ÉTAPE 4: DIVISER POUR MIEUX DÉTRUIRE

Ce matin, j'avais décidé de ne pas aller au bureau, prétextant être malade. J'avais reçu la réponse d'Annie Clarke, et ce n'était absolument pas ce à quoi je m'attendais.

«Personne ne peut m'atteindre, pauvre merde », avait-elle répondu.

Je n'avais donc eu aucun remords à fouiller minutieusement dans les mails d'Alan Grayson, et le jackpot était tombé lorsque j'avais trouvé des photos dénudées d'Annie Clarke. Dans la colère, j'avais voulu diffuser le tout à leurs contacts respectifs, mais ça me dérangerait plus qu'autre chose dans ma mission. J'avais donc décidé de l'envoyer aux enfants et à leurs parents, je voulais qu'ils se déchirent, ils seraient beaucoup moins solidaires et plus facilement manipulables. De plus, ça m'embêtait vraiment d'impliquer quelqu'un que j'appréciais dans une fausse relation avec Annie, je pourrais l'approcher tout aussi facilement maintenant qu'elle serait persona non grata et isolée.

Après avoir diffusé le message, je pus enfin me détendre, je ne m'attendais pas à ce qu'ils se manifestent par messages, seulement Annie Clarke, qui allait chercher à me retrouver, enfin l'expéditeur du message. Elle pouvait chercher longtemps, c'était une chose qui n'arriverait jamais, même s'ils arrivaient à intercepter quelques codes malveillants, ça les mènerait en Russie ou en Chine, ceux qu'on accusait toujours de tous les maux du cyber espionnage. D'ailleurs, je n'avais rien installé sur leurs appareils, j'avais juste téléchargé les données, je réservais Eviltoss et Chopstick pour la fin.

Lorsqu'on frappa à ma porte, je m'attendais à ce que ce soit ma mère, même si elle avait dit qu'elle ne voulait plus qu'on se croise, elle était tellement impulsive et impatiente ! Je fermais mon ordinateur et le rangeai sous le bureau. J'ouvris la porte et Alexander se tenait devant moi, le visage décomposé et blanc. J'eus un léger pincement au cœur en le voyant dans cet état.

— Alex, qu'est-ce que tu as ? demandai-je

Il entra sans me répondre et s'installa sur le canapé, du moins, il se laissa tomber. Je m'assis à ses côtés et lui pris la main.

— Alexander, dis-moi ce qu'il se passe, tu m'inquiètes.

Je n'avais pas vraiment besoin de feindre l'inquiétude, il semblait complètement déboussolé.

— Mon père..., commença-t-il.

Il me regarda un instant et reprit.

— Mon père a une liaison avec Annie, Annie Clarke...

Sans blague ? Alan Grayson était un vieux porc, pervers et sadique. Au moment où j'allais parler, son téléphone sonna :

— Mary ? Quoi ? Où est-elle ? ! J'arrive tout de suite !

Il se leva et me regarda les yeux embués :

— Ma mère est à l'hôpital.

Mon cœur s'arrêta, je n'avais pas prévu ça, non, non, non.

— Je t'accompagne, dis-je.

J'enfilais une veste et lui pris la main. Mon Dieu, il ne fallait pas que quelque chose arrive à Jessica Grayson, je n'avais pas prévu ça, ça ne faisait pas partie du plan, ça ne faisait pas partie du plan.

— Où est-elle ?

— Seton Medical Center, dit-il doucement.

Quelle ironie, l'hôpital appartenait au groupe immobilier Grayson. Je conduisais en silence, si jamais... Je préférai ne pas y penser, c'était surement le choc, découvrir que son mari se tapait la fille de leurs plus proches amis avait dû la choquer. Nous arrivâmes à l'hôpital, mais Alex était stoïque, il était incapable de dire un mot.

— Bonjour, dis-je à l'accueil. Nous venons voir Jessica Grayson, elle a été admise ici.

— Vous êtes de la famille ?

— Son fils est juste devant vous ! m'énervai-je.

— Patientez, un médecin va venir vous voir, répondit-elle sans nous regarder.

Je n'arrivais pas à y croire, son boulot avait l'air de la faire chier.

— Écoutez-moi ! Le bâtiment dans lequel vous travaillez appartient à la famille Grayson ! Alors vous avez intérêt à nous renseigner tout de suite, si vous voulez garder votre putain de job !

Elle me regarda et tourna son regard vers Alexander.

— Dites-nous ce que vous savez !

Elle regarda son écran.

