Chapitre 3 - Beer or not beer ? -
[Chapitre écrit par : Lilly Sebastian]
Debout devant le demi-miroir ébréché ornant l'intérieur de mon placard à vêtement, je rumine encore. Pourquoi j'accepterais son invitation déjà ? Parce-ce que je suis une idiote, me dis-je pour la centième fois au moins, en scrutant ma garde-robe anémique. Il est huit heure du matin et je suis déjà debout depuis deux heures, après une nuit inconfortable à me tourner et à me retourner, croisant le regard vert d'Ethan dès que je fermais les yeux. Pourquoi mon inconscient me torture-t-il comme ça ? Tout simplement parce que t'es en manque, pauvre gourde ! pensai-je en attrapant un jean et un chemisier noir, par dépit. Je viens juste d'attacher le dernier bouton lorsque l'on frappe à ma porte.
— Hello ! Moi c'est Martha, claironne une fille avec des lunettes orange et des cheveux roses, en ouvrant ma porte sans y avoir été invité. Tu veux t'inscrire au club d'échec ?
— Hé ! Tu aurais pu attendre que je te dise d'entrer, j'aurais pu être à... en sous-vêtements !
— Une porte ça se verrouille si tu ne veux pas être dérangé ! Alors, le club, ça t'intéresse ou pas ?
— Non merci, sans façon, je lui réponds, rebutée par son comportement et son débit de mitraillette.
— Tu as tort. Tu sais que faire partie d'un club universitaire est quasiment obligatoire ici ? En plus, chez nous, on est cool ! Bon, si tu changes d'avis, viens nous voir dans le hall principal de l'aile B. Tchao !
Toujours interloquée par cette entrée fracassante, je fais les deux pas nécessaire pour aller fermer la porte, que miss tornade rose avait évidemment laissé ouverte, histoire de préparer calmement mes affaires pour le premier cours de la journée. Je n'ai même pas le temps de mettre la main sur la poignée, qu'une nouvelle tête apparait dans l'entrebâillement, début d'un véritable défilé durant les vingt minutes suivantes. Presque tout y passa, du club d'informatique à celui d'auto-défense, en passant par le ping-pong, le club débat et l'incontournable journal de la fac. Il ne manquait plus que les pom-pom girls ! Mais vu ma dégaine générale et mon manque de grâce, elles avaient dû me rayer de leur liste d'office ! ironisai-je dans un soupir intérieur éloquent en réussissant enfin à fermer ma porte... qui se rouvrit aussitôt !
— Laisse-moi deviner, c'est pour un club ? soupirai-je à l'intru sans même me retourner. Ça va être quoi cette fois-ci ? Le rassemblement des marsupilamis sauteurs ?
— Ah, tiens, je le connaissais pas celui-là, s'esclaffa Ethan. Où est-ce qu'on s'inscrit ? ajoute-t-il avec un sourire ravageur tandis que je deviens rouge comme une pivoine.
— Que... qu'est-ce que tu fais là ? lui demandai-je, réfrénant mon irrépressible envie d'aller faire l'autruche sous ma couette.
— Envie de constater par moi-même l'étendu de ton... placard. Comme cela j'aurais plus de munitions pour intercéder en ta faveur auprès de mon père, m'explique-t-il en s'appuyant nonchalamment contre le chambranle de la porte.
— Mais non, je t'ai déjà dit que ce n'était pas la peine ! Ne fais pas ça, s'il te plait. Cette chambre n'est que provisoire et cela me convient très bien finalement, m'empressai-je de lui répondre, bafouillant dans ma précipitation.
— D'accord, d'accord, pas de soucis. Si c'est ce que tu préfères.
— Merci, me contentai-je de lui répondre ne sachant pas quoi lui dire d'autre.
— Pour être franc, je ne suis pas passé que pour ça. Tu ne m'as pas répondu hier, tu viendras boire un verre avec moi ce soir ?
Mes neurones s'emmêlèrent subitement et mon front se met à ressembler à une tomate bien mûre, tandis que je cherche frénétiquement quoi lui répondre dans mon cerveau en surchauffe. Le gentil sourire dont il me gratifie en attendant une réponse qui ne vient pas, me fait me sentir encore plus mal, tandis que je me dandine d'un pied sur l'autre, muette comme une carpe.
— Tu n'es pas obligé de me répondre tout de suite, me dit-il enfin, certainement pour abréger mes souffrances. Je suis déjà en retard à mon premier cours, alors je vais te laisser mon numéro. Je peux ? me demande-t-il en me désignant une feuille blanche coincée entre deux livres mal rangés.
