ÉTAPE 2: FAIRE BAISSER LA GARDE DE VOTRE ENNEMI
Ma première cible était atteinte, la plus facile je devais l'admettre, Alexander. Nous avions prévu de nous revoir samedi soir et il avait tenu à tout préparer, si ça lui faisait plaisir...
J'avais eu un moment de faiblesse où je m'étais posé beaucoup des questions, où j'étais à fleur de peau, tout ceci était dû à mon retour à Austin, j'avais beaucoup trop de mauvais souvenirs ici. Aujourd'hui, j'allais mieux, j'étais de nouveau concentrée et j'attendais avec impatience l'appel d'Annie Clarke.
Nous étions vendredi soir et j'avais décidé de rechercher les sœurs d'Emily Davis, Caroline et Kimberley. Ça n'avait pas été difficile, elles faisaient toutes les deux partie de l'association locale de lutte contre le harcèlement scolaire, ce qui signifiait qu'elles étaient certainement présentes au gala des parents d'Alexander.
Caroline vivait toujours à Austin. Mariée et mère de trois enfants, elle était présidente de l'association et intervenait dans les écoles de la ville.
Kimberley, elle, n'avait pas d'enfants, elle vivait avec son compagnon Josh policier, et elle était institutrice.
Mon téléphone sonna à ce moment, Annie Clarke. Ce genre de fille était vraiment prévisible, je n'avais pas eu besoin de faire beaucoup de recherche sur elle, elle n'avait pas vraiment changé depuis le lycée, une garce.
— Allô ?
— Cassandra ! Comment tu vas ? C'est Annie, l'amie d'Alexander.
Elle avait une voix enjouée, comme si elle était contente de me parler.
— Je vais très bien et toi ?
— Ça va super ! Dis-moi, tu es libre demain ? J'aimerais aller faire des petites emplettes, tu pourrais m'accompagner ?
Comme je vous l'avais dit : prévisible.
— Oui pourquoi pas, par contre je ne suis pas libre en soirée.
— Tu as rendez-vous avec quelqu'un ?
Commère qui plus est...
— Oui, je profiterai de notre sortie pour me trouver une tenue sympa.
— Oh super ! Je te donnerai des conseils, et tu pourras aller chez ma coiffeuse aussi, elle a des doigts de fée ! Je passe te prendre à dix heures, envoie moi ton adresse ! À demain !
J'avais à peine eu le temps de répondre qu'elle avait raccroché. Je lui envoyai mon adresse et mis de côté mes recherches concernant les sœurs Davis. Depuis que j'avais téléchargé les données de leurs téléphones, je n'avais pas étudié leurs contenus, et celui d'Annie devait être bien rempli.
Il y avait des centaines de photos d'elle, sous tous les profils, avec différentes coiffures, différents maquillages, styles. Des mises en scène du genre Annie lisant le journal, Annie se faisant les ongles, Annie réfléchissant, je n'avais jamais vu ça. Elle était narcissique je le savais, mais là c'était quand même exagéré.
Je m'attaquais aux messages, m'intéressant à ceux qu'elle échangeait avec les autres. Mon nom était cité dans une conversation avec Skyler Johnson. Cette dernière était surprise de l'intérêt que me portait Alexander, elle disait qu'il voulait surement me mettre dans son lit, car il n'avait plus jamais eu de relation sérieuse depuis « tu sais qui ». Annie disait que si je pouvais faire en sorte qu'il s'ouvre de nouveau aux autres, c'était une bonne chose, qu'il avait été beaucoup plus affecté qu'eux par ce qu'il s'était passé avant la remise de diplôme.
Il s'était donc vraiment passé quelque chose et ça concernait une autre personne que moi, surement Emily Davis. Je regardai le reste et mon attention fut attirée par un échange avec une certaine Lana. Il n'y avait que des heures et des lieux de rendez-vous, ce qui était étrange. J'entrai le numéro de téléphone et lançai la recherche :
Alan Grayson, une anagramme. Elle avait une liaison avec Alan Grayson ? Je regardai à quoi correspondaient les lieux et il s'agissait d'hôtels.
La salope ! Le père de son soi-disant meilleur ami ? Waw et il n'était pas mieux non plus, à jouer les époux dévoués, pauvre Alexander...
J'avais une information que je pourrais utiliser, et je savais exactement à quel moment le faire...
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Le lendemain, Annie sonna à ma porte à 9 h 30. J'aurais dû m'attendre à ce qu'elle débarque plus tôt, elle devait être curieuse de voir où je vivais.
— Bonjour ! Je suis en avance, j'ai apporté le petit dej'.
Elle se donna la peine d'entrer et déposa son paquet avant de faire le tour de l'appartement.
— C'est intéressant... lança-t-elle.
— C'est temporaire, je compte acheter un bien rapidement.
— Tant mieux, je connais une superbe décoratrice d'intérieur, je te donnerai ses coordonnées, on y va ?
