Chapitre 32
Lorsque j'avais commencé tout ça, me faire attraper avant que tout soit terminé n'avait jamais été une option, jamais. Mon plan b était de tous les détruire avant de fuir, même si on découvrait mon identité avant, j'aurais causé le maximum de dégâts, ça c'était Cassandra Morgan.
Aujourd'hui j'étais une mère de famille et tout ce pourquoi j'aurais tout donné avant, toute cette vengeance, n'avait plus de sens pour moi. Je voulais juste être la mère d'Alexandra, rien d'autre. Et je savais que ce pour quoi j'aurais donné ma vie aujourd'hui, était la conséquence directe de la situation dans laquelle je me trouvais, je n'étais plus dans le coup, je ne voulais plus l'être.
J'avais toujours su que je paierai le prix des malheurs que j'avais engendré, mais pas de cette façon, pas en me retrouvant menottée, au poste de police, accusée d'un crime que j'avais commis certes, mais pour lequel en principe, aucune preuve n'existait.
J'avais pris mes dispositions depuis bien longtemps si jamais il m'arrivait quelque chose, j'avais désigné Mario comme tuteur légal, il serait le seul gestionnaire de mon patrimoine jusqu'à ce que ma fille atteigne sa majorité. Âge auquel elle aurait reçu une lettre de ma part, lui expliquant les choix que j'avais fais et qu'elle ne devait en aucun cas reproduire, lui disant qui j'étais vraiment, et à quel point elle devait se battre pour devenir la personne qu'elle voulait être. Aujourd'hui tout était différent, elle connaissait son père, et il se battrait pour elle, quitte à écraser Mario, c'était certain.
- Sara Parker, dit une femme en entrant dans la pièce. Je me souviens de vous.
Je levai les yeux vers elle et son visage me ramena près de vingt ans en arrière. Catherine Calum, c'était elle qui avait pris ma déposition ce soir là à l'hôpital.
- Je me souviens de vous aussi, répondis-je.
- J'étais une jeune officière à l'époque, aujourd'hui je suis inspecteur.
- C'est votre façon de vous excuser d'avoir mal fait votre travail? Ou alors ça justifie le fait que vous ayez été soudoyée par Carl Pender?
- C'est pour cette raison qu'il est mort? Pour avoir voulu protéger son fils?
- Protéger son fils? Si votre fils était un violeur le protégeriez-vous? demandai-je.
- Si ma fille avait subi ce que vous avez subi, j'aurai tout fait pour l'aider à se reconstruire.
- Dommage que vous ne soyez pas ma mère alors...
Elle joignit ses mains avant de me regarder.
- Toutes mes condoléances.
- Est-ce que vous allez commencer à m'interroger, ou alors dois-je attendre mon avocat?
- Votre avocat ne pourra rien faire, à part négocier une peine.
Lorsqu'elle dit ça, je me retins de tressaillir. Je passai en revue chacune de mes actions, la seule explication serait que Tao ait une vidéo du moment passé dans ma cave et qu'il les ai remis à Callie, mais ça me semblait improbable.
- Enlèvement, torture et séquestration, c'est ça? Tous ces chefs d'accusations cumulés, me feraient passer le reste de ma vie en prison, s'ils s'avéraient vrais...
Elle ouvrit l'ordinateur portable qui se trouvait sur la table et le tourna dans ma direction avant de lancer une vidéo. On voyait clairement Callie Vasquez se faire enlever dans une ruelle près de chez elle, l'homme sur la vidéo, ne portait même pas de cagoule, ni de masque, rien, il était identifiable. Une suite d'image apparut, Austin était équipée en caméra de surveillance, et le véhicule avait été vu, roulant au centre ville, puis prenant la direction de Great Hills avant de s'arrêter devant ma maison, entrer dans mon garage et ressortir quelques minutes plus tard. Même si on voyait tout ça de loin, c'était surement la caméra à l'entrée du quartier qui avait filmé le camion avant que je ne la coupe, et c'était bien ma maison.
- L'homme sur la vidéo s'appelle Garret Mills, il dit qu'il a été contacté pour organiser l'enlèvement de quatre femmes ce jour là, et de les ramener à votre adresse, comment vous pouvez l'expliquer?
- C'est fou... Il y a des gens qui en payent d'autres pour faire ce genre de choses? Vous savez surement que je n'étais plus à Austin à ce moment là.
- Je sais bien, Cassandra Morgan a pris un avion en direction de New-York la veille, mais une certaine Sara Parker a atterrie à Austin le même jour, d'un vol en provenance de Long Island, vous n'avez pas été très loin.
Je ris pour me donner contenance.