Sans attendre mon hochement de tête, socialement très recherché, il en déchire un morceau et y griffonne son numéro avec un stylo tiré de la poche de son jean.
— Oubli pas de m'appeler ! me dit-il avec un petit clin d'œil en me tendant la feuille, avant de disparaître dans le couloir envahi d'étudiants.
Je reste immobile durant de longues secondes, le papier dans la main. Pourquoi ce mec mignon, sympa et apparemment populaire s'intéresse-t-il à moi ? Quelque chose devait m'échapper. A moins que ce ne soit une mauvaise blague ? Il avait peut-être perdu un pari ? Ça doit sûrement être ça, me susurra méchamment ma petite voix intérieure tandis que je finissais de préparer mon sac. Enfin prête et largement en avance, je sors de ma chambre, prête à affronter cette première journée de cours, qui, je le pressens, va être cauchemardesque.
Ce qui était encore très loin de la vérité, me lamentai-je, environ trois heures plus tard assise seule au self devant mon plateau insipide. Même prévoyante comme je l'avais été, j'avais réussi à me perdre et à arriver en retard à mon cours de littérature, finissant assise sur les marches d'un amphi plein à craqué. Malgré tous mes efforts, je n'avais réussi à entendre et à retranscrire qu'une partie du cours, avant de me faire pulvériser ma trousse par une boots agressive.
— Salut ! Je peux m'assoir ? me demande soudain une fille brune à queue de cheval.
— Si tu veux, il y a de la place, lui dis-je d'une voix morne en replongeant mon regard dans mon plat de spaghettis figés.
— Moi c'est Kathy, et toi ?
— Jane.
— Tu n'es pas très bavarde, dis-moi. Matinée difficile ?
— T'as pas idée, soupirai-je en relevant enfin la tête vers ma copine de tablée.
— Oh, c'est le premier jour, c'est normal. Tu verras, à la fin de la semaine, tu seras comme un poisson dans l'eau.
— Mouais, si tu le dis. Au fait, Kathy, tu ne serais pas là pour m'enrôler dans un club par hasard ? lui demandai-je, méfiante et surtout intriguée par son intérêt pour ma petite personne insignifiante.
— Non, pas du tout. Même si je fais partie du club de philo, ajoute-t-elle avec un demi-sourire entre deux bouchées de salade de pomme de terre. C'est juste que j'étais seule ce midi et que t'avais l'air sympa, alors me voilà.
— Tu es en première année aussi ?
— Oui, mais pour la deuxième fois !
—Ah, ok. C'est cool ! Heu, non, c'est pas ce que je voulais dire, m'enfonçai-je en bafouillant. Tu n'aurais pas le cours de ce matin, par hasard ? embrayai-je, gênée, le nez dans mes pâtes.
— Oh ne t'inquiète pas, j'assume totalement mon plantage total de l'année dernière. Et, franchement, si tu veux un cours digne de ce nom, tu ferais mieux de t'adresser à quelqu'un d'autre. Je ne suis pas la pro des prises de notes.
— D'accord... merci quand même, dis-je en essayant de cacher ma déception.
— Pourquoi ne demandes-tu pas à Ethan Wilson ? Je t'ai vu discuté avec lui ce matin.
— Parce qu'il était au cours avec nous ?
— Non, mais grâce à son père, il peut récupérer tout ce qu'il veut. Mais Jane, si je peux me permettre un petit conseil, fais gaffe avec lui, dit-elle d'un ton sérieux en se levant, son plateau désormais vide dans la main.
— Pourquoi ?
— Disons qu'il a... une certaine réputation, me répond-t-elle prudemment en repoussant sa chaise.
— Mais encore ?
— Disons juste qu'il n'est pas digne de confiance et restons-en là, d'accord.
Puis sans un mot de plus, elle part, me laissant seule et désemparée devant mon repas toujours intact. Ce qu'elle vient de m'apprendre ne m'étonne pas plus que cela. Pourquoi un mec tel qu'Ethan m'inviterait-il à boire un verre dès le premier jour si ce n'est pas pour se moquer de moi ou m'ajouter à son tableau de chasse ? Peinée et humiliée, je récupère mon portable dans la poche de ma veste et d'un doigt rageur cherche le numéro d'Ethan dans mon répertoire. Avant de céder à la colère et de l'appeler sur un coup de tête, je me raisonne et finis par opter pour un sms. Alors que je m'apprête à envoyer le message lui opposant un « non » retentissant, j'hésite, le doigt au-dessus de l'icône. Et si, pour une fois, je prenais les choses en mains au lieu de subir sans réagir ?
[Chapitre suivant : Olivia]
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