— Mme Grayson a eu une crise cardiaque, elle est actuellement en soins intensifs, elle a été prise en charge par le docteur Bailey en personne, je l'informe de votre présence.

— Où est ma femme ?

Je me retournai en même temps qu'Alex et son père était là. Ce fut comme s'il avait reçu un électrochoc, il se précipita vers ce dernier et se mit à le frapper.

— C'est ta faute ! C'est à cause de toi si elle est ici, tu n'es qu'un sale connard ! Comment t'as pu faire ça ?

Et il le frappa à nouveau, je tentais de m'interposer après que le père ait reçu plusieurs coups bien placés, mais, seule, il m'était impossible de l'arrêter. Très vite la sécurité arriva et ils purent enfin l'arrêter. Alex essayait de se dégager, enragé, il était incontrôlable. Mr Grayson fut emmené à l'extérieur et je me mis face à Alex toujours retenu par deux gars.

— Alex, s'il te plait calme toi, ta mère va avoir besoin de toi, concentre-toi sur elle.

Je m'approchai doucement et lui pris la main.

— Viens, on va la voir.

Il me regarda enfin, et de nouveau, il semblait perdu et désorienté.

— Viens, Alex, on y va, dis-je de nouveau.

Il se laissa entraîner, et je me dirigeai vers le service soins intensifs, rendant un regard assassin à la bonne femme de l'accueil pour la dissuader de parler. Nous attendions près de l'accueil que le docteur Bailey arrive.

— Je n'arrive pas à y croire, comment ils ont pu faire une chose pareille ? Je... je n'arrive pas à y croire...

Je le pris dans mes bras en silence, ça me faisait mal, bien que j'aimerai le contraire, le voir dans cet état était compliqué.

— Mr Grayson ?

Le médecin était là.

— Asseyons-nous un moment.

J'essayais de déceler la moindre information sur son visage en vain.

— Votre mère est stabilisée, commença-t-il. Elle est sous surveillance continue, nous allons la garder plusieurs jours pour un repos complet, puis elle reprendra progressivement une activité physique adaptée et surveillée.

Le soulagement que je ressentis à ce moment fut total.

— Elle ira bien, elle aura juste besoin de beaucoup de repos et d'être entourée. Pour l'instant, vous ne pouvez pas la voir, mais ce sera possible d'ici une heure ou deux. On vous tiendra informé très vite, je dois y aller, d'autres patients m'attendent.

Alex était soulagé aussi, mais la colère se voyait sur son visage et jamais je n'aurais pensé que j'aurais peur de sa réaction.

— Merci d'être venue avec moi Cassie, dit-il.

— C'est normal, si tu as besoin de quoi que ce soit, n'hésite pas.

— Je voudrais que tu partes Cassie, je ne me contrôle pas quand je suis en colère, et je ne veux pas passer mes nerfs sur toi, dit-il froidement.

Ça non plus, je ne l'avais pas prévu, il fallait croire que ses réactions n'étaient pas aussi prévisibles que ça.

— Je ne te laisserai pas dans un moment pareil, j'en ai vu d'autres Alex.

— Cassie, va t'en !

Je ne répondis pas et m'assis sur une chaise en silence. Je savais ce qu'il ressentait, il avait de la chance cependant, sa mère était en vie et irait bien. Il n'était pas seul, rejeté et écoeuré de lui-même. Je savais qu'il me regardait, mais je restais sur la chaise et il finit par s'installer. Ça me servirait de leçon à moi aussi, je réfléchirai à deux fois avant de céder à mes pulsions, c'était un jeu psychologique, je devais toujours garder une vue d'ensemble, et ne pas me précipiter. Alex alla voir sa mère et je l'attendais sans qu'il m'ait adressé un mot. Il revint presque une heure après et parut surpris de me trouver à la même place.

— Je te raccompagne, dis-je en me levant.

Je me dirigeai vers l'ascenseur sans lui laisser le temps de répondre et il me suivit en silence. Le trajet fut long, et il ne prononça pas un mot. Je m'arrêtai en bas de chez moi, où il s'était garé, et coupai le moteur.

— Si tu veux rester ici, tu peux.

Il refusa, descendit et se dirigea vers sa voiture. Je ne savais pas quoi faire, il ne voulait pas de ma présence et je ne pouvais pas m'imposer plus. Je descendis donc de ma voiture, je ne savais pas pourquoi son attitude me dérangeait tant, j'étais moi-même si hypocrite avec lui, je l'utilisais pour arriver à mes fins, alors sentir mon regard se brouiller me surprit vraiment et je me ressaisis rapidement. Il était monté dans sa voiture, et je me dirigeai vers mon bâtiment.