Elle n'attendit pas ma réponse et je la suivis à l'extérieur.
— Bon, on commence par le shopping, je vais te montrer les meilleures boutiques d'Austin, tu trouveras forcément quelque chose. Ensuite je nous ai calé un rendez-vous chez le coiffeur !
La matinée fut un calvaire, elle parlait tellement, mais surtout elle n'évoqua pas le sujet Martin et je commençai à douter. Pourquoi voulait-elle passer du temps avec moi si ce n'était par rapport à lui ? Nous continuâmes notre shopping en discutant de tout et de rien, jusqu'à ce qu'elle commence à me questionner.
— Pourquoi es-tu venue à Austin ? Tu avais un boulot de rêve dans une ville de rêve pourtant.
— J'avais besoin de changement, je n'ai pas d'attaches à New York et une petite ville me semble le mieux pour construire un avenir familial.
— Tu veux une famille ?
— J'aimerai bien oui, j'ai beaucoup voyagé à Dallas et Houston, mais Austin me paraissait plus chaleureuse, alors j'essaye et si ça ne me plait pas je pourrai toujours m'en aller.
— Moi je ne me vois pas ailleurs qu'ici, je suis un pur produit du Texas et cette ville me tient à cœur. Tiens, essaye ça !
Elle me tendit une robe rouge avec un décolleté énorme, je la pris avec d'autres tenues et passais aux essayages. Finalement, j'avais trouvé une combinaison noir dos nu avec un col rond, avec un joli sautoir que je mettrai dans le dos.
— C'est vrai que c'est joli, ça te correspond : discret et sensuel.
Un compliment ? Waw, si elle savait qui j'étais vraiment... je ris intérieurement avant de passer en caisse.
— On va déjeuner et hop ! chez le coiffeur !
Durant le repas, elle me demanda enfin ce qui m'intéressait.
— Et ton ami est rentré chez lui ?
— Qui, Martin ?
— Oui, c'est son prénom, il me semble.
Ridicule.
— Oui, il est rentré le soir même, il a eu une petite urgence.
— Rien de grave, j'espère ?
— Non, un problème au boulot, il travaille beaucoup trop, j'arrête pas de lui dire de se trouver une femme, de partager de bons moments avec elle. C'est un amour, mais il s'occupe des autres sans penser à lui, dis-je d'une voix admirative.
Elle rougit légèrement.
— Quelqu'un d'altruiste, c'est plutôt rare de nos jours.
C'est sûr qu'elle n'était pas concernée par le sujet.
— C'est un brillant homme d'affaires, il est humble et tellement gentil, nous devons nous revoir bientôt.
— Tu as l'air de beaucoup l'apprécier.
— Oui, c'est quelqu'un de bien, j'aimerais vraiment qu'il trouve une femme qui puisse le combler, c'est tout ce qu'il lui manque.
Elle ne posa plus de questions, Annie Clarke était gênée, encore une fois j'avais vu juste, elle avait flashé sur lui. Un petit coup de pouce aiderait ma cause.
— D'ailleurs, je pense que tu lui as tapé dans l'œil, ajoutai-je en lui souriant.
— Tu penses ?
— Oui, son regard était rivé sur toi toute la soirée, il semblait presque pressé de vous rejoindre, souris-je.
Elle ne dit rien, mais sourit en prenant une bouchée.
— C'est vrai qu'il est bel homme, finit-elle par dire.
— Écoute, si tu es intéressée aussi je peux peut-être nous organiser un petit quelque chose chez moi.
— Ça fera un peu trop gros, tu trouves pas ? J'organise un barbecue dans quinze jours, tu pourrais venir avec lui plutôt ? Ce sera plus décontracté.
Elle avait déjà son idée en tête et elle pensait avoir réussi son coup, ce qui m'arrangeait.
— Oui ce serait super ! Je suis sûre que vous allez vous entendre.
— J'espère, dit-elle en riant. Allez, on va chez le coiffeur, Alex doit perdre tous ses moyens en te voyant ! Oui, je sais que c'est lui que tu vois ce soir Cassandra. En même temps... qui d'autre ça peut être ?
Mes cheveux étaient longs, épais et ondulés. J'avais décidé de les couper en un carré mi-long aux épaules et la coiffeuse m'avait fait un joli brushing. Annie Clarke était surexcitée, comme si c'était le premier rendez-vous d'une amie proche.
— Tu es canon, Cassie, j'espère vraiment que les choses vont marcher pour vous, Alex est quelqu'un de bien. Ne lui brise pas le cœur : il est fragile et, crois-moi, tu ne voudrais pas m'avoir comme ennemie, ajouta-t-elle sérieusement.
C'était déjà le cas Annie Clarke, c'était déjà le cas.
