ÉTAPE 11: TOUJOURS SE FIER À SON INSTINCT, TOUJOURS.
Je me levai machinalement et sortis du bar, livide. Alan Pender connaissait la vérité, il savait qui j'étais, il savait...
Je marchai jusqu'à ma voiture, sortis mes clés et la déverrouillai.
Alan savait, il était capable de détruire tout ce pour quoi j'en étais arrivée là, il était l'épée de Damoclès au-dessus de ma tête et j'avais laissé ça arriver.
— Cassie, je t'ai appelé un taxi, il arrive.
Alex était derrière moi lorsque je me retournai, il me sondait du regard comme s'il cherchait quelque chose.
— Est-ce que tout va bien ? demanda-t-il.
Je devais donner l'impression d'avoir vu un fantôme, puisque son visage était inquiet. Je hochai la tête sans répondre et ouvris la portière.
— Qu'est-ce que tu fais ? Je t'ai dit que je t'avais appelé un taxi, tu as beaucoup trop bu pour conduire.
Il s'inquiétait pour moi ? Ou alors il faisait semblant, il connaissait Alan, d'ailleurs c'était chez lui que je l'avais rencontré, de quoi avait-il parlé ? Peut-être de moi ? Peut-être qu'il savait tout et que j'étais en train de me faire avoir comme une débutante ?
— Je peux conduire Alex, j'ai l'esprit clair.
— On ne dirait pas, vu ta tête, le taxi est là dans cinq minutes, je vais attendre avec toi.
— Pourquoi tu fais ça ?
— Parce que je ne veux pas que tu fasses un accident bête.
Il ne me regarda pas dans les yeux lorsqu'il me dit ça, il mentait. J'étais sûre qu'il me cachait quelque chose, il devait surement jouer avec moi, je devais voir si c'était le cas, où alors c'était autre chose, il fallait que j'en aie le cœur net. Alors peut-être qu'un peu de sincérité m'aiderait pour une fois.
— La nuit où j'ai été violée, j'ai toujours cru que ce n'était pas arrivé, je me suis persuadée qu'on était arrivé juste à temps pour empêcher ça. J'étais une adolescente, tu sais, j'avais à peine quinze ans. La nuit où Eric est venu chez moi, je me suis souvenue, j'avais la scène qui tournait en boucle dans ma tête, une scène différente de l'histoire que je connaissais, une scène où personne n'était venu arrêter mon agresseur. Une scène où ma première fois était un viol, où j'étais ivre, où j'étais seule. Il m'a marqué à vie, j'avais l'impression que mon corps portait son empreinte et que toutes les douches du monde ne pouvaient pas l'effacer. Ce soir où Eric est venu, j'avais l'impression de voir mon agresseur, j'étais tétanisée et je suis sûre que s'il avait tenté quelque chose, je ne me serais pas défendu.
— Cassie, je...
— Non, je ne te dis pas ça pour que tu aies pitié de moi. Si j'arrive à te dire tout ça, c'est parce que je te fais confiance Alex, j'ai juste besoin de parler. Ce soir-là, j'avais peur, et tu es la seule personne que j'ai pensé à appeler, tu sais pourquoi ? Parce que tu as su effacer une partie de son empreinte, tu as su le faire et pour ça je te serais éternellement reconnaissante. Je comprends pourquoi tu veux qu'on se sépare, et tu as raison, mes vieux démons sont toujours là et je dois les combattre. J'ai une tendance à détruire toutes les relations saines que j'ai parce que je n'arrive toujours pas à m'accepter. Je suis nocive, je fais ressortir les mauvaises choses chez les gens parce que c'est ce que je ressens, du dégout envers moi-même, de la honte, du mépris et de la colère. Tu as pris la bonne décision Alex, je ne t'en veux pas même si ça me brise le cœur, tu as pris la bonne décision.
— Tu n'as pas compris Cassie, dit-il après avoir marqué un silence. Tu n'as pas compris pourquoi j'avais pris cette décision. On a tous les deux nos vieux démons, mais les miens sont incompatibles avec les tiens, et lorsque tu sauras la vérité, tu ne voudras plus de moi, je le sais et je préfère stopper notre histoire avant de t'aimer au point de ne plus pouvoir supporter ton absence.
Mon cœur me hurlait de le croire, mais ma raison refusait. Je n'avais plus confiance, au-delà d'Alex c'était en mon instinct que je n'avais plus confiance, alors que d'habitude je sentais toujours bien les choses. Il fallait que je voie Alan, maintenant, je ne pouvais pas attendre, il fallait que je réagisse très vite.
Je ne lui répondis pas et me dirigeai vers ma voiture, le taxi était là depuis quelques minutes, mais il était hors de question que je le prenne.
— Cassie, s'il te plait, ne conduis pas dans cet état, s'il t'arrivait quelque chose...
