Matthew s'arrêta devant l'hôtel où était descendu Mario et Aleja.

- Nous y sommes, dit Matthew lorsqu'il vit que je ne bougeai pas.

Tout me paraissait surréaliste, inachevé. J'avais du mal à croire que c'était ceux contre qui j'avais oeuvré pendant si longtemps, qui avaient fait le choix de ne pas m'accabler, de m'aider. Quelque chose n'allait pas, mon cerveau tournait à plein régime, il y avait forcément anguille sous roche.

Callie était portée disparue, Jonathan était en prison et n'avait apparement rien dit de compromettant me concernant, du moins n'avait aucune preuve. Même si j'avais pu récupérer un certain nombre de choses chez sa soeur, je ne pouvais pas croire qu'il n'avait pas été plus prudent que ça.

- Cassie?

- Appelle moi Sara s'il te plaît Matthew, dis-je en me tournant vers lui. Je suis Sara Parker.

Il fronça les sourcils mais hocha la tête avant de déverrouiller la portière.

- Va retrouver ta fille et ton ami. Tu as vu je t'ai donné goût aux latinos, je savais que t'avais craqué sur moi, ajouta t-il en me faisant un clin d'oeil.

Je ne pus m'empêcher de sourire, il n'avait pas changé et il ne semblait pas m'en vouloir.

- Je suis désolée d'avoir disparu sans donner de nouvelles, je ne pouvais pas...

- Je sais, maintenant que je connais toute l'histoire, je comprends.

- Je n'ai pas fais semblant de t'apprécier Matthew...

- Non tu m'as juste utilisé pour avoir des informations sur Jonathan, c'est tout, mais je ne t'en veux pas Sara Parker. Maintenant sors de ma voiture, ça commence à devenir trop sentimental tout ça.

Je sortis de la voiture et entrai dans l'hôtel.

- Bonjour, puis-je vous aider? me demanda le réceptionniste.

Lorsqu'il leva les yeux il eut un mouvement de recul.

- Ma fille et mon ami sont descendus ici, Mario Gomez.

Il décrocha le téléphone.

- Mr Gomez, j'ai Sara Parker qui souhaiterait vous voir... Très bien, je la fais monter. Chambre 2307 au quatrième étage, me dit-il.

J'ignorai son regard méfiant et je me dirigeai vers l'ascenseur. Arrivée devant la porte, j'hésitai un instant, comment allait réagir Aleja et Mario? La porte s'ouvrit avant que je ne frappe et Carmen me fit face.

- Je savais que tu étais derrière cette porte, à te poser un million de questions, dit-elle en me faisant entrer. Ne fais pas de bruit, Aleja duerme.

Je n'osai pas la regarder, Carmen était comme une grande soeur pour moi, elle m'avait vu pleurer pendant des heures, chaque nuit avant que je n'accouche. Elle était restée avec moi, m'avait soutenu et avait été là pour moi à chaque moment. Je lui avais menti depuis le début, et pourtant elle ne semblait pas m'en vouloir.

- Heureusement que je t'ai apporté des affaires, tu fais peur à voir. Je t'ai fais couler un bain, viens avec moi.

Elle m'entraîna dans la salle de bain et je passai devant Mario qui me dévisagea sans un mot. J'entrai dans la salle de bain et Carmen me déshabilla, et me fit entrer dans la baignoire.

- Je te changerai tes pansements, tu sais que j'ai été infirmière avant? Oui je t'ai déjà raconté cette histoire un million de fois, je sais, dit-elle en riant.

Elle resta silencieuse et me regarda longuement.

- Mon frère est anéanti Ana, tu lui as brisé le coeur mais il reste malgré tout, reprit-elle.

- Je ne voulais pas...

- Je sais que tu ne voulais pas, tu savais depuis le début que tu allais le faire souffrir, c'est pour ça que tu as mis autant de temps à te laisser aller. Six ans, c'est ce qu'il t'as fallu pour que tu t'ouvres à un autre homme...

Je m'apprêtai à répondre mais elle m'arrêta.

- Je ne t'en veux pas Ana, une partie de toi a toujours aimé le père d'Aleja et l'aime toujours. Il va s'en remettre mon frère, ça va prendre du temps mais il va s'en remettre. Mais ne nous enlève pas Aleja, c'est notre bébé, ça, ça nous tuera Ana.

- Jamais, répondis-je vivement. Vous faites partis de sa vie et elle de la votre, je ne ferai jamais ça Carmen.

- Je le sais, mais il faut que tu le dises à Mario, pour le rassurer, il en a besoin. Et une fois qu'on sera de retour à San Diego, tu m'expliqueras tout ce qu'il s'est passé.

- Je ne peux pas retourner à San Diego.

- Pourquoi?

- Pour Aleja Carmen! Tout le monde connait mon histoire, tout le monde sait que je suis sa mère, elle va beaucoup trop souffrir.

- Alors quoi? Tu vas partir? Tu vas disparaître? Ne fais pas ça Ana!

- Je ne vais pas disparaître Carmen, il faut que je la préserve au maximum, tu sais que c'est la meilleure chose à faire. Mais ça ne changera rien pour vous, rien du tout.

Elle ne répondit pas, mais je savais qu'elle avait du mal à accepter ce que je venais de lui dire.

