais de regarder Josh.

— Cassie ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Alexander était debout derrière moi, avec lui il y avait la fille de la salle de sport, ce qui confirmait ce que je pensais. Joshua se tourna vers lui puis me fusilla du regard.

— Josh s'il te plait, commençai-je.

— Tais-toi Cassandra !

— Eh, baisses d'un ton ! lança Alex.

Je savais que Josh était en colère, et que l'intervention d'Alex n'allait pas arranger les choses.

— Alex, tout va bien, on discute.

— Vous ne discutez pas, il te hurle dessus Cassie !

— Fais ce que tu as à faire Cassandra, mais ne m'adresse plus la parole, je suis sérieux.

Josh prit sa veste et sortit du bar en me bousculant violemment. Mon cœur se brisa, je savais que je l'avais perdu et qu'il ne reviendrait plus. Alex était toujours là, il s'approcha de moi, mais je le stoppai :

— Ça va Alex, retourne avec ton imprévu, lançai-je en colère.

— Cassie, ce n'est pas ce que tu crois, c'est une vieille amie, Callie Vasquez.

Callie Vasquez ? Ce n'était pas possible, ça ne pouvait pas être elle, elle ne pouvait pas avoir changé à ce point-là, je l'aurai reconnu.

— Très bien, lâchai-je en partant sans la regarder.

— Cassandra ! Callie, je t'appelle plus tard. Cassandra !

Il m'attrapa par le bras et m'arrêta.

— Cassie, qui c'était ?

— Un imprévu ! J'ai un autre imprévu donc je dois y aller, Alexander.

Il me lâcha et me lança un regard.

— Qu'est-ce que tu veux que je fasse Cassie ?

— Rien, je n'ai besoin de rien Alex, d'ailleurs je pense que...

— Stop ! Ne dis rien OK ? Je te laisse et je passerai te voir demain.

Il s'en alla, au moins les doutes que j'avais sur notre relation étaient infondés, il tenait à moi, il savait que j'allai parler de séparation et ça lui avait fait peur, tout allait bien, très bien.

Joshua n'était plus et la douleur qui me comprimait le cœur rendait son départ réel, ma mère n'était plus, et ce soir, j'avais décidé que Sara Parker n'était plus. Il y avait eu assez de larmes, de cœur brisé, et de déprime. Callie Vasquez était de retour, tout le monde était là, et je n'avais plus aucun obstacle, je ne pouvais plus être démasquée ou dénoncée. Il ne restait que Cassandra Morgan contre Eric Pender, Annie Clarke, Skyler Johnson, Clara Rossi, Callie Vasquez et Alexander Grayson.

Le message que je reçus me conforta encore plus : « Tout est en ordre ». Ma mère était donc un cas réglé, j'avais juste à donner mon feu vert...

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