J'avais passé plusieurs jours à réfléchir à ce que je ferai de la vidéo que j'avais en ma possession, je ne voulais pas qu'Eric m'échappe, alors j'avais pris le temps de penser, d'anticiper les conséquences et surtout de ne pas compromettre mon plan final, il fallait qu'il soit présent, mais ça ne m'empêchait pas de détruire sa vie sociale et professionnelle.

J'avais découvert que la jeune fille s'appelait Claudia et qu'elle était la fille de Barthélemy Campbell le principal collaborateur de Carl Pender. J'allais diffuser la vidéo, c'était sûr, j'hésitai juste à la transmettre au journal local qui se ferait un plaisir de relayer l'information : la famille d'Eric était connue alors une info pareille sur lui ferait vite le tour de la ville.

J'avais décidé d'attendre quelques jours de plus, histoire de voir si j'avais de nouveaux éléments intéressants. C'était plus sage et raisonné.

Alan Pender était aux abonnés absents, je lui avais pourtant laissé un message en lui disant que je voulais lui parler, mais il n'avait pas répondu. Je trouvais ça louche, mais peut être qu'il avait quitté la ville.

Depuis mon retour d'El Paso, je voyais Matthew presque tous les jours, nous nous étions rapprochés appréciant mutuellement notre compagnie. Même si j'appréciais beaucoup Matt, Alex restait ma priorité, j'avais l'impression qu'il m'échappait et que nous devenions des inconnus l'un pour l'autre. On se contentait d'un vague bonjour, et il m'évitait la plupart du temps. Il était temps que je fasse le premier pas, je lui avais dit des choses qui l'avaient blessé et je l'avais tenu pour responsable de ce qu'il s'était passé avec Eric, de tout d'ailleurs...

J'avais guetté le moment où il se préparait à partir et me dépêchais d'aller l'attendre devant sa voiture, il ne pourrait pas m'esquiver. Il arriva quelques minutes plus tard, l'air épuisé, il ne m'avait pas vu.

— Bonsoir Alex, dis-je en le faisant sursauter.

Il avait des cernes et le teint pâle, j'avais l'impression qu'il avait pris un réel coup de vieux.

— Cassie ?

Il me regarda quelques secondes avant de plaquer son air indifférent.

— Est-ce que je peux t'aider ? demanda-t-il d'une voix neutre.

Il jouait bien son rôle, je devais l'admettre, mais je le connaissais et je savais que ce n'était pas lui. Je ne savais pas quoi lui dire alors je m'approchai et le serrai dans mes bras, ne prêtant pas attention au fait qu'il ne me rendait pas mon étreinte.

— Tu me manques, dis-je doucement.

Il se raidit à mes mots et soupira.

— Alex, je sais que je t'ai dit toutes ces choses, je le sais, mais est-ce qu'on peut discuter ? Je t'ai blâmé pour des choses qui ne concernaient que moi, et surtout j'avais peur.

Il ne bougea pas, et je me dégageai pour le regarder dans les yeux. Il était complètement perdu, en même temps avec ce que je lui avais dit, il y avait de quoi l'être.

— S'il te plait, on peut aller chez l'Italien ? Ou alors tu peux venir chez moi si tu veux, on sera plus tranquilles...

— Cassandra, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Tu avais raison sur beaucoup de choses, je ne suis pas celui qu'il te faut.

Il avait dit ça en me regardant dans les yeux, glacial.

— Alex, ne dis pas ça, c'est faux, je ne pensais pas tout ce que j'ai dit.

— Mais tu en pensais une bonne partie Cassie, et tu as raison. Il faut que tu penses à toi, que tu fasses passer tes sentiments en premiers et moi je ne suis pas quelqu'un pour toi. Je n'ai jamais pu avoir une relation sérieuse, ce n'est pas pour rien.

— Ce n'est pas toi le problème Alex, c'est mon histoire, dis-je presque désespérément.