— Il ne m'arrivera rien, Alex, ne t'inquiète pas pour moi, je n'en vaux pas la peine.
— Tu vaux beaucoup plus pour moi que tu ne le penses...
Je montai dans ma voiture et démarrai. Je ne savais pas où vivait Alan alors je l'appelai en espérant qu'il décroche.
— Cassie, appuya-t-il. Je ne m'attendais pas à ton appel !
— Envoie-moi ton adresse.
Il raccrocha sans répondre, mais je reçus son message quelques secondes plus tard et je fus chez lui en vingt minutes.
La porte était entrouverte et je pris la liberté d'entrer comme il avait pris la liberté de fouiller dans mes affaires. Il était avachi sur son canapé une bière à la main et son regard particulier qui me mettait si mal à l'aise habituellement.
— Assieds-toi, je pensais que tu attendrais demain pour venir me voir ! dit-il avec un sourire.
— Qu'est-ce que tu veux ?
— Relax, je m'en fiche que tu sois Sara Parker et je comprends ce que tu fais. Eric a abusé de toi et il n'a pas payé pour son acte, tu as tous les droits de te venger, même si c'est un peu excessif.
Je le regardai incrédule. Il savait ? Sa famille savait et ils... Ils avaient protégé leur fils...
— Eh oui, maman Pender est une vraie mère poule, même quand son fils adoré lui avoue avoir eu une relation sexuelle avec une fille qui ne voulait peut-être pas, et qui était ivre.
Il disait la vérité, et ça ne m'étonnait pas d'Olivia Pender.
— Quand j'ai vu dans quel état tu étais lorsque je suis arrivé chez toi, je savais que tu n'étais pas celle que tu disais être. Bon, à la base je suis allé dans ta chambre pour te chercher quelque chose de chaud parce que tu tremblais vraiment, et puis j'ai découvert la même trappe que j'avais enfant dans ton dressing. Tu sais, celle où il faut appuyer sur une planche pour l'ouvrir ? Alors je l'ai fait et j'ai trouvé cette valise avec des photos et des lettres et j'ai compris qui tu étais.
Il s'arrêta et but une gorgée de sa bière. Il voulait quelque chose, je ne savais pas quoi, mais il voulait quelque chose et il ne dirait rien si je l'aidais, malgré la situation j'en étais persuadée. Il n'avait pas lu le plus important, il ne savait pas que son père et ma mère avait eu une relation.
— Dis-moi ce que tu veux Alan.
— Je veux que tu m'aides à savoir qui est ma mère biologique.
Il ne connaissait pas sa mère ? Je pensais pourtant qu'il était issu d'une précédente union de Carl Pender.
— Mon père m'a donné un nom une fois, Catherine Ribeiro, mais je l'ai retrouvé et ce n'est pas elle, il m'a menti.
— Tu as ton certificat de naissance ?
— Non, mon père dit qu'il l'a perdu, mais je sais qu'il ment. Je sais aussi qu'il a une copie numérique de tous les documents importants, et c'est ce que je veux avoir. L'informatique c'est ton domaine n'est-ce pas ? Mais je peux te donner ça, ce sont des cheveux, ça pourra toujours te servir.
— Comment je peux être sûre que tu ne diras rien ?
— T'es pas la première et tu seras pas la dernière fille dont abusera mon frère, c'est un connard de première et toutes les raclées que je lui ai mises ne suffiront jamais. Ta famille a morflé après ce qu'il s'est passé et au lieu de faire profil bas, Olivia a tout mis en œuvre pour que ton père ne retrouve jamais de boulot. Et j'ai appris qu'il s'était suicidé alors bon, je comprends que tu en veuilles à tous ceux qui étaient présents ce soir-là, mais Alex a vraiment changé, il a changé depuis ce jour-là et je crois bien qu'il s'est jamais pardonné.
— Je vais t'aider, dis-je avant de me diriger vers la porte.
— Attends Cassie ! Je veux juste connaître mon histoire, je te promets que je ne dirais rien à personne.
— On verra...
Je sortis de chez lui. À quel moment avais-je oublié que la prudence devait être le mot d'ordre de ma vie ? À quel moment avais-je oublié que personne ne devait devenir mon ami ici ? À quel moment avais-je oublié qu'il ne fallait pas que mes sentiments prennent le dessus ? À quel moment avais-je oublié que c'était en tant que Cassandra Morgan que j'étais arrivée ici et que Sara Parker était censée avoir disparu ?
Il fallait que je me reprenne. Il ne fallait peut-être pas qu'Alex revienne auprès de moi, j'avais senti tellement de sincérité dans ses mots, mais je ne pouvais pas le croire sur parole. C'était lui ma faiblesse, lui et personne d'autre dans le groupe, et même si l'avoir près de moi était un avantage, c'était devenu mon talon d'Achille, et ma raison me disait de m'éloigner de lui.