- Promets moi qu'on vous verra toujours, je veux que ce soit toi qui me le promettes, Ana, Cassandra ou Sara peu m'importe, je veux que ce soit toi qui me le promettes, la femme que j'ai connu pendant ces dernières années. Celle que j'aime, mi hermanita, prometéme!

- Je te le promets Carmen, dis-je en la regardant dans les yeux.

Elle hocha de la tête et alla prendre un peignoir avant de le poser sur le meuble à côté de moi.

- Je te laisse quelques minutes, je vais chercher de quoi refaire tes pansements.

Elle s'en alla et Mario entra.

- Aleja s'est réveillée, je ne lui ai pas dis que tu étais là, je laisse Carmen refaire tes pansements avant, dit-il sans me regarder.

Il resta quelques secondes silencieux.

- Pourquoi tu es sortie? Tu étais en état d'arrestation pour enlèvement séquestration et torture non? La logique voudrait que tu sois mise en examen, placée en détention provisoire en attendant ton procès, ou alors tu aurais au moins du comparaître pour fixer une caution ou non. Alors qu'est-ce qu'il s'est passé?

- Ils ont interrogé les autres et personne n'a confirmé ce qu'elle avait dit, ils ont une vidéo mais ça ne constitue pas une preuve suffisante.

- Alors quoi, ce sont eux qui t'ont sauvé la mise? Alors que tout est vrai?

Je ne répondis pas, je savais que tout était vrai, comme ce qu'ils m'avaient fait, tout était vrai.

- Tu n'y crois pas n'est-ce pas? Tu ne crois pas que tout soit terminé, tu te demandes où est le problème? Tu ne crois pas au pardon Ana, parce que depuis toutes ces années tu as été incapable de pardonner, à toi et aux autres.

Il sortit de la salle de bain, me laissant seule avec moi même. Il avait raison, j'avais du mal avec le pardon, depuis toujours, Eric, Annie, Skyler, Clara, Callie, Alex, ma mère, mon père et surtout moi même. Le pardon, la rédemption, j'avais l'impression que toutes ces choses n'étaient pas faites pour moi, que je ne les méritais pas. Que  je n'en étais pas digne, mais pourtant, si j'en croyais bien ce qu'il venait de se passer, ils avaient décidé que j'en étais digne, ils avaient décidé que tout devait s'arrêter, qu'il était temps, que tout avait duré trop longtemps.

Je laissai Carmen refaire mes pansements sans dire un mot.

- Aleja pourra être dure avec toi, elle a été bouleversée par tout ça alors ne lui en veux pas. Elle veut aller passer quelques jours à San Juan, tu devrais accepter, ça lui fera du bien.

- Quoi? Elle veut partir?

- Elle a besoin d'être loin de tout ça, même si ça à l'air terminé, il reste encore quelques détails à régler.

Je savais qu'elle avait raison, Aleja avait besoin d'être loin de tout ça mais je devais être avec elle, c'était crucial. Carmen termina son pansement et je sortis de la salle de bain retrouver ma fille. Elle était devant la télé, avec Mario, regardant un dessin animé.

- Alexandra? appelai-je.

Elle se retourna et me regarda avant de se tourner de nouveau face à la télé. Je m'approchai d'elle et m'installai sur le lit.

- Tu regardes le roi lion, observai-je. Tu te souviens peut être pas, mais on a été voir le spectacle avec Mario lorsque tu avais quatre ans.

Elle ne répondit pas, cette attitude, elle la tenait de moi, elle m'ignorait royalement.

- Alors tu veux aller passer quelques jours à San Juan?

- Oui, je veux pas retourner à l'école.

- Je comprends, on pourra y aller dans quelques jours, lui proposai-je.

Elle regarda Mario mais ne me répondit pas.

- Aleja voudrait y aller aujourd'hui, dit-il.

- Est-ce que tu peux nous laisser Mario? demandai-je à ce dernier.

Il sortit de la chambre et je me retrouvai seule avec ma fille. Il ne fallait pas que j'oubli que c'était moi la mère, malgré la culpabilité qui me rongeait, j'étais sa mère.

- Très bien écoute moi attentivement Alexandra. Je comprends que tu sois en colère contre moi, je t'ai menti, sur beaucoup de choses, alors tu as le droit de m'en vouloir. Mais n'imagine pas une seule seconde que je vais te laisser. Tu es en colère? Pas de problème, mais on reste ensemble, quoi qu'il arrive! Tu es ma fille, je t'aime plus que tout, je ferai tout pour toi, tout Aleja. Je ne partirai pas, même si tu refuse de me parler pendant des jours et des jours, je serai là et j'attendrai parce que je t'aime.

Elle me regarda enfin et me fit un début de sourire avant de retourner à son dessin animé. Je m'approchai d'elle et lui pris la main en regardant le dessin animé.

- Tu veux vraiment partir aujourd'hui? demandai-je.

- Oui maman.

- J'ai quelques détails à régler mais je te rejoindrai le plus vite possible, dans deux ou trois jours.

- Est-ce que Alexander pourra venir aussi?

Je ne m'attendais pas à cette question.

- Je lui poserai la question, mais je pense qu'il sera d'accord.

- Jessica est très gentille, elle m'a dit que je pourrai venir au ranch et monter avec elle.

- Oui elle est gentille...

Nous regardâmes le dessin animé main dans la main et voir son sourire me réchauffa le coeur. C'était à ça que ressemblait le pardon, au sourire de ma fille, le sourire de son père.