- Sara Parker est un nom si courant... J'étais bien à New-York, vous pouvez vérifier, plusieurs personne m'ont vu.
Elle referma l'ordinateur et croisa les bras.
- Je comprends que vous ayez eu envie de vous venger, c'est humain, et vu votre histoire, tout le monde comprends. Il suffit de voir les réactions de tous lorsque votre histoire a été révélée, tout le monde est de votre côté, même la presse en général.
- Je n'ai pas besoin qu'on soit de mon côté, je ne suis pas coupable du crime dont vous m'accusez. M'arrêter sur une preuve aussi faible... Quel juge vous a signé le mandat? Le même que celui qui a décidé d'étouffer mon affaire, parce que les noms Grayson et Pender étaient impliqués?
- Sara, nous sommes en ce moment en train d'interroger Annie Clarke, Skyler Johnson, Clara Rossi, Eric Pender et Alexander Grayson. Ils étaient tous là n'est-ce pas? Calliope Vasquez nous a tout raconté, dans les moindre détails.
- Elle vous a aussi dit que si elle était encore en vie aujourd'hui c'était grâce à moi?
- Ce n'est plus qu'une question de minutes Sara, réfléchissez à ce qui est le mieux pour votre fille... Lorsque les autres victimes auront confirmé, vous serez certainement placés en détention provisoire, puis vous irez en prison, pendant de très longues années et votre fille vivra chez son père, ajouta t-elle.
La vidéo ne constituait pas une preuve suffisante, aucun jury ne me déclarera coupable sur ce seul élément. Par contre le témoignage de tous les autres pouvait m'être fatal, le fait que ma mère ait avoué avoir tué Carl Pender les libérait de la menace que Tao avait fait planer sur eux toutes ces années.
J'étais seule et j'avais perdu, seul Alex, peut être, dirait que c'est faux, mais sa parole pourrait rapidement être mise en doute étant donné notre relation. Tout ce qu'Assim allait trouver porterait préjudice à Alex et je ne pouvais pas le faire, je ne pouvais pas détruire des vies, encore une fois. Aleja saurait tout, elle saurait tout ce que j'avais fais et je ne pourrais même pas lui donner ma version de l'histoire, même si je le faisais elle ne me croirait pas. Elle m'en voulait pour tous mes mensonges, et leurs conséquences. J'avais perdu à chacune des étapes de ma vengeance, il y a plus de vingt ans lorsqu'ils s'en étaient sortis, il y a sept ans, lorsque j'avais plus souffert que n'importe qui et aujourd'hui, parce que j'étais seule.
Vivre dans le passé, se nourrir de ce besoin de vengeance, en être aveuglée, tout ce là était vain. Les choix que j'avais fais avaient été les mauvais, du début à la fin, la seule chose positive qui en était sorti, c'était Alexandra. Comme disait Ambroise Rendu, " La vengeance est un aveu de douleur, c'est le triste plaisir d'un petit esprit et d'une âme malade. Il y a grandeur et noblesse à imiter ce fier lion qui écoute sans nul soucis, les aboiements d'une meute de petits chiens"
La plus belle des vengeances aurait été de triompher sous leurs yeux, de devenir la femme intelligente, heureuse, pleine de succès et de pouvoir que j'avais crée pour arriver à mes fins, et de les mépriser, ouvertement. Mais malgré tout, je devais nier, jusqu'au bout.
La porte s'ouvrit et un officier fit signe à l'inspecteur Calum qui se leva et sortit quelques secondes avant d'entrer à nouveau. Son regard était satisfait et un léger sourire en coin était plaqué sur ses lèvres.
- Votre avocat est en chemin, dit-elle.
- Mais ce n'est pas ce qu'on vient de vous annoncer.
- Les interrogatoires sont terminés, vous n'avez toujours rien à dire?
- Je pense que je vais attendre mon avocat, répliquai-je.
- Est-ce que vous avez choisi votre cursus dans le but d'arriver à vos fins? Vous savez que MIT peut vous poursuivre en justice pour ce que vous avez fait?
- Qu'est-ce que j'ai fais?
- Vous avez été embauchée grâce à votre diplôme d'ingénieur, vos références ont surement été vérifiées alors vous avez falsifié...
- Vous avez vérifié? coupai-je. C'est votre spécialité d'accuser sans preuves et de laisser s'en sortir les vrais coupables?
- Il n'avait jamais été question d'un viol à l'époque Sara.
- Par contre la torture, la séquestration, l'agression sexuelle non? Vous m'accusez d'un crime dont j'ai été victime lorsque j'avais quatorze ans!
- C'est Calliope Vasquez qui vous accuse.