— Je ne suis pas fait pour toi, Cassie, arrêtons là, c'est ce qu'il y a de mieux, tu trouveras quelqu'un d'autre, un homme qui saura prendre soin de toi, quelqu'un comme Matthew.

Qu'est-ce que j'avais fait ? Alex était en train de rompre avec moi et il semblait déterminé, chose que je n'avais absolument pas prévue. Il sortit ses clés de voiture et la déverrouilla.

— Ne fais pas ça, dis-je.

— C'est le mieux pour toi, mais aussi pour moi.

Je me plaçai devant sa portière, je devais être pathétique, mais j'étais complètement paniquée à l'idée qu'il me quitte vraiment.

— Pousse-toi Cassie, tu sais que j'ai raison, c'est la meilleure solution.

— Est-ce que tu m'aimes ?

— Laisse-moi monter s'il te plait.

— Réponds-moi, est-ce que tu m'aimes ?

Il ne dit rien, rien du tout... À cet instant, tout ce que je pensais de notre relation venait de se briser, je ne pouvais pas croire qu'il ne m'aimait pas, je savais qu'il m'aimait, il ne pouvait pas avoir joué un rôle, c'était impossible.

— Est-ce que tu as été sincère avec moi, Alexander ? Est-ce que... Non, je ne te crois pas, tu mens, je sais que tu m'aimes, je le sais et tu me l'as prouvé plusieurs fois. Laisse-nous une chance...

Je le regardai, je devais avoir l'air de le supplier, et c'était le cas, il ne pouvait pas me laisser.

— Cassie, je pense qu'on a tous les deux des choses à régler avant d'entamer une relation, tu le sais ? dit-il d'une voix douce.

— Tu n'as pas le droit... Tu n'as pas le droit de prendre toutes ces choses de moi et de me laisser après ! Tu n'as pas le droit de me faire me sentir vivante à nouveau pour mieux me tuer ! Non, tu n'as pas le droit, je suis vivante Alex, oui je souffre, oui j'ai mal, mais ça prouve que mon cœur vit toujours, tu n'as pas le droit de me faire ça alors que je t'aime. Tu m'as promis d'être là, d'être patient, tu as promis...

Je l'aimais, j'étais amoureuse de lui, je le savais et je le refoulais derrière ma mission, mais je l'aimais et je pleurai, car j'avais mal, il me faisait mal, à moi Cassie, mais surtout à Sara.

— Cassandra... je suis désolé, j'ai mal aussi ! On se fait du mal, tu ne le vois pas ?

— C'est de ma faute, dis-je en tentant de jouer une dernière carte. C'est toujours de ma faute, il avait raison, toi aussi, je comprends que tu veuilles me laisser, je suis toxique, il avait raison...

Je pleurai sincèrement et je vis passer du désarroi sur le visage d'Alex et je lui laissai le passage libre. Je me dirigeai vers ma voiture le cœur en miette, vivant, mais en miette, c'était la deuxième fois qu'Alexander Grayson me brisait le cœur, mais malgré ça, je ne voulais pas le blesser.

Il ne me suivit même pas, ne m'adressa pas un mot, mais je ne l'entendis pas monter dans sa voiture et sentais son regard sur moi.

J'avais perdu Alex et un réel avantage sur mon objectif, mais ça ne m'importait pas pour le moment, je ressentais une douleur lancinante dans mon cœur et je n'étais pas prête pour ça.

            **********

Chagrin d'amour, j'avais l'impression de comprendre ce que ça signifiait, même avec Josh je n'avais pas ressenti ça. J'avais joué et j'avais perdu, Alex m'avait menti, ou alors j'avais été trop loin avec lui, j'avais perdu de vue mon objectif et j'avais laissé mes sentiments prendre le dessus, ma plus grosse erreur.