J'arrivai chez moi, il était très tard. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis ma mère sous le porche de ma maison ! Et moi qui pensais avoir eu mon compte ce soir... J'aurais dû me douter qu'elle arriverait plus tôt que prévu, mais je ne pensais pas qu'elle viendrait aussi rapidement. J'ouvris la porte et la laissai entrer derrière moi sachant qu'elle n'attendrait pas mon autorisation. Elle referma la porte à clés et regarda rapidement mon intérieur.
— Je ne savais pas que tes goûts avaient tellement changé, lâcha-t-elle.
— Tu ne me connais plus, qu'est-ce que tu fais ici ? Tu devais rester plusieurs semaines en Australie et te voilà ici.
— Sara, on essaye de me tuer et je sais qui est derrière tout ça.
— Qu'est-ce que tu racontes ?
— On essaye de me tuer ! C'est Carl Pender et Sharon Johnson, ils se sont introduits chez moi et ont pris les preuves qui pouvaient les incriminer, dit-elle en regardant autour d'elle.
— De quoi tu parles ? De quelles preuves ? Qu'est-ce qu'ils ont fait ?
— Putain Sara ! Tu comprends pas ou tu le fais exprès ? Carl Pender vend des chevaux illégalement à ses riches clients, et Sharon utilise les ressources de son mari pour planquer tout le fric qu'ils se font ! J'avais les preuves matérielles chez moi, mais ils se sont introduits et les ont pris ! Jamais je n'aurais dû accepter de prendre cet appartement, je suis sûre que les Grayson sont dans le coup, du moins Alan Grayson ! Il faut que tu m'aides à les récupérer.
Elle était paniquée, et malgré tout les doutes que j'avais eus ce soir, je savais au fond de moi qu'elle mentait. Elle prêchait le faux pour avoir le vrai, et il y avait quelque chose qu'elle ne voulait pas que je sache, quelque chose d'autre que sa relation avec Carl Pender. Elle alla dans la cuisine pour se servir un verre.
— Est-ce que ça a un rapport avec la mort de papa ? Est-ce que c'est ce qu'il savait ?
— Sara, les documents que j'avais, je les ai récupérés après la mort de ton père, il faut absolument qu'on les récupère ! Il n'y a que comme ça qu'on pourra les faire tomber !
— On ? Depuis quand on forme une équipe ? On s'est juste dit qu'on ne se mettrait pas en travers du chemin de l'autre ! Tu as dit à Josh qui j'étais, tu l'as fais pour me nuire et maintenant on est une équipe ?
Elle soupira et me regarda comme ma mère m'avait regardé il y a plus de quinze ans. J'avais raison, elle avait peur que quelque chose soit découvert.
— Il s'agit de ton père !
— Et comment je suis censée récupérer des documents qui sont en leur possession ? Ce ne sont pas des documents numériques !
— Réfléchis ! cria-t-elle. Si ces documents disparaissent, on ne pourra pas rendre justice à la mort de ton père ! Alors trouve une solution, c'est toi le cerveau ici pas moi !
Elle s'en alla en claquant la porte. Qu'est-ce qu'elle voulait cacher ? Je n'avais pas lu toutes les lettres que j'avais trouvées, et la réponse se cachait surement dans ces lettres. Je verrouillai la porte et allai m'enfermer au grenier, là où j'avais caché ce que j'avais trouvé chez elle. Il n'y avait que des lettres d'amour, rien d'autre qui pouvait la mettre dans cet état. Pourtant quelque chose me traversa l'esprit, quelque chose qui pourrait être vrai, qui expliquerait un sentiment qui me traversait depuis quelques semaines. Je rangeai tout et redescendis récupérer ce dont j'avais besoin.
Je dormis très peu et roulai jusqu'au laboratoire privé de la ville. J'avais dû soudoyer un stagiaire avec cinq mille dollars pour avoir les résultats dans la matinée. Je trépignais d'impatience, mon instinct m'avait conduit à cette conclusion et il fallait que j'aie raison. Il le fallait, sinon je perdrai confiance en moi et je ne pourrai pas continuer ce pour quoi j'étais arrivée.
Mon téléphone sonna à onze heures précises et je reconnus le numéro du labo.
— Mlle Morgan, j'ai vos résultats, dit le stagiaire. Je voudrais vous rappeler que ce que j'ai fait n'est pas censé être...
— Dites-moi ce qu'il en est ! le coupai-je.
— La maternité est confirmée, dit-il.
Je raccrochai, voilà ce que ma mère voulait à tout prix que je ne découvre pas, la raison pour laquelle elle m'avait encore menti.Alan Pender était mon demi-frère.
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