- C'est sur qu'on donnerait le bon Dieu sans confessions à une alcoolique... C'est juste une histoire de jalousie, rien d'autre.
- Vous savez la vérité finit toujours par éclater Sara, toujours... En tant que mère de famille, vous ne pensez pas que la meilleure décision est de prendre ses responsabilités?
- Vous êtes mal placée pour parler de vérité, vous avez commencé votre carrière dans un mensonge, est-ce que vous avez pris vos responsabilités? Vu le nombre de victime d'Eric Pender, il doit y avoir des autres Sara Parker, vous ne pensez pas?
- Aucune d'entre elle n'a été aussi loin que vous, aucune n'a patienté quinze ans pour se venger, aucune n'a été responsable de la mort d'un homme, et de sa propre mère, ajouta t-elle.
Lorsqu'elle prononça cette phrase, je perdis mon sang froid.
- Un homme qui a protégé un violeur récidiviste, qui a escroqué des dizaines de personnes, qui est complice de la mort de mon père et vous le savez parfaitement! C'était encore vous qui étiez en charge de l'enquête de la mort de mon père! Alors quand une famille a été complètement détruite, un corps marqué à vie, et les responsables libre comme l'air de répéter encore et encore leurs crimes en toute impunité, qu'est-ce que quinze ans....
La porte s'ouvrit et Matthew entra.
- Bonjour inspecteur, je pense que vous pouvez ôter les menottes de ma cliente, dit-il.
L'inspecteur Calum me regarda longuement.
- Tous les témoignages vont contre les accusations de Calliope Vasquez alors ma cliente est libre de partir n'est-ce pas?
Je soutins son regard et elle finit par regarder Matthew.
- Effectivement, la vidéo ne suffit pas, vous êtes libre.
Elle s'approcha et m'ôta les menottes.
- Ma cliente est innocente, et vous n'aurez jamais dû l'arrêter avec une preuve aussi légère que la parole d'un junkie, et une cette vidéo. Vous n'avez jamais pensé qu'il puisse s'agir d'une mise en scène? Pourquoi cette vidéo apparaît seulement maintenant alors qu'elle est vieille de sept ans? Viens, on y va! ajouta t-il en me regardant.
Je le laissai me pousser et ne pus m'empêcher de faire un clin d'oeil à l'inspecteur Calum.
- Je sais que c'est vous Sara, je finirai par le prouver.
- Bonne chance...
Matthew m'entraîna jusque la sortie et s'arrêta pour me regarder.
- C'est terminé Cassie, tu...
Je ne l'écoutais plus. Mon regard dévia derrière lui et je les vis, Annie Clarke, Skyler Johnson, Clara Rossi et Eric Pender. Ils avaient menti, ils avaient dit que je n'avais rien fais, et qu'ils n'avaient jamais subi tout ce que je leur avais fais subir. Je ne savais pas ce que ça voulait dire, mais ils ne pouvaient pas m'avoir pardonné, ils avaient certainement leurs raisons. Je m'approchai d'eux en poussant sur les roues de mon fauteuil et les regardai un à un.
- Sara, je sais que ça n'efface pas ce que je t'ai fais ce soir là, je sais que tu ne me pardonneras jamais, mais je fais tout ce que je peux pour devenir un homme meilleur, me dit Eric Pender.
- Je pense qu'il est temps qu'on reprenne tous nos vies, ajouta Annie Clarke.
- Moi je le fais pour Alex, rien d'autre, siffla Skyler Johnson.
- On a tous beaucoup perdu, nos erreurs ne nous définissent pas, mais elles ont contribué à faire de nous ce qu'on est aujourd'hui. On doit tous se pardonner et avancer, alors je te pardonne Sara et je te demande pardon, termina Clara Rossi.
Ils me regardèrent tous une dernière fois et s'en allèrent chacun de leur côté. C'était tout? Ils avaient décidé d'avancer et de ne pas me faire payer? C'était terminé? Juste comme ça?
- Tu veux que je te dépose quelque part?
Je le regardai perdue, ça ne pouvait pas être aussi simple, c'était vraiment terminé?
- Mario et ta fille sont à leur hôtel, tu veux que je t'y dépose?
J'acquiesçai en silence, je me sentais mal, j'avais un poids sur le coeur, un poids que je connaissais bien, celui de la culpabilité. Je me sentais coupable.
- Tu peux te lever? me demanda t-il.
J'étais sortie de l'hôpital en fauteuil, encore trop faible pour marcher, mais j'allais mieux. Je me levai et montai dans la voiture de Mathew, j'étais sortie libre, j'étais libre et j'allais retrouver ma fille.
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