Le lendemain fut le plus difficile, il fallait que je garde bonne figure, mais j'avais beaucoup de mal à plaquer un sourire faux sur mon visage. Je sentais que Sara avait besoin de craquer, de sortir, mais je ne pouvais pas laisser faire, pas maintenant. Je passai donc la matinée à utiliser mes forces pour ne pas craquer et allai m'enfermer comme une adolescente aux toilettes à la pause déjeuner pour pleurer. Matthew m'appela à ce moment-là et je me forçai à répondre pour me reprendre.

— Allô.

— Hey Cassie, où tu es ? je suis dans le hall, on va déjeuner ?

— J'ai pas faim, Matt, on se verra une autre fois.

— Qu'est-ce qu'il t'arrive, tu pleures ? T'es où ?

— Aux toilettes.

— J'arrive !

Il arriva quelques minutes plus tard et me prit dans ses bras.

— Cassie, tu sais que tu es chez les hommes ? Qu'est-ce qu'il se passe, c'est Grayson ?

— Il est parti, il m'a laissé tomber Matt, pleurai-je dans ses bras.

— Quoi ? ! Chut, ne pleure pas, ça va aller.

— C'est ma faute, j'aurais dû faire plus d'efforts, être moins compliquée...

— Tu n'es pas responsable, ne dis pas n'importe quoi ! C'est lui l'idiot, ne dis pas que c'est ta faute. Sortons d'ici, tu as besoin de prendre l'air.

Je me passai de l'eau sur le visage et le suivis à l'extérieur la tête baissée pour cacher mes yeux rougis. Il pouvait dire ce qu'il voulait, je savais que c'était de ma faute et surtout je ne pensais pas que je pourrais le récupérer.

Matthew tenta au mieux de me changer les idées, en insultant Alex, en disant qu'il ne me méritait pas, mais ça ne changeait rien à mon état, j'avais toujours aussi mal. D'ailleurs, je ne l'avais pas croisé aujourd'hui, à moins qu'il ne m'esquive comme il l'avait fait ces derniers jours, mais j'avais décidé de prendre les escaliers pour ne pas le croiser et apparemment il avait eu la même idée. Nous nous arrêtâmes en même temps, et je passai devant lui sans le regarder.

— Cassie, dit-il.

Si c'était pour voir de la pitié dans son regard, je préférai ne pas lui répondre.

— Attends Cassie s'il te plait, je veux juste qu'on discute.

— C'est bon, Alex, j'ai compris que tu ne voulais plus de moi, pas besoin d'en rajouter une couche. Je te laisserai tranquille, j'effacerai ton numéro, on gardera une relation professionnelle le temps que je resterai ici, ne t'inquiète pas.

— Attends, tu comptes partir ?

Je ne lui répondis pas et m'en allai. J'aurais dû le savoir depuis le début qu'Alex était un mauvais choix, j'aurais dû écouter mon instinct même si je savais que c'était le plus gentil de tous, celui qui serait le plus facilement accessible.

Ma décision de prendre le temps avant d'exposer Eric était la bonne, il fallait que je reprenne mes esprits, que j'attende le retour de ma mère et ce qu'elle préparerait. Je ne m'inquiétais pas de Callie Vasquez pour le moment, sa situation était assez chaotique pour qu'elle ne me pose pas de problème pour le moment. La seule que je n'avais pas atteinte était Skyler Johnson et le mieux à faire était de me concentrer sur elle et sa famille. Son père travaillait dans la finance, je savais qu'il s'occupait des comptes de Carl Pender et sa mère était médecin.

Elle occupait un poste d'analyste financier dans la boîte de son père, même si j'avais du mal à croire qu'elle avait le niveau. Je n'avais aucune affinité avec elle, je n'avais fait aucun effort pour l'approcher et je n'avais même pas analysé tout ce que j'avais récupéré dans son téléphone. J'occupai donc ma soirée comme ça et me rendis compte que la vie de Skyler était complètement inintéressante, elle fréquentait juste un certain Justin Baldwin, un trader sans intérêt, je n'avais rien du tout et il fallait que je trouve quelque chose.