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J'étais prête pour mon rendez-vous. J'avais passé ma combinaison qui était ouverte jusqu'aux reins, une paire d'escarpins émeraude, un maquillage léger et les lèvres rouges. Je pris ma minaudière et descendis rejoindre Alexander. Il m'attendait avec un magnifique bouquet de roses.
— Bonsoir, Cassandra.
Il me regarda de haut en bas et sourit en me tendant le bouquet.
— Bonsoir Alex, merci, elles sont magnifiques. J'espère que je suis assez habillée, tu n'as pas voulu me dire où on allait...
— Tu es parfaite, ne changes rien. J'adore cette coiffure.
Il me tendit la main pour m'aider à monter dans la voiture, et je le sentis se figer lorsque je passai devant lui, effet dos nu assuré.
— Où tu m'emmènes ?
— C'est une surprise, patience.
— Donne-moi un indice s'il te plait !
— Cassie, je ne dirai rien, dit-il en riant.
— OK.
Je me tus et regardai le paysage défiler, je n'aimais pas la direction qu'il prenait, il allait vers mon ancien quartier. Il s'arrêta devant le parc de notre enfance et je retins mon souffle, rejetant les souvenirs qui menaçaient de me submerger.
— On est arrivé, arrête de bouder et viens, suis-moi.
Je lui pris la main et le suivi en silence, il ouvrit les portes du parc avec une clé et m'emmena près de la fontaine. Une magnifique table était dressée, des bougies étaient allumées un peu partout autour de la fontaine, il y avait des pétales de roses par terre et un charriot contenant surement notre repas. C'était magnifique, je n'arrivais pas à croire qu'il avait fait tout ça, je ne voulais pas y croire, j'avais l'impression de retrouver le Alex de mon enfance. Celui qui me poussait si haut sur la balançoire que j'avais l'impression de toucher le ciel.
Celui qui m'avait montré comment siffler.
Celui qui m'avait offert une douzaine de cookies à la noix de pécan pour mon anniversaire.
Celui qui...
— Cassie ? Pourquoi tu pleures ?
Je ne m'étais pas rendu compte que mes larmes coulaient, je le regardai et je lus de l'inquiétude dans son regard, ce qui fit redoubler mes pleurs.
— Oh Cassie, je suis désolé, j'aurai dû... C'est trop ? Je...
Il s'arrêta et me prit dans ses bras, j'avais honte, Dieu que j'avais honte, quelques bougies et des fleurs et je perdais mes moyens comme une idiote, perdant de vue tout ce pourquoi je m'étais préparée.
— Non, c'est parfait, ça me rappelle juste des souvenirs...
— Tu veux qu'on s'en aille ?
— Non, installons-nous, dis-je en séchant mes larmes.
La soirée se passait bien, trop bien. Nous discutions de tout et de rien, et c'était presque naturel pour moi. Même penser à Emily Davis n'arrivait pas à me faire ressentir de la colère envers lui. Il me raccompagna chez moi et je lui proposai un dernier verre comme on disait.
— Ma mère insiste pour que tu viennes à la maison demain, elle n'arrête pas de me rabâcher avec ça.
— Qu'est-ce que tu en penses ? lui demandai-je
— Sincèrement ? J'aimerais beaucoup que tu viennes, je sais que ça peut paraître prématuré, mais je veux que tu rencontres officiellement mes parents. Mon père est de retour et il m'a parlé de plusieurs biens qui pourraient t'intéresser.
— Si tu es d'accord, je viendrai avec plaisir Alex.
— Parfait, est-ce que tu montes ?
— Ça fait longtemps, mais oui, pourquoi ? Ne me dis pas que tu as des chevaux ?
Je savais qu'il avait des chevaux, j'avais monté quelques fois chez lui, enfant.
— Tu vas adorer monter, Sara.
Mon cœur s'arrêta.
— Sara ?
— Oui ma jument, elle est magnifique.
— Tu l'as appelé Sara ?
— Oui, elle me rappelle une vieille amie que j'ai perdue de vue..., dit-il pensif.
— Tu devais l'apprécier au point de donner son nom à ta jument, ajoutai-je fébrile
— Malheureusement, je l'ai déçue, je le regrette vraiment, mais on ne peut pas remonter le temps... Je suis sûr qu'elle va bien, elle était si forte, je suis sûr qu'elle va bien, répéta-t-il comme pour se rassurer.
Sans m'y attendre, je fus subjuguée par la compassion. Je voulais lui dire que Sara allait bien, qu'elle se tenait devant lui, qu'elle était en colère, mais pas vraiment contre lui, qu'il était jeune et con, je voulais lui pardonner.
Sans réfléchir, je l'embrassai avec douceur, oubliant tout le reste. Je cédai à mes émotions, je cédai à ses magnifiques yeux noisette, je cédai alors que j'avais eu tant de mal à laisser quelqu'un me toucher, je cédai parce que je devais l'avouer, mon corps réagissait face à lui, je cédai en sachant que je me réveillerai pleine de dégout, de colère et de honte.
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