L'essentiel était que sa mère allait bien, je n'étais responsable de rien, ce n'était pas prévu, je n'y pouvais rien si à la moindre mauvaise nouvelle elle faisait une crise cardiaque, ce genre de personne super sensible...

J'entrai chez moi et me concentrais sur la suite de mon travail.

Maintenant que j'avais joué une première carte, il fallait que je m'occupe de ma mère. Je ne pouvais pas lui donner ce qu'elle voulait, malgré la promesse, je devais la piéger et m'en débarrasser, qu'elle s'écarte de mon chemin. Je savais ce que j'étais censée faire, mais j'avais besoin de l'aide de mon ami Asim, et je n'étais pas sûre qu'il accepte, c'était cruel, mais nécessaire. Je lui envoyais donc tout ce qui était nécessaire à ce que je lui demandais, et attendis son appel qui fut presque instantané.

— Sara, tu m'as dit que si je pensais que tu dépassais les bornes, je devais t'arrêter. Tu ne peux pas faire ça, c'est cruel.

— Je n'ai pas le choix Asim, tu le sais ! Je veux juste qu'elle parte d'Austin !

— Et tu crois qu'elle ne va pas revenir quand elle se rendra compte que c'était un leurre ? Elle saura que c'est toi !

— Non, elle restera le temps qu'il faut, et puis, si jamais elle essaye de revenir, il suffira de...

— Stop ! Tu dépasses les limites, c'est ta mère putain !

— Si tu avais entendu tout ce qu'elle m'a dit... je ne suis plus sa fille Asim, depuis longtemps. Ce sera la dernière chose que je te demanderai, je te le promets, je me débrouillerai seule pour le reste, s'il te plait.

— OK.

Il raccrocha et je n'essayai pas de le rappeler, ça ne servirait à rien. Quelques heures plus tard, il m'envoyait un message « C'est fait ». Il ne me restait plus qu'à contacter ma mère, je l'appelais :

— Sara, dit-elle doucement.

Elle était bouleversée.

— J'ai les accès aux comptes d'Olivia Pender comme tu le voulais ! dis-je froidement.

— Je n'en ai plus besoin pour l'instant.

— Quoi ? ! Tu te fous de moi ! Tu es venue jusque chez moi...

— Sara ferme la putain ! J'ai une urgence, je vais partir quelque temps, je crois que j'ai retrouvé Sara.

— Sara ? Tante Sara ?

— Oui, pleura-t-elle, elle m'a appelé, tu sais que je n'ai jamais changé de numéro dans l'espoir qu'elle revienne et elle m'a laissé un message, je vais la chercher.

— Mais où est-elle ? fis-je en feignant la surprise

— En Australie, elle m'a appelé d'un numéro australien, je pars dès que possible !

Très bien. La désillusion allait surement lui briser le cœur, mais je savais que ces vieilles cassettes me serviraient un jour.

— J'ai besoin d'argent pour partir, alors changeons notre deal : je me tais et tu me donnes de quoi rester quelque temps là-bas.

Je ne dis rien pendant quelques secondes.

— Arrête de réfléchir, tu es riche putain ! Je te demande juste cent mille dollars, ce n'est rien pour toi !

— Très bien, je te fais un virement.

— Très bien, dit-elle à son tour avant de raccrocher.

Sara était la sœur jumelle de ma mère, elle avait disparu lorsque j'avais dix ans, et ma mère avait toujours eu espoir de la retrouver. Ma tante Sara était un amour, elle faisait des vidéos sur tout et n'importe quoi et me donnait toujours une copie, c'était une des rares choses que j'avais gardées. J'avais demandé à Asim d'utiliser ces enregistrements et de faire un montage audio pour faire croire à ma mère que sa sœur lui avait laissé un message. Je comprenais qu'Asim pensait que c'était cruel, ça l'était, mais au moins, ma mère serait absente pour un bon bout de temps, elle ne lâcherait pas l'affaire tant qu'elle ne l'aurait pas retrouvée.

J'avais fait mes recherches : ma tante Sara avait vécu quatre ans en Inde, elle avait été mariée, s'était consacrée entièrement à la prière et avait succombé à un cancer du sein qu'elle avait refusé de soigner. J'avais envoyé ma mère sur la piste d'une morte, et malgré la gêne que je ressentais, je n'avais aucun scrupule, comme elle l'avait dit je n'étais plus sa fille et elle n'était plus ma mère...

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