Ça m'avait à peine pris deux heures et mes pensées se dirigèrent vite vers Alexander. Il ne me fallut pas longtemps pour comprendre que ma principale erreur avait été de le laisser dans le flou, je le laissais m'approcher pour mieux le repousser et même si nous nous étions rapprochés, il avait dû en avoir assez. Je n'aurais pas dû jouer comme ça avec lui, et surtout je ne pouvais pas me morfondre, il fallait que je trouve un plan pour qu'il revienne, au moins jusqu'à ce que j'ai terminé ce pour quoi j'étais revenue, après peu importait l'état émotionnel dans lequel je serais...

Je localisai son téléphone et vis qu'il était au Firehouse, je me préparai rapidement et y allai, notre rencontre serait un pur hasard. Je ne le vis pas en arrivant, pourtant il y était toujours, je trouvai une place au bar et m'installai en commandant un daiquiri, puis un autre et un autre ne prêtant pas attention aux mecs lourds qui me parlaient. Le bar n'était pas encore très bondé et je remarquai que je n'avais plus le signal de son téléphone, il l'avait surement éteint. Même ma pathétique tentative avait échoué, tant pis, je décidai de rester et de me saouler toute seule, comme ma mère. Moi qui pensais que nous n'avions rien en commun, ma réaction était exactement celle qu'elle aurait eue dans cette situation.

— Bonsoir, Cassandra.

Je tournai la tête et vis Alan Pender à côté de moi, il avait ce sourire particulier qui me mettait si mal à l'aise.

— Bonsoir, Alan.

— Qu'est-ce que tu fais toute seule dans un bar à te bourrer la gueule ? Je pensais pas que tu étais ce genre de fille.

— Tu ne me connais pas, répliquai-je.

Il rit et commanda un verre sans me répondre.

— J'ai eu ton message, tu voulais me parler ?

— Je voulais juste te remercier d'être venu chez moi lorsque Alex te l'a demandé.

— Tu pourrais être plus agréable, tu sais ? Et puis ce n'est rien, je connais Eric et ses travers...

Est-ce qu'il voulait dire qu'il savait ce qu'Eric avait fait ?

— Ton copain est ici, dans le même état que toi alors je suppose que vous vous êtes disputés ? demanda-t-il.

— Nous ne sommes plus ensemble, le reste ne te concerne pas !

— Grayson a pris la poudre d'escampette quand il a vu que tu avais aussi une histoire, c'est ça ?

Je lui fis face et le regardai vraiment, pour qui se prenait-il ?

— C'est quoi ton problème ? Ça t'amuse c'est ça ? Je voulais juste te dire merci, c'est fait, alors maintenant laisse-moi tranquille s'il te plait.

— Très bien, je te laisse.

Il termina son verre et se leva de son tabouret.

— Tu sais, je connais Alex, il faut juste que tu lui dises que tu as besoin de lui, dis-lui simplement.

— J'ai pas besoin de tes conseils ! Pour qui tu te prends ?

Il s'approcha et se pencha pour me murmurer à l'oreille :

— Sara, écoute mon conseil, tu arriveras à tes fins plus rapidement.

Mon cœur s'arrêta, est-ce que j'avais bien entendu ?

— Oui, j'ai fouiné lorsque j'étais chez toi et je suis tombée sur des vieilles lettres de ta mère, je me disais bien que tu étais louche, mais là, tu fais fort, très fort. On aura une petite discussion, plus tard, en attendant remets ton masque, Alex arrive et il t'a vu. Ne t'inquiète pas, je ne dirais pas un mot, tu pourras m'aider en retour. Allez, bois un verre, ça te redonnera des couleurs.

Il me tendit un verre et je m'exécutai sous le choc. Il savait, il avait fouillé dans mes placards, vraiment fouillé, et je n'avais rien remarqué. S'il savait, peut être qu'Alex se doutait de quelque chose aussi ? Il s'arrêta à ma hauteur et me regarda un moment avant de continuer son chemin sans m'adresser la parole.

J'avais perdu la reine de mon jeu et je ne savais pas si pourrais me relever après ce coup.